Programme nucléaire argentin

Programme nucléaire argentin

Programme nucléaire de l'Argentine

Le Programme nucléaire de l'Argentine date du premier terme du général Perón (1946-1955). Membre du Groupe des fournisseurs nucléaires, qui compte 45 Etats, l'Argentine est aujourd'hui dotée de deux réacteurs en marche, Atucha et Embalse, qui fournissent environ 8% du réseau électrique national [1]. L'Argentine a ratifié en 1995 le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). En août 2006, le président Nestor Kirchner a annoncé un plan de réactivation du nucléaire, visant notamment à augmenter jusqu'à 15% la consommation d'énergie nucléaire en Argentine [1], et prévoyant des retombées l'industrie nationale et la santé, et comprenant aussi un volet d'enrichissement d'uranium. Un accord de coopération a été signé avec le Brésil en 2008.

Sommaire

Le programme nucléaire sous Perón

Perón annonça en 1951 que l'Argentine allait être le premier Etat à produire de la fusion nucléaire, qui permet de construire une bombe H, grâce au Projet Huemul. Le projet, qui devait aussi servir à un usage pacifique, lui avait été proposé en 1948 par un savant autrichien, Ronald Richter, qui avait travaillé pour l'Allemagne nazie. Richter, qui s'avéra plus tard être un escroc, avait été introduit auprès de Perón par le concepteur d'avion allemand, Kurt Tank, qui commença la conception de l'avion Pulqui II, avant de partir pour l'Inde après la Revolución Libertadora (1955), un coup d'Etat national-catholique qui mit le général Eduardo Lonardi au pouvoir.

En 1949, des installations furent construites sur l'île d'Huemul, sur le lac Nahuel Huapi. Richter ayant des problèmes a passer du stade technique au stade industriel, Perón nomma une commission d'enquête en septembre 1952, dirigée par José Antonio Balseiro, Mario Bancora, Manuel Beninson, Pedro Bussolini et Otto Gamba. Celle-ci conclut à une imposture de la part de Richter. Une deuxième commission, dirigée par Richard Gans et Antonio Rodríguez, confirma les allégations de la première, menant à l'abandon du Projet Huemul.

L'équipe fut transféré au Centre atomique de Bariloche (CAB) de la Commission nationale de l'énergie atomique (CNEA ou Conea) et à l'Institut de physique de l'Université nationale de Cuyo, rebaptisée plus tard Institut Balseiro (IB).

Suites du programme

Kraftwerk Union, la filiale de la firme allemande Siemens, commença le 1er juin 1968, sous la dictature du général Onganía, le chantier de construction de la centrale nucléaire d'Atucha, première centrale nucléaire d'Amérique latine. Equipé d'un réacteur à eau lourde pressurisée, elle entra en service en 1974, commençant la production d'énergie nucléaire en juin 1974. Ce réacteur a fourni environ 2,5% des besoins de la production du pays en 2005.

Lors du troisième et dernier terme de Perón, le décret du 7 mars 1974 valide un contrat avec un consortium comprenant des sociétés canadienne AECL et italienne Italimpianti., afin de construire la centrale d'Embalse, équipé d'un réacteur CANDU (de conception canadienne) et construite par un consortium comprenant des sociétés canadienne AECL et italienne Italimpianti. Celle-ci a été mise en service en 1984, au tout début de la transition démocratique. Deux ans plus tard, des propriétaires de technologie CANDU, situés en Argentine et en Corée du Sud, se sont joints au Groupe de propriétaires de CANDU (GPC). Embalse fournit aujourd'hui près de 4,5% de l'électricité en Argentine.

Dans les années 1970, l'Argentine met en place avec le Brésil un programme de surveillance mutuelle [1].

La junte qui prend le pouvoir en mars 1976 continue le programme nucléaire. La dictature de Videla créé en 1981 le holding ENACE. L'Etat argentin en détient 75% des parts, Siemens AG étant propriétaire des 25% restant.

Des années 1980 à aujourd'hui

L'enrichissement d'uranium, nécessaire à la construction d'une bombe atomique, est abandonnée en 1983, lorsque le pouvoir est rendu aux civils, sous la présidence de Raul Alfonsin (1983-1988) [1]. Le programme nucléaire est alors mis sur pause dans les années 1980, bien que la Commission nationale de l'énergie atomique (Conea) ait exporté des technologies nucléaires au Pérou, en Algérie, en Égypte (réacteur à uranium enrichi d'Inshas, mis en service en 1997) et en Australie [1] (construction du réacteur OPAL par la firme argentine INVAP). En liaison avec la Chine, l'Argentine avait aidé l’Algérie à se doter de deux réacteurs nucléaires expérimentaux, Nour basé à Draria (inauguré en 1989) (Alger) et Salam à Aïn Oussara (Djelfa, en service depuis 1993) [2].

La holding ENACE devait créer Atucha II, dans laquelle 10 millions de dollars par an sont investis dans l'entretien [1], mais les travaux furent interrompus sous Carlos Menem (1988-1999), en 1994 [1].

La même année, les centrales Atucha et Embalse, dirigés par la CNEA, passent sous le contrôle de Nucleoeléctrica Argentina (NASA). Associée à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), la NASA possède trois centres (à Bariloche, Constituyentes et Ezeiza) ainsi qu'un complexe à Pilcaniyeu (dans le département du même nom).

La coopération avec l'Iran

Voir aussi: Programme nucléaire de l'Iran.

Un accord de coopération est signé avec l'Iran par Raul Alfonsin (1983-1988) [3]. En 1991, sous pression de Washington, [4], Carlos Menem le suspend unilatéralement [3].

Or, en octobre 2006, les procureurs fédéraux argentins en charge de l'attentat de l'AMIA du 18 juillet 1994 et de l'attentat de 1992 contre l'ambassade d'Israël à Buenos Aires ont accusé Téhéran et le Hezbollah libanais d'avoir été à l'origine de l'attaque, affirmant qu'il s'agissait de représailles à la cessation de l'accord de coopération nucléaire [3]. La thèse est néanmoins discutée [4], y compris par La Nación qui souligne le manque de preuves dans l'enquête [5], tandis que de nombreuses irrégularités ont émaillés le procès au cours des années [3].

Suscitant davantage de questions que de réponses, les rapports des procureurs montrent que Buenos Aires n'avait jamais totalement arrêté la coopération, livrant de l'uranium faiblement enrichi à Téhéran [3][6]. Selon Gareth Porter, le rapport lui-même sape les accusations, d'une part parce que la coopération ne s'était complètement arrêté, d'autre part parce que Buenos Aires était sur le point de la renforcer, des négociations pour remettre à plein régime les trois accords étant en cours avec l'Organisation de l'énergie atomique d'Iran (OEAI) [4]. L'Iran a attendu 1996 avant de déclarer qu'elle allait prendre des mesures légales contre la rupture de deux contrats avec l'Argentine [4].

Le plan de réactivation nucléaire (2006) et coopération avec le Brésil

Le président Nestor Kirchner a décidé de relancer le programme nucléaire argentin en 2006, annonce faite par son ministre Julio de Vido le 23 août 2006 [7][8]. Le plan prévoit en particulier, pour un montant estimé de 3,5 milliards de dollars:

  • de terminer la construction de la centrale Atucha II pour 2010 (avec l'aide de la firme canadienne AECL);
  • d'explorer les possibilités de construire une nouvelle centrale nucléaire;
  • d'étendre la durée de vie de la centrale d'Embalse, qui devait être fermée en 2011;
  • de ré-initier le programme d'enrichissement d'uranium à Pilcaniyeu;
  • de travailler sur un prototype du réacteur de 4e génération CAREM, dont le concept fut présenté pour la première fois en 1984, à Lima, devant l'AIEA;
  • de démarrer la production d'eau lourde dans l'usine de Neuquén;
  • enfin la signature d'un accord entre le CNEA, BACON et TECNONUCLEAR afin de fournir gratuitement des radioisotopes aux hôpitaux publics.

La nouvelle présidente, Cristina Fernández de Kirchner, a signé un accord de coopération nucléaire avec son homologue brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, visant à produire de l'uranium enrichi. Buenos Aires et Brasilia ont ainsi créé le Comité Binational d’Energie Nucléaire (COBEN) en février 2008. Ils ont ensuite annoncé, en juin 2008, la création d'une entreprise binationale d’énergie nucléaire, qui devrait s'occuper aussi bien de production d’énergie électrique, que de retraitement d'uranium, explorant en outre les usages médicaux (radiologie), agricoles, et éventuellement militaires (sous-marins atomiques) [9].

L'Agence brasiléno-argentine des Applications de l'Energie Nucléaire (AABAEN) devrait terminer le chantier de Atucha II, et commencer la construction de ANGRA III au Brésil [10].

Scandales internes au CNEA (2007)

Une affaire de corruption éclaboussa le CNEA en novembre 2007, menant le président du CNEA, José Abriata, à ordonner une suspension temporaire, de 30 jours, du gérant général, Rubén Calabrese, et du président de l'entreprise publique Dioxitek, Santiago Morazzo [11]. Le CNEA et Dioxitek sont tous deux des entreprises qui gravitent dans l'orbite du Ministerio de Planificación Federal, Inversión pública y Servicios, dirigé par Julio De Vido.

Références

  1. a , b , c , d , e , f  et g Lamia Oualalou, L'Argentine relance son programme nucléaire, Le Figaro, 15 septembre 2007, remis à jour le 25 août 2008
  2. Faycal Metaoui, Perspective de coopération dans le nucléaire civil, El Watan, 26 mars 2008
  3. a , b , c , d  et e Ignacio Klich, Et le Proche-Orient fait irruption en Argentine, Le Monde diplomatique, mars 2007
  4. a , b , c  et d Gareth Porter, Argentine Report Casts Doubt on Iran Role in '94 Bomb, IPS, 13 novembre 2006. Cité par Alain Gresh, Argentine, la piste iranienne, 18 novembre 2006.
  5. Una cuestión de fe, no de pruebas, La Nación, 10 novembre 2006
  6. Iran Defends Its Pursuit Of Nuclear Technology, Christian Science Monitor, 18 février 1993
  7. Presidency of Argentina. 23 August 2006. Reactivación nuclear. Speech by Minister Julio De Vido.
  8. Lanzó el Gobierno un plan de impulso a la energía nuclear, La Nacion, 24 août 2006
  9. Gerardo Honty, L’accord nucléaire Argentine-Brésil : énergie ou géopolitique ?, Mondialisation.ca, 5 septembre 2008
  10. Coopération universitaire, scientifique et technologique - L'énergie nucléaire en Amérique du Sud, Bulletins électroniques Amérique Latine 40 (du Ministère des Affaires étrangères de France), 21/12/2007
  11. Separan a funcionarios del área nuclear acusados de corrupción, La Nacion, 24 décembre 2007

Voir aussi

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