Pierre Fourier

Pierre Fourier
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Statue en bois polychrome du XVIIIe siècle à l'église abbatiale de Moyenmoutier (Vosges)

Pierre Fourier, né à Mirecourt le 30 novembre 1565[note 1] dans la maison sise au n°5 de l'actuelle rue saint Pierre Fourier et mort à Gray le 9 décembre 1640, est un religieux catholique lorrain.

Il a été béatifié le 29 janvier 1730 par le pape Benoît XIII et canonisé le 27 mai 1897 par le pape Léon XIII[1]. Il est fêté par les catholiques le 9 décembre[2].

Sommaire

Vénération

Pierre Fourier est l'archétype du patriote Lorrain.

Ses portraits (vitraux, statues...) sont le plus souvent auréolés de sa devise, qu'il a repris à saint Ambroise[3] : Obesse nemini, omnibus prodesse (être utile à tous, ne nuire à personne).

Aujourd'hui certains établissements scolaires portent son nom, par exemple à Paris dans le 12ème arrondissement[4], à Lunéville en Lorraine ou à Gray.

La vie religieuse

Fils d’un marchand drapier (son père était maitre de la Frairie des drapiers de 1579 à 1581[5]), il entre en 1578 à l’université jésuite de Pont-à-Mousson où il y poursuit pendant six ans des études théologiques ; son cousin Jean Fourier (1559-1636) y était professeur de théologie avant de devenir recteur de l'université[6]. Il rejoint ensuite les chanoines réguliers de Saint-Augustin à l’abbaye de Chaumousey à côté d’Épinal. Cet ordre religieux était tombé dans un certain laxisme et on lui en confiera la réforme en 1623. A cet effet, il institua la Congrégation de Notre-Sauveur. Il en devient le supérieur pour le duché de Lorraine en 1632.

À de nombreuses reprises entre août 1625 et janvier 1626, Pierre Fourier séjourne à l'abbaye de Domèvre-sur-Vezouze.

Curé de Mattaincourt

Ordonné prêtre à Trèves en 1589, il devint le curé de Mattaincourt[note 2],[5] (Vosges) en 1597, paroisse où résidaient de nombreux foyers protestants[note 3],[7] et considéré par les autorités catholiques comme un village « déchristianisé ». Il y résidera pendant 20 ans, et il y fondera une confrérie du rosaire, une de Notre-Dame et une de saint Sébastien ; il y remettra en valeur le chant grégorien.

L’histoire se souvient de lui comme un homme d'une grande piété, faisant montre d'un grand dévouement pour les pauvres. Pour éviter aux artisans en difficulté d’avoir à emprunter de l’argent aux usuriers, il crée une caisse mutuelle : la bourse Saint-Epvre

En ce siècle tourmenté (guerre de Trente ans, famine), il prône la solidarité envers les plus démunis ; il crée un système d'entraide proche du Secours catholique qu'il appelle une petite dévotionnette[8] (équipe de cinq à six laïques qui collectent des vivres et les distribuent), et il met en place une soupe populaire.

Pour satisfaire au besoin d'instruction des filles[9],[note 4], il crée avec de jeunes bourgeoises de la ville et avec la romarimontaine Alix Le Clerc, une association qui deviendra la Congrégation Notre-Dame en 1628 (appelée parfois également la congrégation Saint-Augustin) et qui se destine à l’éducation gratuite des filles. La première école ouvrira non loin de Mattaincourt, à Poussay, où se tenait un chapitre de dame Noble, en 1598. Tolérant, il demande aux religieuses d'accueillir à l'école les petites protestantes et insiste dans une de ses lettres pour que rien ne soit fait qui « puisse troubler leur foi »[5].

On lui doit l'invention du tableau noir et son introduction dans les classes[10].

Fonctions administratives

Outre ses fonctions de curé de Mattaincourt, Pierre Fourier assurait des fonctions administratives.

En effet, les coutumes lorraines de l'époque attribuaient des fonctions municipales au curé de la paroisse. Chaque année, le dimanche avant la saint Jean, il présidait une assemblée où étaient élus le maitre d'école, le marguillier qui gérait les biens de l'église, un échevin et un lieutenant de justice. Par délégation du duc de Lorraine, il rend la basse et la moyenne justice (selon que l'amende est inférieure ou supérieure à 10 sols[11]).

Depuis 1627, un édit du duc Charles IV obligeait tout individu entrant dans une ville du duché à être en possession d'un certificat attestant qu'il était indemne d'infection contagieuse et en particulier de la peste. Dans la correspondance de Pierre Fourier, on retrouve un certificat qu'il rédige le 15 septembre 1631 : « Je soussigné Curé et Chef de justice à Mattaincourt en Lorraine sous l'autorité de son Altesse, atteste à tous qu'il appartiendra que ce jourd'hui quinzième septembre mil six cent trente et un, Jean Mailfer, fils de Hugues Mailfer, natif de Châlons-en-Champagne, est sorti dudit Mattaincourt, qui y a séjourné dix sept semaines ou environ, au quel lieu Dieu grâce, n'y a aucun danger de peste ni d'autres maladies contagieuses. En foi de quoi j'ai signé les présentes et y apposé le cachet de notre justice. Faict audit Mattaincourt les an et jour que dessus[12] »

Outre son action durant l'épidémie de peste, il impose un rationnement du blé lors de la disette de 1626, selon le principe chacun selon ses besoins et non pas en fonction de sa fortune[5].

L'exil

Alors que Louis XIII et le cardinal de Richelieu essaient d’annexer le duché de Lorraine, sa fidélité à son souverain légitime, le duc de Lorraine et de Bar Charles IV, lui vaut d’être expulsé en 1636 par le redoutable prélat. Il trouvera refuge à Gray en Franche-Comté, alors possession espagnole. Il a alors 71 ans.

A son arrivée, il ne trouva pour logement qu'un réduit de 2m90 × 2m70 et 2m42 de haut, dans une vieille tour carrée, ayant seulement 3 fenêtres pour l'éclairage et une vieille cheminée (datant de 1338) pour se chauffer[13].

Même dans l'adversité, il reste un patriote lorrain[note 5],[14]. Depuis trois ans à Gray, dans une lettre adressée à la duchesse Nicole, il l'assure de sa fidélité et de son attachement à la famille ducale en ces termes : « comme très humbles et très fidèles et très obéissants sujets, portent en tout temps à leurs bons princes, et encore à leurs bonnes princesses. C'est le cœur des lorrains[15] ».

Il y mourra quatre ans plus tard à l'âge de 75 ans.

Une statue le représentant orne l'un des piliers entourant l'autel surplombant la tombe de l'apôtre Saint Pierre au centre de la Basilique Saint-Pierre de Rome

Notes

  1. La date du 30 novembre 1565 est habituellement retenue, mais certains auteurs estiment plus probable sa naissance en 1564 (voir Sœur Hélène Derréal, préface du tome 1, préface page XI, note 6).
  2. En fait, Pierre Fourier n'est pas le curé de Mattaincourt, il en est le vicaire perpétuel ; la cure relève des chanoines d'Haussonville et leur collégiale est « curé primitif » de Mattaincourt. Pierre Fourier ne reçoit donc que « la portion congrue », c'est-à-dire le casuel et une modeste pension qu'il utilise pour les œuvres de la paroisse. Hélène Derréal, op. cit. p. 116.
  3. On trouve même l'expression « la petite Genève » de Mattaincourt. Il semble que cette expression est due à un des premiers biographes de Saint Pierre Fourier (J. Bedel, La vie du très révérend Père Pierre Fourier... Mirecourt, 1869, p. 59) pour embellir les mérites de Pierre Fourier ; en fait, aucune archive ne retrouve l'existence de protestant à Mattaincourt lorsque Pierre Fourier prend ses fonctions.
  4. Pierre Fourier voulait ouvrir, selon ses termes « des écoles publiques » ; ce fut un échec en ce qui concernait les garçons, mais il parvint à son but pour les filles grâce à l'aide d'Alix Leclerc.
  5. Depuis l'accession de Charles IV au trône de Lorraine et l'arrivée de Richelieu auprès de Louis XIII en 1624, il existe une opposition très nette en ce qui concerne la conception de l'état entre ces deux hommes. Charles IV est le champion de la cause catholique : il considère que le religion prime sur l'état et c'est cette pensée qui prévaut dans l'empire, alors que Richelieu place l'état au-dessus de tout et en particulier de la religion. La conception de Charles IV est partagée par l'ensemble des lorrains.

Références

  1. Jean-Pierre Snyers, À la rencontre de saint Pierre Fourier dans les Vosges. Éditions Hovine, 1er trimestre 2001. (ISBN 2-87414-413-4)
  2. Nominis : Saint Pierre Fourier
  3. Saint Pierre Fourier en son temps. Études réunies par René Taveneaux. Presses Universitaires de Nancy, 1992. Page 22. (ISBN 2-86480-604-5)
  4. Site de l'établissement. Consulté le 17 avril 2009
  5. a, b, c et d Hélène Derréal, Une source pour l'étude du renouveau religieux du XVIIe siècle : la correspondance de saint Pierre Fourier. In Les Réformes en Lorraine (1520-1620), sous la direction de Louis Châtellier. Presses Universitaires de Nancy, 1986. (ISBN 2-86480-240-6). pp. 113-124.
  6. Saint Pierre Fourier en son temps. Études réunies par René Taveneaux. Presses Universitaires de Nancy, 1992. Page 24. (ISBN 2-86480-604-5)
  7. Odile Jurbert, La Réforme en Lorraine du sud au XVIe siècle. In Les Réformes en Lorraine (1520-1620), sous la direction de Louis Châtellier. Presses Universitaires de Nancy, 1986. (ISBN 2-86480-240-6). pp. 57-83.
  8. Pierre Fourier, Sa Correspondance 1598-1640 recueillie par Sœur Hélène Derréal. Presses Universitaires de Nancy 1989, tome 3, page 391
  9. Le concile de Trente avait rappelé le rôle de la catéchèse mais aussi celui de la culture profane dans l'évolution spirituelle du chrétien ; il écrit aux religieuses de Mirecourt en 1619 :« Gagner une seule âme dans vos écoles..., est plus que de créer un monde ». Cité dans Saint Pierre Fourier en son temps. Études réunies par René Taveneaux. Presses Universitaires de Nancy, 1992. Page 10. (ISBN 2-86480-604-5)
  10. Histoire de la Lorraine, Jean Vartier, p.11, Éditions France-Empire, mai 1994, (ISBN 2-7048-0741-8)
  11. Marie Claire Tihon, Saint Pierre Fourier, Les éditions du Cerf, 1997, page 55. (ISBN 978-2-204-05827-8)
  12. Pierre Fourier, Sa Correspondance 1598-1640 recueillie par Sœur Hélène Derréal. Presses Universitaires de Nancy 1989, tome 3, page 418
  13. la presse grayloise du 29 mai 1897
  14. Michel Pernot, Epinal au XVIIe siècle : le premier apogée de la ville et les malheurs de la guerre. In Épinal du château à la préfecture. Annales de l’Est, société d’émulation des Vosges, page 75 – 3e trimestre 2000.
  15. Pierre Fourier, Sa Correspondance 1598-1640 recueillie par Sœur Hélène Derréal. Presses Universitaires de Nancy 1989, tome 4, page 576

Voir aussi

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Liens externes


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