Spéculation

Spéculation

Spéculation est le terme employé à propos des prévisions, ou plutôt des conjectures, sur les marchés financiers. On cherche, en réfléchissant, à prévoir et à anticiper les quantités et les prix futurs, les réactions et activités d'autrui, en se mettant à leur place, et à porter un regard sur sa propre activité, en se mettant à la place des autres. C'est donc la mise en miroir (speculus).

L'économie spéculative est parfois opposée à « l'économie réelle », qui désigne alors une partie de la Finance et de l'activité boursière. Elle est à distinguer de l'agiotage, qui est la manipulation du marché.

Sommaire

Usage

Presque toutes les activités humaines sont spéculatives :

  • la décision d'entreprendre certaines études (parce qu'on en espère pour le reste de sa vie une satisfaction ou un revenu),
  • la décision de produire (parce qu'on espère pouvoir vendre),
  • la décision de stocker (parce qu'on pense qu'on aura plus de mal à se procurer le bien),
  • celle d'acquérir un actif financier ou immobilier dont on craint (ou espère) qu'il vaudra plus cher plus tard,
  • le choix d'une tenue pour un rendez-vous important (parce qu'on en espère certaines réactions),
  • le choix d'une argumentation (parce qu'on espère toucher l'auditoire),
  • la réflexion (spéculation intellectuelle, pensée spéculative).

D'après Richard Dawkins, Geoffrey Miller, Ian Stewart ou Jack Cohen, la possibilité d'arriver à se mettre à la place d'autrui était vitale pour survivre et se reproduire dans les temps préhistoriques, et auraient survécu le mieux et laissé une descendance nombreuse ceux qui y parvenaient le plus correctement.

Domaine des biens économiques

Dans le domaine économique, la spéculation consiste à prendre aujourd'hui des décisions économiques sur la base d'un état économique futur et hypothétique. C'est un pari monétaire portant sur l'évolution future du prix de biens économiques. Si l'opérateur obtient des informations privilégiées, on n'est plus en présence d'une spéculation mais d'un délit d'initié.

Modes de spéculation économique ou financière

Spéculer consiste à acheter ou vendre, généralement en bourse, une certaine quantité d'une marchandise, d'un actif financier, immobilier ou de collection, ou d'un contrat dérivé :

  • dans l'espoir que son prix évoluera par la suite de façon à procurer un gain monétaire;
  • tout en acceptant le risque de perdre de l'argent si l'évolution est contraire aux espoirs.

Certains instruments financiers, tels que le contrat à terme (= à crédit) ou les options financières (le type le plus courant d'opérations dites « dérivées ») permettent :

  • de spéculer sur de gros montants avec une faible somme au départ ;
  • de vendre des biens dont on ne dispose pas encore, et qu'il faudra donc racheter avant de devoir les fournir, ou inversement d'acheter à l'avance des biens dont on ne souhaite pas disposer, et qu'il faudra donc revendre.

Les secteurs économiques concernés

On peut distinguer plusieurs secteurs :

  • ceux où les opérations portent tant sur les actifs eux-mêmes que sur les dérivés
    • la spéculation financière : titres de propriété et de créances ;
    • la spéculation monétaire : changes et taux d'intérêt ;
    • la spéculation sur marchandises : notamment celles cotées sur des bourses de commerce
  • ceux où les transactions portent quasi exclusivement sur les actifs eux-mêmes

Intérêt pratique de la spéculation financière

L'existence de spéculateurs acceptant de prendre des risques permet à d'autres agents de couvrir leurs propres risques en faisant l'opération en sens inverse, transférant ainsi leur risque aux spéculateurs (opération de couverture de risque). La spéculation permet de gérer les risques ne suivant pas la loi des grands nombres qui eux peuvent être couvert par le mécanisme de l'assurance via un calcul de probabilité.

La liquidité du marché est d'autant plus importante que les volumes traités et le nombre de transactions sont grands. En son absence, les activités de couverture réalisées par les hedgers (ceux qui veulent se prémunir contre un risque) seraient rendues plus difficiles et plus coûteuses. La spéculation est donc considérée comme indispensable par l'apport de liquidité qu'elle permet. L'économiste britannique Nicholas Kaldor résume la fonction du spéculateur à un « Producteur de liquidité ».

Par exemple un exportateur européen de produits vers les États-Unis craignant une baisse, par rapport à l'euro, du dollar, devise dans laquelle il sera payé pourra vendre à terme des dollars sur le marché des changes à un spéculateur, lequel à l'inverse les achète à terme en pariant sur une hausse du dollar.

En outre, les spéculateurs permettent de réduire les distorsions qui peuvent apparaître momentanément sur les marchés. Quand un arbitrage est ouvert, ces opérateurs, dont l'objectif est le gain financier, vont en tirer profit tant qu'il existe.

Aspects psychologiques

La spéculation étant un pari sur l'avenir et une prise de risque (comme d'ailleurs la plupart des activités humaines), les aspects psychologiques n'en sont pas absents. Les études récentes de finance comportementale ont visé à recenser et expliciter

  • les phénomènes cognitifs et émotionnels ainsi mis en jeu,
  • et les anomalies (emballements, paniques...) que cela peut créer à certains moments dans les prix et rendements sur le marché (phénomènes de bulle ou krach)

Il y a souvent alternance d'excès et de corrections d'excès, ce n'est que sur la moyenne et le long terme que l'on peut dire que la spéculation joue plutôt un rôle d'autorégulation du marché.

Intérêt et critique de la spéculation au niveau macroéconomique

La nécessité pour des entrepreneurs de transférer certains risques leur permet de prendre leurs décisions de gestion avec plus de sécurité ce qui contribue à l'efficacité économique générale et favorise l'initiative.

Les effets de la spéculation sur les prix est plus contesté. Certains auteurs affirment qu'elle a des effets stabilisants, d'autres pensent qu'elle est déstabilisante.

Le monétariste Milton Friedman estime que les spéculateurs gagnent sur les marchés seulement s'ils achètent lorsque les prix sont bas (en conséquence, ils font monter les cours et contribuent à leur stabilité) et vendent quand les prix sont au plus haut (ce qui fait baisser les cours et joue également un rôle stabilisateur). Les spéculateurs peuvent se tromper et agir à contretemps, mais ils n'ont droit qu'à un nombre limité d'erreurs, sans quoi ils sont rapidement ruinés et évincés du marché. Seuls survivent les spéculateurs dont les interventions font généralement augmenter des cours « naturellement » bas (au sens que Léon Walras accorde à une valeur économique dite naturelle) et diminuer des cours « naturellement » hauts, c'est-à-dire dont les interventions ont un effet général d'équilibration du marché. Ceux-là peuvent être considérés comme des spéculateurs avisés.

Pour l'économiste Nicholas Kaldor, il existe deux types de spéculateurs : les professionnels et les amateurs. Les professionnels, en petit nombre, qui représentent aussi les positions les plus importantes, agissent de façon stabilisante. Les amateurs, beaucoup plus nombreux et mal informés, interviennent avec retard en achetant au plus haut et en vendant au plus bas. Ils agissent de façon déstabilisante et sont finalement évincés du marché. Ils sont vite remplacés par de nouveaux amateurs. Mais Kaldor conclut qu'il ne faut pas accorder trop d'importance aux amateurs, puisque les professionnels demeurent ceux qui dominent le marché.

Dérives possibles des spéculations sur certains biens et actifs

On réserve souvent (et improprement) le terme de spéculation aux activités de pur commerce, le bien revendu étant le même que celui qui a été acheté. Pour certains, la seule possibilité de faire un profit dans ce contexte apparait scandaleuse, ce qui rend la spéculation souvent mal vue ou mal comprise.

Cela peut toutefois être le cas, il s'agit alors plus de manipulation de marché que de spéculation, si le spéculateur contribue à créer une pénurie artificielle de biens ou d'actifs physiques de première nécessité (accaparement ou, en langage technique, « corner »), à la faveur de circonstance particulières (guerre, catastrophe, etc.), et en exploitant une inégalité des positions de départ (le spéculateur ayant les moyens de se prémunir au début de la crise, alors que les autres agents n'ont pas ces moyens, même s'ils savent qu'ils auront à faire face à pire plus tard).

Notes et références


Voir aussi

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Documentaires

Bibliographie

  • N. Hissung-Convert, La Spéculation boursière face au droit, 1799-1914, éd. LGDJ, tome 511, 2009, 667 p.

Articles connexes

Liens externes


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