Photographie humaniste

Photographie humaniste

La photographie humaniste est un courant photographique international qui réunit des photographes ayant en commun un intérêt pour l’être humain dans sa vie quotidienne. Ce courant a connu un grand essor entre 1930 et 1960.

Sommaire

Contexte historique

La photographie humaniste ne peut pas être divisé des difficultés économiques de l'immédiate après-guerre, notamment en France où les caisses de l'État sont vides et où la reconstruction a lieu avec l'aide des États-Unis et de leur plan Marshall. Durant cette période, la photographie humaniste témoigne à la fois des bonheurs simples de la vie mais aussi des difficultés et des injustices.

Un style typiquement français

Parmi les photographes humanistes, on compte 71 Français et une vingtaine d'étrangers. L'origine du mouvement est liée à la notoriété internationale acquise par certaines œuvres photographiques françaises.

On peut donner l'exemple de la célèbre photographie de Robert Doisneau « le Baiser de l'hôtel de ville » qui avait été publiée dans Life en 1950 à côté d'autres images montrant les amoureux à Nice. (Il convient cependant de noter ici que cette photo a été mise en scène par Doisneau et les deux acteurs.)

Ces images, comme bien d'autres, contribuent à l'élaboration d'une imagerie nationale qui attribuera peu à peu à la France la paternité du mouvement. L'américain Peter Hamilton désignait d'ailleurs Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau et Willy Ronis comme les trois fondateurs du mouvement.

S'il y a un lieu qui a su inspirer les photographes de l'époque qu'ils soient français ou non c'est bien Paris. Les photographes y captent le quotidien des Parisiens dans leur travail aussi bien que leurs loisirs et cela, du début des années 1930 jusqu'à la fin du courant humaniste avec les manifestations de mai 1968.

Cette passion pour les Parisiens ne tarde pas à faire ressortir certains archétypes du Français ou du Parisien, on peut citer le personnage de la concierge ou des écoliers. Ces photographies ne sont pas étrangères à l'image que les autres pays se font de la France et des Français, image qui se réduit parfois à ces simples archétypes.

L'esthétique du « réalisme poétique »

Pour les photographes humanistes, l'environnement du sujet a autant d'importance que le sujet lui-même; ce dernier est donc souvent photographié dans son cadre de vie intime ou en public. Certains lieux comme la rue ou le bistrot sont particulièrement exploités parce qu'ils sont des espaces de liberté et de convivialité. Claude Nori reprit dans un numéro spécial des Cahiers de la photographie[1] la notion de réalisme poétique appliqué à la photographie et la développa. L'expression vient du cinéma et a été imposée par Georges Sadoul, qui lui même l'avait empruntée au théoricien Roger Manvell. Elle décrit l'esthétique recherchée par les photographes humanistes. Selon Nori, les thèmes principaux de ce réalisme poétique sont la flânerie dans la grande ville, un goût pour les rues pavées, les personnages typés, l'idéalisation des bas-fonds et la quête des instants de grâce. Il explique aussi que cette esthétique ne se limite pas à la photographie mais qu'elle s'exprime aussi dans le cinéma et la littérature.

Cette esthétique ou inspiration commune explique sans doute les nombreuses collaborations entre écrivains et photographes. On peut citer la collaboration de Aragon et Henri Cartier-Bresson à « Ce soir », Jacques Prévert et Izis pour « Grand Bal du Printemps » ou René-Jacques et Mac Orlan pour « Les fêtes foraines » mais aussi la célèbre rencontre de Blaise Cendrars et Robert Doisneau qui donnera lieu, quatre ans plus tard, à La Banlieue de Paris. La musique n'est pas exclue de ces collaborations; nombreux sont les photographes qui ont réalisé des portraits de chanteurs populaires de l'époque. On peut citer Doisneau, qui photographiait les vedettes du cabaret l'Ecluse, ou encore Lucien Lorelle, qui réalisa les pochettes des vinyles du duo Marc et André.

Les domaines d'activité des photographes humanistes

Les collaborations entre artistes de différents horizons ne sont pas la seule occupation des photographes humanistes.

Dans les années 1930, la photographie commence à s'imposer dans la presse illustrée. Cet élan est coupé par la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle les activités sont réduites, voir impossibles à cause des pénuries et du pouvoir en place. Dès la fin de la guerre, les photographes sont amenés à couvrir la libération des villes, ou tout simplement à photographier les villes pour témoigner des dommages causés par la guerre. C'est le cas de François Tuefferd, qui part dans l'est de la France pour photographier les monuments historiques ou ce qu'il en reste. On peut aussi citer l'exemple de Denise Bellon, qui réalise à Moissac un reportage sur les enfants juifs déportés.

Ce n'est qu'en 1950 que l'élan photographique, qui avait débuté avant la guerre, reprendra son cours avec une nouvelle génération de photographes (Willy Ronis, Izis, etc.). Ces photographes travaillent pour la presse, l'édition, la publicité et sont aussi sollicités pour des campagnes menées par les ministères et différentes institutions françaises.

Il faut noter qu'il émane du Commissariat général au tourisme une très forte demande d'images. Des campagnes de prises de vues sont lancées dans toute la France.

En ce qui concerne la publicité, outre les commandes des grandes entreprises telles que Renault, qui édite notamment un livre sur ses usines auquel les photographes les plus renommés participent, il ne faut pas omettre le fait que les commandes les plus importantes sont aussi celles des organisations créées tout de suite après la guerre comme l'ONU, l'UNESCO ou encore la Croix-Rouge. Lucien Lorelle réalise une affiche pour la Croix Rouge représentant une femme tenant son enfant dans les bras avec en arrière-plan leur logement insalubre. Pour ce genre de commande, l'image est minutieusement étudiée, retouchée en laboratoire pour que l'accent soit vraiment mis sur les visages de la mère et de l'enfant ainsi que sur l'arrière-plan. Les images des photographes humanistes sont donc partout aussi bien dans la presse, les publicités, les livres, les expositions quei sur les calendriers, les affiches, les agendas, etc.

C'est d'ailleurs l'une des revendications des photographes humanistes qui se disent photographes polygraphes. Cette expression de Willy Ronis résume bien la démarche unique de ces photographes dans tous leurs domaines d'activité.

Les agences de photographes de l'époque

  • L'AGIP ou Agence d'illustration pour la presse : Mise de côté pendant la guerre, elle reprend ses activités dès la Libération.
  • L'agence Rapho.
  • L'agence Alliance-Photo : Fondée en 1933, elle représente des photographes salariés et propose leurs travaux en fonction de la demande. Elle reprend son activité après la guerre sous la direction de Suzanne Laroche. Photographes appartenant à l'agence : Pierre Boucher, Emeric Féher, Pierre Zuber, Denise Bellon, Pierre Verger, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Pierre Jahan, Marcel Arthaud, Jean Roubier et Roughol. À la suite de divergences, certains photographes quittent l'agence et réactivent L'ADEP.
  • L'ADEP ou Agence de documentation et d'édition photographique : Créée pendant la guerre par Orel et par Boucher qui était graphiste dans les années 1920-1930, l'agence est réactivée par certains membres de Alliance Photo, dont Pierre Boucher qui dirigea le service graphique du plan Marshall de 1948-1952. Ensuite, de 1957 à 1970, L'ADEP devient l'agence de documentation et d'étude pour la presse. Elle ferme ses portes en 1959, la concurrences de Magnum et Rapho étant trop forte.
  • L'agence Magnum Photos.

La création de toutes ces agences est indispensable au vu de la demande d'images mais il s'agit aussi pour les photographes de se regrouper pour mieux gérer leurs travaux et surtout leur diffusion. Les photographes sont des auteurs et ils sont les seuls à pouvoir décider des modifications à apporter à leurs photographies, qu'il s'agisse d'un recadrage pour une publication dans la presse ou de quoi que ce soit d'autre. L'agence Magnum est pour beaucoup dans ces avancées. Il est d'ailleurs important de noter que ces agences, dont les photographes choisissent eux-mêmes les nouveaux membres, deviendront par la suite de véritables écoles de photographes. Magnum en étant encore aujourd'hui un bon exemple.

Les photographes humanistes

La liste ci-dessous présente des artistes qui peuvent être rattachés partiellement ou totalement à ce courant photographique.

Bibliographie

  • 1945-1968 La photographie humaniste. Bibliothèque nationale de France sous la direction de Laure Beaumont-Maillet, Françoise Denoyelle et Dominique Versavel.
  • La photographie humaniste. 1930-1960. Histoire d'un mouvement en France. Marie de Thézy avec la collaboration de Claude Nori. Contrejour.1992
  • Est-ce ainsi que les hommes vivent… Humanisme et photographie. Maison de la Photographie Robert Doisneau / Marval. Annie-Laure Wanaverbecq

Articles connexes

Lien externe

Notes et références

  1. Réalisme poétique, Claude Nori, les cahiers de la photographies
  • En avril 1996, l’exposition inaugurale de la Maison de la photographie Robert Doisneau « Est-ce ainsi que les hommes vivent… Humanisme et Photographie » présentait 80 photographes, originaires de 17 pays différents, et couvrait une période allant de 1905 à nos jours. La Maison de la photographie Robert Doisneau se consacre depuis à une photographie d’inspiration humaniste, en revisitant cette notion et en l’élargissant au-delà des frontières et des époques.
  • L'exposition « La photo humaniste (1945-1968) autour D'Izis, Boubat, Brassaï, Doisneau, Ronis... » a eu lieu dans le cadre du mois de la photographie du 31 octobre 2006 au 28 janvier 2007 à la BNF, site Richelieu.



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