Projet Desertec

Projet Desertec

Desertec est le nom d'un concept éco-énergétique de grande envergure qui prévoit l'exploitation du potentiel énergétique des déserts afin d'approvisionner durablement toutes les régions du monde en électricité[1]. Le concept Desertec fut développé à l’origine par la Coopération transméditerranéenne pour l'énergie renouvelable (TREC pour Trans-Mediterranean Renewable Energy Cooperation), aujourd'hui connue sous le nom de Fondation DESERTEC, qui vit elle-même le jour en 2003 sous les auspices du Club de Rome et du Centre national de recherche sur l'énergie en Jordanie (NERC). Les « pendants » industriels de la fondation sont respectivement la Dii GmbH (fondée sous le nom de Desertec Industrial Initiative) et MedGrid, lesquels visent à promouvoir l'implantation du concept DESERTEC dans la région EU-MENA (Europe, Moyen-Orient et Afrique du Nord).

DESERTEC vise à la fois à répondre en grande partie aux besoins des pays producteurs d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, et à fournir 15% (dans un premier temps) de l'électricité nécessaire à l'Europe.

Cartographie sommaire permettant de visualiser la structure et les noeuds du réseau électrique du projet Desertec.

Le projet Desertec repose sur le principe que chaque km2 de désert reçoit annuellement « une énergie solaire équivalent à 1,5 million de barils de pétrole. La surface totale des déserts sur la planète entière fournirait plusieurs centaines de fois l'énergie utilisée actuellement dans le monde[2] » ; couvrir 0,3% des 40 millions de km2 de déserts de la planète en centrales thermiques permettrait de couvrir les besoins électriques de la planète en 2009 (environ 18 000 TWh/an)[3].

Sommaire

Histoire

Le concept DESERTEC est né au sein d'un réseau mondial de scientifiques, de responsables et d'entrepreneurs, le TREC, qui l'a développé en collaboration avec la branche allemande du Club de Rome. TREC a participé à la réalisation de 3 études qui ont permis d’évaluer le potentiel des énergies renouvelables dans les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord (MENA), les besoins attendus pour 2050 en eau et en énergie de ces pays, et la faisabilité d’une construction d’un réseau de transport électrique entre l’Union Européenne (UE) et le MENA. C'est le Centre allemand pour l'aéronautique et l'aérospatiale (DLR pour "Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt") qui a mené les trois études techniques, financées par le Ministère fédéral de l'Environnement en Allemagne (BMU)[4].

En 2009, la fondation DESERTEC est créée afin de faire avancer la mise en œuvre du concept DESERTEC à l'échelle mondiale. Le 13 juillet 2009, un protocole d'accord pour la réalisation du concept DESERTEC dans la région EU-MENA est signé par la fondation, l'entreprise de réassurance Munich Re ainsi que douze autres entreprises basées en Europe, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, à Munich[5],[6]. Le 30 octobre 2009, ces mêmes partenaires créent la DESERTEC Industrial Initiative, devenant plus tard Dii GmbH, qui poursuit trois objectifs. Le premier est de créer un cadre technique, économique, politique et réglementaire rendant possibles les investissements dans les énergies renouvelables dans la région EU-MENA, le second est de mettre sur pied deux à trois projets de référence afin de démontrer la faisabilité du concept Desertec et le troisième est d'élaborer un scénario d'implantation à long terme jusqu'à l'année 2050 contenant des recommandations en matière d'investissements et de financement.

  • Une première étape pourrait être un « pilote » de 1 GW (peut-être en Egypte[7]) visant à tester la faisabilité des technologies envisagée, la centrale thermique pouvant aussi dessaliniser et potabiliser de l'eau et alimenter en eau la bande de Gaza[3].
  • En mars 2010, quatre nouveaux investisseurs ont annoncé qu'ils s'associaient au projet ; les groupes Enel Green Power (italien), Saint-Gobain Solar (français), Red Electrica (espagnol) et Nareva Holding (marocain), ce qui porte à 17 le nombre de partenaires (16 entreprises et la fondation Desertec elle-même).

Contenu et principe du projet

Le projet repose sur le fait qu'un vingtième de la surface du Sahara couverte de capteurs solaires suffirait à approvisionner la planète en électricité (la consommation mondiale est d’environ 18 000 TWh/an). Il vise à connecter plusieurs grandes centrales solaires thermiques et peut-être d'autres installations d'énergies renouvelables (fermes éoliennes) entre elles ainsi qu'au réseau de distribution de l'électricité qui alimente l'Afrique du Nord, l'Europe et le moyen-Orient, ce réseau pouvant être optimisé via une approche de type SuperGrid
Mais Desertec ne se limitera pas à la production d’énergie : il participera aussi au développement des pays en créant de nombreux emplois locaux, s'appuyant sur l'expérience de la main d'œuvre locale acceptant de travailler dans les conditions très difficiles du désert.

Production attendue

Le Centre aérospatial allemand estime qu'un tel réseau pourrait avant 2050 fournir plus de 50 % des besoins en électricité de la région EUMENA (Europe + Moyen-Orient + Afrique du Nord).

Technologie

Pour la production  : La technique envisagée est celle des centrales solaires thermodynamiques à concentrateurs, c'est-à-dire utilisant des miroirs paraboliques pour produire de la vapeur d’eau à très haute température et sous forte pression, qui fait tourner une turbine et un alternateur produisant de l’électricité[8],[6]. Ce type de centrale est capable de fournir de l'électricité même la nuit, grâce à un stockage de chaleur (réservoir de vapeur ou de sel fondus)[9] ; en outre la répartition de l'appel de puissance sur une période quotidienne plus longue permet d'augmenter l'utilisation des générateurs et de réduire leur dimensionnement, ce qui réduit l'investissement pour la même production.

Pour le transport de l'électricité : Les concepteurs du projet espèrent pouvoir utiliser de nouveaux types de lignes Haute Tension (lignes de transmission modernes en Courant Continu Haute Tension ou CCHT ou HVDC) devant permettre de transporter l'électricité sur de grandes distances avec beaucoup moins de pertes en ligne (3% pour 1,000 km) qu'avec les lignes classiques à courant alternatif, et presque sans pollution électromagnétique.

Pour le stockage : Une partie de la production d'électricité peut être utilisée pour pomper l'eau vers des lacs de montagne en Europe, qui en possède beaucoup. Cette eau peut ensuite générer de l'électricité à la demande, permettant de faire face aux pic de demande.

Investissements et investisseurs

Le budget de l'opération serait d'environ 400 milliards d'euros, dont 45 milliards pour construire 20 lignes CCHT de 5 GW chacune[réf. nécessaire].

L’ambition de la Fondation Desertec est soutenue par une vingtaine d’entreprises allemandes, dont, Deutsche Bank, RWE, Siemens... et d'autres entreprises européennes. A l’initiative de l'assureur bavarois Munich Re, elles se sont réunies le 13 juillet 2009 à Munich avec d’autres sociétés européennes et du bassin méditerranéen, ainsi qu'un observateur de la Ligue arabe pour former un consortium pour construire la centrale titanesque en Afrique[8].

Conditions de réussite

Outre les accords géopolitiques nécessaires, les partenaires du projet doivent :

  • trouver des sites qui ne soient pas des dunes et qui soient assez proches de la mer et de nœuds (existant ou futurs) du réseau électrique ;
  • produire un réseau électrique sûr et assez interconnecté ;
  • tester et entretenir des installations qui seront soumises à des tempêtes de sable et à des chocs thermiques importants
  • veiller à étudier et régler ou compenser les impacts environnementaux et en termes de consommation d'eau.

Arguments, limites ou critiques du projet

Les auteurs du projet le présentent[10] comme une solution gagnants-gagnants pour les pays du nord et du sud concernés, leur permettant à la fois de se développer et de diminuer leurs contributions aux émissions de CO2 (mais en émettant de grandes quantités de vapeur d'eau qui est aussi un gaz à effet de serre notent certains détracteurs, cette vapeur d'eau pourra aisément être transformée en eau). Le projet devrait aussi permettre l'économie de combustibles fossiles, qui pourrait limiter les pressions de déforestation ou de collecte du bois mort dans la zone périsaharienne, et par la même occasion limite la dégradation des puits de carbone forestiers.
Les effets du dérèglement climatique étant principalement initié par les pays du nord mais d'abord subis par les régions du MENA et tout particulièrement les régions arides, il paraît normal et juste que l’Europe aide financièrement et techniquement l’introduction d’énergies renouvelables dans la zone du MENA[10].

Certains auteurs dénoncent le risque d'une nouvelle dépendance énergétique des pays du nord à l'égard de grands pays pétroliers et gaziers ou le risque que les populations locales profitent moins du projet que celles du nord, ou encore la vulnérabilité d'un tel réseau face au risque terroriste ou à des équilibres politiques fragiles (Torsten Jeworrek, de Munich estimant qu'au contraire un tel projet en contribuant aux besoins énergétiques et au développement économique local pourrait contribuer à leur stabilité politique de l'Afrique et du moyen-Orient). Desertec ajoute qu'à l'exemple de ce qui est constaté en Europe, l'interdépendance assure mieux la paix et la cohésion que l'autonomie. De plus, les Pays du Moyen-orient commencent à construire sur leur territoire des usines de production de matériels destinés à produire de l'énergie solaire, au profit de l'économie de ces pays. L'export d'électricité sera un revenu supplémentaire, pouvant se substituer pour partie à ceux du pétrole qui commence à s'épuiser. Le projet prévoit un mix électrique (scenario TRANS-CSP pour 2050) avec « 65% d’énergies renouvelables européennes, 17% d’importations d’électricité solaire, 18% de centrales thermiques de substitution et de pointe ». Dans cette configuration, la perte des 20 lignes CCHT en provenance du MENA permettrait en Europe une compensation par le réseau jusqu'à réparation des lignes ou négociation d'une « solution politique[10] ».
Face au risque d'une nouvelle sorte d'écocolonialisme, les auteurs du projet répondent que le transfert technologique et le développement de programmes de formation et d’études sur les énergies renouvelables en MENA est clairement soutenu par les partenaires européens, notamment dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée[10].
D'autres[Qui ?] craignent des impacts pour l'environnement : niveau important de la consommation d'eau pour le refroidissement[réf. nécessaire], impact sur l'albédo du désert et forçage radiatif[réf. nécessaire], modification de la météorologie locale[réf. nécessaire] ou même du climat[réf. nécessaire]...
Concernant la consommation en eau des centrales, les promoteurs de DESERTEC indiquent qu'il est possible de construire des usines de dessalement de l’eau de mer, solution qui à son tour suscite des craintes de perturbation des écosystèmes littoraux via une augmentation de la salinité induite par les rejets de saumure[11],[6]. Il est à ce stade difficile de préciser quels pourraient être les impacts des émissions de vapeur d'eau.

Stephan Kohler, directeur de l’agence allemande de l’énergie (DENA) : « La construction de centrales solaires en Afrique du Nord est judicieuse. Le transport de l’électricité sur 3 500 km vers l’Allemagne l’est beaucoup moins. On a besoin de cette énergie sur place[12] ».

Dr HADROUG Nasser, membre de TREC et DESERTEC Royaume-Uni, président de Sahara Green, promoteur du concept DESERTEC au niveau mondial, et défenseur du transfert de technologies vers l'Afrique : « Les projets Trans-Méditerranéens Durables tels que ceux qui seront issus des initiatives DESERTEC, MSP et Medgrid, permettront à la zone MENA d'améliorer son approvisionnement en électricité et en eau potable, créera beaucoup d'emplois dans cette région et permettra aux entreprises locales de développer un savoir faire dans les énergies renouvelables, le traitement de l'eau, la lutte contre la désertification et la permaculture, si les multinationales initiatrices de ces projets d'envergure continentale y prévoient un partenariat technologique profitable aux pays propriétaires de ces déserts[13]. »

Alternatives

L'électricité d'origine photovoltaïque pourrait être utilisée. Elle serait alors (aux coûts actuels des modules photovoltaïques) plus coûteuse par kWh produit ; cependant, la recherche de cellules plus performantes permettant de baisser les coûts est active.

Remarques

  • Dans les deux cas il est possible, près de la mer, de produire de l'hydrogène et de l'oxygène à partir de l'électrolyse d'eau de mer.
  • Une idée pourrait être de récupérer la vapeur d'eau en cherchant à en faciliter la condensation, mais cela pose des problèmes techniques et microclimatiques ou écologiques actuellement non précisés et non résolus.

Les acteurs du projet

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Projet Desertec de Wikipédia en français (auteurs)

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