Sepuku

Sepuku

Seppuku

Scène de seppuku (reconstitution) - XIXe siècle.

Le Seppuku (切腹, ou hara-kiri[1] 腹切り) est un suicide rituel d'origine japonaise. Il résulte de la contraction de setsu qui veut dire couper et de fuku, abdomen. Traditionnellement, il se fait dans un temple en s'ouvrant l'abdomen avec un tantō (sabre japonais le plus court), ce qui libère l'âme (voir l'article seika tanden). La forme traditionnelle consiste en une ouverture transversale (dans la largeur), sous le nombril. Le seppuku comporte une version encore plus douloureuse, le jumonji-giri, qui consiste à rajouter une coupe verticale (de haut en bas) à la coupe horizontale pour marquer sa volonté d'expiation. Il existe une version moins honorable (et moins douloureuse) dans laquelle un ami (kaishaku ou kaishakunin) coupe la tête pour une mort instantanée.

Le seppuku était traditionnellement utilisé en dernier recours, lorsqu'un guerrier estimait un ordre de son maître immoral et refusait de l'exécuter. C'était aussi une façon de se repentir d'un péché impardonnable, commis volontairement ou par accident. Plus près de nous, le seppuku subsiste encore comme une manière exceptionnelle de racheter ses fautes, mais aussi pour se laver d'un échec personnel.

Bien que le terme Hara kiri (腹切り) ait la même signication que celui de seppuku (on remarquera l'inversion des caractères), ce dernier est plus formel et d'un usage préféré dans la langue japonaise[2].

« N'ayant pas le droit de se faire seppuku à la manière des hommes, elles (ndr "les femmes nobles et les femmes de samouraïs") se tranchaient la carotide avec un poignard[3],[4] après s'être entravé les jambes afin de garder dans la mort une attitude décente »[5] . Cette forme de suicide au féminin est connue sous le nom de jigai[6]. Un des derniers fameux exemples de jigai est celui de la femme du général Nogi Maresuke, Nogi Shizuko, qui s'est suicidée de cette façon avec son mari qui lui s'est fait seppuku à la mort de l'empereur Meiji en 1912[7],[8].

Sommaire

Généralités

Le ventre est le siège des émotions en Asie : Hara ookii, « vous avez un gros ventre », pourrait vexer en Occident, tandis qu'au Japon c'est un compliment qui veut dire « vous avez un grand cœur » ; Hara no watte, « ouvrent leur ventre » correspond à notre « avoir le cœur sur la main » ; Hara no misenaï, « ne montrent pas leur ventre », signifie « cacher sa pensée », l'inverse se disant Hara no yomeru (« lire dans son ventre ») et signifiant qu'on peut « lire dans ses pensées », donc qu'il est honnête dans ce qu'il dit.

Le seppuku ou « suicide par extraction des intestins » a longtemps permis aux nobles et aux samouraïs d'exprimer leurs dernières volontés. Tout comme, en Occident, les gentlemen « se brûlent la cervelle », les Japonais s'immolent par l'abdomen, siège, pour eux, de la pensée et de la conscience de soi. C'est probablement la raison pour laquelle il existe une grande variété de mots pour désigner le suicide (jisatsu, en japonais[9] :

  • le inseki jisatsu : suicide pour éviter la honte ;
  • le gyokusaï : suicide d'honneur, largement pratiqué au cours de la deuxième guerre mondiale par les soldats japonais, pour éviter de se rendre ;
  • le seppuku avec sa sous-catégorie extrêmement douloureuse, le jumonji-giri abordé au début de cet article ;
  • le shinju : double suicide avec ses variantes :
    • l' oyako shinju : suicide des parents et du/des enfant(s) ;
    • le boshi shinju : suicide de la mère et du/des enfant(s) ;
    • le fushi shinju : suicide du père et du/des enfant(s) ;
    • le goï shinju lorsque le/les enfant(s) sont volontaires au suicide familial ;
    • le muri shinju dans le cas contraire ;
  • le kobara : suicide pour le bien des enfants ;
  • le robuka : suicide pour le bien de la famille ;
  • le funshi : suicide pour exprimer son indignation et sa révolte.

Pour être complet, il faut citer l' oibara, qui figure dans le manuel du parfait samouraï[10](le Hagakure). L'oibara est le suicide d'inféodation. Il se subdivise en maebara et sakibara selon que le samouraï précédait ou suivait son seigneur dans la mort[11].

Brève histoire du seppuku

Minamoto no Tametomo aurait été le premier homme et samouraï à pratiquer le seppuku honorable[12], en prenant exemple sur les femmes chinoises : accusées d'avoir enfanté l'enfant d'un autre homme que leur époux, elles s'ouvraient le ventre de désespoir afin de prouver leur fidélité. Minamoto no Yorimasa est le premier du seppuku de qui on a une description détaillée : après sa défaite à la première bataille d'Uji en 1180, Yorimasa s'est retiré dans la salle du Phénix du temple du Byōdō-in, a écrit un poème au dos de son étendard, avant de prendre son poignard et de s'ouvrir l'abdomen. Cette façon de procéder a codifié le seppuku.

La pratique du seppuku est indissociable du Bushido, le code d'honneur du guerrier, qui insiste sur sa finalité propre : la mort. Celle-ci ne doit en aucun cas trahir les valeurs morales qui sont celles du samouraï ; aussi la pratique du seppuku est-elle codifiée très précisément. L'acte du suicide honorable ne s'effectuait grosso modo qu'à quatre occasions :

  • à l'issue d'une défaite au combat. Être fait prisonnier ne constituait pas tant un échec qu'un déshonneur, non seulement pour soi mais pour ses compagnons et son maître ; pour éviter de souiller le nom de ce dernier, un samouraï vaincu et sans possibilité d'échapper à l'ennemi, préférait se donner la mort. Ce type de seppuku est rapide et violent, généralement effectué avec un tantō (sabre le plus court) ou un wakisashi ;
  • le pouvoir politique du shogun est marqué par les rivalités ; lorsqu'un vassal était amené à critiquer ouvertement le shogun, il pratiquait le seppuku, tout à la fois pour préserver son honneur, et pour attirer l'attention du dirigeant. Ces remontrances sont désignées par le terme de kanshi ;
  • à l'inverse, à partir du shogun Tokugawa, la procédure inverse fut créée, comme une sanction à l'infidélité des vassaux. Une fois encore, le seppuku était l'unique manière d'éviter le déshonneur du clan : il s'agissait donc d'une offre de pitié, le tsumebara ;
  • le seppuku fut enfin l'occasion de suicides de groupe chez les samouraïs, qui par leur mort, rendaient hommage à leur maître en le suivant par-delà l'épreuve de la mort. Le seppuku est donc également le signe du dévouement, le junshi.
Le général Akashi Gidayu s'apprêtant à faire seppuku, Yoshitoshi Tsukioka, vers 1890.

Hormis dans le cadre du champ de bataille, le seppuku accompagna le raffinement du bushidō et des classes dirigeantes en étoffant le rituel qui lui est encore associé. Le seppuku possède son propre code, qui doit être respecté scrupuleusement, tant par celui qui commet l'acte que par les personnes assistant à celui-ci. En effet, le seppuku n'est absolument pas une pratique solitaire, tout du moins dans le cadre du bushidō ; si le public est restreint et choisi, il est par contre nécessaire. Il a valeur de témoin et d'assistant de la mort du samouraï.

Le samouraï, ayant revêtu un kimono blanc, très ajusté et serré par un obi afin que les viscères ne se répandent, s'agenouillait avec un petit tabouret sous les fesses face au public, sur un tatami. Il disposait d'un couteau, le tantō, d'encre, d'un pinceau, de feuilles de papier de riz et d'une tasse de saké. Après avoir écrit et lu un waka, enveloppant le tantō d'une des feuilles de papier de riz, il s'ouvrait l'abdomen sur sa gauche, kimono ouvert. Cette partie du ventre représente la conscience dans la tradition bouddhiste. Il remontait alors une première fois, en diagonale ; puis une seconde entaille venait couper la première. Ce Giri no jumonji, terriblement douloureux, était la plupart du temps interrompu par le kaishakunin, un ami du samouraï, qui le décapitait au katana en prenant soin de trancher d'un premier coup jusqu'à la trachée afin que la tête tombe sur le torse puis il coupait délicatement d'un mouvement de coupe pour que la tête ne roule trop loin du corps qui tombait alors en avant. Chaque shogun avait un kaishakunin officiel pour les tsumebara : c'était un honneur tout particulier pour un samouraï. Lorsque le kaishakunin était un ami proche, la décapitation était rapide et occasionnait moins de souffrances, sinon l'attente du supplicié pouvait être en rapport avec son "crime".

L'histoire militaire du Japon est marquée par de très nombreux seppuku ; mais dès lors que les bushi perdirent de leur influence, la pratique fut contrôlée (interdiction du junshi), puis interdite (par le gouvernement Tokugawa à la demande de Nobutsuna Matsudaira en 1663). Les cas épars de désobéissances furent accueillis comme des actes d'autant plus braves par la population japonaise.

À la suite de l'échec d'un coup d'État mené par sa milice privée, le Tatenokai, l'écrivain et dramaturge Yukio Mishima, dénonçant le déshonneur du Japon, passe à l'acte en pratiquant un seppuku par éventration (suivi d'une décapitation), dans la matinée du 25 novembre 1970. Son compagnon Masakatsu Morita s'éventre à sa suite. Yukio Mishima, devenu ultranationaliste en 1967, exaltait les valeurs traditionnelles du Japon et le défi du bunburyōdō, la « double voie » qui unifie Lettres et Arts martiaux, l'art et l'action, l'éthique et l'esthétique. Cet acte héroïco-tragique, minutieusement mis en scène, marqua profondément les esprits, stupéfiés : de par la notoriété de l'auteur, de par ses idées alors tabou mais aussi parce qu'aucun seppuku n'avait été pratiqué au Japon depuis l'immédiat après-guerre et que l'épisode fut retransmis à la télévision.

Quelques personnalités s'étant donné le seppuku

Japonaises :

Voir aussi

Bibliographie

  • La mort volontaire au Japon, de Maurice Pinguet, publié chez Gallimard.
  • Dojoji et autres nouvelles, de Yukio Mishima, publié chez Gallimard. ISBN 978-2-07-042210-4

Fiction

Notes et références

  1. seppuku et hara-kiri ne sont pas rigoureusement synonymes même si le résultat final est identique. En effet, le seppuku est un suicide avec un renoncement désespéré alors que le hara-kiri est une cérémonie religieuse shintoïste, issue du bushido.
  2. Voir page 148 in Handbook to Life in Medieval and Early Modern Japan, William E. Deal, Oxford University Press US, 2007
  3. Elles utilisaient alors un petit poignard du type koshigatana sans garde: un aikuchi mais le plus souvent un plus petit kaiken (anc. kwaiken) (lit. « giron/poche (KAI, futokoro)+ couteau »: car elles le conservaient dans un des plis de leur kimono). Voir page 405 in A glossary of the construction, decoration and use of arms and armor in all countries and in all times, George Cameron Stone, Donald J. LaRocca, Courier Dover Publications, 1999
  4. Voir aussi page 32 in Japanese Sword Mounts, Helen C Gunsaulus, Read Books, 2008] sur le kaiken et son usage dans le suicide des femmes de samourais.
  5. Tiré de l'article jigai, page 490 in Le Japon, dictionnaire et civilisation, Louis Frédéric, Collection Bouquins, Robert Laffont, 1996
  6. Voir Page 203 in Lafcadio Hearn: Japan's great interpreter : a new anthology of his writings, 1894-1904, Lafcadio Hearn, Louis Allen, Jean Wilson, Routledge, 1992
  7. « when the Emperor Meiji died in 1912, the old general and his wife committed suicide (harakiri and jigai respectively) » (page 319 in Man's religions, John Boyer Noss, 6e édition Macmillan, 1980)
  8. « At the same time, and in the same room, Lady Nogi performed jigai. Here the purpose was that they might together continue their services to their beloved Emperor » (page 142 in Case history of Japan, Thomas Reginald Guise Lyell, Sheed & Ward, 1948)
  9. Jisatsu est un terme générique japonais pour désigner toute forme d'auto-destruction
  10. Les samouraïs ont disparu au cours de l'époque Meiji (1868-1912) après qu'une loi interdisant le port de l'épée ait été promulguée.
  11. La mort volontaire au Japon, de Maurice Pinguet, publié chez Gallimard.
  12. Seppuku, kokoro.no.koe.
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