Pétrole

Pétrole

Le pétrole (L. petroleum, du mot grec petra, roche, et du latin oleum, huile) est une roche liquide carbonée, une huile minérale composée d'hydrocarbures plus ou moins légers et de divers composés organiques piégés dans des formations géologiques particulières. L'exploitation de cette énergie fossile est l’un des piliers de l’économie industrielle contemporaine, car le pétrole fournit la quasi totalité des carburants liquides — fioul, gazole, kérosène, essence, GPL — tandis que le naphta produit par le raffinage est à la base de la pétrochimie, dont sont issus un très grand nombre de matériaux usuels — plastiques, textiles synthétiques, caoutchoucs synthétiques (élastomères), détergents, adhésifs, engrais, cosmétiques, etc. — et que les fractions les plus lourdes conduisent aux bitumes, paraffines et lubrifiants.

Chaque gisement pétrolier recèle une qualité particulière de pétrole, déterminée par la proportion relative en molécules lourdes et légères, mais aussi par la quantité d'impuretés. Au siècle dernier, l'industrie pétrolière avait l'habitude d'exprimer la qualité d'un pétrole à l'aide de sa densité API, correspondant à sa « légèreté » : un brut de moins de 10 °API est plus dense que l'eau et correspond à un bitume, tandis qu'une huile de plus de 31,1 °API correspond à un brut léger. Les pétroles compris entre 10 et 45 °API étaient dits conventionnels, tandis qu'en dehors de cet intervalle les pétroles étaient dits non conventionnels ; cette définition est néanmoins évolutive car les technologies actuelles permettent de traiter par des procédés standards des pétroles jusqu'alors considérés comme exotiques : les condensats, situés au-delà des 45 °API, en sont une bonne illustration.

Le pétrole non conventionnel constitue aujourd'hui un axe majeur du développement de l'industrie pétrolière, en premier lieu à travers le pétrole brut de synthèse issu des schistes bitumineux et des sables bitumineux, dont les plus connus sont les sables bitumineux de l'Athabasca, dans l'Alberta, au Canada : ce pays possède en effet de modestes réserves de brut conventionnel, estimées à un peu moins de 5,4 milliards de barils, mais les plus importantes réserves connues de pétrole non conventionnel, estimées fin 2008 à plus de 172 milliards de barils — l'étendue exacte des réserves prouvées du Venezuela est encore débattue. Si les quantités sont impressionnantes, la rentabilité économique de l'exploitation de ces gisements est en revanche sensiblement inférieure à celle des gisements de brut conventionnel du Moyen-Orient, avec des coûts d'exploitation de 10 à 14 CAD par baril[1] contre quelques USD par baril en Arabie saoudite — les chiffres sont assez variables à ce sujet.

D'autres variétés de pétrole non conventionnelles sont également investiguées, telles que le charbon liquéfié, l'essence synthétique et les pétroles issus de la biomasse.

  Réserves prouvées fin 2008 en millions de barils[2].
  Arabie saoudite   266 710     19,87 %  
  Canada 178 092   13,27 %  
  Iran 136 150   10,14 %  
  Irak 115 000   8,57 %  
  Koweït 104 000   7,75 %  
  Venezuela 99 377   7,40 %  
  Émirats Arabes Unis   97 800   7,29 %  
  Russie 60 000   4,47 %  
  Libye 43 660   3,25 %  
  Nigeria 36 220   2,70 %  
  Kazakhstan 30 000   2,24 %  
  États-Unis 21 317   1,59 %  
  Chine 16 000   1,19 %  
  Qatar 15 210   1,13 %  
  Brésil 12 624   0,94 %  
  Algérie 12 200   0,91 %  
  Mexique 10 501   0,78 %  
  Angola 9 040   0,67 %  
  Azerbaïdjan 7 000   0,52 %  
  Norvège 6 680   0,50 %  
  Inde 5 625   0,42 %  
  Oman 5 500   0,41 %  
  Soudan 5 000   0,37 %  
  Équateur 4 660   0,35 %  
  Malaisie 4 000   0,30 %  
  Indonésie 3 990   0,30 %  
  Égypte 3 700   0,28 %  
  Royaume-Uni 3 410   0,25 %  
  Yémen 3 000   0,22 %  
  Argentine 2 616   0,19 %  

En décembre 2009, la production mondiale de pétrole s'est élevée à 83,88 millions de barils par jour[3], répartis essentiellement entre la Russie (12,3 %), l'Arabie saoudite (9,84 %), les États-Unis (8,95 %), la Chine (4,73 %), l'Iran (4,47 %), la CEI hors Russie (3,84 %), le Mexique (3,49 %), le Brésil (2,98 %) et l'Irak (2,90 %). La production irakienne avoisinait 2,43 millions de barils par jour en décembre 2009, ce qui représentait 85 % de la capacité de production du pays avant la guerre d'Irak de 2003[4], et 70 % de la capacité d'avant la guerre du Golfe de 1990[5], qui était de l'ordre de 3,5 millions de barils par jour, c'est-à-dire équivalente à la production actuelle du Mexique.

Sommaire

Géologie

Formation

Le pétrole est un produit de l'histoire géologique d’une région[6], et particulièrement de la succession de trois conditions :

  • L'accumulation de matière organique, végétale essentiellement ;
  • Sa maturation en hydrocarbures ;
  • Son emprisonnement.

Ensuite, comme un gisement de pétrole est entraîné dans la tectonique des plaques, l’histoire peut se poursuivre. Il peut être enfoui plus profondément et se pyrolyser à nouveau, donnant un gisement de gaz naturel - on parle alors de « gaz thermogénique secondaire », par opposition au « gaz thermogénique primaire » formé directement par pyrolyse du kérogène. Le gisement peut également fuir, et le pétrole migrer à nouveau, vers la surface ou un autre piège.

Il faut ainsi un concours de circonstances favorables pour que naisse un gisement de pétrole (ou de gaz), ce qui explique d’une part que seule une infime partie de la matière organique formée au cours des ères géologiques ait été transformée en énergie fossile et, d’autre part, que ces précieuses ressources soient réparties de manière très disparate dans le monde.

Accumulation de matière organique

En règle générale, la biosphère recycle la quasi-totalité des sous-produits et débris. Cependant, une petite minorité de la matière « morte » sédimente, c’est-à-dire qu’elle s'accumule par gravité et est enfouie au sein de la matière minérale, et dès lors coupée de la biosphère. Ce phénomène concerne des environnements particuliers, tels que les endroits confinés (milieux paraliques : lagunes, deltas…), surtout en milieu tropical et lors de périodes de réchauffement climatique intense (comme le silurien, le jurassique et le crétacé), où le volume de débris organiques excède la capacité de « recyclage » de l’écosystème local. C’est durant ces périodes que ces sédiments riches en matières organiques (surtout des lipides) s’accumulent.

Maturation de la matière organique

Au fur et à mesure que des couches de sédiments se déposent au-dessus de cette strate riche en matières organiques, la « roche-mère » ou « roche-source », croît en température et en pression. Dans ces conditions, la matière organique se transforme en kérogène, un « extrait sec » disséminé dans la roche sous forme de petits grumeaux. Si la température devient suffisante (le seuil est à au moins 50 °C, généralement plus selon la nature de la roche et du kérogène), et si le milieu est réducteur, le kérogène sera pyrolysé, extrêmement lentement.

Le kérogène produit du pétrole et/ou du "gaz naturel", qui sont des matières plus riches en hydrogène, selon sa composition et les conditions d’enfouissement. Si la pression devient suffisante ces fluides s’échappent, ce qu’on appelle la migration primaire. En général, la roche source a plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’années quand cette migration se produit. Le kérogène lui-même reste en place, appauvri en hydrogène.

Piégeage des hydrocarbures

Quant aux hydrocarbures expulsés, plus légers que l’eau, ils s’échappent en règle générale jusqu’à la surface de la Terre où ils sont oxydés, ou bio dégradés (ce dernier cas donne des sables bitumineux), mais une minime quantité est piégée : elle se retrouve dans une zone perméable (généralement du sable, des carbonates ou des dolomites) qu’on appelle la « roche-réservoir », et ne peut s’échapper à cause d’une couche imperméable (composée d’argile, de schiste et de gypse), la « roche piège » formant une structure-piège.

Il existe plusieurs types de pièges. Les plus grands gisements sont en général logés dans des pièges anticlinaux. On trouve aussi des pièges sur faille ou mixtes anticlinal-faille, des pièges formés par la traversée des couches par un dôme salin, ou encore créés par un récif corallien fossilisé.

Théorie du pétrole abiotique

La théorie du pétrole abiotique (aussi connue sous la dénomination anglaise de modern Russian-Ukrainian theory) fut essentiellement soutenue par les Soviétiques dans les années 1950 et 1960. Son principal promoteur, Nikolai Kudryavtsev, postulait la formation de pétrole dans le manteau terrestre à partir d'oxyde de fer II (FeO), de carbonate de calcium (CaCO3) et d'eau. Il indiquait également que cette réaction devait théoriquement se produire si la pression est supérieure à 30 kbar (correspondant aux conditions qui règnent naturellement à une profondeur supérieure à 100 km dans le manteau terrestre).

Rendue obsolète au fur et à mesure que la compréhension des phénomènes géologiques et thermodynamiques en jeu progressaient[7], la théorie du pétrole abiotique reste marginale au sein de la communauté scientifique. En pratique, elle n'a jamais pu être utilisée avec succès pour découvrir de nouveaux gisements.

Classifications des pétroles

On distingue les pétroles en fonction de leur origine et donc de leur composition chimique. Le mélange d’hydrocarbures issu de ce long processus comprend des chaînes carbonées linéaires plus ou moins longues, ainsi que des chaînes carbonées cycliques naphténiques ou aromatiques.

Il est aussi possible de distinguer les différents types de pétrole selon leur densité, leur fluidité, leur teneur en soufre et autres impuretés (vanadium, mercure et sels) et leurs proportions en différentes classes d’hydrocarbures. Le pétrole est alors paraffinique, naphténique ou aromatique.

On classe aussi les pétroles selon leur provenance (golfe Persique, mer du Nord, Venezuela, Nigeria), car le pétrole issu de gisements voisins a souvent des propriétés proches.

Il existe des centaines de bruts de par le monde ; certains servent d'étalon pour établir le prix du pétrole d’une région donnée : les plus utilisés sont l'Arabian Light (brut de référence du Moyen-Orient), le Brent (brut de référence européen) et le West Texas Intermediate (WTI, brut de référence américain).

Selon sa provenance, le brut peut contenir du gaz dissous, de l’eau salée, du soufre et des produits sulfurés (thiols (mercaptans) surtout). Il a une composition trop riche pour être décrite en détails. Il faut distinguer simplement trois catégories de brut :

  • À prédominance paraffinique : les hydrocarbures linéaires sont les plus abondants ; ces bruts sont les plus recherchés car ils donnent directement une grande proportion de produits légers comme l'essence et le gazole ;
  • À prédominance naphténique : avec beaucoup d'hydrocarbures à cycle saturé ;
  • À prédominance aromatique : les hydrocarbures présentant un cycle carboné insaturé sont plus abondants.

De plus, il existe des bruts aptes à faire du bitume, ce sont des bruts très lourds de type Boscan, Tia Juana, Bachaquero ou Safaniyah. Les deux principaux critères pour classer les centaines de bruts différents qui existent sont la densité et la teneur en soufre, depuis le plus léger et le moins sulfureux (qui a la plus haute valeur commerciale) qui est du condensat, jusqu’au plus lourd et au plus sulfureux qui contient 90 % de bitume environ : c’est un brut d’Italie.

Histoire

Temple du feu de Surakhany, à proximité de Bakou.
Feu grégeois, qui contenait peut-être du kérosène, obtenu à partir de la distillation du pétrole.
Source et ruisseau bitumeux du Puy de la Poix, sur la commune de Clermont-Ferrand (France)
Production mondiale de pétrole depuis 1900
Article principal : Histoire du pétrole.

Le pétrole est connu et utilisé depuis la plus haute antiquité. Il forme des affleurements[8] dans les lieux où il est abondant en sous-sol ; ces affleurements ont été utilisés de nombreuses façons : calfatage des bateaux[9], ciment pour le pavage des rues, source de chauffage et d'éclairage, et même produit pharmaceutique. Sa distillation, décrite dès le Moyen Âge, donne un intérêt supplémentaire à ce produit pour les lampes à pétrole.

À partir des années 1850, le pétrole fait l'objet d'une exploitation et d'une utilisation industrielle. Il est exploité en 1857 en Roumanie, et en 1859 aux États-Unis, dans l'État de Pennsylvanie. À partir de 1910, il est considéré comme une matière première stratégique, à l'origine de la géopolitique du pétrole. La période 1920-1970 est marquée par une série de grandes découvertes de gisements, particulièrement au Moyen-Orient, qui fait l'objet de toutes les convoitises. Les marchés des produits pétroliers se développent également ; outre les carburants comme l'essence, le gazole et le fioul lourd, qui accompagnent l'essor des transports dans leur ensemble, l'industrie pétrolière génère une myriade de produits dérivés, au nombre desquels les matières plastiques, les textiles et le caoutchouc artificiels, les colorants, les intermédiaires de synthèse pour la chimie et la pharmacie. Ces marchés permettent de valoriser la totalité des composants du pétrole. En 1970, la production de pétrole des États-Unis atteint un maximum, qu'avait prédit le géophysicien Marion King Hubbert.

La période 1973-1980 marque l'histoire du monde avec les premier et deuxième chocs pétroliers. À partir de 1986, le contre-choc pétrolier voit le prix du baril s'effondrer. En 2003, le prix du baril remonte, en dépit d'une production toujours assurée et d'une relative paix mondiale, à cause de la spéculation sur les matières premières en général ; quand cette spéculation s'arrêtera brutalement en 2008, le prix du baril suivra cette évolution spectaculaire.Modèle:Clearleft

Économie : l’or noir

Les unités couramment utilisées pour quantifier le volume de pétrole sont les Mbbls ou Gbbls pour les réserve mondiales, les Mbbls/j pour la production, « bbls » signifiant « blue barrels », les préfixes « M » et « G » signifiant respectivement million et milliard (méga et giga). Un baril représente exactement 42 gallons, soit 158,987 litres. Cette unité, bien qu’universellement utilisée pour le pétrole, n’est pas une unité légale, même aux États-Unis. À titre d’exemple, le plus grand réservoir connu de pétrole, Ghawar, contient environ 70 Gbbls extractibles et la production mondiale est de 81 Mbbls, c’est-à-dire 12,9 milliards de litres, par jour.

Réserves pétrolières

Réserves prouvées de pétrole en 2009[10].
Article principal : Réserve pétrolière.

Les réserves pétrolières désignent le volume de pétrole récupérable, à partir de champs de pétrole découverts, sur la base des contraintes économiques et techniques actuelles. Ce volume se base sur l'estimation de la quantité de pétrole présente dans des champs déjà connus, affectée d'un coefficient minorant dépendant de notre capacité à extraire du sol ce pétrole. Ce coefficient dépend de chaque champ, il peut varier de 10 à 50%, avec une moyenne mondiale de l'ordre de 35% en 2009.

Les réserves sont rangées dans différentes catégories, selon leur probabilité d'existence dans le sous-sol : réserves prouvées (probabilité de plus de 90%), réserves probables (de 50 à 90%) et réserves possibles (de 10 à 50%).

On distingue également différentes sortes de réserves en fonction du type de pétrole : pétrole conventionnel ou pétroles non conventionnels. Les pétroles non conventionnels sont essentiellement constitués des huiles extra-lourdes, des sables asphaltiques, et des schistes bitumineux. La rentabilité des gisements de pétrole non conventionnel est incertaine, car la quantité d'énergie nécessaire à leur extraction est plus importante.

En général, les chiffres de réserves correspondent aux réserves prouvées de pétrole conventionnel. Ainsi, en 2005, les réserves mondiales de pétrole conventionnel étaient estimées à 1200 milliards de barils selon les chiffres de British Pétroleum[11].

La quantité de réserves dépend d'estimations très variables dans leur qualité et leur ancienneté. Elles sont donc remises à jour chaque année, au fur et à mesure que des informations plus précises sont apportées sur les gisements déjà découverts. Toutefois, les réserves des pays de l'OPEP, qui représentent les trois quarts des réserves mondiales, sont sujettes à caution, car d'une part elles ont été artificiellement augmentées dans les années 1980, et d'autre part, les quantités de réserves annoncées par ces pays ne varient pas depuis cette augmentation malgré l'absence de découvertes majeures[12]. Ainsi, les réserves totales de onze pays de l'OPEP en 2003 varient entre 891 milliards de barils selon l'OPEP et 491 milliards de barils selon Colin Campbell, expert à l'ASPO[13].

La courbe d'évolution des réserves dépend en outre de la façon dont les mises à jour sont comptabilisées dans le temps. Si les mises à jour sont comptabilisées à la date de découverte du gisement, les réserves sont dites backdated. Selon cette méthode d'estimation, préconisée par les experts de l'ASPO, la quantité des réserves mondiales de pétrole décroît depuis l'année 1980[14].

Les réserves ne tiennent pas compte des régions pétrolifères non connues. En 2009, la découverte de pétrole non conventionnel dans la région de l'Orénoque au Venezuela avec une réserve de 513 milliards de barils, permettra de compenser en partie la diminution des réserves de pétrole conventionnel (voir réserves du Venezuela[15]).

Cependant, la tendance est à une diminution des découvertes de gisements depuis 1965. Aujourd'hui, les quantités de pétrole découvert chaque année représentent approximativement un tiers de la production mondiale[16]. Les dix premiers gisements mondiaux en termes de débit de production ont tous été découverts avant 1976[17].

Les pays producteurs

Les 20 plus gros producteurs [18]. OPEP : Drapeau : OPEP
Pays Production Consommation Exportation
Drapeau de Russie Russie 10,032 2,695 7,337
Drapeau d'Arabie saoudite Arabie saoudite Drapeau : OPEP 9,713 2,614 7,099
Drapeau des États-Unis États-Unis 7,196 18,686 -11,049
Drapeau d'Iran Iran Drapeau : OPEP 4,216 1,741 2,475
Drapeau de Chine Chine 3,790 8,625 -4,835
Drapeau du Canada Canada 3,212 2,074 1,138
Drapeau du Mexique Mexique 2,979 2,056 0,923
Drapeau des Émirats arabes unis Émirats arabes unis Drapeau : OPEP 2,599 0,236 2,363
Drapeau d'Irak Irak Drapeau : OPEP 2,482 0,770 1,712
Drapeau du Koweït Koweït Drapeau : OPEP 2,481 0,307 2,174
Drapeau du Venezuela Venezuela Drapeau : OPEP 2,437 0,705 1,732
Drapeau de Norvège Norvège 2,342 0,196 2,146
Drapeau du Nigeria Nigeria Drapeau : OPEP 2,082 0,151 1,931
Drapeau : Brésil Brésil 2,061 2,405 -0,344
Drapeau d'Algérie Algérie Drapeau : OPEP 2,125 0,325 1,800
Drapeau d'Angola Angola Drapeau : OPEP 1,948 0,070 1,878
drapeau de la Libye Libye Drapeau : OPEP 1,790 0,280 1,510
Drapeau du Kazakhstan Kazakhstan 1,540 0,241 1,299
Drapeau : Royaume-Uni Royaume-Uni 1,502 1,611 -0,109
Drapeau du Qatar Qatar Drapeau : OPEP 1,213 0,143 1,070
Régions productrices de pétrole dans le monde. En 2009, l'Angola et l'Equateur faisaient partie de l'OPEP, l'Indonésie l'avait quittée.


Le tableau ci-contre décrit :

  • Les principaux pays producteurs (par ordre décroissant de l'estimation de la production en 2011, avec quantités en Mbbls/j incluant le brut, les liquides de gaz naturel et le pétrole non conventionnel (voir l’article : Classification des hydrocarbures liquides), mais pas le gain de raffinage)[19]
  • Les principaux pays exportateurs (valeurs estimations 2011)

La production mondiale est d’environ 85 Mbbls/j, dont 34 proviennent des pays membres de l’OPEP Drapeau : OPEP incluant :

Afrique :

Moyen-Orient :

Amérique :

Certains importants pays producteurs de pétrole, dont certains sont exportateurs nets, ne sont pas membres de l'OPEP. C'est le cas du Canada, du Soudan, du Mexique, du Royaume-Uni, de la Norvège, des États-Unis, de la Russie et d'Oman[20].

Pays consommateurs

En 2007, les principaux pays consommateurs sont, en millions de tonnes/an (millions de barils/jour) [21]:

Quelques quantités remarquables par groupes de pays :

  • Union européenne : 703,9 (14,86), ce qui est relativement peu pour l’importance économique de cette zone.
  • Afrique : 138,2 (2,96), soit moins de 4,6% de la consommation mondiale.

Exploration et production du pétrole

Plate-forme pétrolière : un des symboles de cette puissante industrie.

L’industrie pétrolière se subdivise schématiquement en « amont » (exploration, production) et en « aval » (raffinage, distribution).

L’exploration, c’est-à-dire la recherche de gisements, et la production sont souvent associées : les États accordent aux compagnies des concessions, pour lesquelles ces dernières assument le coût de l’exploration, en échange de quoi elles exploitent (pour une certaine durée) les gisements trouvés. Les mécanismes financiers sont variés : prêts à long terme, participation au capital, financement via des emprunts faits auprès de banques nationales, etc.

L’exploration commence par la connaissance géologique de la région, puis passe par l’étude détaillée des structures géologiques (principalement par imagerie sismique, même si la magnétométrie et la gravitométrie peuvent être utilisées) et la réalisation de puits. On parle d’exploration « frontière » lorsque la région n’a pas encore de réserve mondiale prouvée, le risque est alors très élevé mais le prix d’entrée est faible, et le retour peut être important.

La production, ou plutôt l’extraction du pétrole, peut être une opération complexe : pour maximiser la production finale, il faut gérer un réservoir composé de différents liquides aux propriétés physico-chimiques très différentes (densité, fluidité, température de combustion et toxicité, entre autres). Au cours de la vie d’un gisement, on ouvre de nouveaux puits pour accéder aux poches restées inexploitées. En règle générale, on injecte de l’eau et/ou du gaz dans le gisement, via des puits distincts de ceux qui extraient le pétrole. Une mauvaise stratégie d’exploitation (mauvais emplacement des puits, injection inadaptée, production trop rapide) peut diminuer de façon irréversible la quantité de pétrole extractible. Par exemple, l'interface entre la nappe de pétrole et celle d’un liquide chargé en soufre peut être brisée par simple brassage, polluant ainsi le pétrole.

Contrairement à une image répandue, un gisement de pétrole ne ressemble en rien à un lac souterrain. En effet, mélangé à de l'eau ainsi qu'à du gaz dissous, le pétrole occupe, en fait, les interstices microscopiques de la roche poreuse. Comparer un gisement à une éponge serait surement plus approprié; une éponge très rigide, évidemment, puisqu'il est question d'un gros caillou[22].


Au cours des dernières décennies, l’exploration et la production se font en proportion croissante en offshore : l’onshore, plus facile d’accès, a été exploité le premier. La loi de Ricardo s’applique très bien au pétrole, et, en règle générale, le retour sur investissement tend à diminuer : les gisements sont de plus en plus petits, dispersés, et difficiles à exploiter. Il y a bien sûr des exceptions, comme dans des pays où l’exploration a longtemps été paralysée pour des raisons politiques.

Industrie aval

Les raffineries sont le centre névralgique de l’industrie pétrolière.
Articles détaillés : Raffinage du pétrole et pétrochimie.

Le raffinage consistait simplement, à l’origine, en la distillation du pétrole, pour séparer les hydrocarbures plus ou moins lourds. La distillation sous pression atmosphérique s’est vue complétée d’une distillation sous vide, qui permet d’aller plus loin dans la séparation des différents hydrocarbures lourds. Au fil du temps, nombre de procédés ont été ajoutés, dans le but de maximiser la production des coupes les plus profitables (essence et gazole, entre autres) et de diminuer celle de fioul lourd, ainsi que de rendre les carburants plus propres à l’emploi (moins de soufre, de particules et de métaux lourds). Ces procédés, qui notamment comprennent le reformage, le désasphaltage, la viscoréduction, la désulfuration, l’hydrocraquage, consomment de l'énergie.

Ces procédés continuent à se multiplier, les raffineurs devant satisfaire des exigences de plus en plus grandes sur la qualité des produits (du fait de l’évolution de la structure du marché et des normes environnementales) alors que la qualité des pétroles bruts tend à diminuer, les pétroles plus lourds et plus riches en soufre représentant une part accrue de la production. Une autre évolution importante est la valorisation améliorée des gaz (GPL) et des solides (cokes de pétrole, asphalte) coproduits par le raffinage.

Les raffineries sont en général des infrastructures considérables, traitant des dizaines, voire des centaines de milliers de barils/jour. En France, il existe onze raffineries, dont cinq (représentant 55 % de la capacité) sont contrôlées par Total. Les raffineries alimentent directement les réseaux de distribution de carburants, et la pétrochimie avec des produits de base.

Le transport du pétrole, tant du brut que des produits raffinés, utilise principalement les pétroliers et les oléoducs pour les grandes distances et les volumes importants. Le transport par chemin de fer, par barge en eau douce et par camion est surtout utilisé pour la distribution finale des produits. Le transport du pétrole est à lui seul un secteur économique important : ainsi, les pétroliers représentent environ 35% du tonnage de la marine marchande mondiale[23].

Compagnies pétrolières

Les grandes compagnies pétrolières.
Voir ou créer l'article : Liste de compagnies pétrolières.

L’industrie pétrolière est un pilier de l’économie mondiale : sur les dix plus grandes sociétés privées de la planète en 2006, cinq sont des compagnies pétrolières[24]. De plus, certaines compagnies nationales dépassent largement la taille de ces majors privées. En effet, il existe plusieurs sortes de compagnies pétrolières :

  • Les grandes compagnies privées multinationales et verticalement intégrées (c’est-à-dire concentrant tout ou partie des activités d’exploration, production, raffinage, et distribution), dites « majors », telles que Exxon Mobil, Shell, BP, Total et Chevron.
  • Les raffineurs, qui détiennent l’aval (raffineries et éventuellement stations-service) comme le suisse Petroplus.
  • Les indépendants, qui cherchent et produisent du brut pour le vendre à des raffineurs. Certaines sont des compagnies très importantes et agissent sur plusieurs continents, comme Anadarko, d’autres sont beaucoup plus petites, avec à l’extrême des compagnies familiales ne gérant qu’un puits ou deux (au Texas notamment).
  • Les compagnies nationales, qui sont assez diverses. Pemex (Mexique) et Aramco (Arabie Saoudite), par exemple, ont un monopole de la production dans leur pays, et se comportent comme un organe du gouvernement. D’autres, comme Sonatrach (Algérie), Petronas (Malaysie), Petrobras (Brésil) ou Statoil (Norvège) cherchent une expansion internationale, et se comportent presque comme des « majors » bien que leur capitaux soient (en tout ou partie) publics. En termes de production de pétrole, Aramco équivaut à quatre fois Exxon Mobil, première compagnie privée par le chiffre d’affaires. Enfin, certains petits pays producteurs ont une compagnie nationale qui n’a guère d’activité industrielle et a surtout pour rôle de commercialiser la part de la production revenant à l’État.

Consommation

Article détaillé : Distribution du pétrole.

Le pétrole sert dans tous les domaines énergétiques, mais c’est dans les transports que sa domination est la plus nette. Seul le transport ferroviaire est en grande partie électrifié, pour tous les autres moyens de transports, les alternatives sont marginales et coûteuses, et ont un potentiel de croissance limité. En 2002, selon le FMI [25], 48 % des produits pétroliers sont employés dans ce secteur, et cette part continue à augmenter.

La situation est différente pour la production d’électricité à partir du pétrole, où sa part a constamment diminué depuis plus de 30 ans, étant à moins de 8 % en 2006. Le charbon, le gaz naturel, le nucléaire et les énergies renouvelables s’y sont largement substitués, sauf pour des cas particuliers (pays producteurs disposant de pétrole bon marché, îles et autres endroits difficiles d’accès). De plus, le pétrole utilisé dans la production d’électricité est en majorité du fioul lourd, difficile à employer dans d’autres domaines (excepté la marine) sans transformation profonde.

L’agriculture ne représente qu’une fraction modeste de la consommation de pétrole, mais c’est peut-être ce secteur qui crée la dépendance la plus vitale. Parmi les engrais fréquemment utilisés, c'est-à-dire ceux basés sur l'azote, le phosphore et le potassium (N, P, K), les engrais azotés sont synthétisés à partir de gaz naturel.

Plus la demande est importante, plus il y a d’investissements dans la recherche pétrolière, permettant ainsi de développer de nouveaux champs pétrolifères. Cependant les réserves sont limitées et seront épuisées à terme.

Commerce du pétrole et des produits pétroliers

Article détaillé : Marchés pétroliers.

La valeur d’un pétrole brut dépend de sa provenance et de ses caractéristiques physico-chimiques propres qui permettent, après traitement, de générer une plus ou moins grande quantité de produits à haute valeur marchande. Pour simplifier, on peut dire que plus le brut est léger (c’est-à-dire apte à fournir, après traitement, une grande quantité de produits à forte valeur marchande) et moins il contient de soufre, plus il vaut cher. Dans une moindre mesure, la distance entre l’endroit où est vendu le pétrole et les régions importatrices intervient également.

Les acteurs du marché cherchant à se protéger des fluctuations de cours, le NYMEX introduit en 1978 les contrats futures sur le fioul domestique (heating oil).

Impacts du pétrole

Le développement de l’industrie pétrolière a fourni les carburants liquides qui ont permis la deuxième révolution industrielle et a donc considérablement changé le cours de l’Histoire. En ce sens, le pétrole est véritablement le successeur du charbon, qui avait rendu possible la première révolution industrielle. Son utilisation est également source de controverses, car ses utilisations conduisent l'homme à dégrader l'environnement.

Économie

Le pétrole étant le plus gros commerce de la planète en valeur (et en volume), il modifie considérablement les flux de devises. Les grands pays producteurs disposent de recettes telles que leurs gouvernements ont souvent un excédent public à placer, qui leur donne un poids financier important. Par exemple, vers 1998, la Russie avait une dette publique très importante et semblait proche de la cessation de paiements. Depuis, la hausse du prix de pétrole et celle de sa production lui a permis d’engranger des recettes fiscales telles que la dette a été pratiquement remboursée et que le pays a la troisième réserve de devises au monde en 2006 [26].

Article détaillé : Pétrodollar.

Les fluctuations du prix du pétrole ont un impact direct sur le budget des ménages, donc sur la consommation dans les pays développés. Elles influent aussi, en proportion variable, sur le prix de tous les biens et services, car tous sont produits en utilisant du pétrole, matière première ou source d'énergie.

La découverte de réserves de pétrole dans un pays est souvent perçue comme un « miracle » pour son économie. Toutefois, l’afflux de devises est parfois mal géré (voir syndrome hollandais), il peut encourager la corruption et les ingérences étrangères. L’effet réel est donc souvent plus ambivalent, surtout pour les pays les plus pauvres.

Société

Article détaillé : Dépendance au pétrole.

Devenu indispensable à la vie quotidienne dans la plupart des pays développés, le pétrole a un impact social important. On a vu des émeutes parfois violentes dans certains pays suite à des hausses de prix. En 2006, certains syndicats français demandent l’instauration d’un « chèque transport » pour aider les salariés qui se déplacent beaucoup à faire face au prix des carburants, qui est constitué pour les deux tiers ,au moins' de taxes.

Dans les pays développés, une hausse du prix du pétrole se traduit par un accroissement du budget consacré à la voiture, mais dans les pays les plus pauvres, elle signifie moins d’éclairage et moins d’aliments chauds, car le kérosène est souvent la seule source d’énergie domestique disponible.

Outre que le pétrole est utilisé dans toutes les industries mécanisées comme énergie de base, ses dérivés chimiques servent à la fabrication de toutes sortes de produits, qu’ils soient hygiéniques (shampooing), alimentaires, de protection, de contenant (matière plastique), tissus, etc. Ce faisant, le pétrole est devenu indispensable et par conséquent très sensible stratégiquement.

Environnement

Nettoyage des côtes de la baie du Prince William, en Alaska, après le naufrage du pétrolier Exxon Valdez.
Articles détaillés : Réchauffement climatique et Pollution.

L’impact environnemental le plus inquiétant du pétrole est l’émission de dioxyde de carbone résultant de sa combustion comme carburant. La combustion libère dans l’atmosphère d’autres polluants, comme le dioxyde de soufre (SO2), mais ceux-ci peuvent être maîtrisés, notamment par la désulfuration des carburants, ou des suies. On estime cependant que si le pétrole est plus polluant que le gaz naturel, il le serait nettement moins que le charbon et les sables bitumineux.

L’extraction pétrolière elle-même n’est pas sans impact sur les écosystèmes locaux même si, comme dans toute industrie, les risques peuvent être réduits par des pratiques vigilantes. Néanmoins, certaines régions fragiles sont fermées à l’exploitation du pétrole, en raison des craintes pour les écosystèmes et la biodiversité. Enfin, les fuites de pétrole et de production peuvent être parfois désastreuses, l’exemple le plus spectaculaire étant celui des marées noires. Les effets des dégazages ou même ceux plus cachés comme l’abandon des huiles usagées ne sont pas à négliger.

Notons enfin que le pétrole peut être cancérigène sous certaines formes, et que l'étude sur les conséquences géologiques (séismes induits) sont très peu étudiées pour des raisons évidentes d'intérêts économiques.

Sciences et techniques

Articles principaux : Géophysique, Gravimétrie, Sismique et Diagraphie.

L’exploration et l'exploitation pétrolières ont exigé le progrès de nombreuses sciences et technologies pour leur développement, et particulièrement en géophysique. La gravimétrie, la sismique et la diagraphie (logging) ont été développés pour l'exploration pétrolière dès les années 1920. La production a exigé de la sidérurgie des matériaux résistants aux gaz acides (gaz de Lacq), aux pressions et températures. L'industrie pétrolière est un terrain d'essai exigeant pour de nombreuses technologies naissantes, qui se révèleraient trop chères dans d'autres domaines : diamant synthétique pour les trépans, positionnement dynamique des navires, etc.

Géopolitique

Géopolitique du pétrole
Article détaillé : Géopolitique du pétrole.

Depuis le tout début du XXe siècle, le pétrole est devenu une donnée essentielle de la géopolitique. La dépendance des pays développés envers cette matière première est telle, que sa convoitise a déclenché, ou influé sur le cours de plusieurs guerres ; les guerres civiles sur fond de gisement pétrolier ne se comptent plus. L’approvisionnement en pétrole des belligérants a plusieurs fois influé sur le sort des armes, comme lors des deux guerres mondiales.

Culture et symbolique

Le pétrole est devenu un symbole de la richesse et de la chance, supplantant largement l’or qui avait longtemps tenu ce rôle. La culture populaire en a tiré des images stéréotypées, qu’on retrouve par exemple dans la série Dallas, ou dans l’expression « rois du pétrole ». Les compagnies pétrolières privées sont elles emblématiques du système économique capitaliste, ainsi les auteurs de romans ou de films en feront souvent usage pour tenir le rôle du « méchant ». À l'inverse, les compagnies pétrolières publiques de certains pays sont un emblème d'indépendance nationale et de puissance économique, on pourra en donner comme exemple la construction des tours Petronas.

Perspectives

Production

L'avenir de la production pétrolière mondiale dépendra d'un niveau technologique plus élevé et d'investissements plus importants, ainsi que de la prospection de territoires pour le moment inaccessibles. Ces points convergent pour aboutir à un pétrole plus cher.

Le taux de récupération du pétrole sur un plan mondial est en 2008 de l'ordre de 35% ; ce taux, en augmentation lente, joue considérablement sur la production, et les techniques modernes de pétrole visent à jouer sur ce taux.

Certains territoires, comme l'Arctique, sont actuellement inaccessibles à l'exploration/production pour toutes sortes de raisons : politiques, climatiques, zones enclavées, etc. Une augmentation éventuelle du cours du baril pourrait rendre rentable l'exploitation de ces régions.

Le pétrole offshore, popularisé en Europe par la mise en exploitation des gisements de Mer du Nord dans les années 1970, a été exploité par des profondeurs d'eau croissantes depuis cette époque ; en 2008 on atteint couramment 2000 m d'eau. Cette profondeur d'eau devra elle aussi augmenter pour permettre l'exploitation de gisements actuellement inaccessibles. Dans le même domaine, certaines conformations géologiques qui rendaient les instruments d'exploration classiques "aveugles", font l'objet de recherches fructueuses, ainsi que l'a démontré la découverte du gisement géant de Tupi[27] en 2006.

Réserves pétrolières mondiales conventionnelles estimées.
Évolution de la production pétrolière hors OPEP et ex-URSS estimée par le gouvernement des États-Unis (2004).

Une méthode prédictive a été mise au point par le géologue Marion King Hubbert pour déterminer le moment où la production d’un champ pétrolifère atteint son point culminant. En 1956, il avait ainsi annoncé le pic pétrolier des États-Unis d’Amérique en 1970[28].

Selon le modèle de Hubbert, la production d’une ressource non renouvelable, à condition qu’elle ne soit pas trop perturbée par des évènements externes, suit une courbe qui ressemble d’abord à une croissance exponentielle, puis plafonne et diminue.

Cette hypothèse s’applique au pétrole et une cinquantaine de pays ont déjà passé leur pic de production. Néanmoins, il est très difficile d’estimer quand ce pic aura lieu au niveau mondial : vers 2010 pour les uns, dans plusieurs décennies pour les autres.

Dans le premier groupe, un certain nombre de chercheurs en géologie et d’anciens experts géologues en prospection pétrolière des grandes compagnies productrices se sont regroupés en association, l’ASPO, pour dénoncer la surévaluation des stocks estimés des pays producteurs. Les raisons d’une telle surévaluation sont multiples :

  • Pour un pays producteur, il s’agirait d’attirer les investisseurs pour construire des infrastructures d’extraction et de transport coûteuses ;
  • Pour un pays consommateur, il s’agirait de forcer les pays producteurs à maintenir un prix bas en agitant la menace d’aller se fournir ailleurs ;
  • Pour les compagnies pétrolières, il s’agirait de rassurer leurs investisseurs sur leur valeur à terme et de négocier à bas prix les achats de gisements (si les réserves mondiales sont élevées, un nouveau gisement vaut moins cher car il est moins rare). Certains dirigeants de Shell, ayant surévalué les stocks récupérables de la compagnie, ont été remerciés en 2004, entraînant à l’époque une lourde chute des actions de la société.

La conséquence principale de la surévaluation des stocks est une prise de risque pour l’économie mondiale, qui repose majoritairement sur le pétrole pour ses besoins en énergie et qui n’anticipe pas la pénurie prévisible à moyen ou court terme : une crise à court terme pourrait déstabiliser à la fois l’économie et la politique sur le globe. À la mi-2005, de nombreux experts de l’ASPO annonçaient un baril à 100 USD dans les deux années à venir. Ce seuil symbolique n'aura finalement été atteint « que » le 2 janvier 2008. Le baril a ensuite atteint un plus haut historique de 145$ le 3 juillet pour repasser sous les 100$ le 12 septembre, puis s'effondrer sous les 40$ en 2009 pour ensuite remonter à 80$ sur le premier semestre 2010.

Les détracteurs de la thèse de Hubbert rappellent que plusieurs alertes se succèdent depuis les années 1950 et que, depuis, il n’y a toujours pas eu de tel pic. Cela dit la question n’est pas de savoir si le pic aura lieu, mais simplement quand il aura lieu. Une fourchette de dates comprises entre 2020 et 2030 est de plus en plus largement admise, par les pays producteurs, les compagnies pétrolière et les instances internationales telles que l’AIE. La grave crise économique amorcée en 2008 jouera bien entendu sur ces évaluations.

Le rapide développement industriel de la Chine rend le sujet encore plus pressant, en pesant sur la demande. Plusieurs pays producteurs ont récemment connu des controverses internes sur l’importance de leurs réserves[29].

Si évaluer la date du pic de production est difficile, anticiper ses conséquences sur l’économie mondiale l'est encore plus. Il existe en effet quelques solutions pour remplacer des quantités variées de pétrole, chacune ayant ses limites.

Alternatives

L'approvisionnement en pétrole pose aux pays importateurs de nombreux problèmes, principalement politique (dépendance), financier (devises), environnemental (émissions de CO2). De nombreux pays (européens entre autres) ont donc engagé une politique de réduction de leur dépendance au pétrole depuis les chocs pétroliers de la décennie 1970. Le tableau ci-dessous montre un certain succès de cette politique, avec une décroissance de la consommation sur la période 1973-2008[30], malgré l'augmentation démographique et l'élévation du niveau de vie.

Consommation pétrolière, Europe-Eurasie, milliers de barils par jour
1973 1978 1983 1988 1993 1998 2003 2008
22 582 24 587 22 344 23 167 20 693 19 831 19 915 20 158

Les différentes pistes sont :

Citons pour mémoire la fusion nucléaire et l'exploitation des hydrates de méthanes, deux sources d'énergie aux réserves bien plus vastes, mais pour lesquelles nous ne disposons pas de technologie fonctionnelle. Jusqu'à récemment, on considérait la géothermie profonde à haute et très haute température comme peu rentable. Or l'augmentation du prix de l'énergie et surtout les progrès réalisés en font une option intéressante, car elle est inépuisable, non polluante et très puissante.

Efficacité énergétique

Faire preuve d'efficacité énergétique[31],[32],[33] consiste à produire les mêmes biens et services avec moins d'énergie, et dans notre cas, de produits pétroliers. C'est de loin la méthode la plus intéressante, puisqu'elle répond correctement aux trois problèmes évoqués ci-dessus. Les moyens de l'efficacité énergétique ont en plus l'avantage d'être fréquemment intuitifs et connus de tous :

  • Utiliser des automobiles aux moteurs plus économes
  • Construire des habitations mieux isolées
  • Favoriser les transports en commun et alternatifs
  • Limiter les gaspillages, favoriser le recyclage

Ces méthodes font lentement des progrès dans les pays développés où l'énergie est rendue artificiellement chère (taxes, subventions aux méthodes vertueuses). Entre autres, l’isolation se présente de plus en plus comme l'alternative du futur dans les pays tempérés (BedZED), mais peine à pénétrer le marché.

Charbon, gaz naturel, sables bitumineux

Articles principaux : Houille, gaz naturel et sables bitumineux.

Le charbon ne répond pas aux critères ; cependant, son prix plus faible en fait une réponse évidente pour les pays gros consommateurs où il est abondant (États-Unis, Chine, Inde). Il bénéficiera certainement d'un regain d'intérêt dans les pays importateurs dès qu'une solution de séquestration du dioxyde de carbone sera disponible. La consommation de charbon augmente de 37,4 % entre 2002 à 2008[30].

Consommation mondiale de charbon, MTep
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
2 405,2 2 597,6 2 766,2 2 907,4 3 042,3 3 194,5 3 303,7

Le gaz naturel est un peu une solution intermédiaire : plus propre que le charbon, mais moins abondant, il exige des installations compliquées et coûteuses (gazoducs, méthaniers, terminaux gaziers, sites de stockage), ainsi que des contrats à très long terme ; son expansion est ralentie par ces difficultés.

Le procédé Fischer-Tropsch permet depuis longtemps d'obtenir des hydrocarbures liquides (et en particulier de l'essence) à partir du charbon ; modernisé, son application s'étend au gaz naturel, et l'on parle maintenant de CtL (Coal to Liquids) et GTL (Gas to Liquids).

Les sables bitumineux sont un mélange naturel de bitume brut, de sable, d'argile minérale et d'eau. Le gisement le plus connu est celui de l'Alberta ; déjà exploité, il fournit actuellement 1 à 2 millions de barils par jour, permettant ainsi au Canada d'être le deuxième fournisseur de pétrole des États-Unis. Leur extraction pose de gros problèmes environnementaux[34] ; ce gisement géant équivaut à la moitié des réserves de l'Arabie saoudite.

Énergie solaire

Article principal : Énergie solaire.

Pour le chauffage, l'emploi du chauffe-eau solaire est généralisé dans de nombreux pays (Méditerranée[35], Asie du Sud-Est). Cette méthode commence à se répandre en Europe.

Biocarburants

Article principal : Biocarburants.

Les biocarburants se sont développés récemment en Europe et aux États-Unis, mais ont suscité des inquiétudes. À part de rares exceptions telles que l'huile de Jatropha, ils entrent en compétition avec l’agriculture pour l’alimentation et avec les milieux naturels pour l’occupation des sols. Leur rendement énergétique est actuellement insuffisant[36]. De petites quantités de biocarburants peuvent être produites à partir de déchets de l’industrie agro-alimentaire, dans ce cas le bilan est bien meilleur. La production de biodiesel à partir d’algues attire un intérêt croissant : elle ne réclame ni eau douce, ni terres cultivables[37].

Énergie nucléaire

Article principal : Énergie nucléaire.

L'énergie nucléaire répond à l'essentiel des critères ; en revanche, elle pose des problèmes supplémentaires (sécurité des populations environnantes, contrôle des matériaux fissiles) qui empêchent cette solution de se généraliser.

Géothermie profonde à haute et très haute température

Article principal : Géothermie.

Cette option propre et inépuisable constitue un des grands enjeux à venir. Elle permet en outre une plus grande indépendance énergétique, à laquelle même le nucléaire ne peut répondre, du fait de la nécessaire importation de l'uranium. Les avancées et résultats obtenus dans certains pays (tels la Nouvelle-Zélande ou les États-Unis) sont encourageants, mais témoignent aussi du retard pris par certains pays, comme la France, malgré l'importance stratégique, économique et sociale de l'énergie (avec le problème de son coût, surtout quand la croissance est en berne) et malgré le potentiel naturel qu'offre son territoire (conditions géologiques favorables, en particulier dans la plaine d'Alsace et la plaine de la Limagne).

Notes et références

  1. (fr) Office National de l'Énergie « Les sables bitumineux du Canada – Perspectives et défis jusqu'en 2015 : mise à jour »
  2. (en) PennWell Corporation, Oil & Gas Journal, Vol. 106.48 – 22 décembre 2008 Réserves prouvées cumulant pétrole et condensats, sauf États-Unis.
    Pour les États-Unis, les données sont issues de l'Energy Information Administration, U.S. Crude Oil, Natural Gas, and Natural Gas Liquids Reserves, 2007 Annual Report, DOE/EIA-0216 (février 2009).
    Pour le Canada, les estimations comprennent 5,392 milliards de barils de pétrole brut conventionnel et de condensats et 172,7 milliards de barils de réserves sous forme de sables bitumineux.
  3. (en) Petroleum Economist – février 2010 « Global oil production continues its steady climb. »
  4. (en) U.S. Energy Infomation Administration
  5. (en) Congressional Research Service – 24 avril 2006 « Iraq Oil: Reserves, Production, and Potential Revenues, » par Lawrence Kumins.
  6. Référence pour cette section : Géologie sédimentaire : bassins, environnements de dépôts, formation du pétrole, de Bernard Biju-Duval, Éditions Technip, 1999
  7. Glasby, GP, "Abiogenic origin of hydrocarbons: An historical overview", Resource Geology, Volume 56, 1:83-96, 2006.
  8. (fr) Source bitumineuse de La Poix. Consulté le 4 octobre 2009
  9. (en) Bitumen history
  10. (en) CIA World Factbook « Oil Proven Reserves. »
  11. Voir la section réserves pétrolières mondiales de l'article réserve pétrolière
  12. Voir réserves de pétrole des pays de l'OPEP
  13. Jean-Luc Wingert, La vie après le pétrole, pages 59 à 64
  14. Jean-Luc Wingert, La vie après le pétrole, pages 65 et 66
  15. (en)Christopher J. Schenk, Troy A. Cook, Ronald R. Charpentier, Richard M. Pollastro, Timothy R. Klett, Marilyn E. Tennyson, Mark A. Kirschbaum, Michael E. Brownfield, and Janet K. Pitman., « An Estimate of Recoverable Heavy Oil Resources of the Orinoco Oil Belt, Venezuela », USGS, octobre 2009. Mis en ligne le 11 janvier 2010, consulté le 23 janvier 2010[PDF]
  16. Jean-Luc Wingert, La vie après le pétrole, page 70
  17. Jean-Luc Wingert, La vie après le pétrole, page 48
  18. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/petrole/pays-producteurs-consommateurs.shtml et pour les valeurs manquantes, http://www.indexmundi.com/map/?v=88&l=fr
  19. Valeurs basées sur celles de BP, corrigées au cas par cas pour supprimer le gain de raffinage (faible en dehors des États-Unis).
  20. (en) Statistiques du gouvernement des États-Unis. Consulté le 1er janvier 2011
  21. BP Statistical Review of World Energy, juin 2008
  22. Xavier Boy de la Tour, Le pétrole: Au-delà du mythe, Les éditions TECHNIP, 2004, 170 p., p. 40-41 
  23. 241 000 tonnes sur un total de 672 000, chiffres de Lloyd’s Register
  24. Liste des 500 plus grosses compagnies mondiales 2006 établie par Fortune
  25. FMI; World Économic Outlook, Globalization and External Imbalances, avril 2005
  26. Selon RosBusinessConsulting, les réserves d’or et de devises de la Russie au 4 août 2006 valent 266,9 milliards de dollars. Seuls le Japon et la Chine revendiquent davantage.
  27. BG Group: Tupi could hold more than 30 billion BOE, 08/02/2008
  28. Jean-Luc Wingert, La Vie après le pétrole, p. 49-51.
  29. Voir notamment l’affaire de l’évaluation des réserves koweïties : un document diffusé par Petroleum Intelligence Weekly en janvier 2006 et présenté comme une fuite de la compagnie nationale affiche des réserves inférieures de moitié aux chiffres officiels. Il n’y a pas eu de démenti officiel ferme.
  30. a et b BP World Energy Report 2009
  31. Agence de l'efficacité énergétique du Québec
  32. Les économies d'énergie en France
  33. (en)L'efficacité énergétique pour l'Union Européenne
  34. (fr)Guy Gendron Jean-Luc Paquette et Monique Dumont, « Du sable dans l'engrenage » sur Radio-Canada, 24 janvier 2007. Consulté le 22 octobre 2009
  35. Par exemple, en Israël, selon WEC [1], 80% des maisons sont équipées de chauffe-eaux solaires dont la production thermique vaut 3% de la consommation d’énergie du pays
  36. le cas le plus documenté est celui de l’éthanol de maïs aux États-Unis, pour lequel des dizaines d’études ont été publiées, toutes indiquant que la production (engrais, machines agricoles…) consommait une part importante (supérieure à 100% dans certaines études) de l’énergie obtenue au final. L’une de ces études [2] qui conclut à un gain de seulement 24%
  37. voir par exemple les projets de Greenfuel Technology

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

Articles connexes

Économie et géopolitique du pétrole 
Physique-chimie 
Problèmes environnementaux 
Autres 

Liens externes

Histoire et géopolitique
Liens généralistes
Instituts - Compagnies pétrolières


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Pétrole de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужно сделать НИР?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Petrole — Pétrole Un échantillon de 100 ml de pétrole Le pétrole est une roche liquide carbonée, ou huile minérale. L exploitation de cette énergie fossile est l’un des piliers de l’économie industrielle contemporaine, car le pétrole fournit la quasi… …   Wikipédia en Français

  • PÉTROLE — MÉLANGE complexe d’hydrocarbures de différentes familles (paraffiniques, naphténiques, aromatiques) associé à des composés oxygénés, azotés et sulfurés ainsi qu’à des traces de métaux particuliers (vanadium, molybdène, nickel), le pétrole brut… …   Encyclopédie Universelle

  • PÉTROLE — n. m. Huile minérale servant à l’éclairage et au chauffage. Le pétrole est un mélange de carbures d’hydrogène naturels, s’enflammant à des températures variées. Puits de pétrole. Une nappe de pétrole …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • pétrole — (pé tro l ) s. m. 1°   Huile minérale fournie par des sources naturelles qui se trouvent surtout dans l empire des Birmans et en Pensylvanie ; c est une sorte de bitume moins liquide que le naphte, et plus que le malthe. •   En Perse, depuis… …   Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré

  • pétrole — nm. pétrolo / e (Albanais.001, Annecy, Arvillard, Attignat Oncin, Gets, Saxel, Table). A1) premier pétrole mis dans les lampes à pétrole : pétrolina (001) …   Dictionnaire Français-Savoyard

  • PÉTROLE — s. m. Bitume liquide et noir qui se trouve dans le sein de la terre. Huile de pétrole …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • PÉTROLE - Les politiques pétrolières — Jusqu’au début des années 1970, il n’existait pas à proprement parler de politiques pétrolières autres que celles des grandes compagnies internationales. Avant la Seconde Guerre mondiale, les États ne voulaient ou ne pouvaient pas intervenir dans …   Encyclopédie Universelle

  • PÉTROLE - Les fondements de l’économie pétrolière — Pétrole: les fondements de l’économie pétrolière Le pétrole industriel naît en 1859, aux États Unis, sous la pression de la demande de combustible pour l’éclairage. Trop chassée pour son huile, la baleine à spermaceti se fait rare. Le pétrole… …   Encyclopédie Universelle

  • PÉTROLE - Le pétrole brut — Le pétrole brut est un fluide constitué principalement d’hydrocarbures ; il contient également des composés organiques soufrés, oxygénés et azotés. On le rencontre dans les bassins sédimentaires, où il occupe les vides de roches poreuses appelées …   Encyclopédie Universelle

  • PÉTROLE - Le transport — Malgré les variations de prix successives qu’il a connues depuis 1973, le pétrole conserve toujours dans le monde une place prépondérante, en tête des différentes sources d’énergie, voisine de 40 p. 100 pour l’année 1992. Cependant, en ce qui… …   Encyclopédie Universelle

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”