Pierre François Étienne Bouvet de Maisonneuve

Pierre François Étienne Bouvet de Maisonneuve
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Pierre François Étienne Bouvet de Maisonneuve[1], né le 28 novembre 1775[2] à Saint-Benoît et mort le 18 juin 1860[2] à Saint-Servan, fut un marin français, contre-amiral à titre honoraire.

Sommaire

Biographie

Une formation dans l'ombre de son père

Il est le fils du capitaine de vaisseau Pierre Bouvet de Maisonneuve, excellent officier très respecté par ses pairs.

Il commence sa carrière maritime en s'embarquant en 1786 comme volontaire sur un bâtiment commandé par son père, la flûte Nécessaire qui fait campagne pendant près de trois ans dans l'océan Indien. Il sert ensuite sur la corvette le Goéland (1791) puis sur le vaisseau le Tourville (1792). Aspirant, il suit de nouveau son père sur la frégate L'Aréthuse basée à Toulon et qui fait la campagne du contre-amiral Truguet en Méditerranée. L'Aréthuse endommagée par un abordage accidentel lors d'un grain sur les côtes de Corse doit faire travailler les pompes pendant le plus clair de la campagne. Il participe au bombardement de Cagliari qui se soldera par un échec en raison de la débandade des volontaires marseillais chargés de l'attaque à terre.

Lorsque la ville et le port de Toulon se livrent à l'escadre de l'amiral Hood (août/septembre 1793), les Anglais décident de renvoyer sur parole, sur quatre vaisseaux désarmés, les marins bretons qui refusent de suivre leurs homologues toulonnais. Pierre Bouvet de Maisonneuve est chargé de commander ainsi le vaisseau le Patriote à destination de Brest qu'il atteint le 28 octobre 1793. En toute injustice, à peine débarqués, l'équipage, l'état-major et le commandant sont emprisonnés. Le père et le fils ne retrouveront la liberté qu'en mars 1795. Le père meurt peu après, épuisé par les conditions de détention, mais le fils est réintégré dans son grade d'enseigne de vaisseau.


un corsaire malchanceux

Il sert alors successivement sur les frégates ou corvettes la Rassurante, la Foudroyante et la Bravoure, essentiellement en Manche. En novembre 1797, il est autorisé à s'embarquer comme lieutenant sur un corsaire, le Triton, qui est pris par la frégate anglaise Melpomène le 17 février 1798. Il est libéré sur parole mais ne fait l'objet d'un échange qu'en novembre 1799. Il peut alors prendre le commandement du corsaire le Furet mais est pris au bout de dix jours (26 décembre 1799). Lors du combat il est gravement blessé à la cuisse. Il est libéré deux mois plus tard.

Campagne dans l'océan Indien

Il est promu lieutenant de vaisseau en avril 1802 et participe à la campagne vers la Guadeloupe sur le vaisseau le Redoutable. En 1803, sur la frégate l'Atalante, il participe à la division Linois qui rejoint l'océan Indien (1803). L'Aréthuse effectue plusieurs campagnes de course en compagnie de la Belle Poule, campagnes couronnée de succès: prise de plusieurs Indiamen (Athia, Princess Royal, Heroism) et combat contre le vaisseau Centurion. En novembre 1805, la frégate s'échoue près du cap de Bonne-Espérance. Bouvet est chargé de porter l'information, un rapport et les dépêches à l'île de France (île Maurice); il prend place sur un bâtiment américain qui est toutefois pris par la frégate HMS Pitt au moment d'atteindre Port-Louis. Libéré sur parole, il fait l'objet d'un échange début 1807.

Un brillant capitaine de course

Il fait copier un navire indien, un patemar, armé d'un seul canon et avec un équipage de 40 hommes seulement, il repart pour une campagne de course. Croisant la route d'un paquebot de la Compagnie anglaise des Indes orientales, La Marguerite, il réussit à s'en emparer après une chasse et un combat de trois heures sur la côte de Malabar (23 janvier 1808). Recevant le commandement d'un brick nommé l'Entreprenant, qui vient d'être construit à Port-Louis, il fait une nouvelle campagne de course au cours de laquelle il fait plusieurs prises et combat la corvette Benares et la goélette Wasp. En 1809, il est envoyé à Manille pour obtenir la libération de l'équipage de la Mouche n°6 injustement détenu par les autorités espagnoles. C'est un succès et il s'empare en route d'un transport portugais.

Le vainqueur de la bataille du Grand Port

Promu capitaine de frégate, il reçoit le commandement de la frégate la Minerve [3]. Il combat seul trois Indiamen près de Mayotte (3 juillet 1810) avant d'être rejoint par la frégate Bellone (capitaine Duperré) et le brick le Victor qui permettent la prise de deux des trois bâtiments. La division française grossie des deux indiamen (Ceylon et Windham) affrontent à leur retour à l'île de France quatre frégates anglaises (23 août 1810) lors de ce qui est appelé « bataille de Grand Port ». Duperré est blessé dès les premières heures du combat et c'est Bouvet qui commande la division pendant la plus grande partie de l'affrontement. La victoire est consommée par l'arrivée de la division de frégates aux ordres d'Hamelin le 26 août 1810. Bouvet est considéré comme le principal artisan de cette rare victoire navale française[4].

Article détaillé : Bataille de Grand Port.

Cette victoire est cependant de courte durée puisque confronté à des forces terrestres anglaises écrasantes débarquées à la mis septembre, le gouverneur Decaen doit capituler. Bouvet est fait prisonnier pour la cinquième fois de sa carrière.

Le commandant de l'Aréthuse

À son retour en France, sa brillante conduite lors de la bataille de Grand port lui vaut une promotion comme capitaine de vaisseau. Il reçoit le commandement de la frégate la Clorinde (décembre 1811) puis de la frégate l'Aréthuse (octobre 1812). En division avec la frégate Rubis, l'Aréthuse effectue une campagne de course jusqu'au Cap-Vert et la côte de Guinée pendant laquelle elle effectue un certain nombre de prises anglaises (dont la corvette Daring), espagnoles ou portugaises[5]. Essuyant un fort coup de vent près des îles de Los, l'Aréthuse brise son gouvernail et la Rubis est jetée à la côte et coule (l'équipage est sauvé). Mais aussitôt une frégate anglaise apparaît, l'Amelia (50 canons). Avec un gouvernail de fortune, l'Aréthuse fait face, le combat dure trois heures et demi (7 février 1813): l'Aréthuse a 20 morts et 88 blessés mais l'Amélia, gravement touchée, ayant 52 tués et 98 blessés dont tous ses officiers et son commandant[6], préfère rompre le combat pour éviter l'abordage et s'enfuit[7].

Dans les semaines qui suivent, outre les suites du combat, l'équipage de l'Aréthuse est en piteux état (épidémies et scorbut), d'autant que la frégate est surchargée par l'ancien équipage de la Rubis. Bouvet décide donc de retourner en France et atteint Saint-Malo le 19 avril 1813 après avoir effectué encore plusieurs prises en route. S'il est sur place considéré comme un héros, le ministre se limite à lui décerner la croix d'officier de la Légion d'honneur[8] et de faire quelques chevaliers « à l'ancienneté » dans son état-major. Écœuré, il démissionna de son commandement.

On relève que Bouvet avait instauré à son bord, au grand étonnement de son équipage et de ses officiers, une pratique qu'il avait vue faire lorsqu'il était prisonnier sur des bâtiments de la Royal Navy: lors des branle-bas de combat, les hamacs dans lesquels sont roulées les effets des matelots (à l'exception de tout objet dangereux, métallique par exemple, sont accrochés sur les bastingages afin de protéger l'équipage sur le pont, non pas des boulets eux-mêmes, bien sûr, mais des éclats de bois, première source des blessures, dégénérant souvent en gangrène, lors d'un combat. Cette pratique intelligente de la Royal Navy, en vigueur depuis très longtemps était, de façon incompréhensible, totalement ignorée des marins français. Le successeur de Bouvet au commandement de l'Aréthuse, Pierre-Marie Le Bozec, qui avait pu aussi en constater l'efficacité lors de l'une de ses captivités, en maintint le principe au grand étonnement de ses pairs.

Il ne reçoit plus de commandement à la fin de l'Empire; en revanche, la première Restauration lui confie la frégate la Flore mais qui reste stationnaire à Brest jusqu'à la fin 1815. Il sert ensuite à terre mais est nommé capitaine de vaisseau de 1ère classe le 16 février 1820 et prend sa retraite avec le grade et la pension de contre-amiral à titre honoraire en 1822.

Une brève carrière politique

La carrière maritime de ce marin de talent[9] a donc été interrompue à 39 ans malgré ses états de service incontestables. Il se retira à Saint-Servan, aujourd'hui simple quartier de la commune de Saint-Malo.

  • Il fut élu député de l'Ille-et-Vilaine en octobre 1830 mais ne fut pas candidat aux nouvelles élections de juillet 1831.
  • Il fut toutefois représentant de la Réunion au Conseil des Colonies (1833)

Sa postérité

Il aura quinze enfants, dont trois infirmes et dix décédés en bas âge.

C'est à lui en tant qu'amiral que se réfère le nom donné aux collège et lycée Amiral-Bouvet de Saint-Benoît de La Réunion, sa ville natale.

C'est surtout en son souvenir qu'un cuirassé recevra en 1896 le nom de "Bouvet", bien que l'ellipse du nom puisse permettre d'évoquer les différents marins de la famille Bouvet: son père, capitaine de vaisseau, et son cousin le vice-amiral François Joseph Bouvet de Précourt. Ce cuirassé coulera après avoir heurté une mine lors de la bataille des Dardanelles: il y aura 75 survivants et 648 disparus.

Article détaillé : Bouvet (cuirassé).

Décorations

- chevalier le le 20 décembre 1810 - officier 2 juillet 1813 - commandant le 5 juillet 1820 - grand officier le 26 avril 1831

- chevalier le 5 juillet 1814

Notes et références

  1. Il s'appelait en réalité Bouvet de la Maisonneuve comme inscrit sur sa tombe à Saint-Servan, et comme le voulait l'usage des familles de marins à l'époque et dans la région.
  2. a et b Le DB. Dictionnaire biographique de La Réunion, sous la direction de Michel Verguin et Mario Serviable, Édition Communication Loisir Information Presse / ARS Terres Créoles, tome 1, 1993.
  3. Il s'agit d'un bâtiment pris quelque temps auparavant aux Portugais
  4. La seule mentionnée sur l'Arc de Triomphe
  5. Pour l'ensemble du récit de cette campagne et du combat contre l'Amalia, voir le journal du Dr. Félix Charyau, chirurgien à bord de l'Aréthuse (cf. "Sources ci-dessous) et le dossier SHD Mar BB4/ 367, 2e partie : Division Bouvet
  6. rapport publié par le Times de Londres et repris dans le Moniteur Universel du 31 mars 1813.
  7. Il ne s'agit pas là de couardise: les commandants de la Royal Navy avaient pour instruction d'éviter à tout prix l'abordage, les équipages français étant beaucoup plus nombreux que les anglais pour des bâtiments de même type, et de rompre le combat si d'aventure (ce n'était pas fréquent) ils ne parvenaient pas prendre le dessus dans le duel d'artillerie.
  8. selon certains auteurs (cf. D. & B. Quintin), le ministre Decrès lui aurait refusé une promotion comme contre-amiral car trop jeune (il avait 37 ans); Decrès une fois de plus sanctionnait injustement - par jalousie probablement - un marin de talent
  9. Étienne Taillemite, dans sa notice du Dictionnaire Napoléon le qualifie comme « l'un des plus habiles manœuvriers de la marine impériale » et ajoute « ce qui lui attira l'inimitié de Decrès qui ne sut pas l'utiliser »

Sources

  • Quintin (Danielle & Bernard): Dictionnaire des capitaines de vaisseau de Napoléon, S.P.M. Paris 2003
  • Charyau (chirurgien-major Félix): Journal de la frégate l'Aréthuse (1812-1814) in La marine et les colonies sous le premier Empire, journaux et souvenirs, Librairie Historique F. Teissedre, Paris 2000
  • Fabre (Eugène): Voyage et combats t.1 Une famille de marins: les Bouvet, t.2 le contre-amiral Bouvet, Berger Levrault et Cie, Paris 1885
  • articles Bouvet de Maisonneuve par E. Taillemitte et Bouvet (campagne du lieutenant de vaisseau Pierre) par l'amiral Dupont, in Dictionnaire Napoléon sous la direction de Jean Tulard, Librairie Arthème Fayard, Paris 1999
  • Thomazi (Auguste): les marins de Napoléon, Tallandier, Paris 1978
  • James (William): The naval History of Great Britain during the French Revolutionary an Napoelonic Wars, volume 5, re-publication récente par Conway Maritime Press, Londres 2002.



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