Roman de Renard

Roman de Renard

Roman de Renart

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Le Roman de Renart est un recueil de récits médiévaux français des XIIe et XIIIe siècles ayant pour héros des animaux agissant comme des humains ; le monde animal représentant la société du moyen âge. Ce n'est pas un roman à proprement parler, mais un ensemble disparate de récits en octosyllabes de longueur variable et composés par différents auteurs, appelés dès le Moyen Âge « branches ». Les branches les plus anciennes (v. 1170) sont attribuées à un certain Pierre de Saint-Cloud. Dès le XIIIe siècle, les branches sont regroupées en recueils, apportant une certaine unité.

Sommaire

Contexte

Dès le XIIe siècle, la bourgeoisie a sa propre littérature, véritable satire sociale avant la lettre. Elle est par essence malicieuse, pittoresque, parfois grivoise ou, à l'inverse, morale, mais le plus souvent réaliste. Il nous en reste essentiellement des fabliaux (Estula - Le lévrier et le serpent - Moniage Guillaume), des farces (La Farce de Maître Pathelin) et des romans comme le Roman de Renart.

C'est une œuvre composée de courts récits indépendants en vers octosyllabiques. Écrit en français, langue romane d'où le nom roman, il en existe 27 branches rédigées, au cours des temps, par des auteurs différents. Il met en scène des animaux dont les deux principaux sont le loup Ysengrin et surtout le goupil Renart, le si célèbre héros. Le récit contient 80 000 vers, à rimes plates pour favoriser la citation de ces récits (ils étaient racontés, sous diverses formes, par les jongleurs à la population, très peu de gens sachant lire et écrire au Moyen Âge).

Interprétations

Renart le goupil, bronze commémoratif à Hulst, Pays-Bas

Ces textes satiriques ont des fonctions diverses :

  • de critique sociale des classes dominantes, incapables de nourrir les petites gens ; de parodie des chansons de geste et romans courtois, mêlée d'anticléricalisme ;
  • psychologiques (voire cathartiques) : transgression de tabous religieux (Dieu est absent et les formes sociales de la religion - pèlerinage, croisade ou simplement le clergé - sont méprisées et ridiculisées) alors que l'antagonisme central entre Renart et Ysengrin fait appel à la scène primitive (le viol de la louve).

Ces textes ont inspiré certains auteurs contemporains comme Carl Gustav Jung, dans la création de son concept d'Enfant intérieur et Paul Radin, dans son étude du Trickster. Ces auteurs furent interpelés par la figure de Till l'espiègle ou celle du renard dans Le Roman de Renart, entre autres, comme modèles de ce qu'ils nommaient le « fripon divin » : un être espiègle, malicieux et facétieux.

Seulement, Renart dénonce (la faim, la violence, la bêtise...) mais ne propose rien.

Les œuvres les plus tardives (Renart le Bestourné (à l'envers) de Rutebeuf, ou l'anonyme Renart le Contrefait (1319-1342), accentuent encore la satire.

Selon certaines interprétations, Renart représenterait le petit peuple, toujours prêt à mille « jongleries » pour survivre ; Ysengrin : la bourgeoisie, lourde et patentée ; Grimbert, le blaireau : le clergé et Brun, l'ours : la noblesse. Mais dans le texte, tous les personnages sont explicitement présentés comme appartenant à la noblesse. Renart est un chevalier qui vit dans son château de Maupertuis et est le premier à se moquer des vilains et à vivre à leurs dépens en les ridiculisant voire en n'hésitant pas à les tuer.

Pour d'autres interprètes (qui semblent aller encore plus loin), le roman serait une représentation de la cellule familiale primaire. Renart serait la femme, un peu rusée, un peu sorcière et le loup, l'éternel mari, fort et brutal, toujours prêt à profiter de ses avantages naturels mais finalement toujours berné. Une famille dont le patriarche, serait le lion ; le corbeau, la belle-mère ; l'ours : le beau-père, etc. D'ailleurs, ces rôles « traditionnels », se retrouvent, quasiment à l'identique, dans plusieurs autres cultures européennes (Finlande, Suède, Roumanie, Russie), ou même orientales (Chine, Inuits, Mongolie...).[réf. nécessaire])

Les frères Grimm y voient une « épopée animalière (Thiersage) venue de Germanie via Tacite. Ce qui lui confèrerait des racines indo-européennes.

Mais le monde des animaux, miroir du monde humain, sert avant tout à critiquer celui-ci. Les auteurs se moquent de tout, des chevaliers aux pèlerins, de la justice aux courtisans, montrant partout l'hypocrisie. Successeurs d'Ésope, ils préfigurent les fables de Jean de La Fontaine.

Origines

Origine des noms

Renard place du Renard Mortagne-sur-Sèvre.jpg
  • Renard (ou Renart) est un nom de personne d'origine germanique : Raginhard (ragin = conseil + hard = dur). Le substantif renard est au départ un prénom ; c'est la popularité du goupil prénommé Renart qui en a peu à peu fait un substantif.
  • Dérivés : Raynard, porté notamment en Vendée, Puy-de-Dôme et en région lyonnaise.

Variantes : Raynart, Rainart (06), Rainard (79, 86). Regnard, porté notamment dans l'Yonne et la Somme ; c'est un nom de personne d'origine germanique identique à Renard.

Variantes : Regnart (51, 80) ; Réginard, Reynard, porté dans la région lyonnaise et le Vaucluse.

  • Dans le poème de Nivard de 1148, plusieurs animaux retrouvent un nom fixé, de longue date, par la tradition. Ce sont : Reinardus le goupil, Balduinus l’âne, Bruno l’ours. Le nom des autres animaux ne reparaissent plus... inventés pour la circonstance, ils disparaîtront avec leur auteur.
  • En Allemagne, de nos jours, Reinhart est un patronyme assez courant. D'ailleurs, nous retrouvons dans le « Glichezâre » : Reinhart pour Renart, Dieprecht pour Tibert, Diezelin pour Ticelin. Par de singuliers échanges, ces termes d'origine mérovingienne (donc germanique) paraissent avoir ensuite été latinisés puis récupérés par le français, avant, d'être de nouveau germanisés puis enfin définitivement refrancisés.
    • Ainsi goupil vient du latin Vulpes mais les Francs lui préfèrent le terme mérovingien Reinhardt qui sera une première fois francisé en Reynard (ou Reynart), repris en allemand tel quel, latinisé en Reinardus puis en Renardus avant d'être définitivement refrancisé en Renard ou Renart[réf. nécessaire])
  • Quant à Ysengrin, Ysen-grin, il signifie en ancien néerlandais « féroce comme le fer » ou « casque de fer ».

Origine des textes

Roman de Renart ; enluminure de manuscrit

Ces textes sont issus d'une longue tradition de récits animaliers en latin, notamment l’Ysengrimus, ainsi que des fables ésopiques regroupées au Moyen Âge dans des recueils nommés « Isopets ».

Elle peut se retrouver dans :

  • le Pañchatantra, livre de contes indiens très anciens, parvenu en Europe sous diverses traductions grâce aux Arabes ;
  • des contes populaires, sans doute très anciens pour quelques-uns ;
  • des auteurs grecs (Ésope) et latins (Phèdre) ;
  • des poèmes en bas-latin, surtout :
    • La Disciplina clericalis, recueil « d'exempla » (petits contes moraux) d'origine orientale composé en latin vers 1110 par Pierre Alphonse, médecin sépharade converti au christianisme - Ces récits ont eu un succès durable dans la littérature européenne comme la première élaboration connue du « Conte du loup et du renard dans le puits » (branche IV du Roman) ou des récits fournissant l'intrigue d'autres fabliaux célèbres ;
    • l'Ysengrimus : 6 500 vers en distiques latins, où l'on trouve pour la première fois, le personnage de Reinardus) du clerc flamand Nivard de Gand qu'il écrivit en 1148-1149 sous le titre premier de « Renardus vulpes » ;[réf. nécessaire])
  • les Fables de Marie de France, qui datent de 1152.

Les textes

Les auteurs identifiés

Peu d'auteurs sont connus. Le plus ancien est probablement Pierre de Saint-Cloud. On a également identifié Richard de Lison, et un troisième auteur désigné comme étant « le prêtre de la Croix-en-Brie ». Mais il y a 27 autres auteurs non identifiés.

Les branches

Elles ont varié au gré des rééditions, d'autant que les manuscrits ne les présentaient ni en fonction de la chronologie interne du roman, ni en fonction de leur date de composition (certaines étant de plus altérées ou mélangées). Les branches identifiées par E. Martin font toutefois référence :

  • Branche I : Le jugement de Renart. Le siège de Maupertuis (Ia). Renart teinturier (Ib). Renart jongleur.
  • Branche II : Chantecler le coq. La mésange. Tibert le chat. Tiécelin le corbeau. Renart et Hersent.
  • Branche III : Le poisson des charretiers. Ysengrin fait moine. La pêche aux anguilles.
  • Branche IV : Ysengrin dans le puits.
  • Branche V : Les jambons d'Ysengrin. Le grillon. Le serment de Renart (Va).
  • Branche VI : Le combat de Renart et Ysengrin.
  • Branche VII : La confession de Renart.
  • Branche VIII : Le pèlerinage de Renart.
  • Branche IX : Roënel le chien et Brichemer le cerf. Liétart le vilain.
  • Branche X : Renart médecin.
  • Branche XI : Renart empereur.
  • Branche XII : Les vêpres de Tibert
  • Branche XIII : Renart teint en noir.
  • Branche XIV : Le cellier du villain. Primaut le loup.
  • Branche XV : L'andouille. Les deux prêtres.
  • Branche XVI : Bertaut le vilain. Le partage du lion.
  • Branche XVII : La mort de Renart.
  • Branche XVIII : Le prêtre Martin.
  • Branche XIX : Raisant la jument.
  • Branche XX : Yengrin et les deux béliers.
  • Branche XXI : L'ours Patous.
  • Branche XXII : Les semailles.
  • Branche XXIII : Renart magicien. Le mariage du roi Noble.
  • Branche XXIV : La naissance d'Ysengrin et Renart.
  • Branche XXV : Pinçart le héron. Le batelier.
  • Branche XXVI : L'andouille jouée à la marelle.
  • Branche XXVII : Renart et Ysengrin.

Les personnages

Renart
  • Renart : le goupil espiègle, rusé, personnage principal de ces récits. Complexe et polymorphe, allant du bon diable redresseur de torts tel Zorro (renard en espagnol) au démon lubrique et débauché, il incarne la ruse intelligente liée à l'art de la belle parole. Aussi appelé « le maître des ruses ».
  • Ysengrin : le loup bête et cruel, éternel ennemi de Renart, toujours dupé. Son épouse, Dame Hersent la louve, fut jadis « violée » par Renart ; d'où une éternelle rancœur.
  • Primaut, le damp (seigneur) loup (parent ou alter-ego d'Ysengrin).
  • Noble, le lion : roi des animaux.
  • Dame Fière, la lionne, épouse de Noble.
  • Beaucent, le sanglier.
  • Espineux, le hérisson.
  • Belin, le mouton.
  • Petitfouineur, le putois.
  • Baudoin (ou Bokart), l'âne : secrétaire du roi.
  • Brun (ou Bruno ou Bruin), l'ours (d'après la couleur de sa robe, ou d'après un nom germanique traditionnel).
  • Chantecler, le coq : il fut emporté par Renart, mais s'en tira sain et sauf.
  • Chanteclin, le coq : il est le père de Chantecler.
  • Couart, le lièvre.
  • Eme, le singe : époux de Dame Rukenawe, la guenon.
  • Grimbert, le blaireau : défenseur et cousin de Renart.
  • Grymbart, la renarde : sœur de Renart.
  • Hermeline, la renarde : épouse de Renart, qui eut quelques démêlés avec Hersent.
  • Hersent, la louve : épouse d'Ysengrin, qui fut jadis « violée » par Renart.
  • Tibert, le chat : il se fit malgré lui piéger par Renart, mais se montra régulièrement un rival également rusé.
  • Tiécelin, le corbeau : il déroba un fromage à la fenêtre d'une maison de campagne et se le fit voler par Renart.
  • Blanche, l'hermine.
  • Brichemer, le cerf : sénéchal.
  • Bernard, l'âne.
  • Corbant, le freux.
  • Sharpebek : épouse de Corbant.
  • Coupée, la geline.
  • Courtois, petit chien.
  • Drouin, le moineau.
  • Hubert, l'escoufle (milan, rapace propre aux régions chaudes et tempérées).
  • Firapel, le léopard.
  • Jacquet, l'écureuil.
  • Dame Mésange, la mésange dont le fils a Renart pour parrain.
  • Musart, le chameau : légat du Pape.
  • Ordegale, castor.
  • Pantecroet, la loutre.
  • Percehaie, Malbranche, et Renardel ou Rovel : Fils de Renart et d'Hermeline.
  • Roonel ou Roënel, le mâtin (gros chien).
  • Dame Rukenawe, la guenon : épouse d'Eme, le singe.
  • Tardif, le limaçon.
  • Vader de Lantfert : fils de Dame Pogge de Chafporte et de Macob.
  • Rohart le corbeau.
  • Rousse la mère.
  • Pinte et Copette: les deux gelines.
  • Pelé : le rat.

Recentrer le Roman dans l'histoire

Selon l'érudit Lucien Foulet, sa composition s’échelonne de 1174 à 1250. Vingt-huit auteurs indépendants y ont collaboré, dont seulement trois ont tenu à nous transmettre leur nom. Ces écrivains ont réalisé une œuvre maîtresse, et à succès.

Rutebeuf écrivit un Renart le bestourné et un dit De Brichemer, et Jacquemart Giélée de Lille un Renart le Nouvel. Le Couronnement de Renart date de la seconde moitié du XIIIe siècle. Maurice Delbouille, dans Lettres françaises de Belgique (dirigé par Charlier et Hanse), identifie son auteur par sa langue, « marquée fortement de particularités dialectales picardes et wallonnes », à un clerc vivant à la Cour du Comte de Namur. Le Couronnement de Renart par l'âpreté de son ton, la violence de ses mises en cause, paraît comme détaché du Roman de Renart proprement dit bien qu'il lui doive beaucoup.

Au XIVe siècle, on réécrit deux fois Renart le Contrefait ; la première est l’œuvre d’un commerçant en épices ; la seconde, véritable somme ne compte pas moins de 40 000 vers (produits entre 1319 et 1342).

Adaptations

Le Roman de Renart a été maintes fois adapté en français moderne, le texte original étant d'un abord difficile pour les non-initiés. Nombre de ces adaptations, notamment celles destinées à la jeunesse, ont par ailleurs gommé les traits les plus subversifs de l'œuvre.

Bande dessinée

  • Le Roman de Renart est une série de bande dessinée pour la jeunesse parue aux éditions Delcourt.
  • voir aussi Benjamin Rabier [1]
  • Le Roman de Renart , série de bande dessinée jeunesse parue aux éditions Galllimard, dans la collection Fétiche [2].
  • En outre, René Goscinny et Albert Uderzo avaient dans un premier temps projeté d'adapter le Roman de Renart pour le compte du journal Pilote lors de son lancement en 1959. Cependant, le projet fut rapidement abandonné (car déjà initié par quelqu'un d'autre) au profit d'Astérix le Gaulois.
  • Dans la série De cape et de crocs d'Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou, les noms des deux personnages principaux sont des références au Roman de Renart. Don Lope, le loup, se nomme "Villalobos y Sangrin". On reconnaît là le nom d'Ysengrin, le loup antagoniste de Renard dans le roman. Quant à Armand, le renard, son nom de famille ("Maupertuis") est aussi celui de la forteresse du goupil.

Cinéma

Télévision

En 1985, Le Roman de Renart a été adapté assez librement et « modernisé » dans une série d'animation française intitulée Moi Renart.

Théâtre

Le Roman de Renart a fait l'objet d'une adaptation conte et théâtre par le Totem Théâtre de Colmar (spectacle toujours en exploitation [3]) "Le Roman de Renart" est également une pièce de théâtre tout public en cours d'exploitation par la Compagnie Olinda basée à Aix en Provence. [4]

Web

Voir aussi

Bibliographie

Bibliographie française ou de langue française

  • Maurice Delbouille Les fabliaux et le roman de Renart in Lettres belges de langue française" (directeurs Charlier et Hanse), La Renaissance du livre, Bruxelles, 1958.
  • Elisabeth Schulze-Busacker, Renart, le jongleur étranger : analyse thématique et linguistique à partir de la Branche Ib, in Actes du IIIe Colloque International « Beast Epic, Fable and Fabliau », Münster 1980, Köln / Wien (Böhlau), 1982, p. 380-391.
  • Édition Michel Lévy Frères éditeurs, Collection Hetzel & Lévy.Paris, 1858.
  • Version nouvelle de Paul Tuffrau. L'Artisan du Livre, 1942 (avec des gravures sur bois de Lucien Boucher).
  • Réédition du Manuscrit de Cangé par Mario Roques, 1955.
  • Réédition d'Honoré Champion, 1960 - 1983.
  • Ed. L'Art - H Piazza 1966, couverture et ornements decoratifs par Jan-Loic Delbord, 204 p.
  • Le Roman de Renart, traduction de H. Rey-Flaud et A. Eskénazi, Paris, Champion, 1971.
  • Le Roman de Renart, Édition Flammarion, 1985, établi et traduit par Jean Dufournet et Andrée Méline.
  • Édition complète, Bibliothèque de la Pléiade, avril 1998.
  • Édition de Félix Lecoy d'après le manuscrit Cangé. 1999 [160 pages].

Bibliographie non-française

  • Anthony Lodge, The Earliest Branches of the « Roman de Renart », Éditions Peeters, Louvain, Paris, 2001.
  • The Romance of Reynard the Fox. Ed. and trans. Roy Owen. Oxford : Oxford UP.
  • Antonio Domínguez, El Roman de Renard y la cuentística española : In Estudios en Homenaje al Dr. Antonio Beltrán Martínez, Zaragoza: Facultad de Filosofía y Letras de la Universidad de Zaragoza, 1986. 953-68.
  • Carlos García Gual, El Roman de Renard : carrera de un héroe anticaballeresco, In García Gual, Primeras novelas europeas. 2ª ed. Madrid: Istmo, 1988. 277-89.

Lien externe

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