Révolte des paysans

Révolte des paysans

La révolte des paysans a eu lieu en Grande-Bretagne en 1381, pendant la guerre de Cent Ans, et vu le soulèvement de plusieurs dizaines de milliers de paysans, revendiquant la fin du servage, prendre Londres.

La mort de Wat Tyler
Chroniques de Froissart

Sommaire

Contexte

Conséquences économiques de la guerre de Cent Ans

En 1381, les Anglais ont été pratiquement chassés du continent par l'habile Charles V, alors qu'ils contrôlaient le tiers du territoire français en vertu du traité de Brétigny obtenu après les victoires écrasantes d'Édouard III à Crécy et à Poitiers. Seules Calais, Bordeaux et Bayonne restent sous leur contrôle et ils ont perdu la maîtrise des mers à la Bataille de La Rochelle en 1372. Or le Royaume d'Angleterre dépend du sel de Bretagne et de Poitou (pour conserver la viande), des vins de Guyenne (qui sont plus salubres que l'eau) et des Flandres auxquels il vend de la laine[1]. La paix n'étant pas signée malgré la trêve, et le commerce trans-Manche s’en trouve fortement perturbé.

Or l'Angleterre est devenue du fait de sa forte production de laine un pays fortement artisanal et commerçant. Les villes ont obtenu en 1215 la Grande Charte qui leur concède la liberté et le contrôle de la fiscalité via le parlement du fait du discrédit jeté sur la couronne par les défaites de Jean sans Terre face à Philippe Auguste.

Alliés commerciaux des tisserands flamands, les Anglais avaient soutenu la révolte des villes flamandes dirigée par Jacob van Artevelde. Ce dernier avait ainsi contrôlé les Flandres de 1338 à 1345. Mais le parti loyaliste reprend le contrôle de cette région en 1345. Les rois d'Angleterre ont alors fait venir des tisserands fuyant les Flandres pour ne plus être dépendants du contrôle de cette région par la France. Depuis le début de la guerre cet exode est favorisé par les mesures incitatives du roi d'Angleterre qui taxe les vêtements beaucoup moins que la laine et qui dès 1337 accorde de larges privilèges à tout ouvrier étranger s'établissant dans les villes anglaises tout en interdisant l'exportation de laine vers les Flandres et l'importation de draps[2]. À la fin du siècle il a donc, en Angleterre, de nombreux tisserands itinérants confrontés à un pays en crise économique et donc particulièrement mécontents de leur sort.

La grande peste de 1348 et 1349 a fait chuter la population rurale. Dès lors les paysans produisent moins de denrées alimentaires et les prix augmentent. Redevenant une force économique dans la société, ils peuvent donc prétendre à un rôle social plus important. Il reçoivent donc très favorablement les idées égalitaristes de John Wycliffe[3]. De manière inverse la demande en biens manufacturés a fortement décru, suivant la démographie. Les temps sont durs pour les artisans et commerçants et particulièrement pour les tisserands itinérants flamands. L'augmentation des impôts par capitation (dont la noblesse et le clergé sont exemptés) en 1380 aggrave le mécontentement général.

Les nobles anglais revenus au pays et nécessitant des finances pour entretenir leur train de vie et leur armée extorquent des impôts à leurs paysans et laissent piller le pays par leurs soudards (ils ont pris l'habitude de payer leur armée par des chevauchées qui sont de vastes opérations de pillage à travers les campagnes françaises). Cette habitude va attiser un profond ressentiment à l'encontre de la noblesse déjà discréditée par ses défaites à répétition en France. Les routes n'étant plus sécurisées (ce qui est pourtant le rôle de la noblesse) le commerce est fortement perturbé et la colère monte aussi en ville.

Les prédicateurs lollards

Évangile traduit par John Wyclif, copie de la fin du XIVe siècle, Folio 2v of MS Hunter 191 (T.8.21)

Le contexte religieux de l'époque est tout aussi propice : L'Église est divisée par le grand Schisme d'Occident et cette période est favorable à l'énoncé de nouvelles théories théologiques. En effet le Pape et l'Antipape voulant s'assurer le soutien des ecclésiastiques, des universitaires et des politiques envoient de nombreux ambassadeurs dans toute l'Europe. Les courants de pensée réformateurs ou contestataires sont donc peu combattus à cette époque.

John Wyclif (1320-1384) est un théologien et précurseur de la Réforme. Il prend résolument parti pour le réalisme contre le nominalisme. Il milite pour un retour à la Bible et à l'augustinisme et publie De domino divino (1375), De officio regis, De veritate scripturæ (1378), De potestate papæ (1379). Il met en cause le principe de l'autorité de la hiérarchie dans l'Église et préconise la désignation du pape par tirage au sort. Il dénie aux prêtres en état de péché mortel la possibilité de remettre les fautes. Wyclif laisse clairement entendre que l'Église d'Angleterre est pécheresse et coupable de corruption. Il se gagne les faveur d'une partie de la noblesse en voulant lui redistribuer les richesses de l'Église. Les ducs de Northumbrie et de duc de Lancastre (Jean de Gand qui est à l'époque régent du royaume), la population londonienne et pendant un certain temps les ordres mendiants soutiennent ses idées qui sont propagées en Angleterre par des prédicateurs itinérants appelés les pauvres prêcheurs ou lollards. Ses thèses religieuses égalitaristes trouvent une large audience et on accuse Wyclif de semer le désordre social.

Le déclenchement

La révolte débute en Essex à Brentwood où les paysans se rebellent contre un collecteur d'impôts trop zélé. L'exemple fait tache d'huile et les villages avoisinants font de même, puis les comtés voisins. Bientôt des bandes armées de villageois et d'habitants des bourgs attaquent les châteaux et les édifices religieux du Kent, du Suffolk, du Hertfordshire et du Norfolk.

Les théories de Wyclif tels que les tisserands et les paysans les entendaient se répandaient rapidement grâce aux pauvres moines, appelés Beghards (d'où le mot beggar - mendiant) et Lollards. C'étaient souvent des tisserands sans emploi qui allaient d'un village à l'autre. Les Beghards étaient très nombreux surtout dans le Norfolk et plus particulièrement dans la ville de Norwich. Les plus connus s'appelaient John Ball et Jack Straw qui organisèrent surtout les paysans dans le Kent. En début de 1381, John Ball fut arrêté par des gardes de Simon Sudbury, l'archevêque de Canterbury. Lors de son arrestation il disait : « il y aura 20 000 hommes qui vont me libérer ». John Ball a sous-estimé la colère des paysans.

La marche sur Londres

Le pays étant parcouru par des tisserands et des lollards itinérants, un soulèvement de grande ampleur peut être préparé par Wat Tyler. Le 10 juin 1381, les paysans se rassemblent partout dans le pays pour marcher sur Londres, tout en ayant réussi à garder secrets les préparatifs (il faut dire que les moyens de communications de l'époque sont très faibles).

En route les paysans libèrent John Ball et lorsqu'ils arrivent devant les portes de Londres ils sont environ 100 000. Ils demandent alors de voir le Richard II pour qu'il leur accorde leurs revendications : abolition du servage, abolition du privilège de chasse et de pêche de la noblesse.

Richard II fuit les insurgés: Chroniques de Jean Froissart

Les insurgés de l'Essex et du Kent marchent sur Londres. Le 12 juin, les paysans venus de l'Essex campent à Mile End, dans des champs proches d'Aldgate, et dans les jours qui suivent ceux du Kent arrivent à Blackheath. le gouvernement et les autorités londoniennes sont complètement surprises, bien que le roi ait quitté Windsor pour la Tour de Londres. Le roi qui n'avait que 15 ans arrive à leur rencontre à bord d'une barque sur la Tamise. Lorsqu'il voit les paysans il est tellement effrayé qu'il fait faire demi-tour. Les paysans voyant les négociations s'interrompre donnent l'assaut à la ville de Londres, le 12 juin. Les jours suivant les rebelles sont rejoints par des citadins (en particulier les artisans et commerçants) qui leur ouvrent les portes et les aident à planifier des attaques sur les cibles politiques dans Londres. Ils incendient le Palais de Savoie, où résidait le régent Jean de Gand (et oncle de Richard II). Ils incendient aussi le Treasurer's Highbury Manor, ouvrent les prisons et détruisent les registres administratifs. Le roi se retranche dans la Tour de Londres et l'assaut est donné le 14 juin. Lors de la prise de la Tour, l'archevêque de Canterbury est tué mais le roi s'échappe de justesse. Cette fois, il accepte des négociations avec les paysans. Alors beaucoup d'entre eux croyant leur cause gagnée rentrent chez eux. Néanmoins, suite à l'appel de John Ball, de Wat Tyler et de Jack Straw leurs forces restent importantes.

La répression

Assassinat de Wat Tyler par Walworth sous l'œil de Richard II et Richard II s'adressant à la foule

Richard II d'Angleterre qui a réuni en hâte 8000 soldats, appelle Wat Tyler pour fixer les détails du traité à conclure. Mis en confiance par la prise facile de Londres, celui-ci pense que le roi ne peut qu'accepter ses revendications. Il vient donc parlementer en toute confiance et s'isole de ses troupes. Il demande au roi de libérer les paysans du servage, celui-ci fait mine d'accepter mais précise qu'il ne peut mettre en péril sa couronne. Wat Tyler remonte à cheval. William Walworth, le Lord maire de Londres, s'approche à cheval et le provoque en le traitant de pire voleur de tout le Kent. Furieux Wat Tyler dégaine sa dague et frappe Walworth. Celui-ci protégé par une cotte de mailles n'est pas blessé ; il tire son épée et le tue d'un coup à la nuque[4]. La bataille semble inévitable mais Richard tente un coup de bluff : il se présente aux insurgés en leur disant que Wat Tyler vient de lui rendre hommage et qu'il l'a adoubé, donc que lui, le roi est leur véritable chef et qu'il doivent rejoindre ses rangs. Mais les paysans ne sont pas dupes et Richard II fait sonner l'attaque. Le soir de la bataille on compte 1500 morts parmi les paysans, y compris Jack Straw. Toutefois, ils sont loin d'être défaits et le roi n'a pas assez de forces pour les poursuivre. En même temps le Lord Maire de Londres nettoie sa ville en faisant tuer — d'après des documents officiels — 151 rebelles seulement dans la ville de Londres. Quelques semaines après ces événements, John Ball sera pris dans une ancienne abbaye et exécuté.

Les tisserands, moins aptes au combat que les paysans dont beaucoup avaient servi dans l'armée d'Édouard III, ne purent opposer une force cohérente. Le 11 juin leur révolte, conduite par Geoffrey Litster, échoue : l'évêque de Norwich, Henry Despencer, dispose de troupes, ce qui lui permet d'amener les tisserands à une bataille dans des conditions défavorables pour eux. L'évêque fit massacrer tous les prisonniers après leur avoir lui-même donné l'absolution.

Conséquences

Liens internes

Sources

Notes et références

  1. Pour des raisons de santé publique: à l'époque le vin est plus salubre que l'eau et le sel indispensable à la conservation des aliments. Y a-t-il une pensée navale dans l'occident médiéval?, Philippe Richardot, Stratis.org
  2. Jean Favier, La guerre de cent ans, Fayard 1980, p. 76
  3. "Conflagration: The Peasants' Revolt", Melissa Snell
  4. Chronique d'époque anonyme, l'entrevue entre Richard II et le meneur des paysans insurgés Wat Tyler



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