Theoreme de Hille-Yosida

Theoreme de Hille-Yosida

Théorème de Hille-Yosida

En théorie des semi-groupes, le théorème de Hille-Yosida est un outil puissant et fondamental reliant les propriétés de dissipation de l'énergie d'un opérateur non borné A : D(A) \subset X \longrightarrow X à l'existence-unicité et la régularité des solutions d'une équation différentielle (E) \begin{cases} x'(t) = Ax(t) \\ x(0) = x_0 \end{cases}.


Sommaire

Semi-groupes

La théorie des semi-groupes doit son origine à l'étude du flot d'une équation différentielle ordinaire autonome en dimension finie ainsi que de l'exponentielle d'opérateurs.

Définitions

  • Soit X un espace de Banach; on dit que la famille d'opérateurs linéaires \left(S(t)\right)_{t\geq0} est un semi-groupe (fortement continu) si :
(i) \forall t\geq 0, ~ S(t)\in\mathcal{L}(X)
(ii) S(0) = Id_{\mathcal{L}(X)}
(iii) \forall (s,t) \geq 0, ~ S(s+t) = S(s) \circ S(t)
(iv) \forall x \in X, ~ \lim_{t \rightarrow 0^+}S(t)x=x

La condition (iv) est équivalente à ce que \forall x\in X, ~ t \mapsto S(t)x ~ \in \mathcal{C}^0(\mathbb{R}^+,X). Si on remplace (iv) par (iv) * : \lim_{t \rightarrow 0^+}||S(t)-Id||_{\mathcal{L}(X)}=0 on dit que \left(S(t)\right)_{t\geq0} est uniformément continu.

On retrouve (vaguement) avec cette définition la notion de famille à un paramètre de difféomorphismes bien connue en théorie des EDO.

  • On définit le générateur infinitésimal (A,D(A)) d'un un semi-groupe fortement continu \left(S(t)\right)_{t \geq 0} comme l'opérateur non borné A : D(A) \subset X \longrightarrow X où:
D(A)=\{ x\in X, ~ \lim_{t \rightarrow 0} \frac{S(t)x -x}{t} \text{ existe}\}
\forall x \in D(A), ~ Ax = \lim_{t \rightarrow 0} \frac{S(t)x -x}{t}

Dans le cas où D(A) = X et A \in \mathcal{L}(X) la famille d'opérateurs \left(e^{tA}\right)_{t \geq 0} (définie classiquement par sa série) est un semi-groupe fortement continu de générateur infinitésimal A: c'est pourquoi on note parfois abusivement S(t) = etA.

  • On dit que le semi-groupe \left(S(t)\right)_{t\geq0} est de contraction si \forall t \geq 0, ~ ||S(t)||_{\mathcal{L}(X)}\leq 1.

Propriétés des semi-groupes de contraction

  • Théorème 1: soit X un espace de Banach, \left(S(t)\right)_{t\geq0} un semi-groupe de contraction sur X et (A,D(A)) son générateur infinitésimal. Alors:
(i) \forall x \in X le flot t \mapsto S(t)x \in \mathcal{C}^0(\mathbb{R}^+,X)
(ii) \forall x \in X et \forall t \geq 0 S(t)x \in D(A), le flot t \mapsto S(t)x \in \mathcal{C}^1(\mathbb{R}^+,X) et vérifie x'(t) = Ax(t)
(iii) (A,D(A)) est fermé de domaine dense.
  • Théorème 2 (caractérisation des générateurs infinitésimaux): soit A : D(A) \subset X \longrightarrow X un opérateur non borné sur X. On a l'équivalence:
(i) (A,D(A)) est le générateur infinitésimal d'un semi-groupe de contraction
(ii) D(A) est dense et pour toute condition initiale x_0 \in D(A) il existe une unique solution t \mapsto x(t) \in \mathcal{C}^1(\mathbb{R}^+,X) de (E).

De plus sous cette hypothèse la solution x(t) est à valeurs dans D(A) et vérifie ||x(t)||_X \leq ||x_0||_X ainsi que ||x'(t)||_X \leq ||Ax(t)||_X \leq ||Ax_0||_X (inégalités d'énergie).

On commence à voir apparaître le lien entre le problème (E) et la notion de semi-groupe. Pour préciser, il faut maintenant introduire la notion d'opérateur dissipatif.

Opérateurs dissipatifs

Définitions

  • Un opérateur (A,D(A)) est dissipatif si \forall x\in D(A) \text{ et } \forall \lambda >0, ~ ||x-\lambda Ax|| \geq ||x||. Dans le cas où X = H est hilbertien on montre que A est dissipatif si et seulement si \forall x\in D(A) ~ \mathfrak{Re}(<Ax,x>_H) \leq 0.

Remarque: Si (A,D(A)) est un opérateur dissipatif alors \forall \lambda > 0 l'opérateur (Id − λA) est injectif car (I-\lambda A)x = 0 \Rightarrow 0 \leq ||x|| \leq ||(I-\lambda A)x||=0 \Rightarrow x= 0.

  • Si de plus \forall \lambda >0, ~ Id - \lambda A est surjectif on dit que (A,D(A)) est maximal-dissipatif (ou m-dissipatif). On peut montrer que \forall \lambda >0, ~ Id - \lambda A ~ \text{surjectif} \Leftrightarrow \exists \lambda_0 ~ tq ~ Id - \lambda_0 A ~ \text{surjectif}. En pratique pour montrer qu'un opérateur est m-dissipatif on montre d'abord à la main qu'il est dissipatif et on résout ensuite un problème variationnel pour une valeur λ0 bien choisie (par exemple avec le théorème de Lax-Milgram, voir exemple de l'équation de la chaleur traité plus bas).

Dans ce cas l'opérateur (Id − λA) est un isomorphisme (a priori non continu) de L(A,X) et on note Jλ = (Id − λA) − 1. De plus, comme ||J_{\lambda}y||_X \leq ||(Id-\lambda A)[J_{\lambda}y]||_X \leq ||y||_X, J_{\lambda} \in \mathcal{L}\left((X,||.||_X),(D(A),||.||_X)\right). Nous allons voir que cette propriété de continuité peut être améliorée (on va rendre moins fine la topologie sur (D(A), | | . | | X) en munissant D(A) d'une norme | | . | | D(A)).

Propriétés des opérateurs m-dissipatifs

Prop 1: si (A,D(A)) est m-dissipatif alors c'est un opérateur fermé.

Corollaire 1: pour x \in D(A) on pose | | x | | D(A) = | | x | | X + | | Ax | | X. Alors | | . | | D(A) est une norme pour laquelle D(A) est un espace de Banach et A \in \mathcal{L}\left((D(A),||.||_A),(X,||.||_X)\right).

Prop 2: si H est un espace Hilbertien et A : D(A) \subset H \longrightarrow H est m-dissipatif alors il est à domaine dense.

Prop 3: réciproquement si A : D(A) \subset H \longrightarrow H est de domaine dense, dissipatif, fermé et tel que son adjoint (A * ,D(A * )) est dissipatif alors (A,D(A)) est m-dissipatif.

Corollaire 3: toujours dans le cadre hilbertien

(i) si (A,D(A)) est dissipatif autoadjoint à domaine dense alors il est m-dissipatif
(ii) si (A,D(A)) est antioadjoint à domaine dense alors il est m-dissipatif

Remarque: dans (ii) la condition de dissipativité n'est pas nécessaire car (A,D(A)) autoadjoint entraîne que < Ax,x > H = 0 donc la dissipativité, voir l'exemple de l'équation des ondes plus bas.


Théorème de Hille-Yosida

Enoncé

  • Théorème 3 (Hille-Yosida): soit X un espace de Banach et A : D(A) \subset X \longrightarrow X un opérateur non borné. On a l'équivalence
(i) (A,D(A)) est m-dissipatif à domaine dense
(ii) (A,D(A)) est le générateur infinitésimal d'un semi-groupe de contraction

Le point (i) du théorème précédent peut être réécrit en termes de résolvante : (i') (A,D(A)), opérateur fermé à domaine dense, vérifie  (0,+\infty) \subset \rho(A) et  \forall \lambda > 0 \; \|R_\lambda\| \leq \frac{1}{\lambda} .


Ainsi sous ces hypothèses et d'après le théorème 2 pour toute condition initiale x_0 \in D(A) il existe une unique solution forte t \mapsto x(t) dans \mathcal{C}^0(\mathbb{R}^+,(D(A),||.||_{D(A)})) \bigcap \mathcal{C}^1(\mathbb{R}^{+*},(X,||.||_X)). Lorsque la condition initiale est prise quelconque dans X on a une solution faible t \mapsto x(t) = S(t)x de classe seulement \mathcal{C}^0(\mathbb{R}^+,(X,||.||_X)) ( et on montre que toute solution faible est limite dans X de solutions fortes).

Régularité des solutions

On constate que la régularité de la solution est étroitement liée au choix de la condition initiale en fonction du domaine de A: il est donc naturel de penser qu'en imposant plus de "régularité" à x0 on obtienne plus de régularité sur les solutions. Plus précisément on pose pour k \geq 2 D(A^k)=\{x \in D(A^{k-1}), ~ Ax \in D(A^{k-1})\}. Alors on a le

Théorème 4: on peut munir les D(Ak) des normes ||x||_{D(A^k)}=\sum_{i=0}^k ||A^ix|| pour lesquels ce sont des espaces de Banach. De plus si la condition initiale x_0 \in D(A^k) alors la solution est de classe \mathcal{C}^k(\mathbb{R}^{+*},X) et \mathcal{C}^{k-i}(\mathbb{R}^{+*},D(A^i)) pour i = 1...k et au sens des topologies précédentes.


Exemples

L'équation de la chaleur

On se donne Ω un ouvert borné de classe \mathcal{C}^2 de \mathbb{R}^n et on cherche à résoudre l'équation de la chaleur  \begin{cases} \partial_t u(x,t) - \triangle u(x,t)=0 \\ u(x,0) = u_0(x) \end{cases} sur (x,t)\in \Omega \times [0,+\infty] pour une condition initiale donnée. On peut réécrire cette EDP sous la forme d'une EDO y'(t) = Ay(t) en posant X = H = L2(Ω), y(t)=u(.,t)\in H et en définissant (A,D(A)) par D(A)=H^2(\Omega) \bigcap H^1_0(\Omega) \subset L^2(\Omega) et Ax=\triangle x pour tout x \in D(A). Nous sommes dans le bon cadre pour utiliser la théorie des semi-groupes et le théorème de Hille-Yosida; reste à montrer que l'opérateur A est m-dissipatif. Il est bien connu que le laplacien est un opérateur autoadjoint (on a <Au,v>_H=\int_{\Omega}(\triangle u)v = -\int_{\Omega}\nabla u . \nabla v=\int_{\Omega}u(\triangle v ) = <u,Av>_H par double intégration par parties) et que D(A) est dense dans L2(Ω), il suffit donc de montrer qu'il est dissipatif ou de façon équivalente que \mathfrak{Re}(<Ax,x>_H) \leq 0. Or tout x \in D(A)=H^2(\Omega) \bigcap H^1_0(\Omega) est de trace nulle, donc en intégrant par parties \mathfrak{Re}(<Ax,x>_H)=-\int_{\Omega}||\nabla x||^2_{\mathbb{R}^n} \leq 0. Le corollaire 3 et le théorème de Hille-Yosida permettent enfin de conclure quant à l'existence-unicité et la régularité des solutions. Remarquer que \frac{d}{dt}\left(||y(t)||^2_H\right)=2<y'(t),y(t)>_H=2<Ay(t),y(t)>_H \leq 0: on retrouve bien sur le côté dissipatif et irréversible de l'équation de la chaleur.

L'équation des ondes

L'équation des ondes homogène se formule dans un domaine Ω suffisamment régulier (c'est-à-dire \mathcal{C}^2 en pratique) et sur un intervalle de temps [0,T) (avec T > 0) selon

\left\{\begin{array}{rcll}u_{tt}(t,x) -\Delta u(t,x) & = & 0 & (0,T) \times \Omega\\ u(0,x) & = & f(x) & \Omega\\ u_{t}(0,x) & = & g(x) & \Omega \end{array}\right.

On se place dans la théorie des semi-groupes en mettant l'équation précédente au premier ordre en temps. On pose alors \mathcal{A} = \left(\begin{array}{cc} 0 & I \\ \Delta & 0 \end{array}\right), \mathcal{Y} = \left(\begin{array}{c} u \\ v \end{array}\right) (avec v = u' ) et  \mathcal{Y}_0 = \left(\begin{array}{c} f \\ g \end{array}\right) l'équation devient alors \left\{\begin{array}{rcll} \mathcal{Y}'(t) & = & \mathcal{A}\mathcal{Y}(t) \\ \mathcal{Y}(0) & = & \mathcal{Y}_0 \end{array}\right. .

Le domaine du Laplacien étant D(\Delta) = H^2(\Omega) \cap H_0^1(\Omega) , celui de \mathcal{A} est D(\mathcal{A}) = H^2(\Omega) \cap H_0^1(\Omega) \times H_0^1(\Omega) sur  H = H_0^1(\Omega) \times H_0^1(\Omega) . Les conditions initiales seront alors prises dans H.


Reste à vérifier que nous sommes bien dans les conditions d'application du théorème de Hille-Yosida :

  1. D(\mathcal{A}) est dense dans H.
  2. \mathcal{A} est fermé.
  3. \mathcal{A} est dissipatif. Ce point mérite une preuve : on utilise la caractérisation (i') du théorème. Soient λ > 0 et (f,g) \in H. L'équation résolvante s'écrit en (u,v)

(*)\left\{
\begin{array}{rcl}
\lambda u - v & = & f \\
\lambda v - \Delta u & = & g
\end{array}
\right. d'où 2I − Δ)u = λf + g qui admet une unique solution dans u \in H^1_0(\Omega) via Lax-Milgram (car d'une part λ2 > 0 et d'autre part les valeurs propres du Laplacien sont strictement négatives donc 2I − Δ) est un opérateur elliptique dont la forme bilinéaire associée vérifie les hypothèses du théorème de Lax-Milgram). Et alors v = λuf est dans  H_0^1(\Omega).

L'estimation de l'opérateur résolvant Rλ vient du produit scalaire de ( * )2 par v en remplaçant u par sa valeur dans ( * )1:


\begin{array}{rcl}
\lambda (\|v\|_{L^2(\Omega)} + \|\nabla u\|_{L^2(\Omega)}) & =&  ( \nabla f,\nabla u)_{L^2(\Omega)} + (g, v)_{L^2(\Omega)} \\
& \leq & (\|g\|_{L^2(\Omega)}^2 + \|\nabla f\|_{L^2(\Omega)}^2)^{1/2}(\|v\|_{L^2(\Omega)}^2+\|\nabla u\|_{L^2(\Omega)}^2)^{1/2}.
\end{array}


D'où, puisque (u,v) = Rλ(f,g), on obtient l'estimation attendue \|R_\lambda\| \leq \frac{1}{\lambda}. Le semi-groupe engendré par \mathcal{A} est donc un semi-groupe de contraction.

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