Rade de Cherbourg

Rade de Cherbourg

49° 39′ 33″ N 1° 36′ 42″ W / 49.659072, -1.611729

Plan de la rade de Cherbourg

La rade de Cherbourg est la plus grande rade artificielle du monde[1], avec une superficie d'environ 1 500 hectares.

Elle a été commencée en 1783, la digue centrale a été achevée en 1853, et elle est pourvue de trois forts en 1860. Elle est construite à 4 km de la côte, la digue du large mesure 3 640 m, avec une largeur moyenne de 100 m à sa base et 12 m à son sommet, et une hauteur de 27 m. L'ensemble des trois digues fait plus de 6 kilomètres.

L'ouverture de la passe de l'Est est de 950 mètres, celle de la passe de l'Ouest de 2,3 km. Sa profondeur maximale est de 13 mètres à marée basse.

Sommaire

Histoire

Place forte stratégique depuis plusieurs siècles, Cherbourg dispose d'un château depuis le Xe siècle qui protège le Cotentin du large. Au XVIIe siècle, Vauban lance une fortification de la ville, avant que celles-ci ne soient finalement rasées peu de temps après sur ordre de Louvois. Imaginé depuis longtemps, le projet d'un port militaire est lancé par Louis XVI. En 1692, plusieurs navires de la flotte de l'Amiral de Tourville sont détruits, dont Le Triomphant à l'entrée du port, L'Admirable sur les Mielles, et le Soleil Royal, vaisseau amiral, sur la pointe du Hommet, mettant en lumière le manque de défense de la ville.

Projet Cessart pour la rade

En 1776, à la demande de Louis XVI, une commission sous l'égide de Suffren, réunissant notamment Dumouriez, futur gouverneur de la place, et La Bretonnière, est chargée de choisir le port stratégique pour la défense des côtes de la Manche, entre Cherbourg, Ambleteuse et Boulogne. Le rapport de La Bretonnière considère que seul le port normand peut protéger convenablement 80 bateaux de guerre. Dépassant les projets de Vauban, il projette la construction d'une digue de 4 kilomètres de long, entre l'île Pelée et la pointe de Querqueville. Dumouriez et Decaux, chef du génie, conseillent quant à eux, une rade plus courte, allant en droite ligne de l'île Pelée et la pointe du Hommet, comme préconisé par Vauban, avec une passe centrale unique, et en mettant l'accent sur les défenses militaires. On donne finalement raison à La Bretonnière. S'agissant de l'édification, Decaux vante les mérites des caissons de maçonnerie tandis que La Bretonnière préfère le sabordage de vieux navires de guerre et un enrochement à pierres perdues. Mais furent choisis les plans de l'ingénieur Louis-Alexandre de Cessart, ceux d'un môle construit à partir de 90 cônes de bois de 20 m sur 20, remplis de pierres, reliés par des chaînes de fer.

À partir de 1783, trois ingénieurs vont se succéder durant les 70 ans de l'édification des 4 000 mètres de la digue : Louis-Alexandre de Cessart, La Bretonnière et Joseph Cachin. Le premier cône selon l'option Cessart est coulé le 6 juin 1784, à un kilomètre de l'Île Pelée, et la rade s'emplit des 300 à 400 bateaux qui font la navette depuis le port du Becquet pour charger les pierres. Mais les quatre premiers cônes ne résistent pas aux tempêtes. Le 22 juin 1786, Louis XVI fait son seul voyage en province pour voir l'avancement des travaux et assister à l'immersion du neuvième cône. Quand en 1788, on conclut à l'échec de l'option de Cessart, les caisses sont vides, et les esprits prêts à la Révolution. On revient donc à la conception de La Bretonnière, mais en 1789-1790, Dumouriez et Cessart quittent Cherbourg. Les subsides sont coupés en 1790, et La Bretonnière est contraint à la démission en 1792. Malgré la loi du 1er août 1792 décrétant la construction de l'avant-port militaire, tous les travaux sont suspendus cette même année, et pour dix ans.

En 1802, Bonaparte ordonne de reprendre les travaux de la digue, selon la méthode de La Bretonnière, en aménageant la partie centrale pour recevoir des canons. Par le décret du 25 germinal an XI (1803), il charge l'ingénieur Cachin du creusement de l'avant-port militaire qu'il qualifiera de lac de Moeris (inauguré le 27 août 1813 en présence de l'impératrice Marie-Louise), et décide de la construction du nouvel Arsenal. Le Premier consul veut faire de Cherbourg un des ports militaires principaux, visant l'invasion du Royaume-Uni. En 1803, Cherbourg est à l'abri des attaques anglaises et devient un port d'attache de corsaires.

Les travaux de la digue centrale, interrompus à nouveau entre 1813 et 1832, ne sont terminés que sous Napoléon III, en 1853, tandis que les digues de l'Ouest et de l'Est sont achevées en 1895. Les bassins Charles X (commencé en 1814 — 290 x220 x18 mètres) et Napoléon III (commencé en 1836 — 420 x200 x18 mètres) du port militaire sont respectivement inaugurés le 25 août 1829 en présence du Dauphin, et le 7 août 1858 par le couple impérial. Les travaux de la digue sont conclus par la Troisième République, avec l'adjonction des digues de l'Est (1890-1894) et de l'Ouest (1889-1896), et la construction de la Petite rade (digue du Hommet, 1899-1914, et digue des Flamands, 1921-1922). Charles Maurice Cabart Danneville fait percer la digue Est du port de Cherbourg, la digue Collignon, pour que les pêcheurs puissent se mettre rapidement à l'abri de la rade, en cas de gros temps. La passe est devenue plus tard la passe Cabart-Danneville. Les digues de Cherbourg qui constituent depuis la plus grande rade artificielle du monde, n'ont pu être détruites par les Allemands en 1944.

Les forts de la rade

Fort du Homet

Commencé en 1779 dans la région sud-ouest de la rade et au nord du nouvel arsenal, terminé en 1786, il a coûté environ 4 000 000 de francs. Comme l'Ile-Pelée, il présente trois étages de feux, mais le nombre des bouches à feu dont il peut être armé ne dépasse guère 75.

Il fut d'abord nommé fort d'Artois, à cause de la visite faite à cet ouvrage par le comte d'Artois, en 1786. Sous la première République on le nomma fort Liberté. Le fort du Homet tire son nom du rocher sur lequel il est fondé.

Après les événements de juin 1848, plusieurs insurgés de Paris furent détenus là, malgré la devise Liberté, Égalité, Fraternité, écrite en gros caractères sur la porte principale.

Fort de l'île Pelée

Situé à l'est de la digue, sur l'île Pelée, cet ouvrage, exécuté sur les plans de les ingénieurs Ricard et De Caux, fut commencé en 1777 et terminé en 1784. On évalue à 4 millions de francs la somme d'argent employée pour sa construction.

Ce fort, qui présente trois étages de feux, peut être armé de 108 bouches à feu. Louis XVI le visitant en 1786, mit, dit-on, lui-même, le feu à un gros mortier, pour donner le signal d'une décharge générale. Il est composé par une citadelle de granit de Chausey, une fosse et une enceinte fortifiée.

Cet ouvrage de défense a changé de nom selon les temps (fort Royal, fort National, fort Impérial). La République de 1848 lui donna simplement le nom du rocher sur lequel il est édifié. Depuis 1898, face aux mutations de l'artillerie, une chape de béton de 5 mètres recouvre la face nord de la citadelle[2].

Durant la tempête révolutionnaire, on y vit, comme prisonniers, des hommes qui avaient joué des rôles bien différents parmi lesquels Vadier, membre du Tribunal révolutionnaire, Cormatin, major général de l'armée vendéenne, puis le babouviste Buonarotti et Barthélemy Porta. Le fort a reçu entre les deux guerres mondiales une batterie de DCA de 75 mm, d'où les cuves surélevées sur ses dessus. Il fut question d'en réinstaller une, d'origine allemande, de quatre pièces de 10.5 cm SKC/32 dans les années cinquante (travaux OTAN).

Un phare de 25 m de hauteur ation projette à 10 km en mer ses feux intermittents.

Fort Chavagnac

Sur la roche qui porte le nom du comte de Chavagnac, chargé des travaux, au sud du musoir Ouest de la digue et en face de la petite baie de Sainte-Anne. Commencé vers 1845.

Ce fort présente deux étages de feux et pouvait être armé de 60 bouches à feu.

Fort de l'Est

Fort de l'Ouest

Le Fort de l'Ouest abrite un phare nommée le Phare du fort de l'Ouest

Fort central

Le fort central est de forme elliptique, et présente une enveloppe à ciel ouvert avec un réduit à deux étages de feux. Dès 1807, le point central de la digue put recevoir 20 canons. Cette batterie ayant été bouleversée par la tempête du 12 février 1808, un décret du 7 juin 1811 prescrivit de la reconstruire, en élevant les embrasures à 30 pieds au-dessus des plus hautes marées ; chaque plate-forme devait être voûtée.

Fort de Querqueville

Situé au couchant du musoir Ouest de la digue, sa construction est décidée en 1786 et il est commencé en 1787. On peut évaluer à 3 000 000 de francs la dépense totale que cet ouvrage aura occasionnée. Élément important du système défensif de la rade, il devait défendre la passe Ouest, point de passage principal des navires.

À l'origine, il devait avoir trois étages de feux, comme l'Ile-Pelée, mais tout s'est borné à une batterie circulaire voûtée et casematée, pouvant recevoir 50 canons. Cette batterie est surmontée d'une batterie à ciel ouvert, destinée surtout à recevoir des mortiers de gros calibre.

Seul l'hémicycle à 53 casemates fut achevé en 1795 selon les plans d'origine. Chaque emplacement devait recevoir un canon crachant à boulets rouges des projectiles de 48 livres (environ 22,5 kg). Un four à boulets était initialement prévu, mais il semble n'avoir jamais été construit. Le fort n'a pas été achevé car il s'est avéré qu'à cause de hauts fonds, les navires étaient obligés de passer à distance du fort, hors de portée des canons.

Ultime vestige de l'armement du fort, une tourelle de char Renault R35 fut installée en 1940 par les Allemands à l'extrémité de l'aile Ouest du fort pour battre l'anse de Nacqueville. C'est l'une des rares encore en place sur le grand nombre dont était doté le Mur de l'Atlantique [3]

Fort des Flamands

Au sud de l'Ile-Pelée. Ce fort tire son nom de ce que, dans des temps fort reculés, il y avait sur cette partie du littoral de Tourlaville, une colonie de Brabançons qui faisaient sur la côte un commerce important. Ce point était nommé Fief-aux-Flamands.

Ce fort n'entrait pas dans le système de défense de la rade ; mais la nécessité de construire pour le service de la marine des magasins à poudre et un établissement de pyrotechnie, aura conduit naturellement à protéger ces magasins et ateliers par un ouvrage fortifié.

Quel que soit le motif de la création de ce fort, il est évident que c'est un obstacle opposé à un ennemi qui, profitant de la haute mer, voudrait s'introduire dans la rade en passant au sud de l'Ile-Pelée.

La forme du fort des Flamands est celle d'une lunette bastionnée ayant des casemates à un seul étage au pourtour et surmontée d'une batterie barbette terrassée. Le nombre des bouches à feu dont peut être armé cet ouvrage est de 30 au maximum.

Le fort des Flamands, avec ses accessoires (magasins à poudre et établissements de pyrotechnie), commencé vers 1845, a été terminé en 1856 ; tous ces travaux peuvent être évalués à environ 3 000 000 de francs.

Galerie

Source

  • Bazan, « Quels sont les hommes qui ont exercé le plus d'influence sur la création d'un arsenal maritime à Cherbourg et en particulier quelle part doit être attribuée à Vauban dans les projets relatifs à la fermeture de la rade », extrait des Séances du congrès scientifique de France, tenu à Cherbourg en septembre 1860. Cherbourg : Auguste Mouchel, 1860. 16 pages

Références

  1. http://www.ville-cherbourg.fr/fr/tourisme_decouverte/architecture_parc_et_jard/patrimoine_architectural/la_grande_rade/default.asp
  2. Guide des randonnées pédestres, Communauté urbaine de Cherbourg
  3. Plaquette de présentation "Le Fort de Querqueville", édité par l'Arrondissement Maritime de la Manche et de la mer du Nord

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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