Requiem de Mozart

Requiem de Mozart
Wolfgang Amadeus Mozart (portrait posthume de Barbara Krafft)

La messe de Requiem en ré mineur (KV 626) de Wolfgang Amadeus Mozart, composée en 1791, est la dernière œuvre du compositeur. Elle n'est de la main de Mozart que pour les deux tiers, environ, la mort en ayant interrompu la composition. Elle reste néanmoins une de ses œuvres emblématiques. Sa veuve, Constance, pour pouvoir honorer malgré tout la commande, demanda à Joseph Eybler et Franz Xaver Süßmayr de compléter la partition. Le Requiem a suscité de nombreuses légendes, tant du fait des circonstances insolites de sa commande que de la difficulté à distinguer exactement ce qui était de la main de Mozart et ce qui ne l'était pas.

Sommaire

Naissance de l’œuvre

Les cinq premières mesures du Lacrimosa dans la « partition de travail ». En haut à gauche, les parties des cordes de l'introduction, en bas à droite le début de la phrase vocale et du continuo, tous deux de la main de Mozart. En haut à droite, la note de donation d'Eybler pour « le dernier manuscrit de Mozart » à la k.[aiserliche] [und] k.[önigliche] Hofbibliothek (Bibliothèque de la cour impériale et royale). Au verso de cette feuille, après trois autres mesures, le manuscrit de Mozart s'arrête.

Dans les années précédant sa mort, Mozart se tourna de plus en plus vers la musique sacrée. On dénombre ainsi toute une suite de fragments de Kyrie datés de 1787 à 1791. Afin de consolider son expérience dans ce domaine, il se présenta avec succès au poste d'adjoint de Leopold Hofmann, le Kapellmeister de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne. Le poste d'adjoint n'était certes pas rémunéré, mais Mozart pouvait espérer ainsi obtenir la place du Kapellmeister, qui rapportait 2000 florins, un statut très lucratif . En juin 1791 Mozart termina son (célèbre) motet pour la Fête-Dieu, « Ave Verum Corpus ». La commande d'une œuvre de musique sacrée plus importante pouvait donc lui parvenir.

Au cours de l'année 1791 Mozart reçut la commande d'un Requiem de la part de plusieurs intermédiaires anonymes, agissant pour l'excentrique comte Franz de Walsegg. La moitié de la récompense était jointe à la commande. Mozart se conforma à la forme traditionnelle du texte du Requiem, et renonça simplement à mettre en musique le Graduale et le Tractus (le Graduel et le Trait), ce qui se fait en général. Un des modèles aurait été le Requiem en do mineur de Michael Haydn. Lors de la première de cette œuvre, Wolfang Amadeus Mozart, alors âgé de 15 ans, avait joué dans l'orchestre.

Au fur et à mesure que la composition avançait, la santé de Mozart empirait. À sa mort, le 5 décembre 1791, il avait uniquement écrit les premières mesures de l'Introït (Requiem Æternam) pour tous les instruments et le chœur. Pour la pièce suivante, le Kyrie, ainsi que la majeure partie des vingt strophes de la séquence Dies iræ (de la première, Dies Iræ, à la seizième strophe, Confutatis)[1], seules les voix du chœur et la basse continue étaient terminées. Au-delà, seuls quelques passages importants de l'orchestre étaient esquissés (par exemple le solo de trombone du Tuba Mirum ou le plus souvent la partie des premiers violons). Le Lacrimosa, dix-huitième strophe (mais ici sixième épisode de la séquence), se terminait à la huitième mesure, il resta inachevé. Dans les années 1960 on découvrit une ébauche de fugue sur l'Amen, qui devait visiblement conclure ce Dies Iræ. Les prières suivantes (les « numéros » suivants), le Domine Jesu Christe et l'Hostias, étaient seulement élaboré(e)s, pour le chœur et pour une partie de la basse continue. Il manquait l'intégralité du Sanctus, du Benedictus, de l'Agnus Dei, et de la Communion (Korten 1999, p.104).

Constance Mozart

On peut comprendre que la veuve de Mozart, Constance Mozart, tenait beaucoup à ce que l'œuvre inachevée soit complétée, une des raisons étant de ne pas avoir à rembourser la première moitié du paiement versée d'avance, et de pouvoir obtenir la seconde moitié. Elle confia donc la tâche de terminer le Requiem à d'autres compositeurs, principalement des élèves de Mozart. Constance Mozart s'adressa d'abord à Joseph Eybler. Il travailla à l'orchestration des strophes du Dies Iræ, de la première strophe jusqu'au Lacrimosa, mais abandonna ensuite la tâche pour des raisons inconnues. Il rajouta ses compositions directement sur la partition autographe de Mozart.

Un autre jeune compositeur et élève de Mozart reçut alors la demande : Franz Xaver Süßmayr, qui put s'appuyer sur le travail d'Eybler pour l'orchestration. Süßmayr écrivit les parties de trompettes et de timbales dans le Kyrie (ainsi qu'une partie des indications manquantes de la basse continue) et compléta l'orchestration de la Séquence ainsi que l'Offertoire, termina le Lacrimosa et composa d'autres parties de la messe : le Sanctus, le Benedictus et l'Agnus Dei. Il compléta ensuite la Communion (Lux Æterna), dans lequel il répéta les deux mesures d'ouverture, que Mozart avait lui-même composées, et leur donna les paroles du Lux Æterna.

Première page de la « partition à livrer » avec l'écriture de Mozart. Non visible sur cette photo mais sur la feuille, la signature « di me W. A. Mozart mppr. 1792 » (di me = « de moi », mppr. = manu propria, « de ma propre main »), falsifiée par Süßmayr selon des analyses d'écritures.

Alors que les rajouts au Kyrie et l'orchestration d'Eybler étaient directement inscrits sur la partition de Mozart, Süßmayr réécrivit sur une nouvelle feuille la partition originale et les rajouts (parfois en les modifiant selon ses idées). Il y eut alors deux partitions : d'une part la « partition de travail », qui contenait l'écriture de Mozart et les rajouts d'Eybler, et qui servait de base au travail de Süßmayr, et d'autre part la « partition à livrer », avec la version achevée par Süßmayr. Cette dernière comportait une signature falsifiée de Mozart (par Süßmayr), et était datée de 1792. Elle fut remise cette année-là à l'intermédiaire du comte Walsegg (resté anonyme). Les manuscrits capitaux, en particulier la « partition à livrer » et la « partition de travail », prirent entre 1830 et 1840 peu à peu le chemin de la Hofbibliothek de Vienne (aujourd'hui Bibliothèque nationale d'Autriche).

En plus d'Eybler, d'autres compositeurs ont certainement apporté leur contribution à l'achèvement de l'œuvre, et Süßmayr aurait probablement également profité de ces contributions. Ainsi Maximilian Stadler aurait manifestement réalisé au moins des ébauches de l'orchestration du Domine Jesu Christe. Les parties d'accompagnement dans le Kyrie, identiques aux voix du chœur (parties en colla parte : « avec la partie [vocale] »), proviennent également d'une autre main ; Leopold Nowak, éditeur du Requiem dans la Neue Mozart-Ausgabe, a envisagé Franz Jakob Freystädtler comme auteur possible, ce qui ne peut pas être vérifié de manière évidente à l'aide de l'analyse des écritures.

Les motifs musicaux des éléments dus à Süßmayr se rapportent visiblement aux notes laissées par Mozart. En plus de cela, des références à d'autres œuvres de Mozart ont été découvertes. C'est pourquoi on admet souvent que Süßmayr ou d'autres participants à l'élaboration de l'ouvrage ont pu recourir à des indications écrites ou orales de Mozart lui-même (la veuve de Mozart a mentionné des « petits débris » - Trümmer - ou plutôt des « bouts de papier »).

L’œuvre

L’œuvre est écrite pour quatre solistes (soprano, alto, ténor et basse), un chœur à quatre voix et un orchestre symphonique réduit, composé de deux cors de basset (clarinettes ténor), deux bassons, deux trompettes, trois trombones, des timbales, un ensemble à cordes et une basse continue (orgue). L'absence des bois aigus (flûtes, hautbois) et du cor d'harmonie ne passe pas inaperçue. Ainsi la sonorité de l'orchestre doit beaucoup aux timbres souples et graves des cors de basset et des cordes. L'orchestration, sobre, renforce la gravité et la transparence de l'œuvre, et crée une atmosphère sombre et austère[2]. On ne trouve pas d'effets tels que des trémolos, des trilles, ou des éléments de l'orchestre répartis dans l'espace, que l'on peut entendre dans le Requiem de François-Joseph Gossec, composé 30 ans plus tôt et qui présente certaines similitudes avec le Requiem de Mozart sur la question des motifs mélodiques.

Dans le Requiem de Mozart (comme il est d'usage, sinon de règle, dans une très grande partie de la musique religieuse), le chœur (ici à quatre voix) occupe tout du long le devant de la scène, il n'y a que de courts passages purement instrumentaux. À quelques exceptions près, l'orchestre ne fait que servir le chœur. C'est aussi le cas des chanteurs solistes, ils apparaissent comme étant moins importants que le chœur, et sont essentiellement employés dans des ensembles vocaux (excepté dans le Tuba mirum). Aria(s) et autres formes comparables de virtuosité soliste sont totalement absentes, à l'opposé d'autres œuvres de musique sacrée et, a fortiori, des opéras, tant de Mozart que de ses contemporains. Le chœur a quant à lui une liberté considérable, ne serait-ce que dans le Kyrie, qui lui permet de déployer sa magnificence.

La tonalité principale du Requiem est le ré mineur, une tonalité souvent associée (comme lors des scènes du Commandeur de Don Giovanni ou dans le quatuor à cordes La Jeune Fille et la Mort de Franz Schubert) à des atmosphères graves ou bien qui se rapportent à l'au-delà. Tout du long, les tonalités se déplacent (à l'exception du Sanctus en ré majeur, non écrit par Mozart) dans des tons employant le si bémol (c'est-à-dire en plus du ré mineur, les tons de fa majeur, sol mineur, si bémol majeur, mais aussi, tout de même, le ton de la mineur). Les liens entre les différentes sections tonales passent souvent par la médiante (par exemple, la note tonique, ré, devient la médiante du ton de si bémol lorsqu'on passe de ce ton de ré mineur au ton de si bémol majeur - qui en est simplement le ton relatif, étroitement lié au premier).

La durée d'une représentation est d'environ une heure (suivant le degré d'achèvement de la version et le tempo choisi par le chef d'orchestre).

Déroulement

I. Introïtus (Introït) : Requiem æternam, Adagio, ré m[3] (Chœur, soprano solo, chœur)

II. Kyrie, Allegro, ré m (double fugue) (Chœur)

III. Sequentia (Séquence)

  1. Dies iræ, Allegro assai, ré m (Chœur)
  2. Tuba mirum, Andante, si bémol M (quatuor solo)
  3. Rex tremendæ, sol m (Chœur)
  4. Recordare, fa M (quatuor solo)
  5. Confutatis, Andante, la m (Chœur)
  6. Lacrimosa, ré m (Chœur)
  7. (Amen), ré m (Chœur)

IV. Offertorium (Offertoire)

  1. Domine Jesu Christe, Andante con moto, sol m (chœur, quatuor solo), fugue Quam olim Abrahæ (chœur)
  2. Hostias, mi bémol M (Chœur) et répétition de la fugue Quam olim Abrahæ

V. Sanctus, Adagio, ré M et fugue Osanna (Chœur)

VI. Benedictus, Andante, si M (quatuor solo) et fugue Osanna (Chœur)

VII. Agnus Dei, ré m (Chœur)

VIII. Communio (Communion) : Lux æterna, Adagio, ré m (soprano solo, chœur) + Allegro, ré m (double fugue, chœur) (= Introït et Kyrie de Mozart)

Introït et Kyrie

Premières mesures du Requiem et introduction du thème principal - en haut les cors de basset, en bas les bassons (extrait audio)

Le Requiem débute par une introduction instrumentale de sept mesures, dans laquelle les bois (d'abord les bassons, puis les cors de basset) présentent le thème principal de l'œuvre dans un enchaînement contrapuntique en imitation. Le modèle en est l'hymne composée par Georg Friedrich Händel (chœur The ways of Zion do mourn extrait de l'hymne funèbre pour la Reine Caroline, HWV 264), facile à retenir, essentiellement parce qu'il s'agit d'une succession de noires en mouvement conjoint. Dans plusieurs parties de l'œuvre on trouve des références à ce passage, notamment dans les coloratures de la fugue du Kyrie et la conclusion du Lacrimosa. Tout ce réseau de références est d'une grande importance dans l'œuvre.

Les trombones annoncent alors l'entrée du chœur, qui entonne le thème, les basses seules tout d'abord, imitées ensuite par les autres pupitres. Les cordes jouent des figures d'accompagnement, syncopées et décalées d'une double-croche, soulignant ainsi le caractère solennel et régulier de la musique. Un solo de soprano est chanté sur le texte du Te decet hymnus (dans le « ton pérégrin », appelé aussi le 9e mode grégorien). Le chœur enchaîne ensuite sur les mêmes motifs. Puis le thème principal est traité par le chœur et l'orchestre en enchaînements de double-croches glissant vers le bas. Les cours des mélodies, « maintenus » vers le haut ou glissant vers le bas, changent et s'entrelacent, de plus passages en contrepoint et passages déclamés en accord (Et lux perpetua) alternent ; tout ceci fait le charme de cette strophe, qui s'achève par une demi-cadence sur la dominante (la Majeur).

Premières mesures du Kyrie. À la basse, le thème principal (sur le texte du Kyrie eleison), à l'alto, le contre-sujet sur Christe eleison (extrait audio)
Basse du chœur, mesure 33f du Kyrie. Variation chromatique du contre-sujet (« gargarismes » selon Weber) (extrait audio)

Sans pause (attacca) s'ensuit la fugue entraînante du Kyrie, qui reprend elle aussi un thème de Haendel. Mozart connaissait bien ce thème, après son arrangement du Messie de Haendel (cf. la strophe du chœur And with his stripes we are healed issue du Messie) ainsi que le chœur final de l'Hymne de Dettingen de Haendel, HWV 265, qui contient en même temps le contre-sujet du thème de la fugue. Les motifs contrapuntiques du thème de cette fugue reprennent les deux thèmes de l'Introït et en font des variations. D'abord diatoniques, les suites de doubles-croches montantes sont relayées par des enchaînements chromatiques, ce qui a pour effet d'augmenter l'intensité. Ce passage se révèle quelque peu exigeant dans les hauteurs, en particulier pour les voix de sopranos (qui montent jusqu'au si au-dessus de la portée). Une formule finale dans un tempo ralenti (Adagio) se termine sur une quinte « vide » (un accord sans tierce), qui dans l'ère classique sonne archaïque, comme un retour voulu à un passé ancien.

Séquence (Dies iræ)

L'amorce du Dies iræ dans le manuscrit autographe avec l'orchestration d'Eybler. En haut à droite, la note de Nissen : « Tout ce qui n'est pas clôturé à la plume est de la main de Mozart jusqu'à la page 32. » Les parties « clôturées » (eingezäunt), comme on peut le voir sur l'image, sont les vents (lignes 4 à 7) ainsi qu'à partir de la mesure 5 les seconds violons et les altos (lignes 2 et 3). Les parties de premiers violons (ligne 1), du chœur (lignes 8 à 11) et de la basse chiffrée (dernière ligne) sont entièrement de Mozart.

Le Dies iræ commence sans introduction et avec puissance, l'orchestre et le chœur étant au complet. Les terribles appels du chœur sont renforcés par un trémolo de l'orchestre et des syncopes introduites dans les pauses chorales. Tout de suite après, les premiers violons jouent plusieurs enchaînements chromatiques de doubles-croches jusqu'à la reprise des strophes du chœur. Un passage qui fait de l'effet, répété trois fois : l'alternance « tremblante » du sol dièse et du la en croches, interprétée par la basse continue, les violons dans le registre grave et la basse à l'unisson, sur le texte Quantus tremor est futurus (« Quel terreur nous envahira », en référence au Dies iræ, le jour du Jugement Dernier) - Mozart s'inspire ici clairement du texte.

C'est le cas aussi de la strophe suivante Tuba mirum, introduite par un accord de trois notes en arpège, joué en si bémol Majeur (ton voisin de ré mineur) par un trombone soliste, non-accompagné - selon la traduction habituelle en allemand de tuba par Posaune (trombone). Deux mesures plus tard, la basse soliste commence une imitation de ce thème. À la mesure 7 arrive un point d'orgue, le seul moment de toute l'œuvre, où l'on pourrait envisager une cadence solo. Les dernières noires de la basse soliste voient l'arrivée du ténor soliste, suivi de façon similaire par l'alto soliste et la soprano soliste, sur un ton assez dramatique. Sur le texte Cum vix justus sit securus (« Quand le juste est à peine certain »), le morceau passe à une strophe homophone chantée par les quatre voix solistes, qui articulent sans accompagnement le cum et le vix sur les temps « forts » de la mesure (1e et 3e), alors que sur les temps « faibles » (2e et 4e), les violons et le continuo répondent; cette « interruption » (que l'on pourrait interpréter comme l'interruption précédant le Jugement Dernier) est entendue une première fois étouffée (sotto voce), puis forte et immédiatement après piano, pour conduire enfin dans un crescendo à une cadence parfaite.

Une mélodie descendante faite de notes prolongées et jouée par l'orchestre annonce le « Roi d'une majesté redoutable » (Rex tremendæ majestatis), lequel est appelé par trois puissants accords du chœur sur la syllabe Rex pendant les pauses de l'orchestre. Le chœur reprend alors le rythme pointé de l'orchestre, ce qui était connu en musique baroque sous le nom de « Topos de l'hommage au souverain » (Wolff) ou formule descriptive caractéristique de l'hommage à rendre à la personne royale. La séquence n'a que 22 mesures, mais est dans cette courte période riche en variations : écriture homophonique et passages choraux en contrepoint alternent plusieurs fois et débouchent en fin sur une cadence du chœur quasi non-accompagnée, qui pour sa part finit sur un accord sans tierce en ré mineur (comme déjà dans le Kyrie).

On poursuit avec les 130 mesures de la plus longue séquence de l'œuvre (et la première en mesures impaires, en fait la mesure à 3/4), le Recordare, dans lequel pas moins de six strophes du Dies iræ sont traitées. Dans une introduction de 13 mesures, les cors de basset sont les premiers à présenter le thème, auxquels répondent ensuite les cordes en gammes descendantes (que l'on pouvait déjà entendre aux violoncelles). Cette introduction rappelle le début de l'œuvre, par ses décalages rythmiques et mélodiques (le premier cor de basset débute une mesure après le second cor de basset, mais un ton plus haut ; les premiers violons sont en relation avec les seconds violons, mais décalés d'une noire, etc.). S'ensuivent les voix solistes, qui éblouissent par les combinaisons sans cesse renouvelées, et tout particulièrement par le retour des motifs mélodiques, constamment variés.

Mesure 25 du Confutatis. Au bas : la basse continue (non-chiffrée) ; au-dessus : le chœur à quatre voix chantant Oro supplex et acclinis. Modulation de la mineur vers la bémol mineur (extrait audio)

Le Confutatis qui suit éblouit par une rythmique, une dynamique et un contraste forts, et par de surprenantes tournures harmoniques. Accompagnant une figure de basse « roulante », la partie masculine du chœur entonne la vision infernale forte sur un rythme pointé « tranchant » (Confutatis maledictis, flammis acribus addictis = « Après avoir réprouvé les maudits et leur avoir assigné le feu cruel »). L'accompagnement de basse continue s'arrête, et les voix féminines du chœur chantent doucement et sotto voce la prière des élus (voca me cum benedictis : « appelle-moi avec ceux qui tu as bénis »). Enfin, dans la strophe suivante – celle du « pénitent prosterné » (Oro supplex et acclinis : « Suppliant et prosterné, je te prie ») - on peut entendre une modulation enharmonique de la mineur vers un accord de septième mineure et quinte diminuée vers mi ⁷ et finalement la bémol mineur ; ce spectaculaire abaissement du ton de départ (la mineur) est répété avec un effet puissant, jusqu'à ce que le ton de fa soit atteint, maintenant en majeur. Un accord de septième sur la nous amène jusqu'à la dernière partie du Dies iræ (à partir du Lacrimosa), qui s'enchaîne sans pause.

Les cordes débutent piano sur un rythme de bercement en 12/8, entrecoupé de soupirs, lesquels seront repris par le chœur après deux mesures (Lacrimosa dies illa = « Celui-là [sera] un jour de larmes »). Donc, après deux mesures les sopranos du chœur commencent à progresser, tout d'abord de manière diatonique, en croches décousues (sur le texte resurget = « verra renaître »), puis legato et chromatique en un puissant crescendo. On arrive déjà au forte à la mesure 8 - et Mozart interrompt là le manuscrit. Süßmayr poursuit l'homophonie du chœur, qui aboutit à une citation du début du Requiem (aux sopranos) et termine sur une cadence « Amen » en deux accords.

Offertoire

Le premier mouvement de l'offertoire, le Domine Jesu, débute sur un thème chanté piano consistant (aux sopranos du chœur) en une progression ascendante sur un Accord de trois sons en sol mineur. Ce thème variera plus tard sur différents degrés harmoniques : dans les tons de la bémol majeur, si bémol mineur, puis à la tierce majeure de si bémol, ré. Les voix soli le traitent ensuite en canon décroissant, à la quinte, où la tierce varie constamment entre le mode mineur (en montée) et le mode majeur (en descente). Entre ces passages thématiques se situent des phrases chantées, articulées forte, souvent à l'unisson, et en rythme pointé (au moment du Rex gloriæ = « Roi de gloire » ou également sur de ore leonis = « [délivrez-les] de la gueule du lion »). Cet enlacement diversifié sera varié de nouveau à travers un fugato du chœur avec de très grands intervalles (sur le texte ne absorbeat eas tartarus, ne cadant in obscurum = « afin que le gouffre horrible ne les engloutisse pas et qu'elles ne tombent pas dans le lieu des ténèbres »). Le mouvement s'achève avec le Quam olim Abrahæ (« Qu'autrefois d'Abraham »), qui tout d'abord a le style d'une fugue, et puis se transforme en un vif mouvement homophone qui prend fin en sol majeur.

Mesure 46 de l'Hostias, où le chœur à quatre voix chante Fac eas, Domine, de morte transire ad vitam, de mi bémol majeur vers la tonalité solennelle de ré majeur – « Seigneur fais qu'elles passent de la mort à la vie ».

Le ton de mi bémol majeur (relatif du ton de sol mineur qui débutait l'Offertoire) amène à l'Hostias, sur un rythme à 3/4. Le mouvement vocal fluide se transforme après vingt mesures en exclamations isolées du chœur, alternant entre forte et piano. S'adjoint à cela une activité harmonique accrue : une marche harmonique allant tout d'abord de si bémol majeur vers si bémol mineur, puis vers fa majeur, ré bémol majeur, la bémol majeur, fa mineur, do mineur, et aboutit de nouveau à mi bémol majeur. Une surprenante mélodie chromatique, sur le texte fac eas, Domine, de morte transire ad vitam (« Seigneur, faites-les passer de la mort à la vie »), amène finalement au ré majeur, que vient fermer de nouveau la fugue Quam olim Abrahæ. La consigne de répéter cette partie (« Quam olim da capo ») est probablement la dernière chose que Mozart ait écrite sur le Requiem. Cette note manuscrite a vraisemblablement été perdue lors de l'exposition universelle de 1958, à Bruxelles, où la partition était présentée : le coin inférieur droit de la dernière page, où elle était écrite, a apparemment été déchiré et volé par une personne dont l'identité est restée inconnue. La note se retrouve toutefois sur les fac-similés.

Les ajouts de Süßmayr : Sanctus, Benedictus, Agnus Dei

Le Sanctus est le premier mouvement écrit entièrement par Franz Xaver Süßmayr, et le seul de tout le Requiem à installer une tonalité avec une armature en dièses » (à savoir ré majeur, tonalité solennelle, utilisée généralement lors de l'entrée des trompettes à l'époque baroque). Après une glorification du Seigneur très succincte suit un mouvement fugué de mesure 3/4, sur le texte Osanna in excelsis (« Gloire [à Dieu] au plus haut des cieux »), remarquable par son rythme syncopé.

Le Benedictus met en jeu le quatuor soliste. Il adopte le ton de la sus-dominante, si bémol majeur (qui peut être aussi considéré comme le relatif du ton de ré - mineur cette fois). Un thème présenté à son premier passage par l'alto et le soprano subit un développement motivique aux quatre voix ; au deuxième passage, le thème est amené par la basse et le ténor. L'Osanna in excelsis réapparaît, gardant la tonalité de si bémol majeur et présentant des variations vocales. Le retour attendu à la tonalité du premier Osanna, ré majeur, n'a pas lieu.

L'homophonie domine l'Agnus Dei. Le texte Agnus Dei est repris trois fois, toujours avec des mélodies chromatiques et des revirements harmoniques, allant de ré mineur à mi majeur (et puis revenant à si bémol majeur). Les basses entonnent ici le thème du premier mouvement (Requiem Æternam). Ce mouvement enchaîne directement sur le Lux Æterna, avec la mention Attacca (« attaquer en suivant, sans interruption »), lequel reprend la musique du premier mouvement de Mozart (à partir du Te decet hymnus), puis celle du Kyrie presque note pour note, quoique sur un texte différent.

Renaissance de l'œuvre : première, partitions, manuscrits

Premières

Vue du maître-autel de l'église Saint-Michel
Le café Frauenhuber se trouve aujourd'hui à l'emplacement de l'ancienne restauration Jahn

Il y a certaines indications faisant référence à une première exécution (partielle) du Requiem, bien avant que l'œuvre ait été terminée, à savoir le 10 décembre 1791, lors des obsèques de Mozart qu'Emanuel Schikaneder organisa à l'église Saint-Michel de Vienne, où l'on peut trouver aujourd'hui une plaque commémorative relatant ce fait. Cependant, seuls les deux premiers mouvements, l'Introït et le Kyrie, ont pu être interprétés, les autres n'étant pas encore complétés. On ne sait pas quels instruments ont été utilisés à cette occasion.

La première de l'œuvre complète a eu lieu le 2 janvier 1793 dans la salle de restauration Jahn, où Mozart a donné, en 1791, sa dernière prestation en tant que pianiste. Elle a été organisée par Gottfried van Swieten dans le cadre d'un concert-bénéfice pour Constance Mozart et ses enfants. Le concert semble avoir été donné avec des copies que Constance Mozart et Süßmayr ont fait faire avant la livraison de la partition. Ceci a probablement été effectué à l'insu du comte de Walsegg, lequel, ayant commandé l'œuvre, en possédait donc les droits.

C'est seulement le 14 décembre 1793 (à l'abbaye cistercienne de Neukloster à Wiener Neustadt) qu'a eu lieu la première exécution satisfaisant aux critères de la commande et respectant l'intention originale, à savoir célébrer l'obit[4] de la défunte comtesse de Walsegg. Selon le récit d'un des musiciens présents [réf. à confirmer] [5], le comte de Walsegg a lui-même dirigé l'œuvre, se servant d'une copie de la partition sur laquelle il s'était fait inscrire en tant qu'auteur — méthode qu'il employait apparemment fréquemment (ce qui expliquerait aussi la commande anonyme). Une autre exécution a eu lieu le 14 février 1794, lors du troisième anniversaire de la mort de la comtesse de Walsegg, à l'église de Maria Schutz (de), au pied du col du Semmering (de) (commune de Schottwien, en Basse-Autriche).

La réputation de l'œuvre se répandit au-delà de Vienne et de Wiener Neustadt grâce à un concert donné au Gewandhaus de Leipzig, le 20 avril 1796, sous la direction de Johann Gottfried Schicht, futur cantor de l'église Saint-Thomas. L'annonce du concert a pu être conservée, de sorte que certains détails en sont connus. À la suite du Requiem, d'une durée d'environ une heure, étaient prévues d'autres œuvres de Mozart avec deux interprètes : Constance Mozart (chant) et August Eberhard Müller (orgue). Müller devint plus tard le rédacteur de l'impression originale de la partition.

Manuscrits

On trouve déjà une mention détaillée du Requiem dans la première biographie de Mozart, écrite par Franz Xaver Niemetschek et publiée en 1798. Le caractère fragmentaire de l'œuvre de même que la commande anonyme y sont abordés.

La maison d'édition Breitkopf & Härtel s'adressa à Constance Mozart au courant de l'année 1799 à propos de l'obtention du patrimoine de Mozart ainsi que de la possibilité d'éditer la partition du Requiem. Tandis que les négociations sur l'obtention du patrimoine échouèrent, celles sur l'édition de la partition eurent plus de succès — entre autres grâce au fait que Constance Mozart ne disposait pas des droits sur l'œuvre. La maison d'édition, possédant déjà une copie de la partition, tenta d'obtenir des informations plus détaillées quant aux droits d'auteur, à l'auteur même de l'œuvre, ainsi qu'à l'existence de partitions exactes. Constance Mozart envoya à Breitkopf & Härtel sa copie de la partition afin qu'ils puissent ajuster la leur et leur conseilla de s'adresser à Süßmayr à propos des détails concernant l'achèvement de l'œuvre. Effectivement, Süßmayr explique, dans une lettre adressée à la maison d'édition datant de février 1800, pour l'essentiel de manière juste, son apport au Requiem. Il semble qu'il n'ait pas exigé que son nom soit mentionné, car peu après Breitkopf & Härtel faisaient imprimer la première édition de la partition, ne mentionnant que Mozart comme auteur et ne laissant aucunement apparaître le caractère fragmentaire de l'œuvre.

La nécrologie de Mozart dans la Musikalischen Korrespondenz der teutschen Filarmonischen Gesellschaft du 28 décembre 1791

L'annonce publicitaire que la maison d'édition fit à propos de l'œuvre attira l'attention du comte Walsegg, qui sortit de son anonymat et imposa ses exigences à Constance Mozart, exigences qui ont apparemment pu être réglées par compromis. Suite à ses pressions, mais peut-être aussi dans l'intérêt de Constance Mozart — qui avait volontiers fourni et vendu la partition originale à l'éditeur Johann Anton André, acquéreur de la succession de Mozart —, eut lieu à l'automne 1800 une rencontre mémorable au cabinet de notaire du Dr Johann Nepomuk Sortschan, qui agissait au nom de Walsegg. Tous les manuscrits importants y étaient présents : la partition livrée au comte ; la partition de travail, qui autrefois était entre les mains de Constance Mozart ; puis un exemplaire de l'impression originale de Breitkopf & Härtel. Maximilian Stadler et Georg Nikolaus Nissen (le second mari de Constance Mozart) représentaient la famille Mozart. Stadler avait organisé la succession de Mozart, il connaissait donc bien l'écriture de Mozart. Il est aussi probable qu'il ait participé à l'instrumentation de l'« offertoire » ; ce par quoi il lui échut de séparer les portions de Mozart de celles de Süßmayr. Ceci fut fait entre autres par l'exclusion des passages de la partition de travail n'étant pas de la plume de Mozart. Le notaire consigna le résultat de cette collation et la confidentialité fut convenue. Puis l'original retourna à son propriétaire.

On peut dire que c'est à partir de ce moment que le « Requiem de Mozart » put être considéré en tant qu'œuvre uniforme : l'aspect légal était clarifié, une édition de la partition était disponible sur le marché — bientôt suivie d'une réduction pour piano (éditée par Johann Anton André en 1801) et de partitions vocales (1812 à Vienne) (Mozart étant toujours nommé comme unique auteur) —, les représentations, les études de la partition et les critiques étaient maintenant possibles. D'un autre côté, l'apport de Süßmayr fut aussi connu du public, suite à la publication de sa lettre à Breitkopf & Härtel, mentionnée ci-dessus, dans l'Allgemeine musikalische Zeitung. Jusqu'en 1825, l'œuvre n'est pratiquement pas mentionnée publiquement.

La querelle du Requiem

En 1825, Jacob Gottfried Weber, éditeur de Cäcilia – Zeitschrift für die musikalische Welt, publia un article intitulé « Sur l'authenticité du Requiem de Mozart », qui provoqua une controverse considérable. Non seulement rappelait-il le fait que Mozart n'était pas le seul auteur du Requiem et que jusque-là le public ne disposait d'aucun document ne prouvant la paternité de l'œuvre, mais il mettait aussi en doute l'idée que la partition publiée soit de Mozart, et soupçonnait que Süßmayr ait échafaudé le tout à partir d'ébauches. Il s'attira toutefois de grands ennuis en liant la question de l'authenticité à une évaluation esthétique. Ainsi décrivait-il les coloratures chromatiques du Kyrie comme un « gargouillis sauvage » et se prononçait-il très irrespectueusement à propos, entre autres, des abrupts contrastes du Confutatis — qu'il ne voulait pas les attribuer sans preuve à Mozart.

L'attaque de Weber atteignit un auditoire étendu et déclencha de vives réactions. Ludwig van Beethoven nota les commentaires suivants, en marge de l'article, sur son exemplaire de Cäcilia : « Ô toi archi-bourrique » et « Ô toi double bourrique »[6], de même, Carl Friedrich Zelter donna une opinion défavorable de Weber dans une lettre adressée à Goethe. Cependant Weber n'était pas le seul critique. Hans Georg Nägeli rejeta ainsi l'arrangement harmonique peu conventionnel du Kyrie : « Par une telle violation de l'affinité des tonalités ... la fugue se transforme en cohue tonale barbare. »[7] Cela aboutit à un intense débat sur la question de l'authenticité et de l'évaluation esthétique de l'œuvre, qui se manifesta dans diverses revues (entre autres Cäcilia, l’Allgemeine Musikalische Zeitung et le Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung). Sur la question de l'authenticité, c'est surtout la réponse de Maximilian Stadler qui fut significative. Il se référa à la rencontre de l'automne 1800 mentionnée ci-dessus, rendue ainsi publique pour la première fois, et fit référence au manuscrit de Mozart : « J'ai récemment eu cet original deux fois en main et l'ai examiné de près. »[8] De plus il soutint tout d'abord que Mozart « choisissait le grand Haendel comme modèle pour les choses sérieuses se rapportant au chant », et fit remarquer que l’Anthem for the Funeral of Queen Caroline (Motet pour les funérailles de la reine Caroline) avait pu servir de modèle pour le premier texte chanté dans le Requiem. Ceci ne fit qu'apporter de l'eau au moulin de Weber, lequel par sa réponse publiée dans Cäcilia soutint que le Requiem et le Kyrie ne devaient être considérés que comme des esquisses de Mozart d'après Haendel, puisqu'il refusait d'attribuer un plagiat à Mozart. Il est probable que Weber voulut substituer à l'utilisation libre de modèles que faisait Mozart une notion de conception originale qui ne correspondait pas à la réalité[citation nécessaire].

Tout de même, l'attaque de Weber fit en sorte que, dans les années qui suivirent, les manuscrits de Mozart furent mis en lumière. Tout d'abord, Johann Anton André put effectuer en 1827 une première Édition autorisée du Requiem d'après les manuscrits de Mozart et Süßmayr, puis deux années plus tard, une édition spéciale de la Séquence Dies irae et de l'Offertoire contenant la partition de Mozart. En 1829, Stadler vendit le manuscrit de la Séquence qu'il possédait à la Hofbibliothek de Vienne (aujourd'hui Bibliothèque nationale autrichienne), puis en 1833 cette même bibliothèque recevait d'Eybler les manuscrits des fragments du Lacrimosa et de l’Offertoire. Finalement, la bibliothèque acquit en 1838 la partition livrée au comte Walsegg, en sorte que — hormis l'ébauche de la fugue sur l’Amen mentionnée ci-dessus — tous les documents originaux étaient accessibles au public. Ils sous-tendent jusqu'à aujourd'hui la controverse persistante de la « vraie » forme du Requiem.

Réception de l'œuvre

Malgré l'histoire complexe entourant son origine et sa publication, le Requiem est la première grande œuvre de musique sacrée de Mozart à être imprimée. Elle jouit d'une popularité constante à peine affectée par les conjonctures de sa réception. Les causes n'en sont pas purement musicales : les mythes et mystères sur la mort de Mozart ont joués un bien grand rôle.

L'apport des mythes

Les derniers jours de Mozart, lithographie de Friedrich Leybold de 1857 d'après une description de Franz Schramms

Dès le départ, la réception du Requiem de Mozart a été entourée des légendes entourant sa création et le décès de Mozart. Un des premiers exemples est un article de Johann Friedrich Rochlitz paru dans l'Allgemeine Musikalische Zeitung de 1798, donc avant la première impression de la partition[9]. Rochlitz y dépeint un « messager gris » comme venant de l'au-delà. Mozart en aurait été tout à fait convaincu : « l'homme à l'air noble est un être insolite en contact étroit avec ce monde, ou bien même envoyé pour lui annoncer sa fin ». Il aurait alors travaillé sur l'œuvre jour et nuit, jusqu'à épuisement, puisqu'il croyait « travailler ce morceau pour ses propres funérailles ». Une telle intervention des forces de l'au-delà ne serait pas surprenante, « puisque se réalisait une œuvre aussi accomplie ». Le récit n'est basé que sur le peu d'informations fiables transmises par Constance Mozart et ne coïncide nullement avec le constat fait sur les documents autographes, qui eux ne laissent transparaître aucun signe de hâte[10].

Ce récit augmenta toutefois la curiosité que s'attira la dernière œuvre de Mozart et sera plus tard repris - davantage coloré, entre autres par des rumeurs selon lesquelles Mozart aurait été victime d’un empoisonnement, si ça se trouve par son concurrent Antonio Salieri (cf. Wolff 2001, p. 9). Cette légende joua une rôle central dans la réception de l'œuvre, depuis le début du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, depuis le drame Mozart et Salieri d'Alexandre Pouchkine (que Nikolaï Rimski-Korsakov utilise comme modèle pour son opéra du même nom) jusqu'à Amadeus de Miloš Forman.

C'est aussi Rochlitz qui, dans un essai intitulé « Mozart et Raphaël » publié dans l'Allgemeine Musikalische Zeitung[11], établit les bases d'un parallèle entre Mozart et le peintre italien de la Renaissance, Raphaël. Il devint courant, dans le courant du XIXe siècle, de qualifier Mozart de « Raphaël de la musique », de le dépeindre comme un compositeur serein, favori des dieux, qui ennoblissait tout ce qu'il touchait[12]. C'est dans le fil de cette tradition que le Requiem prend l'allure d'une sorte de Passion de Mozart, rappelant celle du Christ – autre conséquence d'un amalgame fait entre l'œuvre et une biographie chargée de fabuleux.

Vers une « composition d'état »

L'œuvre devint précocement l'exemple type du « sublime » dans la musique. Du concert donné le 20 avril 1796 (mentionné plus haut), on peut retenir que le directeur de l'orchestre de la Musikübenden Gesellschaft, au Gewandhaus de Leipzig, Johann Adam Hiller, également maître de chapelle (« Kantor ») de l'église Saint-Thomas, portait l'œuvre dans une très haute estime - selon Gruber, parce qu'« elle correspondait le mieux au goût musical pathétique »[13]. J.Adam Hiller avait noté les mots : « Opus summum viri summi » (« Œuvre suprême de l'homme suprême ») sur sa copie de la partition. Surtout il donna une version allemande du texte et remplit ainsi une condition importante permettant de faire passer l'œuvre du monde religieux (sinon liturgique), vers le monde profane, c'est-à-dire de l'église vers la salle de concert. Lorsqu'il donnait le Messie de Haendel, J.Adam Hiller menait vers l'emphase les grands chœurs rencontrés dans la partition, en augmentant leurs effectifs d'origine. Cela l'aidait à produire ensuite une impression de monumental. Il en fit autant dans son interprétation du Requiem de Mozart.

Dès le début du XIXe siècle, le Requiem devint aussi, dans les régions germanophones et bientôt au-delà, une sorte de « composition d'état »[14]. Il fut chanté à Berlin en 1800 par la Singakademie pour les funérailles de son fondateur, Carl Friedrich Christian Fasch. L'écrivain allemand Jean Paul, présent ce-jour-là, décrivit la cérémonie et ce qu'il avait entendu, dans une lettre à Johann Gottfried von Herder : il y exalta la différence entre l'« orage mozartien » et le « chant du rossignol »[15]. Le Requiem retentit en 1803 lors des funérailles solennelles de Friedrich Gottlieb Klopstock ; en 1808-1810 lors des fêtes annuelles au château de Ludwigslust, célébrées à la mémoire de la duchesse défunte Louise-Charlotte de Mecklembourg-Schwerin ; en 1812 à Vienne pour le dévoilement d'un monument à Heinrich Joseph von Collin et à Berlin lors des funérailles de la veuve du roi de Prusse ; en France et à Naples lors des funérailles d'un général français[14] ; plus tard lors des funérailles officielles de Ludwig van Beethoven, Frédéric Chopin et de bien d'autres musiciens.

Critique romantique : article innovateur d'E. T. A. Hoffmann

Les premiers romantiques, pour une grande part, appréciaient beaucoup la musique profane de Mozart et la plaçaient au rang d'une « religion de l'art ». Il n'en était cependant pas de même de sa musique sacrée, qui était critiquée au même titre que les messes de Joseph Haydn, à une époque où l'on admirait le style musical polyphonique et contrapuntique de Palestrina, maître de la Chapelle sixtine qui avait su, comme d'autres dans le troisième tiers du XVIe siècle, tenir compte des recommandations du Concile de Trente. La musique sacrée de la période classique avait la réputation d'être trop profane, écrite dans un style d'opéra et virtuose, occultant ainsi le message religieux. Ludwig Tieck soutient, à travers un des personnages de son Phantasus, que la musique serait « le plus religieux » des arts et ne pourrait « être pathétique et faire prévaloir sa force et sa vertu, ou vouloir s'épanouir dans le désespoir ». La suite fait directement référence à Mozart et au Requiem : « Il faudrait que je n'aille aucun sentiment,… si je ne devais honorer et adorer le génie riche et profond de cet artiste, si je ne me sentais ébloui par ses œuvres. Seulement, on ne doit vouloir me faire écouter aucun Requiem de sa main, ou chercher à me convaincre que lui et la plupart des nouveaux puissent composer une musique vraiment religieuse »[16].

Les critiques de ce type jouèrent un grand rôle pendant l'époque romantique et plus tard, vers la fin du siècle, lors de la création du mouvement cécilien ; en effet, le Requiem est exempté de cette critique dans la plus importante discussion « romantique », à savoir dans l'article d'Ernst Theodor Amadeus Hoffmann paru dans l'Allgemeine Musikalische Zeitung de 1814, intitulé « Ancienne et nouvelle musique sacrée ».[17] Hoffmann y critique impitoyablement « le caractère doucereux et nauséeux » de la nouvelle musique sacrée et n'exempte pas les messes de Joseph Haydn et de Mozart, lesquelles ont de toutes manières été faites sur commande. Mozart aurait « toutefois ouvert son for intérieur dans une unique œuvre sacrée : et qui ne sera ému de la plus ardente prière, de la plus sainte extase, qui en émane ? Son Requiem est bien ce que les nouveaux temps de l'office religieux chrétien ont amené de plus grand. » La justification musicale est digne d'attention : Mozart s'abstenait d'utiliser les « figures colorées, parfois échevelées » et exubérantes, qui servent ailleurs si souvent d'agréments, et qui pourraient apparaître comme « du clinquant étincelant » dans une œuvre religieuse. Il concentrait aussi les nouvelles possibilités instrumentales du classicisme viennois vers la glorification du « pur sentiment religieux ». D'une manière révélatrice, Hoffmann ne critique que le Tuba mirum, le seul endroit qui permette, voire exige, un « éclat » de soliste, selon lui trop « aux allures d'oratorio ». Il y ajoute une remarque critiquant la pratique de représentations profanes et à caractère monumental : « Le Requiem joué dans une salle de concert n'est pas la même musique ; [c'est] la manifestation d'un saint au bal ! ».

L'article d'Hoffmann a eu un énorme impact sur la réception de l'œuvre et sera sans cesse cité, directement ou indirectement. On retrouve même chez Alfred Einstein une remarque selon laquelle le trombone solo du Tuba mirum donne l'impression de vouloir se produire, au lieu d'annoncer la fin des temps et de répandre la crainte du Jugement dernier – cela serait le moment le plus problématique dans les parties du Requiem dues à Mozart[18].

De nos jours, Nikolaus Harnoncourt juge le Requiem de Mozart comme étant « l'unique œuvre de Mozart à caractère autobiographique »[19].

Entre musique commémorative et inspiration céleste

Il n'en reste pas moins que le Requiem continua d'être joué fréquemment lors de deuils ou de commémorations en tant que pièce représentative de la musique funèbre : il en a été ainsi, pour les funérailles de Napoléon Bonaparte à l'occasion de la « panthéonisation » de son corps transféré à l'Hôtel des Invalides, puis au 100e anniversaire du décès de Mozart, à la Cathédrale Saint-Rupert de Salzbourg en 1891. Et même plus tard, dans une Union soviétique récemment fondée : son Requiem fut joué le 1er mai 1918 pour les « Martyrs de la Révolution » au palais d'Hiver de Saint-Pétersbourg, puis peu après pour le 100e anniversaire de Karl Marx et pour le 1er anniversaire de la Révolution d'Octobre[20]. Fait notable, en 1834, à la représentation parisienne de l'opéra Don Giovanni (Don Juan), de Mozart, le sextuor final (chanté après la descente aux enfers du principal protagoniste) qui était considéré comme trop profane et donc souvent omis, fut remplacé par des passages du Requiem[21]. Tandis que les opéras de Mozart se raréfiaient dans les salles européennes (à partir de 1870, environ), le Requiem, lui, continuait à être joué – lors d'« occasions appropriées »[22]. Cependant ce rituel n'échappait pas à la critique : George Bernard Shaw, un grand admirateur de Mozart, raillait l'« esprit de mélancolie dévote » qui s'incarnait dans le choix des œuvres lors de telles cérémonies. Et en 1915, Karl Kraus écrivit son poème À la vue d'une étrange affiche. Celle-ci, en effet, annonçait une représentation du Requiem à des fins de bienfaisance, alors que l'idée directrice qui s'y exprimait (partie prenante de l'élan patriotique) ne voyait que des mortiers, jusque dans le dessin d'une fenêtre d'église sur l'affiche. Kraus opposait la « musique céleste » de Mozart à la propagande qui l'accompagnait. Il faisait contraster le Requiem de Mozart avec le « Requiem » européen : la Première Guerre mondiale[23].

L'enregistrement sur disque du Requiem, à l'époque hitlérienne - 1941 - (par Bruno Kittel dirigeant l'Orchestre philharmonique de Berlin), pour le 150e anniversaire de la mort de Mozart, est un exemple extrême de l'accaparement étatique de l'œuvre, tel que l'avait critiqué Kraus[24]. Ici, tous les éléments révélant trop clairement les origines juives de la chrétienté ont été retirés du texte, par le régime nazi. On trouve donc « Te decet hymnus, Deus in cœlis » au lieu de « Deus in Sion » (c'est-à-dire « Dieu dans les cieux » au lieu de « Dieu de Sion ») et « hic in terra » (« ici sur terre ») au lieu de « in Jerusalem » (« à Jérusalem ») ; « Quam olim Abrahae promisisti » (« Que tu as promise jadis à Abraham ») devient « Quam olim homini promisisti » (« Que tu as promise jadis à l'homme »).

Après la Deuxième Guerre mondiale, des théologiens allemands de confessions luthérienne et catholique, tels que Karl Barth et Hans Küng, s'attachèrent à développer l'idée qu'il était possible de détecter, dans l'œuvre de Mozart, « les traces de la transcendance » de même qu'« un accès unique et direct du bon Dieu à cet homme ». Ils apportaient ainsi une vision qui n'était en rien soumise aux différents pouvoirs terrestres[25].

Impacts

Quelques légendes planent sur cette œuvre. Les études récentes ont montré que le Requiem a été composé à la demande du comte Franz de Walsegg, pour le premier anniversaire de la mort de sa femme (ce personnage avait l'habitude de commander des œuvres à d'autres compositeurs afin de les faire passer pour siennes). Voulant garder cette commande discrète, il a dépêché un intermédiaire pour traiter avec Mozart. Plongé dans l'écriture de la Flûte enchantée ainsi que de La Clémence de Titus entre autres, Mozart débute le Requiem. Le compositeur créa la majeure partie de ce Requiem alité car alors très diminué physiquement. Le 4 décembre 1791, il profite d'une amélioration passagère de son état afin d'interpréter avec ses amis les parties déjà composées du Requiem. Son état s'aggrave brutalement dans la soirée du 4 malgré la présence de deux des meilleurs médecins de Vienne. Il meurt le 5 décembre vers une heure du matin. Constance, la femme de Mozart, demande à Franz Xaver Süßmayr (un élève de Mozart qui aurait reçu les dernières indications du maître) de terminer le chef-d'œuvre, ceci afin de toucher la somme promise pour la fin du travail, par le comte Franz de Walsegg et d’autre part, pour honorer les derniers souhaits de son défunt mari. Constance a demandé le même travail d'achèvement à d'autres élèves, Joseph Leopold Eybler et Franz Josef Freystädtler, considérés par Mozart lui-même comme plus doués que Süßmayr, mais ceux-ci, faute de temps, l'ont rapidement abandonné.

En 1819, Sigismond von Neukomm composera un Libera me pour compléter cette Messe de Requiem. La version intégrale « Neukomm » n'a été donnée qu'une seule fois, le 19 décembre 1819 à Rio de Janeiro puis oubliée. En première mondiale depuis 1819, deux exécutions du Requiem, conclues par le Libera me de Neukomm, ont eu lieu en novembre 2005 (le 19 pour la première) à Sarrebourg, en Moselle. Sous la direction de Jean-Claude Malgoire, dirigeant l'orchestre La Grande Écurie et la Chambre du Roy et l'ensemble vocal dénommé la Kantorei Saarlouis (de Sarrelouis, Allemagne), un enregistrement du second concert a servi de support à la création du premier CD du Requiem prétendument « intégral ». L'œuvre a encore été donnée le 10 mars 2006 à Liévin lors de la commémoration de la catastrophe de Courrières.

Les versions complétées

Par version complétée on entend les ajouts instrumentaux et vocaux des parties manquantes du Requiem de la main propre de Mozart.

Franz-Xaver Süßmayr (1792) : première version complétée. Probablement basée sur les indications orales et/ou écrites du compositeur ainsi que sur les tentatives de reconstruire l'œuvre de Josef Eybler et Franz Josef Freystädtler. La version contient des erreurs de langage musical.

Marius Flothuis (1941) : version initialement élaborée par l'assistant du directeur artistique du Concertgebouw Marius Flothuis pour le chef Eduard van Beinum. La version se réfère principalement à la version de Süßmayr mais contient des modifications des parties des trombones et corrige les fautes rencontrées dans le langage musical.

Franz Beyer (1981) : corrige les fautes de la version initiale et fait une légère extension de l'Hosanna.

Richard Maunder (1986) : la version de R. Maunder essaye d'effacer toute trace de Süßmayr (omission donc de Sanctus, Benedictus et Agnus Dei) en restaurant Amen dont l'esquisse fut retrouvée il y a peu.

Robert Levin (1995) : la version présente une autre restauration de l'Amen, des corrections dans les parties de trombones et dans le langage musical, ainsi qu'une extension de l'Hosanna. En plus d'être prolongée, la transition du Benedictus vers la fugue Hosanna est réécrite afin de garder la cohérence de tonalité. Le Lacrimosa est réécrit dans ses dernières mesures afin d'annoncer lAmen. LAgnus Dei comporte des modifications de mélodie et de tonalité à certains endroits.

Discographie

Année Titre Genre Label
1956 Mozart : Requiem. Irmgard Seefried, Jennie Tourel, Leopold Simoneau, William Warfield ; Chœur de Westminster, orchestre philharmonique de New York. Dir. Bruno Walter Classical CBS
1971 Mozart : Requiem. Edith Mathis, Julia Hamari, Wiesław Ochman, Karl Ridderbusch ; Orchestre philharmonique de Vienne. Dir. Karl Böhm Classical Deutsche Grammophon
1985 Mozart : Requiem. Kathleen Battle, Ann Murray, David Rendall, Matti Salminen ; Chœur et orchestre de l'Opéra de Paris. Dir. Daniel Barenboim Classical EMI Classics
1987 Mozart : Requiem. Anna Tomowa-Sintow, Helga Müller Molinari, Vinson Cole, Paata Burchuladze ; Orchestre philharmonique de Vienne. Dir. Herbert von Karajan Classical Deutsche Grammophon
1990 Wolfgang Amadeus Mozart : Requiem in Re Minor, KV 626. Felicia Filip, Carmen Oprişanu, Ionel Voineag, Gheorghe Roşu ; Orchestre symphonique et le chœur de philharmonique George Enescu. Dir. Cristian Mandeal Classical Electrecord

Le texte du Requiem

VERSION ORIGINALE (LATIN) TRADUCTION FRANÇAISE
Introitus
Requiem:
(Chœur)
Requiem æternam dona eis, Domine,
et lux perpetua luceat eis.
(Soprano)
Te decet hymnus, Deus, in Sion,
et tibi reddetur votum in Jerusalem.
(Chœur)
Exaudi orationem meam,
ad te omnis caro veniet.
Requiem æternam dona eis, Domine,
et lux perpetua luceat eis.
Kyrie:
Kyrie eleison.
Christe eleison.
Kyrie eleison.
Sequentia
Dies Iræ:
Dies iræ, dies illa
Solvet sæclum in favilla,
Teste David cum Sibylla.
Quantus tremor est futurus
Quando judex est venturus
Cuncta stricte discussurus.
Tuba Mirum:
(Basse)
Tuba mirum spargens sonum
Per sepulcra regionum
Coget omnes ante thronum.
(Tenor)
Mors stupebit et natura
Cum resurget creatura
Judicanti responsura.
Liber scriptus proferetur
In quo totum continetur,
Unde mundus judicetur.
(Contralto)
Judex ergo cum sedebit
Quidquid latet apparebit,
Nil inultum remanebit.
(Soprano)
Quid sum miser tunc dicturus,
Quem patronum rogaturus,
Cum vix justus sit securus?
(Tous les solistes)
Cum vix justus sit securus?
Rex Tremendæ:
Rex tremendæ majestatis,
Qui salvandos salvas gratis,
Salva me, fons pietatis.
Recordare:
(Solistes)
Recordare, Jesu pie,
Quod sum causa tuæ viæ,
Ne me perdas illa die.
Quærens me sedisti lassus,
Redemisti crucem passus,
Tamus labor non sit cassus.
Juste judex ultionis
Donum fac remissionis
Ante diem rationis.
Ingemisco tanquam reus,
Culpa rubet vultus meus,
Supplicanti parce, Deus.
Qui Mariam absolvisti
Et latronem exaudisti,
Mihi quoque spem dedisti.
Preces meæ non sunt dignæ,
Sed tu bonus fac benigne,
Ne perenni cremer igne.
Inter oves locum præsta,
Et ab hædis me sequestra,
Statuens in parte dextra.
Confutatis:
Confutatis maledictis
Flammis acribus addictis,
Voca me cum benedictis.
Oro supplex et acclinis,
Cor contritum quasi cinis,
Gere curam mei finis.
Lacrimosa:
Lacrimosa dies illa
Qua resurget ex favilla
Judicandus homo reus.
Huic ergo parce, Deus,
Pie Jesu Domine,
Dona eis requiem. Amen.
Offertorium
Domine Jesu:
Domine, Jesu Christe, Rex gloriæ,
libera animas omniurn fidelium defunctorum
de poenis inferni, et de profundo lacu:
libera eas de ore leonis,
ne absorbeat eas tartarus,
ne cadant in obscurum,
(Solistes)
Sed signifer sanctus Michæl
repræsentet eas in lucem sanctam,
(Chœur)
Quam olim Abrahæ promisisti et semini eius.
Hostias :
Hostias et preces, tibi, Domine, laudis offerimus:
tu suscipe pro animabus illis,
quarum hodie memoriam facimus:
fac eas, Domine, de morte transire ad vitam,
quam olim Abrahæ promisisti et semini eius.
Sanctus
Sanctus, Sanctus, Sanctus,
Dominus Deus Sabaoth!
Pleni sunt coeli et terra gloria tua.
Osanna in excelsis.
Benedictus
(Solistes)
Benedictus qui venit in nomine Domini.
(Chœur)
Osanna in excelsis.
Agnus Dei
Agnus Dei, qui tollis peccata mundi,
dona eis requiem.
Agnus Dei, qui tollis peccata mundi,
dona eis requiem sempiternam.
Communio
Lux Æterna:
(Soprano, puis le chœur)
Lux æterna luceat eis, Domine,
cum sanctis tuis in æternum,
quia pius es.
(Chœur)
Requiem æternam dona eis, Domine,
et lux perpetua luceat eis,
cum sanctis tuis in æternum,
quia pius es.
Introït
Requiem:
(Chœur)
Seigneur, donnez-leur le repos éternel,
et faites luire pour eux la lumière sans déclin.
(Soprano)
Dieu, c'est en Sion qu'on chante dignement vos louanges ;
à Jérusalem on vient vous offrir des sacrifices.
(Chœur)
Écoutez ma prière,
Vous, vers qui iront tous les mortels.
Seigneur, donnez-leur le repos éternel,
et faites luire pour eux la lumière sans déclin.
Kyrie :
Seigneur, ayez pitié.
Christ, ayez pitié.
Seigneur, ayez pitié.
Séquence
Dies Iræ:
Jour de colère que ce jour-là,
où le monde sera réduit en cendres,
selon les oracles de David et de la Sibylle.
Quelle terreur nous envahira,
lorsque le Juge viendra
pour délivrer son impitoyable sentence!
Tuba Mirum:
(Basse)
La trompette répandant la stupeur
parmi les sépulcres,
rassemblera tous les hommes devant le trône.
(Tenor)
La mort et la nature seront dans l'effroi,
lorsque la créature ressuscitera
pour rendre compte au Juge.
Le livre tenu à jour sera apporté,
livre qui contiendra
tout ce sur quoi le monde sera jugé.
(Contralto)
Quand donc le Juge tiendra séance,
tout ce qui est caché sera connu,
et rien ne demeurera impuni.
(Soprano)
Malheureux que je suis, que dirai-je alors ?
Quel protecteur invoquerai-je,
quand le juste lui-même sera dans l'inquiétude ?
(Tous les solistes)
Quand le juste lui-même sera dans l'inquiétude ?
Rex Tremendæ:
O Roi, dont la majesté est redoutable,
vous qui sauvez par grâce,
sauvez-moi, ô source de miséricorde.
Recordare:
(Solistes)
Souvenez-vous ô doux Jésus,
que je suis la cause de votre venue sur terre.
Ne me perdez donc pas en ce jour.
En me cherchant, vous vous êtes assis de fatigue,
vous m'avez racheté par le supplice de la croix :
que tant de souffrances ne soient pas perdues.
Ô Juge qui punissez justement,
accordez-moi la grâce de la rémission des péchés
avant le jour où je devrai en rendre compte.
Je gémis comme un coupable : la rougeur me
couvre le visage à cause de mon péché ;
pardonnez, mon Dieu, à celui qui vous implore.
Vous qui avez absous Marie-Madeleine,
vous qui avez exaucé le bon larron :
à moi aussi vous donnez l'espérance.
Mes prières ne sont pas dignes d'être exaucées,
mais vous, plein de bonté, faites par votre
miséricorde que je ne brûle pas au feu éternel.
Accordez-moi une place parmi les brebis
et séparez-moi des égarés
en me plaçant à votre droite.
Confutatis:
Et après avoir réprouvé les maudits
et leur avoir assigné le feu cruel,
appelez-moi parmi les élus.
Suppliant et prosterné, je vous prie,
le cœur brisé et comme réduit en cendres :
prenez soin de mon heure dernière.
Lacrimosa:
Jour de larmes que ce jour,
qui verra renaître de ses cendres:
l'homme, ce coupable en jugement:
Epargnez-le donc, mon Dieu !
Seigneur, bon Jésus,
donnez-leur le repos éternel. Amen.
Offertoire
Domine Jesu:
Seigneur, Jésus-Christ, Roi de gloire,
délivrez les âmes de tous les fidèles défunts
des peines de l'enfer et de l'abîme sans fond :
délivrez-les de la gueule du lion,
afin que le gouffre horrible ne les engloutisse pas
et qu'elles ne tombent pas dans le lieu des ténèbres.
(Solistes)
Que Saint-Michel, le porte-étendard,
les introduise dans la sainte lumière.
(Chœur)
Que vous avez promise jadis à Abraham et à sa postérité.
Hostias:
Nous vous offrons, Seigneur, le sacrifice et les prières de notre louange:
recevez-les pour ces âmes
dont nous faisons mémoire aujourd'hui.
Seigneur, faites-les passer de la mort à la vie.
Que vous avez promise jadis à Abraham et à sa postérité.
Sanctus
Saint, saint, saint le Seigneur,
Dieu de l'univers.
Le ciel et la terre sont remplis de votre gloire.
Hosanna au plus haut des cieux.
Benedictus
(Solistes)
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.
(Chœur)
Hosanna au plus haut des cieux.
Agnus Dei
Agneau de Dieu qui enlevez les péchés du monde,
donnez-leur le repos.
Agneau de Dieu qui enlevez les péchés du monde,
donnez-leur le repos éternel.
Communion
Lux Æterna:
(Soprano, puis le chœur)
Que la lumière éternelle luise pour eux, Seigneur,
au milieu de vos Saints et à jamais,
car vous êtes miséricordieux.
(Chœur)
Seigneur, donnez-leur le repos éternel
faites luire pour eux la lumière sans déclin.
Au milieu de vos Saints et à jamais,
Seigneur, car vous êtes miséricordieux.

Références

  1. Le Requiem de Mozart regroupe les strophes de la séquence en six numéros.
  2. Peter Jost: Instrumentation - Geschichte und Wandel des Orchesterklangs, Bärenreiter, Kassel, ISBN 3-7618-1719-3, Seite 77
  3. m = mineur ; M = majeur
  4. Obit : « Service religieux célébré au bénéfice de l'âme du défunt, généralement au jour anniversaire de sa mort ». Cf. Le petit Robert.
  5. (de)cf. rapport du témoin oculaire Anton Herzog : Wahre und ausführliche Geschichte des Requiem von W. A. Mozart. Vom Entstehen desselben im Jahre 1791 bis zur gegenwärtigen Zeit 1839. Cité par Wolff, p. 130–137.
  6. (de)Les pages en question sont disponibles en-ligne sur le site web des archives digitales de la Beethoven-Haus de Bonn : [1] et [2]
  7. (de)Hans Georg Nägeli: Vorlesungen über Musik mit Berücksichtigung eines Dilettanten, Stuttgart et Tübingen 1826, p. 99. Cité par Peter Ackermann: Requiem KV 626, dans: Hochradner/Massenkeil 2006, p. 125–154, ici: p. 142.
  8. (de)Vertheidigung der Echtheit des Mozartschen Requiems, 1826, cité par Wolff 2001, p. 148–152.
  9. (de)Dans l'Allgemeine musikalische Zeitung 1 1798/99, p. 147-151, cf. [3].
  10. (de)cf. Konrad [4].
  11. (de)Dans l'Allgemeine musikalische Zeitung 2 1799/1800, p. 642-656, cf. [5].
  12. (de)Gruber 1985, p. 170–171, cf. aussi Harald Schützeichel/Martin Haselböck : Mozarts Kirchenmusik, Éditions de l'académie catholique de l'archidiocèse de Fribourg, 1992, p. 86.
  13. (de)Gruber 1985, p. 45.
  14. a et b (de)Gruber 1985, p. 82.
  15. (de)Lettre à Herder du 8 octobre 1800, dans : Sämtliche Werke (Œuvres complètes), IIIe partie/Tome 4, Berlin 1960, p. 2.
  16. (de)Ludwig Tieck : Phantasus: eine Sammlung von Mährchen, Erzählungen, Schauspielen und Novellen, p. 468; cf. [6]
  17. (de)Allgemeine Musikalische Zeitung volume 16, no 36, 1814, cf. [7]
  18. (de)Alfred Einstein : Mozart. Sein Charakter, sein Werk. Nouvelle édition 2005 (1ère édition 1947), p. 370.
  19. (de)Nikolaus Harnoncourt, Der musikalische Dialog, p.28
  20. (de)Karl Schlögel: Petersburg. Das Laboratorium der Moderne 1909–1921. Francfort-sur-le-Main: Fischer, 2009, p. 449 sqq.
  21. (de) Cf. Silke Leopold : « Mozarts Geist muss allein und rein in seinen Werken wehen » - Mozart in der musikalischen Praxis zu Beginn des 19. Jahrhunderts. Mozart-Handbuch, Kassel 2005, p. 28-33, ici: p. 29.
  22. (de)Gruber, 1985, p. 220
  23. Gruber, 1985, p. 217, 218 et 253
  24. (en)[8] About this Recording 8.111064 – MOZART: Requiem in D minor (Tassinari, Tagliavini, De Sabata) (1941); sur www.naxos.com]
  25. (de)Cf. Karl Barth: Wolfgang Amadeus Mozart. Éditions Protestantes 1956, p. 16, ainsi que Hans Küng: Spuren der Transzendenz – Erfahrungen mit der Musik Mozarts. Munich 1991.

Bibliographie

Christoph Wolff (de), Mozarts Requiem. Geschichte, Musik, Dokumente. Mit Studienpartitur. Bärenreiter, Kassel, 1991. 4. korr.[igierte] Auflage (4e édition, corrigée), 2003 (ISBN 3-7618-1242-6)

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