Symphonie n° 3 (Mahler)

Symphonie n° 3 (Mahler)

Symphonie nº 3 de Mahler

La Symphonie no 3 en ré mineur de Gustav Mahler a été composée durant les été 1895 et 1896 à Steinbach-am-Attersee. C’est la plus longue des symphonies du compositeur, avec près de cent minutes.

La symphonie comporte six mouvements :

  1. Kräftig. Entschieden
  2. Tempo di Menuetto. Sehr mäßig
  3. Comodo. Scherzando. Ohne Hast
  4. Sehr langsam. Misterioso. Durchaus ppp'
  5. Lustig im Tempo und keck im Ausdruck
  6. Langsam. Ruhevoll. Empfunden

Sommaire

Fiche technique

Orchestration

L'œuvre est écrite pour un orchestre important: 4 flûtes (+ 2 piccolos), 4 hautbois (+ 1 cor anglais), 3 clarinettes en Si bémol (+ 1 clarinette basse et 2 clarinettes en Mi bémol), 4 bassons (+ 1 contrebasson), 8 cors, 1 cor de postillon, 4 trompettes (fa et si bémol), 4 trombones, 1 tuba, 2 ensembles de 3 timbales, 2 glockenspiels, 1 tambourin, 1 tam-tam, 1 triangle, cloches, 1 cymbales suspendue, 1 caisse claire, 1 grosse caisse, 1 baguette ("pour frapper le bois de la grosse caisse"), 2 harpes, les cordes ("effectifs importants", précise Mahler)

Effectifs vocaux:

Une voix d'alto, un chœur de femmes, un chœur d'enfants.

Histoire

Composition

Sa genèse repose sur un programme établi dès le début, exaltant la nature et reprenant les étapes de la Création : Le premier mouvement devait symboliser les forces telluriques, le second la végétation, le troisième les animaux, le quatrième la naissance de l'homme, le cinquième les anges (chœur d'enfants) et le dernier l'amour. Le titre initial devait être « le songe d'une nuit d'été » (sans rapport avec William Shakespeare) puis « le gai savoir » en hommage à Friedrich Nietzsche. Un septième mouvement devait la conclure, mais servit en fait de finale à la quatrième symphonie.

Création et réception

La symphonie fut d'abord jouée par mouvements avec un succès mitigé. La première exécution complète eut lieu le 9 juin 1902 par l'orchestre de Cologne dirigé par Gustav Mahler lui-même avec un plus net succès.

Analyse

Cette œuvre est composée de six mouvements, pouvant être groupés en deux parties : la première comprend seulement le premier mouvement, le plus long. La seconde regroupant les cinq autres. Le quatrième mouvement fait intervenir une voix de contralto chantant un texte de Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche. L'avant-dernier mouvement fait intervenir, outre la contralto, un chœur d'enfants reprenant un thème de Des Knaben Wunderhorn. Le dernier mouvement, hymne à l'amour, conclut la symphonie dans un apaisement méditatif.

Kräftig. Entschieden.

Le monumental premier mouvement de la troisième symphonie, l'un des plus longs écrit de la main de Mahler (entre 30 et 35 minutes d'exécution) nous emporte immédiatement dans un univers tellurique, minéral, en rupture complète avec le quotidien de vie. Il s'agit d'une partition aérée, très ponctuée et très structurée si bien que sa longueur, presqu'une symphonie de Mozart à lui tout seul, tient plus du caractère monumental de l'œuvre qu'il introduit, que de quelque chose de subi pour l'auditeur. Au contraire, le développement thématique à la fois descriptif et philosophique laisse place à une grande possibilité d'interprétation pour l'auditeur, possibilité que Mahler a aussi souhaitée en enlevant les titres prévus pour chaque mouvement. Ce mouvement était initialement intitulé "L'éveil de Pan"(introduction) "L'été fait son entrée". Il est aussi parfois question de "ce que me content les rochers de la montagne".

Un appel solennel de huit cors introduit le mouvement : il est appuyé ensuite par des percussions en une série de piliers sonores vertigineux, pour s'atténuer ensuite dans les sonorités profondes des trombones et du tuba. Comme dans une volonté de poser les bases d'un univers minéral et austère, la matière sonore se construit progressivement, ponctuée et respirée, avec les notes caverneuses et granitiques des cuivres, stridentes de la trompette, aériennes et ventées des bois, cinglantes et martelantes des percussions. Un univers d'une sauvagerie primaire, un tableau de rocailles alpines, les piliers d'un cathédrale vertigineuse, un climat des premiers jours de la Terre, voilà ce qu'évoque cette introduction spectaculaire. Le trombone introduit le thème principal. Le développement s'estompe progressivement dans un silence pesant.

Apparait alors avec des sonorités pures, riantes et aériennes (violon et bois), un second champ thématique, très doux, évoquant la vie, la douceur d'une journée de printemps, strictement à l'opposé des développements précédents. Mais cette "fenêtre" mélodique retourne très vite au silence et de nouveau la matière sonore construit l'univers minéral. Celui-ci est accompagné d'un profond solo de trombone, sans nervosité, comme une "force tranquille", austère et détachée. Le thème principal prend en puissance et éclate avec une hauteur vertigineuse (cymbale, gong), orageux avec la trompette, mystérieux et bourdonnant aux bois, le tout figé, immobile.

Le silence retombe. On retrouve alors la luminosité du second thème qui connait un vrai développement. Un marche s'installe, avec de nombreuses joutes musicales, des défilés, des airs de carnavals et de fanfares de pompiers : "L'été fait son entrée" comme disait Mahler, ou encore "l'apparition et le développement de la vie", ou bien "une ascension d'alpinistes" voire "un défilé du premier mai" comme le voyait Richard Strauss, les interprétations sont nombreuses. La marche se connote progressivement d'un charge héroïque, puis elle aboutit à un climax d'une hauteur vertigineuse, lumineuse, céleste, comme une "conclusion des efforts", un "verdict final", avant de retomber avec fracas dans la sonorité austère de l'univers sonore minéral, en une sorte d'échec.

S'en suivent des développements mouvementés et troublés, marqués par une suite de "tentatives" de constructions sonores, de "luttes" de la vie, ponctués et aérés avec des tableaux à la poésie très esquissée. La diversité des sonorités et la virtuosité de l'orchestration restent surprenantes. Peu après un trouble pesant, les huit cors réintroduisent le thème initial. Néanmoins sa force a décru, son essoufflement est latent et il s'éloigne avec un tuba presque nostalgique.

La marche "de la vie" reprend alors définitivement le dessus, s'imposant avec plus de vigueur et de concision. Comme précédent, elle se connote héroïquement mais arrivée au climax, le "verdict" devient positif et s'emballe dans une sorte de bacchanale décrivant une "explosion" de vie et de sonorités, clôturant le mouvement avec un crescendo vif et cinglant.

Tempo di Menuetto. Sehr mässig.

Ce mouvement démarre très tranquillement et rien ne va troubler ce tableau champêtre d'une poésie très raffinée. Cette page, d'une légèreté très aérienne, évoque, par son orchestration savamment dosée, une sensorialité très appuyée sur les petits détails de la Nature que Mahler décrit et dont il rend hommage. Il y a donc autant un côté descriptif qu'un côté évasif et sentimental. On situe à l'opposé de la monumentalité du premier mouvement, mais on ne conserve pas moins ce rapport intime avec la Nature. L'orchestration évoque tour à tour le foisonnement des fragrances qui stimulent les papilles, les couleurs des landes fleuries, le vent qui caresse le visage, avec une insouciance presque enfantine. D'ailleurs, Mahler dira plus tard que c'est "la page la plus insouciante que j'ai composée, insouciante comme seuls savent l'être les fleurs". Au cœur du mouvement, le compositeur évoque l'effet de ressourcement et de vigueur renouvelée de ce contact avec la Nature, dans une vision très romantique.

Comodo. Scherzando. Ohne Hast.

Sans rupture avec le mouvement précédent, ce scherzo très développé continue la démarche du compositeur de communication et de sensorialité avec la Nature. Cette fois-ci, il s'agit d'un tableau plus burlesque, humoristique ou encore plus éthéré. Des sonorités évoquant des scènes de bestiaire animalier, de frondaisons et de lumières chatoyantes s'enchainent le long du mouvement. "Ce que me content les animaux de la forêt" avait initialement titré Mahler.

Le mouvement démarre par un célèbre chant de passereaux qui introduit très rapidement dans un univers forestier où la composition évoque une série de "petites histoires" et de tableaux de la vie animale ou de la chasse, avec un goût pour le burlesque et l'insolite. Quelques modulations en mineur et d'effets d'accélérations ponctuent les développements, comme une ironie soudaine, comme la cruauté d'un prédateur qui a attrapé sa proie. Au centre du milieu, les développements s'estompent avec grâce sur un tableau lent et très lumineux, appuyé par des cordes éthérées et un solo de cor de postillon, feutré et délicat. Il évoque un peu la danse des ondines dans la Moldau de Smetana. Les développements reprennent ensuite avec vigueur. Le tableau à l'atmosphère brumeuse et presque légendaire, revient ensuite, un peu avant la coda, mais se fait plus nostalgique.

La coda surprend : elle commence par un coup d'éclat ponctué au gong, annonçant un évènement particulier. Un développement profond, aux sonorités célestes, des cordes et des cuivres s'impose. S'ensuit un crescendo vertigineux des cuivres et des percussions, qui se termine abruptement, comme un déchaînement de forces astronomiques hors échelle humaine.

Sehr langsam. Misterioso. Durchaus ppp.

Ce mouvement marque une nouvelle étape dans la symphonie. Une période instrumentale se termine et commence une partie plus "vocale".

Le mouvement démarre sur des sonorités profondes des cordes, sans évoquer de matérialité physique, mais plutôt psychique. Le climat d'un songe, propice à la réflexion. Ces appels sombres des cordes sont ponctués et aérés alors que la voix mezzo-soprano s'impose avec douceur, introduit un lied. Les cuivres et les cordes font échos au chant en une suite d'appels initiatiques qui ne sont pas sans rappeler l' Urlicht de la seconde symphonie. S'ensuit un développement central lumineux des cordes et des cors, emprunt de sérénité. Il s'estompe sur des appels de clarinette pour retomber dans des appels profonds. Le chant reprend mais avec plus de profondeur des cuivres, et de solos des cordes, amplifiant l'effet d'écho. Les appels de clarinette reprennent. La matière sonore s'estompe sur les profondeurs des cordes. Le songe prend fin.


Texte

« O homme prends garde !
Que dit minuit profond ?
J'ai dormi, j'ai dormi -,
D'un rêve profond je me suis éveillé : —
Le monde est profond,
Et plus profond que ne pensait le jour.
Profonde est sa douleur -,
La joie — plus profonde que l'affliction.
La douleur dit : Passe et finis !
Mais toute joie veut l'éternité —
— veut la profonde éternité !" » (traduction de l'allemand Henri Albert)

Lustig im Tempo und keck im Ausdruck.

Texte

Langsam. Ruhevoll. Empfunden.

Discographie

Voir aussi

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