Paul emil von lettow-vorbeck

Paul emil von lettow-vorbeck

Paul Emil von Lettow-Vorbeck

Paul von Lettow-Vorbeck, 1904

Paul Emil von Lettow-Vorbeck, né à Sarrelouis le 20 mars 1870 et mort à Hambourg le 9 mars 1964, est un général allemand, commandant des troupes allemandes en Afrique orientale allemande pendant la Première Guerre mondiale. Ce fut la seule campagne coloniale de la guerre où l'Allemagne est restée militairement invaincue et où elle a pu envahir et ravager des possessions britanniques et portugaises.

Sommaire

Formation

Né dans une famille militaire à Sarrelouis le 20 mars 1870, Von Lettow-Vorbeck étudia l'art militaire à l'École d'artillerie. Il fut envoyé en 1900-1901 en Chine pour combattre la révolte des Boxers. Il fut affecté ensuite de 1904 à 1908 dans le Sud-Ouest africain (actuelle Namibie) pour ramener l'ordre dans les territoires affectés par la rébellion des Hottentots et des Hereros. C'est au cours de cette campagne que, blessé à l'œil gauche, il fut envoyé en convalescence en Afrique du Sud, où il se lia d'amitié avec Jan Smuts, contre lequel il combattit ultérieurement lors de la Première Guerre mondiale. De janvier 1909 à janvier 1913 il fut le commandant du 2e Bataillon impérial d'Infanterie de Marine. Il servit également au Cameroun, où il commanda les forces coloniales allemandes de tirailleurs connues sous le nom de Schutztruppe.

Carrière pendant la Première Guerre mondiale

1914

En 1914, von Lettow-Vorbeck fut nommé commandant des minuscules forces allemandes (200 officiers européens et quelques compagnies d'Askaris) de la Deutsch Ostafrika, alias Afrique orientale allemande, soit les actuels Tanzanie, Burundi et Rwanda) en Afrique de l'Est. Officier ouvert d'esprit et parfait gentleman, il parlait couramment les langues indigènes et était hautement respecté par tous les hommes servant sous ses ordres.

À la déclaration de la guerre, en août 1914, il comprit instinctivement la nécessité de prendre l'initiative avec sa petite troupe, nonobstant les pactes politiques conclus entre les politiciens locaux des deux camps. Il ignora donc délibérément les ordres de Berlin et du gouverneur général, Heinrich von Schnee, qui avaient négocié un pacte tacite de non-agression entre le Kenya britannique et la petite colonie allemande d'Afrique de l'est, tant l'un et l'autre étaient dépourvus de tout sur le plan militaire.

Convaincu que les Britanniques trahiraient la parole donnée à la première occasion, il anticipa un assaut amphibie des forces britanniques de l'armée des Indes contre la colonie et planifia magistralement la défense de la ville de Tanga contre laquelle fut effectivement menée une attaque britannique du 2 au 5 novembre 1914.

Cette ville, située sur un haut plateau à 80 km de la frontière de l’Afrique de l’Est (Actuel Kenya), était à la fois un port et le point de départ de la voie ferrée stratégique d’Usambra qui menait au pied du Kilimandjaro. Initialement, Tanga aurait dû être bombardée par des navires de guerre britanniques. Ce plan fut abandonné après un accord d’évacuation de la population. Bien que les Britanniques aient rompu cet accord dès l’arrivée du HMS Fox, cela avait laissé suffisamment de temps au lieutenant-colonel von Lettow-Vorbek pour organiser la défense de la ville. Il compléta ses effectifs, initialement une simple compagnie, avec le maximum de soldats qu’il pût faire progresser vers Tanga et ce malgré un manque désespérant de vivres et de munitions.

Dès les premiers jours, l’attaque menée par le général Arthur Aitken avec 8 000 Indiens réservistes tourna au désastre face aux 1 100 hommes déterminés que von Lettow-Vorbeck avait réussi à rassembler. Le 3, ce fut vraiment par hasard que les troupes mal entraînées du général Aitken ne furent pas rejetés à la mer. Le second jour, Aitken ordonna une attaque qui fut repoussée par la garnison de Tanga fortement embusquée. Dans l’après-midi cela tourna au combat d’embuscade dans la jungle. Le 4 novembre, von Lettow-Vorbeck déclencha une offensive qui obligea les Indiens à réembarquer sans armes ni bagages. Dans leur désastreuse retraite, ils abandonnèrent des fusils, des mitrailleuses et plus de 600 000 cartouches qui furent bien utiles aux Allemands pour poursuivre le combat. Le 5 novembre fut conclu un armistice pour évacuer les blessés. Le bilan était de 487 blessés et de 360 tués pour la Brigade indienne, contre 81 blessés et 61 tués pour le camp allemand. Von Lettow-Vorbeck, en parfait gentleman, rencontra Aitken sous le drapeau blanc des parlementaires et, autour d’une bouteille de cognac, il échangea avec son adversaire divers commentaires sur les combats des jours précédents. Il fournit également des médicaments allemands pour que les blessés indiens soient soignés.

Poussant son avantage, il rassembla ses troupes et ses maigres approvisionnements et se lança résolument à l'attaque du réseau ferroviaire de l'Afrique de l'Est britannique, qu'il malmena en plusieurs points stratégiques. Au cours de cette expédition, il fut cependant confronté à une force britannique largement supérieure en hommes et en matériel, à Jassin.

1915-1916

À cette bataille de Jassin, le 18 janvier 1915, il écrasa de nouveau les Britanniques, à la stupéfaction des deux camps, mais au prix de la perte de nombreux soldats expérimentés et de son commandant en second, le transfuge britannique Tom von Prince, dont le remplacement s'avéra une tâche difficile. Cependant, le moral de ses troupes en sortit globalement au plus haut et ce en des moments de grande nécessité.

Affiche de 1918 représentant le général von Lettow-Vorbeck à la tête de ses troupes africaines.

Le point de vue de Von Lettow-Vorbeck sur cette lutte apparemment sans espoir contre un adversaire théoriquement supérieur sous tous les rapports était le suivant : l’Afrique de l’Est n'était qu'un théâtre secondaire d’opérations sur lequel il convenait de fixer le maximum de forces ennemies qui, ainsi, ne seraient pas disponibles sur le principal théâtre d’opérations, c'est-à-dire le théâtre européen. Il mena conséquemment une guerre de guérilla qui remplit impeccablement cet objectif, dirigeant avec audace ses hommes dans des incursions dévastatrices au cœur des provinces britanniques du Kenya et de la Rhodésie, lesquelles visaient spécifiquement les forts, les chemins de fer et les communications britanniques. La logique militaire sous-jacente était que tout ce qu'il parvenait à distraire du front européen dans son secteur pouvait contribuer à la victoire des forces allemandes sur le front principal.

Au cours de ce périple ravageur, von Lettow-Vorbeck réussit à lever une armée de 12 000 soldats africains parfaitement entraînés et disciplinés comprenant un minuscule noyau d’européens composé essentiellement de troupes d’infanterie de marine, de marins et de colons. Des noirs parfaitement disciplinés composaient donc la très grande majorité (98%) de ses effectifs ; c'étaient les fameux Askaris de la Schutztruppe, qu'il avait armés en grande partie grâce aux prises effectuées sur les Britanniques.

Epave du SMS Königsberg, sabordé en 1915 dans le delta du fleuve Rufiji, photographiée en juillet 1915

Ces soldats noirs se taillèrent rapidement une réputation méritée de combattants farouches à la loyauté indéfectible envers cet officier allemand qui s'adressait à eux dans leur propre langue et que tous ses pairs respectaient. En stratège avisé, von Lettow-Vorbeck ne laissa pas passer l'occasion de récupérer sur l’épave du croiseur SMS Königsberg, sabordé en 1915 dans le delta du fleuve Rufigi, de nombreux canons qu’il fit transformer en artillerie de campagne maniée par son équipage, commandé par le très compétent commandant Max Loof.

Irrités et furieux, en mars 1916, les Britanniques et les Sud-Africains (sous les ordres de nul autre que Jan Smuts) lancèrent alors une formidable offensive (avec plus de 45 000 hommes) pour éradiquer une fois pour toute la petite armée africaine du Kaiser. Habilement, Von Lettow-Vorbeck se servit alors du climat et du terrain comme des alliés naturels. Quand il était en infériorité, soit à peu près tout le temps, il se dérobait. Lorsque ses troupes combattaient les Britanniques, c'était là où il l'avait décidé et lorsque le terrain était à son avantage, et ce toujours avec des conséquences humiliantes pour ses adversaires.

La fin de la guerre

Paul Emil von Lettow-Vorbeck

Malgré tous ses efforts, von Lettow-Vorbeck ne put cependant empêcher les Britanniques d'engager des effectifs de plus en plus importants qui l’obligèrent finalement à quitter la colonie. Il avait désormais contre lui non seulement les Britanniques mais aussi les Sud-Africains, les Portugais et les Belges. Il s’échappa cependant constamment et trouva toujours le moyen d'infliger à ses adversaires de sérieuses défaites. En octobre 1917, acculé par des forces théoriquement écrasantes, il battit à nouveau spectaculairement les Britanniques à Mahiwa, ne perdant que 96 hommes (contre 3 000 pour les Britanniques) après cinq jours de combats acharnés dans des marécages ne figurant par ailleurs sur aucune carte.

Malgré tout, conscient que les Britanniques auraient à long terme le dessus sur sa petite armée, tant en matériel qu'en ressources humaines, et qu'il était absolument impossible de contrôler les territoires ennemis conquis, von Lettow-Vorbeck fut logistiquement contraint de passer au Mozambique où, grâce à sa maîtrise des dialectes locaux, il recruta de nouveaux hommes et, surtout, récupèra du matériel stratégique en attaquant par surprise les garnisons portugaises (bataille de Negomano, 28 novembre 1917).

Reposé et rééquipé, il retourna ensuite au Tanganyika en août 1918, simplement pour virer subséquemment à l’Ouest afin d'attaquer et ravager la Rhodésie, échappant ainsi au piège que l’armée britannique avait vainement préparé pour lui en Afrique de l’Est allemande en spéculant sur son probable retour.

Il remporta une ultime victoire en Rhodésie septentrionale par la prise de l'importante ville de Kasama, le 13 novembre 1918, deux jours après l’Armistice de Rethondes en France. Quand les rumeurs d’armistice en Europe lui furent confirmées (par la capture d’un courrier britannique porteur de la nouvelle), Von Lettow-Vorbeck se rendit avec panache, avec son armée toujours invaincue, à Abercorn (actuellement en Zambie), dans le nord de la Rhodésie de l'époque, aux forces britanniques de Smuts, le 23 novembre 1918, soit douze jours après l'armistice conclu en Europe.

Le 4 novembre 1916, l’Empereur Guillaume II lui avait délivré l’ordre « Pour le Mérite ». Von Lettow-Vorbeck, combattant en pleine brousse, n'en avait pas été informé. Smuts, au courant de la nouvelle, ne manqua pas d'en informer son diabolique adversaire.

Carrière après la guerre

Après la guerre, von Lettow-Vorbeck organisa le rapatriement des soldats allemands et des prisonniers de guerre et veilla à s’assurer qu’un traitement équivalent serait accordé à ses soldats africains. Il rencontra également Sir Richard Meinertzhagen, officier de l’Intelligence Service contre lequel il avait mené une guerre personnelle de tous les instants pendant le conflit.

Il retourna en Allemagne en janvier 1919. Héros très bien accueilli, il reçut le grade de major-général (général de division). Il fut le dernier officier général à recevoir une promotion signée par l’Empereur en personne. La Schutztruppe de Von Lettow-Vorbeck, ses 155 soldats allemands survivants et son chef eurent même droit à une parade à la porte de Brandebourg. Ebert l'accueillit par ces mots : « Je vous salue, vous qu’aucun ennemi n’a vaincu sur les champs de bataille ! ». De fait, la Schutztruppe de von Lettow-Vorbeck fut la seule et unique armée allemande à parader sous la porte de Brandebourg en 1919, non seulement pour être restée invaincue sur le champ de bataille ou encore pour avoir remporté des victoires contre des forces de loin supérieures en nombre, mais surtout pour avoir été le seul corps d'armée à avoir envahi et ravagé avec succès des territoires britanniques au cours de la Grande Guerre.

Par la suite, il devint un activiste de droite engagé comme tant d'autres dans les bouleversements secouant la jeune république de Weimar. Le 23 juin 1919 éclata à Hambourg une insurrection ouvrière. Il intervint vigoureusement avec son corps franc et rétablit l'ordre avec le soutien de la brigade du capitaine de corvette Hermann Ehrardt.

Toujours en 1919, il fut impliqué dans le coup d’état de Kapp. Il fut incarcéré et mis à la retraite d'office en même temps qu'un certain nombre de généraux qui avaient soutenu Noske. (En fait, ce colonial dans une nation qui n’avait plus de colonies, qui s’était illustré en désobéissant aux ordres et en combattant avec des africains, qui n’avait jamais été officier d’un régiment de la garde, qui n'avait jamais porté le pantalon à bande rouge du Grand État Major, était probablement beaucoup trop indiscipliné pour avoir la confiance de Von Seekt). D’une certaine façon, il restait le chef d’une bande de moins de 100 blancs et de plus de 12 000 noirs. Il devint marchand de vin en gros à Brème pour le compte de l’entreprise Konrad.

Élu député du Parti National Allemand de 1929 à 1930, nationaliste mais, en toute logique, non raciste, il s’opposa vigoureusement aux Nazis qui avaient cependant curieusement essayé d’exploiter sa légende pour leur cause. En 1933, Adolf Hitler lui demanda sans succès d’entrer au NSDAP. De guerre lasse, Hitler le nomma à la section coloniale du ministère des Affaires étrangères.

En 1938, à l’âge de 68 ans, il ne s’opposa pas à son intégration dans la Wehrmacht comme général pour des buts de propagande, mais il ne reçut aucun commandement. Il est vraisemblable que son ancien subordonné, Théodore Von Hippel, qui forma les commandos de sabotage de l’Abwehr, ne devait pas être étranger à cette nomination.

Après 1945, sans retraite, il se fixa à Hambourg et, pour survivre, devint jardinier. En 1953, il effectua un voyage en Afrique et, à son retour, publia deux livres : Kwa eri bwana ! Au revoir Monsieur ! (1954) et L’Afrique telle que je l’ai revue (1955). En 1956, il fut nommé citoyen d’honneur de sa ville de naissance, Sarrelouis. On donna son nom à un collège, qui fut ensuite débaptisé en raison de sa participation au putch de Kapp. En fait, il ne réclamait rien. Mais le gouvernement fédéral n’ayant pas prévu de pension pour lui, c’est son vieil adversaire et ami de 1914, le maréchal Jan Smuts, qui réunit une souscription d’officiers britanniques et sud-africains pour lui en offrir une. En 1957, il publia Ma vie. En 1959, il fit un voyage quasi officiel à la demande du gouvernement local dans sa seconde patrie le Tanganyika, voyage au cours duquel il reçut un accueil enthousiaste de la part non seulement de ses anciens Askaris mais également de la population locale. Evénement dont rendirent compte, étonnés, un certain nombre de journaux français.

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Lors de ses obsèques, on vit arriver quelques Askaris, survivants de son ancienne troupe, venus rendre un dernier hommage à leur général. Quand la pompe funèbre fut retombée, la république fédérale décida de pensionner les survivants africains de l’épopée.

Le général Paul Von Lettow-Vorbeck a été enterré dans le cimetière de l’église de Vicelin à Pronstorf, cercle de Segeberg, dans le Schleswig-Holstein.

Sources

  • Wikipedia, éditions anglaise et allemande.
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