SECTEUR FORTIFIE DE HAGUENEAU 1940

SECTEUR FORTIFIE DE HAGUENEAU 1940

Ligne Maginot

Ouvrage du Hackenberg - Bloc d'Artillerie

La ligne Maginot, du nom de l'homme politique André Maginot[1], est une ligne de fortifications et de défense construite par la France le long de ses frontières avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne et l'Italie au cours des années 1920-1930.

Le terme ligne Maginot désigne parfois le système entier, mais souvent, il désigne uniquement les défenses contre l'Allemagne. Les défenses contre l'Italie sont également appelées ligne alpine. Le pendant allemand de la ligne Maginot est la ligne Siegfried.

Sommaire

Origines, projets et construction

Conséquences de la Première Guerre mondiale

La Première Guerre mondiale, qui s'achève, pour la France, le 11 novembre 1918 et la signature de l'armistice, laisse derrière elle un pays détruit, exsangue, à bout de souffle qui vient de vivre la guerre la plus dévastatrice de son histoire et qui souhaite plus que tout éviter un nouveau conflit. La conception de la ligne Maginot au cours des années 1920, puis sa réalisation au cours des années 1930 découlent directement de ce conflit. En effet, la guerre a aggravé la situation démographique de la France, qui se trouve ainsi lourdement défavorisée face à l'Allemagne : en cas de nouvelle guerre, il est nécessaire d'économiser au maximum le précieux « sang français » exalté par les nationalistes dans l'entre-deux-guerres. De plus, la France a subi d'importantes destructions qui ont affecté de grandes villes, des terroirs agricoles fertiles, des axes de communication majeurs et des bassins industriels de première importance ; pour éviter cela, il est nécessaire, en cas de guerre, de repousser immédiatement toute incursion ennemie et de garantir l’intégrité du territoire national.

La Première Guerre mondiale entraîne également une modification radicale de la stratégie française : plus question de « l’offensive à outrance » de 1914 et de la guerre de mouvement ; la prochaine guerre sera une guerre de position, selon le haut-commandement français. De plus, l’expérience de Verdun a montré qu’un front continu, où chaque pouce de terrain est battu par de l’artillerie et des mitrailleuses est quasi-imprenable.

De plus, les forts Séré de Rivières construits dans les années 1880 pour protéger les nouvelles frontières de l’Est après la perte de l’Alsace-Lorraine à l'issue de la guerre de 1870, sont désormais trop éloignés de la frontière entre l'Allemagne et la France après le retour des territoires perdus à la France grâce au traité de Versailles du 28 juin 1919 et leur armement est obsolète.

Missions de la ligne Maginot

Carte du Nord-Est de la ligne Maginot

Ces nouvelles fortifications ont ainsi de nombreuses fonctions en cas de guerre :

  • économiser les troupes et compenser les classes creuses causées par la Première Guerre mondiale ;
  • empêcher une attaque surprise venant de l'Allemagne et permettre de mobiliser l'armée française à l'abri;
  • protéger les bassins industriels et les mines d'Alsace et de Lorraine ;
  • servir de base à une éventuelle contre-attaque ;
  • dissuader l'ennemi d'une attaque surprise pour pousser les Allemands à passer par la Belgique, par la Suisse ou encore par la trouée de la Sarre : en effet, contrairement à une idée trop largement répandue, personne n'a été surpris par le fait que les Allemands cherchent à contourner la ligne Maginot en 1940[réf. nécessaire] en passant par la Belgique, car tous les généraux français avaient vécu la Première Guerre mondiale et savaient que les Allemands étaient déjà passés par la Belgique en 1914 à cause des fortifications françaises. Et ainsi obliger le Royaume-Uni garante de la Belgique, à se battre contre l'Allemagne aux côtés de la France. Cette stratégie est la composante du plan Dyle.

Projets et construction

Les premiers projets de la ligne Maginot vont voir le jour peu après la fin de la Première Guerre mondiale, avec la création de la Commission de Défense des Frontières (CDF) en 1922. C'est elle, sous l'égide du maréchal Pétain, qui va établir les premiers plans. Cet organisme est dissous en 1927 pour laisser la place à la Commission d'organisation des régions fortifiées (CORF), organisme qui sera le véritable artisan de la ligne Maginot.

Les travaux commencent en 1928, non pas face à l'Allemagne mais face à l'Italie, car le fascisme italien est à l'époque plus menaçant que la République de Weimar allemande. De nombreux chantiers sont ouverts au cours de l'année 1929 dans les Alpes mais aussi dans le Nord-Est. Les crédits alloués à la construction des fortifications sont votés par le Sénat le 14 janvier 1930 (avec 90 % des voix). À la tribune se tient André Maginot, ministre de la Guerre, ancien combattant grièvement blessé en 1914, l'un des plus fervents défenseurs de la fortification des frontières. C'est ainsi que, dans la mémoire collective, la ligne fortifiée reste associée au nom de cet homme.

Les premiers crédits s'élèvent à 2,9 milliards de francs de l'époque (soit 1,7 milliard d'euros). Au total, la ligne Maginot coûtera plus de 5 milliards de francs, ce qui ne représente pas une dépense particulièrement importante dans le budget de l'État, surtout que, du fait de la crise économique et de l'inflation constante, les dépenses seront compressées au maximum, ce qui se ressentira sur la qualité des réalisations.

La construction s’active jusqu'en 1933, date à laquelle le gros-œuvre des principaux ouvrages est terminé. En 1934, une nouvelle série de chantiers s'ouvre dans le Nord-Est dans la Sarre française et autour de Montmédy face à la Belgique. En 1935, (après l'arrivée au pouvoir d'Hitler et les revendications de Mussolini), des crédits supplémentaires sont alloués pour tenter de couvrir toute la frontière, mais ces constructions dites « des nouveaux fronts » n’auront ni la valeur, ni l'efficacité des premiers ouvrages. La CORF est dissoute et ses compétences sont transmises aux commandants d'armée locaux. En 1936, on peut considérer que la ligne Maginot est terminée. Dans les années qui suivent, les Services Techniques du Génie (STG) et la Main d’Œuvre Militaire (MOM) construisent des milliers de blockhaus tout le long de la frontière, au-delà même des « anciens fronts » bâtis par la CORF ; cette campagne de construction se poursuivra jusqu'en 1940 et témoigne d'un changement de doctrine dans l'utilisation de la ligne Maginot, puisque, conçue à l'origine comme uniquement un moyen d'arrêter une offensive brutale de faible envergure, elle est à présent considérée comme une muraille de béton infranchissable capable de retenir des armées entières, ce qui n’était pas son but originel.

Organisation

Organisation générale

Organisation défensive des frontières en 1939-40

Dès son origine, la ligne Maginot est articulée en secteurs fortifiés et secteurs défensifs. Le long de la frontière Nord-Est, ces secteurs sont regroupés en deux grandes régions fortifiées : Metz et la Lauter.

La région fortifiée de Metz

La région fortifiée de Metz est considérée comme la région la plus aboutie de la ligne et cela pour plusieurs raisons. D'une part à cause de l'histoire de la ville de Metz mais également parce que c'est l'une des premières régions où elle a été construite. Elle s'étend de la Crusnes à l'ouest jusqu'à la Sarre à l'est.

Secteur fortifié de la Crusnes
Latiremont - Vue en enfilade des créneaux de 75 du Bloc 6

Dernier secteur puissamment armé à l'ouest de la ligne avant les ouvrages nouveau front des Ardennes et du Nord, le Secteur fortifié de la Crusnes est composé de trois gros ouvrages (Ouvrage de Fermont, Ouvrage de Latiremont, Ouvrage de Bréhain), de quatre petits ouvrages (Ouvrage de la Ferme Chappy, Ouvrage du Mauvais Bois, Ouvrage du Bois du Four et Ouvrage d'Aumetz) et d'une série de casemates permettant la continuité de la ligne de feu entre les ouvrages.

Secteur fortifié de Thionville

Le secteur fortifié de Thionville est, avec une partie du secteur fortifié de Boulay, l’ensemble le plus important et le mieux fortifié de toute la ligne. Sur les 25 kilomètres qu'il couvre, on retrouve pas moins de sept puissants ouvrages d'artilleries (ouvrage de Rochonvillers, ouvrage de Molvange, ouvrage de Soetrich, ouvrage du Kobenbusch, ouvrage du Galgenberg, ouvrage de Métrich, ouvrage du Billig), quatre ouvrages moins importants d'infanterie (ouvrage de l'Immerhof, ouvrage du Bois Karre, ouvrage de l'Oberheid, ouvrage de Sentzich), un grand nombre de casemates (17), d'abris (18) et d'observatoires (4). Ce secteur fortifié est probablement l’un des seuls à être conforme aux directives de la CORF et à avoir été construit entièrement. Également, ce secteur avait également repris dans son organisation les anciens forts construit par les Allemands avant la Première Guerre mondiale, comme les groupes fortifiés de Guentrange, Koenigsmacker, d’Illange ou de l’Aisne.

Secteur fortifié de Boulay

Reprenant la suite du SF de Thionville, l’aile gauche du secteur de Boulay est également puissamment défendu tandis qu'à l'est, il n’est constitué que de petits ouvrages dépourvus d’artillerie. On peut trouver dans ce secteur pas moins de 4 gros ouvrages d'artillerie dont notamment l’ouvrage du Hackenberg, l'un des deux plus grands ouvrages construits sur la ligne (avec le Hochwald dans le SF de Haguenau), l'ouvrage du Mont des Welches, le Michelsberg et l’ouvrage d'Anzeling (dont la galerie principale de près de 2 200 m est la plus longue de la ligne Maginot). Ce secteur compte également 11 ouvrages de moins grande importance (PO du Coucou, de Hobling, de Bousse, de Berenbach, du Bovenberg, de Denting, du Village de Coume, de l'Annexe Sud de Coume, de l'Annexe Nord de Coume,de Coume et du Mottenberg). On y retrouve également, pour boucher les intervalles, un bon nombre de casemates et autres blocs.

Secteur fortifié de Faulquemont

Dernier secteur à l’est de la région fortifiée de Metz, le secteur de Faulquemont est un secteur relativement faible puisqu'il ne compte que 5 ouvrages d'infanterie : Kerfent, Bambesch, Einseling, Laudrefang et Téting ; 8 casemates d'infanterie et 3 casemates complémentaires d'artillerie. Pas de blocs d'artillerie dans ce secteur d'une quinzaine de kilomètres assurant la jonction entre le SF de Boulay et la Trouée de la Sarre. En effet, les budgets ayant été réduits, l’installation de canons fut reportée en deuxième cycle. Ce manque d’artillerie se fit cruellement sentir en juin 1940 au moment de l'attaque allemande.

La région fortifiée de la Lauter

La région fortifiée de la Lauter doit son nom au cours d'eau marquant la frontière entre Wissembourg et le Rhin. La région, large de 70 kilomètres, se subdivise en trois secteurs.

Le secteur fortifié de Rohrbach

Le secteur de Rohrbach-lès-Bitche est construit dès 1930. En effet, dès cette époque, on creuse deux gros ouvrages d’artillerie : l’Ouvrage du Simserhof et le Schieseck ainsi qu’un petit ouvrage, l’Otterbiel, autour de la ville de Bitche. Le dispositif est renforcé par de nombreuses casemates.

L’aile ouest du secteur, le bourg de Rohrbach, ne sera réellement fortifiée qu'en 1934. On y construira deux petits ouvrages : Rohrbach et Welschhof ainsi que cinq puissantes casemates.

Le secteur fortifié des Vosges

Le secteur des Vosges bénéficie d'une géographie particulièrement favorable au défenseur : reliefs boisés entrecoupés de vallées marécageuses. Le dispositif repose donc sur des inondations défensives, couvertes par le feu de nombreuses casemates et de trois ouvrages : le petit Lembach et les puissants Grand Hohekirkel et Four à Chaux.

Le secteur fortifié de Haguenau
Bloc 6 de l’ouvrage du Hochwald Est, bloc d'artillerie pour 3 canons de 75 mm modèle 29.

Le secteur de Haguenau englobe le dernier contrefort des Vosges du Nord, sur lequel est perché le plus grand ouvrage de la ligne Maginot d'Alsace : le Hochwald.

Entrée des munitions de l'ouvrage de Schoenenbourg.

Le reste du secteur s'étale dans la plaine d’Alsace jusqu'au Rhin sous la forme d'une ligne de casemates sous la protection de la ligne d'artillerie du puissant ouvrage de Schoenenbourg.

Ligne Maginot Alpine

L’entrée de l’ouvrage de Saint-Ours Haut, typique des gros ouvrages des Alpes
Entrée du petit ouvrage du col de la Moutière. On voit là toute la différence avec les entrées des gros ouvrages alpins.

Par rapport à la ligne Maginot du Nord-Est, la ligne Maginot Alpine s’organise différemment. En effet le relief montagneux des Alpes facilite la défense. Il est plus difficile de faire avancer une armée en haute montagne que dans les grandes plaines du Nord-Est de la France. Les ouvrages de la ligne Alpines sont donc implantés pour verrouiller les points de passage importants (cols, débouchés de vallées…) et non en une ligne continue. On n'a pas, comme dans le Nord-Est, une ligne de feu continue mais plutôt un barrage ponctuel solide soit en action frontale, soit en flanquement.

On retrouve cependant l’organisation en profondeur de la ligne avec, proche de la frontière, des avant-postes qui sont de petits ouvrages très légers de seulement quelques blocs de combat avec uniquement de l'infanterie et dont la mission principale était de donner l'alerte en cas de mouvements de troupes suspects. En arrière de ces lignes d'avant-poste, on retrouve la ligne principale de résistance avec les gros ouvrages d'artillerie comparables en tous points aux gros ouvrages du Nord-Est. En plus de ces différents ouvrages, on retrouve toute une série de petites positions de campagne destinées à recevoir les troupes d'intervalle.

On peut noter cependant que ces gros ouvrages sont moins fortement cuirassés (l’artillerie lourde est quasiment impossible à mettre en place en montagne) et certains sont même dépourvus de systèmes de filtration d'air contre les gaz de combat (une attaque aux gaz en altitude n’a quasiment aucun effet).

Le secteur fortifié de Savoie

Organisé autour de Bourg-Saint-Maurice et de la vallée de la Maurienne, ce secteur se concentre essentiellement sur la défense des accès à la vallée de la Maurienne autour de Modane en particulier avec les gros ouvrages du Sapey, de Saint Gobain, de Saint Antoine, du Lavoir et du Pas du Roc et les petits ouvrages et avant-postes de l’Arrondaz, des Rochilles et du Fréjus.

La défense de Bourg-Saint-Maurice se cantonne seulement à quelques petits ouvrages d’infanterie (Versoyen, Chatelard et Cave à Canon)

Le secteur fortifié du Dauphiné

Centré autour de Briançon et de la vallée de l’Ubaye, ses ouvrages verrouillent les points de passage importants vers Briançon (cols de Montgenèvre, de l’Échelle…) et d'entrée dans l’Ubaye (col de Larche, débouchés de la vallée de la Stura…).

On retrouve autour de Briançon le gros ouvrage du Janus ainsi que les petits ouvrages du col de Buffere (inachevé), du col du Granon (également inachevé), des Aittes et du Gondran E.

La position de l’Ubaye est plus importante avec les gros ouvrages de Roche-la-Croix, de Saint-Ours Haut, du Restefond (inachevé à cause de son altitude : plus de 2000 m, le plus haut de la ligne) et les petits ouvrages de Plate Lombarde, Saint-Ours Bas, l’avant-poste de Larche, les PO du col de Restefond, des Granges Communes et de la Moutière.

Le secteur fortifié des Alpes-Maritimes

Le SFAM termine la ligne depuis le col de la Bonette jusqu'à la Méditerranée à Menton en s'étirant le long des vallées de la Tinée et de la Vésubie, autour de Sospel pour terminer au pied du cap Martin à proximité de Menton. Ce secteur puissamment défendu verrouille tous les accès le long de ces vallées.

On retrouve les ouvrages suivants (du nord au sud) : PO du col de Crous, PO du col de la Valette, Gros ouvrage du Rimplas (le premier ouvrage de la ligne Maginot construit dès 1928), les PO de Fressinea, de Valdeblore, de la Serena (inachevé), du col du Caire Gros (inachevé), col du Fort (inachevé), les GO de Gordolon et de Flaut, PO de Baisse Saint Vérant (inachevé), Plan Caval (inachevé) dans l'Authion, de La Beole, du col d’Agnon, de La Dea, l’ouvrage du Col de Brouis, le GO du Monte Grosso, le PO du Champ de tir de l’Agaisen, les GO de l’Agaisen, de Saint Roch, du Barbonnet et du Castillon, PO du Col des Banquettes, le gros ouvrage de Sainte Agnès, le petit ouvrage du col des Gardes, GO du mont Agel, de Roquebrune, PO de la Croupe du Réservoir et enfin le gros ouvrage de cap Martin. Ces différents forts sont complétés par 16 ouvrages d’avant-poste.

Organisation en profondeur

La ligne Maginot est surtout un dispositif extrêmement complexe qui s'échelonne sur différents niveaux depuis la frontière.

La ligne Maginot n'a pas été conçue de manière homogène, et sa réalisation n'a en général pas été conforme aux projets d'origine pour des raisons essentiellement budgétaires. Dans les parties les plus conformes aux projets initiaux (secteur de Thionville en particulier), on distingue quatre parties distinctes :

  1. La ligne des avant-postes, destinée avant tout à détecter une attaque brusquée et à la retarder un temps grâce à des dispositifs prévus à l'avance (routes minées) pour laisser le temps à la Ligne Principale de Résistance de se mettre en état d'alerte.
  2. La Ligne Principale de Résistance, environ 2 km derrière les avant-postes, comporte les ouvrages et les organes de combat. Elle était matérialisée par un double réseau de rails anti-chars et de barbelés tout le long de la frontière.
  3. Les abris d'intervalles destinés à assurer le soutien des troupes combattant à l'air libre. Il s'agit en fait de casernes souterraines équipées uniquement pour le combat rapproché.
  4. L'arrière du front comporte tous les équipements de soutien logistique : réseau de téléphone et d’électricité, routes et voies ferrées militaires de 0,60 m dérivées du système Péchot, dépôts de munitions, casernes de temps de paix, etc.

Organisation interne des ouvrages

Entrée des munitions de l'ouvrage du Kobenbusch

Un ouvrage de la ligne Maginot s'organise autour de son armement et de sa mission. Ainsi, suivant son rôle, on retrouve différents éléments. De plus l'adaptation au terrain est également prépondérante dans l'organisation générale de ces ensembles fortifiés. Mais, de manière générale, on retrouve toujours : des blocs destinés à servir d'entrée soit pour la troupe (que l'on appelle "entrée des hommes"), soit pour les munitions et le matériel (entrée des munitions). Parfois ces deux blocs sont regroupés en un seul pour des raisons pratiques (notamment pour les ouvrages de montagne) ou bien pour les petits ouvrages dépourvus d’artillerie : dans ce cas l'entrée des munitions n'est pas utile (elle est alors appelée "entrée mixte").

Ces entrées donnent accès au réseau de galeries qui constitue l'ouvrage. En effet, les ouvrages Maginot sont enterrés afin d'être suffisamment protégés et le moins visible possible. Seules les entrées et les blocs de combats sont visibles de l'extérieur d’un ouvrage Maginot. L’armement est regroupé en blocs de combats, répartis dans une aire suffisamment vaste pour limiter l’efficacité des bombardements. Les entrées des ouvrages sont également rejetées bien à l'arrière des blocs actifs, parfois à plusieurs kilomètres pour les ouvrages de plaine.

Chambre pour la troupe (Ouvrage de St Ours Haut)

Comme nous l'avons vu, tout se passe sous terre. Ainsi un ouvrage peut développer plusieurs kilomètres de galeries (environ une dizaine pour les plus gros) mais tout dépend de la taille de l'ouvrage et de sa situation géographique. On retrouve ainsi une caserne avec les chambrées pour la troupe, une cuisine, une infirmerie avec parfois un bloc opératoire, une centrale de production d'électricité (tout dans un ouvrage fonctionne à l'électricité) pouvant compter jusqu'à 4 groupes électrogènes, parfois un magasin principal de munitions (dit magasin M1). Tous ces organes se trouvent proches des entrées de l'ouvrage. Ils sont reliés aux blocs de combat par une galerie principale, pouvant faire plusieurs kilomètres de long. Dans ce cas, un train sur voie étroite à traction électrique permet d'acheminer le matériel et les munitions aux blocs de combat. Du côté des blocs de combats, on retrouve le poste de commandement, des magasins à munitions et bien sûr dans ces blocs l'armement de l'ouvrage.

L'armement et les protections

Le béton fut employé massivement pour la protection de l’armement et des troupes : des milliers de mètres-cubes de béton étaient nécessaires pour la construction d'un ouvrage. Mais on utilisa également des cuirassements pour protéger les pièces d'artillerie et d'infanterie. Comme l'avaient montré les combats des forts de Verdun en 1916, les systèmes développés pour la protection des pièces d'artillerie furent conservés et améliorés pour être intégrés dans la ligne Maginot.

On retrouve ainsi deux types de protections pour les pièces : les casemates et les cuirassements. Les casemates sont des blocs en béton fortement armés (jusqu'à 3,5 mètres d'épaisseur) où sont installés les différents armements. Les cuirassements peuvent être divisés en deux catégories :

  • Les cuirassements fixes appelés « cloches » servant essentiellement à l’observation et pouvant être équipées de jumelles, de différents types de périscopes ou encore d'armes d'infanterie suivant les modèles. Il existait 5 types de cloches :
  • Les cuirassements mobiles appelés « tourelles à éclipse ». La tourelle est un cuirassement mobile pouvant s'éclipser pour protéger l'armement en ne laissant à la surface qu'une calotte d'acier spécial d'environ 30 centimètres d'épaisseur. En position de tir, la tourelle monte d'environ 30 centimètres dégageant ainsi les embrasures de tir. Elle peut pivoter sur 360° et offre l'avantage d'être très compacte pour une puissance de feu très importante.

Voici une liste des différentes armes en service dans la ligne Maginot :

Artillerie:

  • lance-bombes de 135 mm : On peut le retrouver soit sous casemates soit sous tourelles.
  • canon 75 mm : le célèbre canon français fut bien sûr adapté à la ligne Maginot dans différentes versions. C'est l’arme principale des ouvrages d'artillerie. On le retrouve en obusier sous casemate (modèle 75-29, 75-32 et 75-33 en action frontale dans les Alpes uniquement), comme mortier sous casemate (modèle 75-31) mais également sous tourelle : la tourelle de 75 modèle R32 (tube raccourci) ou la tourelle de 75 modèle 33.
Mortier de 75 mm modèle 31
  • mortier de 81 mm : sous tourelle ou sous casemate.
Mortier de 81 mm

Infanterie:

  • canon anti-char de 47 mm : uniquement sous casemate, ce canon était capable de percer à bonne distance tous les blindages des chars de l'époque.
  • canon anti-char de 37 mm : uniquement sous casemate.
  • arme mixte : il s'agit d'un trumelage : un canon antichar de 25 mm et deux mitrailleuses de 7,5 mm montés sous cloche (modèles JM modifiées ou AM), sous tourelle (modèle Arme-Mixte, tourelle dérivée directement de la tourelle de 75 modèle 1905 des forts Séré de Rivière) ou encore sous casemate.
  • jumelage Reibel pour deux mitrailleuses de 7,5 mm : sous tourelle, sous casemate ou sous cloche (cloche modèle JM).
  • fusil-mitrailleur FM24/29 : pouvant être monté sous cloche (modèle de cloche GFM pour Guetteur Fusil-mitrailleur) et sous casemate.
  • mortier de 50 mm : utilisé sous cloche et plus rarement sous casemates.
  • lance-grenade : cloche cuirassée spéciale destinée uniquement à la défense rapprochée, bien que ces cloches furent posées, elles ne reçurent jamais leur armement.

On constate donc que l’armement de la ligne Maginot se base sur le canon de 75 mm, qui fut très performant en 1914-1918, et qui montra une nouvelle fois toute sa valeur dans la ligne Maginot  : par exemple une tourelle de 75R32 pouvait tirer à une cadence de 30 coups par minute tout en étant d'une précision redoutable.

La ligne Maginot en action

Campagne de France

La ligne n'évita pas l'effondrement de la France au début de la Seconde Guerre mondiale en 1940, dans la mesure où les divisions allemandes la contournèrent en attaquant dans la région de Sedan, au-delà de son extrémité ouest (cf. percée de Sedan). Les armées alliées furent ainsi coupées en deux. Une partie de l'armée française, les troupes britanniques et belges ont été encerclées et repoussées vers les plages de Dunkerque où les Britanniques parviendront à envoyer des centaines de bateaux pour réembarquer les soldats pris au piège, dans le cadre de l'Opération Dynamo. Les armées de l'Est, troupes d'intervalles et régiments massés derrière la ligne, ont été prises en tenaille entre la frontière allemande et les divisions mécanisées allemandes qui avaient atteint la frontière suisse.

La ligne Maginot ne se poursuit pas jusqu'à la mer du Nord, mais s'arrête à Montmédy, face à la frontière belge. En effet, sa construction a eu lieu dans le cadre d'une coopération militaire franco-belge qui assurait la complémentarité des systèmes défensifs des deux pays face à l'Allemagne. Malheureusement, les Belges mirent fin à cette coopération en se déclarant neutres en 1936. Cette rupture contraignit les Français à adopter une stratégie hasardeuse qui consistait à traverser la Belgique dès l'invasion allemande, ce qui se soldera par un cuisant échec en mai 1940.

Aux lendemains de la Grande Guerre, à cause de l'hécatombe des premiers mois de l'offensive allemande en 1914, de la guerre de position dans les tranchées, des destructions infligées aux villes et aux bassins industriels et des sentiments pacifistes dans la population française, l’état-major français décida pour la « prochaine guerre » contre l'Allemagne qu’il fallait passer d’une stratégie offensive à une stratégie défensive. La ligne Maginot s'arrêtait donc à la lisière du massif des Ardennes que certains experts comme le maréchal Pétain, (héros de Verdun, Général en chef de l’armée de 1918 à 1931 et ministre de la guerre en 1934) jugeait « impénétrable » (1934) aux troupes mécanisées, au même titre que la Meuse et le canal Albert en Belgique. C'est ainsi que se développa un sentiment de sécurité avec la ligne Maginot, pratiquement chaque Français était persuadé d'être à l'abri de toute agression allemande. En réalité, la ligne Maginot ne couvrait pas la partie de frontière entre Charleville-Mézières et Dunkerque et n'avait pas été conçue pour servir de rempart inexpugnable et invincible, mais uniquement pour retenir une offensive allemande brutale le temps de procéder à la mobilisation générale dans de bonnes conditions. Malheureusement, en 1940, le Haut-Commandement l'utilisa en dépit du bon sens, et ceci a sa part de responsabilité dans le désastre de la campagne de France.

Ainsi, rassuré par cet immense dispositif et englué dans une doctrine inadaptée à la guerre moderne déclenchée par Hitler, le Haut-Commandement négligea de constituer une force d’attaque mobile en regroupant les blindés en groupes puissants, à l’instar des divisions de Panzer de la Wehrmacht. Cet état de fait est aggravé par la crise politique que traverse la IIIe République sclérosée, affaiblie et inerte face aux coups de force hitlériens. Lorsqu’elle est poussée à déclarer la guerre à l'Allemagne, elle continue à se voiler la face et à refuser la réalité, réalité qui se rappellera brusquement à elle le 10 mai 1940, lorsque l’offensive allemande se déclenche. Dans le chaos qui règne ensuite dans l’armée française, la ligne Maginot occupe une place à part, puisqu’elle résistera, souvent victorieusement, alors que derrière elle, le pays tout entier s'effondre : le 14 juin 1940, jour de la prise de Paris par la Wehrmacht, les défenseurs des fortifications de la Sarre infligent une sévère défaite aux Allemands, malgré des conditions très difficiles. Lors de la signature de l'armistice franco-allemand du 22 juin 1940, la quasi-totalité de la ligne, soit 400 000 soldats[2], résiste encore, et ce n'est qu'une semaine plus tard, le 1er juillet, que les équipages de la ligne, invaincus, doivent partir en captivité en Allemagne.

Les Italiens, à 10 contre 1, ne seront pas plus heureux et se verront soit repoussés, soit bloqués par les forts des Alpes. Le capitaine commandant l'ouvrage avancé de Menton-Garavan, prenant le soin de fermer à clef, avant de partir avec armes et bagages, laisse son bastion invaincu lors de l'armistice franco-italien.

De juillet 1940 à nos jours

Troupes américaines inspectant les fortifications en 1944 (Ouvrage du Hochwald)

L’histoire de la ligne Maginot ne s'arrête pas là, puisque les Allemands se serviront des installations souterraines pour abriter des usines de guerre. Elle permettra également aux Allemands, en 1944-1945, d’infliger plusieurs revers aux Américains en train de libérer la France. Après la guerre, l’armée française réinvestit la ligne, la restaure et la modernise, dans le cadre de l’OTAN, face à la menace soviétique. Cependant, à partir de 1961, l’armée abandonne peu à peu les ouvrages qui sont généralement vandalisés et pillés. Aujourd’hui, plusieurs associations ont pris en charge certains ouvrages, les ont restaurés et ainsi ouvert au public un pan de l’histoire française aujourd’hui encore largement méconnu.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean-Bernard Wahl, Il était une fois la ligne Maginot, Jérôme Do Betzinger Éditeur, 1999
  • Philippe Truttmann, La Muraille de France, ou La Ligne Maginot, Editions Klopp, Thionville, 1985
  • Michaël Seramour, « Histoire de la ligne Maginot de 1945 à nos jours » Revue historique des armées, 247 | 2007, [En ligne], mis en ligne le 29 août 2008. URL : http://rha.revues.org//index1933.html. Consulté le 17 décembre 2008.
  • A. Honadel, Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, Histoire & Collections, 2001, 256p, (ISBN 978-2908182972)
  • J-Y Mary, La ligne Maginot : ce qu'elle était, ce qu'il en reste, Sercap, 1991, 355p, (ISBN 978-2732102207)
  • Jean-Pascal Soudagne, L'histoire de la ligne Maginot, Ouest-France, 2006, 127p, (ISBN 978-2737337017)
  • Roger Bruge, Faites sauter la ligne maginot, Marabout, 1990, (ISBN 978-2501007122)
  • Stéphane Gaber, La ligne Maginot en Lorraine, Serpenoise, 2005, 180p, (ISBN 978-2876926707)

Liens externes

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Les forts Séré de Rivières 1870 - 1914 http://www.fortiffsere.fr/

Notes et références

  1. La ligne Maginot est née sous l'impulsion du ministre de la Guerre Paul Painlevé (23 juillet 1926 - 26 juillet 1929). André Maginot, son successeur (29 juillet 1929 - 22 octobre 1929) continua le travail de Paul Painlevé et fit finalement voter les crédits de construction de la ligne. (J.-B. Wahl, Il était une fois la ligne Maginot)
  2. John Keegan, The Second World War, ISBN 0-14-011341-X, page 84


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