Ariane 5

Ariane 5
Ariane V
Ariane V
Données générales
Mission Lanceur Commercial Orbite LEO et GTO
Période des lancements 1996 à aujourd'hui
Nb de lancements 60 (2 échecs et 2 échecs partiels)
Pays d’origine Drapeau d'Europe Union européenne
Caractéristiques techniques
Dimensions
Hauteur 47-52 m
Diamètre 5,4 m
Masse au décollage 750 t
Nombre d'étages 2
Puissance et capacité d’emport
Charge utile en LEO G : 18 000 kg

ES : 21 000 kg

ECA: 21 000 kg

Charge utile en GTO G: 6 900 kg

ES : 8 000 kg

ECA : 9 600 kg

Poussée au décollage environ 1 300 t
Maquette à l'échelle 1 d'Ariane 5 au Musée de l'air et de l'espace.

Ariane 5 est un lanceur de l'Agence spatiale européenne (ESA), développé pour placer des satellites sur orbite géostationnaire et des charges lourdes en orbite basse. Il fait partie de la famille des lanceurs Ariane et a été développé à compter de 1995 pour remplacer Ariane 4 dont les capacités limitées ne permettait plus de lancer de manière concurrentielle les satellites de télécommunications au poids croissant, alors que ce secteur était auparavant le point fort du lanceur européen[1].

Le premier lancement a eu lieu en 1996 et le lanceur a souffert de débuts difficiles avec deux échecs totaux et deux échecs partiels sur les quatorze premiers lancements. Le lanceur est commercialisé par la société Arianespace qui effectue de cinq à sept lancements, en général double (deux satellites), par an depuis le centre de lancement de Kourou en Guyane. Plusieurs versions ont été développées : la version ECA, la plus récente, peut placer jusqu'à 9,6 tonnes de charge utile en orbite de transfert géostationnaire et 20 tonnes en orbite basse. Ariane 5 est construit par un consortium d'entreprises européennes placées sous la maîtrise d’œuvre d’EADS Astrium[2].

Sommaire

Historique

Article principal : Ariane (fusée).

Le programme Ariane 5 a été initié en 1987 par les ministres européens des affaires spatiales réunis à La Haye. Il est dirigé par l’ESA, mais sa réalisation est assurée par le CNES. Environ 1 100 industriels participent au projet.

En 2009, Ariane 5 a permis à Arianespace de détenir plus de 60 % du marché mondial des satellites commerciaux en orbite géostationnaire.

Par rapport à Ariane 4, Ariane 5 est capable d’emporter des charges particulièrement lourdes en orbite basse (jusqu’à 20 tonnes) et en orbite de transfert géostationnaire (jusqu’à 10 tonnes pour la version ECA).

Ariane 5 a été développée pour franchir un saut qualitatif par rapport à Ariane 4. Il était prévu au début de sa conception qu'il puisse mettre en orbite la navette européenne Hermès. C’est un lanceur complètement nouveau dans sa conception à l’architecture simplifiée et conçu pour constituer la base d’une famille évolutive, dont les performances pourront être augmentées progressivement de façon à rester pleinement opérationnelle au moins jusqu’en 2020[3] :

  • Ariane 5 G (générique, jusqu’à 6 tonnes de charge), plus puissant que Ariane 4 : entre le moteur Viking d’Ariane 4 et le moteur Vulcain d'Ariane 5, la poussée dans le vide est passée de 80 à 110 tonnes ;
  • Ariane 5 ECA (10 tonnes en orbite de transfert), avec le moteur Vulcain2, et un nouvel « étage supérieur cryotechnique A » ;
  • Ariane 5 G+ ;
  • Ariane 5 ES : Ariane 5 générique équipée d’un étage supérieur réallumable à propergol stockable (EPS).

Suivant les modèles, la capacité d’emport d’Ariane 5 se décide entre Arianespace et ses clients (en général des grands opérateurs satellites).

Caractéristiques du lanceur

Moteur Vulcain 2
Troisième étage EPS de la fusée Ariane 5
  • Hauteur : de 47 à 52 mètres[4] ;
  • Diamètre : environ 5,40 m ;
  • Masse : environ 750 tonnes au moment du décollage, soit un dixième de la Tour Eiffel ;
  • Carburant :
    • Propulseurs d’appoint (EAP) : 480 tonnes de poudre (propergol solide) répartis dans les deux Étages d'accélération à poudre mis en place dans le bâtiment d’intégration lanceur. Les EAP consomment chacun 2 tonnes de poudre par seconde pendant environ 2 minutes.
    • Étage principal cryogénique (EPC) : 220 tonnes d’ergols liquides (hydrogène et oxygène), rempli juste avant le décollage ;
  • Vitesse : supérieure à 8 000 km/h deux minutes après le décollage ;
  • Vitesse à la séparation de la charge utile GTO (finale) : 10 km/s ;
  • Vitesse maximale à la séparation de l'EPS (ESC) : 17,3 km/s (ECA).

La turbopompe à hydrogène du moteur cryogénique Vulcain tourne à 30 000 tr/min[5].

Les composants du lanceur

Selon la terminologie de son constructeur, Ariane 5 comprend le composite inférieur partie du lanceur mise à feu avant le décollage, le composite supérieur qui regroupe la case à équipement et le deuxième étage, et enfin la charge utile avec sa coiffe.

EAP

Les « étages d’accélérations à poudre » (EAP, ou P230) sont composés d’un tube métallique contenant le propergol solide (la poudre) et d’une tuyère. Les deux EAP sont identiques, ils entourent l’EPC (« étage principal cryotechnique »).

Ces propulseurs mesurent chacun 31 mètres de haut pour trois mètres de diamètre. Embarquant 237 tonnes de poudre, ils délivrent 92 % de la poussée totale du lanceur au décollage (poussée moyenne : 5 060 kN, poussée maximale : 7 080 kN). Après épuisement de la poudre, environ 129 à 132 secondes après leur allumage, ils sont séparés du lanceur à environ 70 kilomètres d’altitude pour retomber dans l’Océan Atlantique. Ils pèsent chacun 38 t à vide.

EPC

L’« étage principal cryotechnique » (EPC) est composé principalement de deux réservoirs (hydrogène liquide (LH2) et oxygène liquide (LOX)) et du moteur Vulcain (Vulcain II pour Ariane 5 évolution (ECA)), pour 12,3 t à vide. Ce moteur cryogénique (le Vulcain), utilise 160 tonnes d’hydrogène et d’oxygène liquides refroidis respectivement à -253 °C et -183 °C .

Cet étage est mis à feu dès le décollage et assure seul la propulsion du lanceur durant la deuxième phase de vol du lanceur après le largage des étages d'accélération à poudre. Il fonctionne en tout durant neuf minutes, pendant lesquelles il fournit une poussée de 1 350 kN pour un poids total de 188,3 t.

Composite supérieur

Le composite supérieur comprend la case à équipement et, en fonction de la charge utile emportée, un étage supérieur à moteur à ergols stockables (dans le cas d’une Ariane 5 avec étage supérieur EPS) ou à ergols cryotechniques (dans le cas d’une Ariane 5 avec étage supérieur ESC).

Le composite supérieur assure la propulsion du lanceur après l'extinction et le largage de l'étage EPC. Il fonctionne durant la troisième phase de vol qui dure environ 25 minutes.

Case à équipements

La case à équipements accueille le système de contrôle et de guidage du lanceur. Elle est située directement au-dessus de l’EPC dans le cas d’une Ariane 5 Generic ou en version A5E/S et entoure alors le moteur Aestus de l’EPS. Dans le cas d’une Ariane 5E/CA, la case à équipement est située au-dessus de l’ESC. La case à équipement est le véritable poste de pilotage du lanceur. Il orchestre l’ensemble des contrôles et des commandes de vol, les ordres de pilotage étant donnés par les calculateurs de bord via des équipements électroniques, à partir des informations fournies par les centrales de guidage. Ces calculateurs envoient également au lanceur tous les ordres nécessaires à son fonctionnement, tels que l’allumage des moteurs, la séparation des étages et le largage des satellites embarqués. Tous les équipements sont doublés (redondance), pour qu’en cas de défaillance de l’un des deux systèmes, la mission puisse se poursuivre.

Un des principaux systèmes de la case à équipement est le correcteur d’attitude. L’architecture du Système de Contrôle d’Attitude (SCA) comprend deux réservoirs sphériques en titane contenant chacun 38 litres d’hydrazine (un composé organique azoté) et de petits propulseurs assurant la réalisation des corrections.

Voici quelques-uns des autres instruments que contient la case à équipement :

  • Les Systèmes de Référence Inertielle (SRI) qui sont des pièces maîtresses du contrôle du vol d’Ariane 5. Elles intègrent deux centrales inertielles qui donnent la position du lanceur dans l’espace ainsi que quatre accéléromètres qui donnent l’accélération que subit le lanceur ;
  • Les calculateurs OBC (On Board Computer) qui, en utilisant les informations des SRI, commandent les moteurs du lanceur pour qu’il atteigne son objectif. Ils calculent la trajectoire de vol ;
  • L’antenne émettrice et réceptrice de télémesure avec les radars au sol ;
  • Le boîtier de commande de sauvegarde qui commande la destruction du lanceur.

EPS

L’« étage à propergols stockables » (EPS, appelé plus rarement L9) pèse à vide 1,25 t; il est composé du moteur Aestus et de ses réservoirs d’ergols (3,2 t de monométhylhydrazine (MMH) et 6,5 t peroxyde d'azote N2O4). Il fournit 29 kN de poussée pendant 18 minutes et 30 secondes[6]. Il est capable de redémarrer.

ESC

L’« étage supérieur cryogénique » (ESC) utilise, comme son nom l’indique, un moteur cryotechnique : le HM-7-B ou, dans le futur, le moteur Vinci. Il fournit actuellement une poussée de 65 kN pendant 970 s pour un poids de 15 t (4,5 t à vide) et une hauteur de 4,71 m.

Charge(s) utile(s)

La charge utile est constituée par les satellites qui doivent être placés sur orbite. Pour permettre les lancements de plusieurs satellites, ceux-ci sont disposés sous la coiffe dans un module SPELTRA (Structure Porteuse Externe pour Lancements Multiples) ou SYLDA (SYstème de Lancement Double Ariane).

Ces modules permettent de placer en orbite deux satellites distincts, l’un après l’autre : un des satellites est positionné sur le module SPELTRA/SYLDA, l’autre à l’intérieur.

Les charges utiles et le séparateur sont largués durant la quatrième phase de vol : la phase balistique. Selon les caractéristiques de la mission les largages peuvent être faits immédiatement ou plusieurs dizaines de minutes après le début de cette phase. Les actions effectuées sont des mises en rotation, des éloignements, etc.

Coiffe

La coiffe protège les charges utiles durant le vol dans l’atmosphère. Elle est larguée dès qu’il n’y a plus de frottements. Ce largage est effectué peu après le largage des EAP, à une altitude d'environ 110 km.

Les installations d'assemblage et de lancement

Aire de lancement d'Ariane 5 à Kourou
Article principal : Centre spatial guyanais.

La fusée Ariane 5 est lancée depuis le Centre spatial guyanais construit par le CNES en Guyane française (Amérique du Sud) près de la ville de Kourou. Des installations adaptées à Ariane 5 ont été construites sur cette base qui a lancé les versions précédentes du lanceur Ariane.

L'ensemble de lancement de la fusée Ariane 5 (ELA-3 acronyme d'Ensemble de Lancement Ariane 3), qui occupe une superficie de 21 km², est utilisé pour lancer les fusées Ariane 5 et a été de 2003 jusqu'en 2009 le seul site actif après l'arrêt des lancements d'Ariane 4. Il comprend :

  • un bâtiment (S5) dans lequel sont préparés les satellites (vérification et chargement en ergols)
  • le bâtiment d’Intégration Lanceur (BIL) dans lequel sont assemblés verticalement sur la table de lancement les éléments des lanceurs Ariane 5 (propulseurs à poudre (EAP), étage principal cryogénique (EPC), Étage supérieur (EPS ou ESC) ainsi que la case à équipements) . Cette dernière se déplace sur une double voie ferrée pour aller d'un site d'assemblage à un autre et est équipée d'un mat qui la connecte à la fusée et maintient la fusée durant ses déplacements. Les propulseurs à poudre proviennent du bâtiment d'intégration des propulseurs (BIP) dans lequel ils ont été assemblés.
  • le Bâtiment d’Assemblage Final (BAF) de 90 mètres de haut dans lequel sont assemblés les satellites, l'adaptateur, la coiffe et la fusée.
  • la Zone de Lancement (ZL) est éloignée des bâtiments précédents pour limiter l'impact d'une explosion du lanceur durant la phase de décollage.
  • Le Centre de Lancement (CDL 3) en partie blindé (en particulier le toit)

Les bâtiments d'assemblage (BIL, BAF) ainsi que la zone de lancement sont reliés par une double voie ferrée sur laquelle circule la table de lancement mobile portant la fusée. L'aménagement permet 8 lancements par an[7].

Une partie du lanceur Ariane 5 est fabriquée sur place. Une unité de production fabrique et coule le propergol solide de deux des trois segments de chaque propulseur à poudre (EAP) de la fusée (le troisième est coulé en Italie). Le site dispose d'un banc d'essai pour les EAP[8].

Le centre Jupiter est le centre de contrôle qui permet de piloter l'ensemble des opérations de préparation et de lancement.

Déroulement d'un lancement

Déroulement d'un lancement de satellites géostationnaires par une Ariane 5 ECA

Les différents étages de la fusée sont assemblés puis acheminée en position verticale à environ 2 km sur la zone de lancement. Après vérifications et remplissage de l'EPC, le moteur Vulcain 2 est allumé puis c'est au tour des EAP. Ces derniers vont fournir une poussée pendant environ 2 minutes permettant de mettre la fusée hors atmosphère terrestre. Ils vont ensuite se détacher du corps principal grâce à des petites fusées d'expulsion. La coiffe (protection de la tête) de la fusée se détache environ 1 minute après. Le moteur Vulcain 2 continue sa poussée pendant encore 6 minutes puis va être expulsé à son tour laissant le rôle au 2e étage. La propulsion s'effectue pendant une quinzaine de minutes avant de s'éteindre enfin. La fusée ou plutôt la charge utile continue son vol balistique et déploie alors les satellites en orbite géostationnaire.

Cette méthode de propulsion successive des étages a été mise au point par le programme spatial américain dirigé par Wernher von Braun à la fin des années 1950. Elle a permis une avancée majeure dans la conquête spatiale, plus efficace que la seule propulsion par des moteurs définitifs (certes plus puissants mais aussi plus lourds) utilisée par le programme soviétique dirigé par Sergueï Korolev

La mise au point du lanceur Ariane 5

Les débuts d’Ariane 5 furent caractérisées par plusieurs échecs. La fiabilisation du lanceur nécessita un important effort financier, réalisé au détriment du développement de versions plus puissantes.

Premier vol (vol 88 / L501)

Article détaillé : Vol 501 d'Ariane 5.

Le premier tir eut lieu le 4 juin 1996 à Kourou, mais le lanceur fut détruit après approximativement 40 secondes de vol. L’échec était dû à une erreur informatique intervenue dans un programme de gestion de gyroscope conçu pour la fusée Ariane 4, et non testé dans la configuration Ariane 5[9]. Le défaut informatique avait pris sa source dans erreur de transcription de spécifications. Lors des échanges entre l'ESA et le fabriquant de la centrale inertielle (dite également IRS), les spécifications fonctionnelles ont été recopiées plusieurs fois et c'est lors de ces recopies qu'une erreur fût introduite. Les spécifications initiales définissaient une durée maximum admissible de 60 secondes pour l'alignement du gyroscope. La durée d'alignement et le temps qu'il faut pour qu'un gyroscope atteigne sa vitesse de rotation opérationnelle, et permette ainsi de situer l'objet et son orientation dans l'espace. Lors des recopies successives cette durée de 60 secondes est passée à 80 secondes,[réf. nécessaire] valeur erronée provoquant un dysfonctionnement du programme chargée de gérer les données gyroscopiques.

Il existait une méthode de gestion de cette erreur, mais cette dernière avait été désactivée pour améliorer les performances du système sur Ariane 4, considérant que sur ce modèle on pouvait prouver que l’occurrence du dépassement qui allait être produit par le programme était nulle compte tenu des trajectoires de vol possibles. Or les spécifications d'Ariane 5, notamment en phase de décollage, diffèrent notablement de celles d’Ariane 4. Le programme de la centrale inertielle, bien que redondant, produisit deux dépassements de trajectoire et finit par signaler la défaillance des systèmes gyroscopiques. Le calculateur de pilotage de la fusée (spécifiquement mis au point pour Ariane 5) en interprétant les valeurs d’erreurs (probablement négatives) fournies par le second gyroscope déduisit que la fusée s’était mise à pointer vers le bas. La réaction du calculateur de pilotage fût de braquer les tuyères au maximum pour redresser la fusée ce qui augmenta considérablement l’incidence du lanceur et provoqua des efforts aérodynamiques qui le détruisirent[10]. Il s’agit certainement là d’une des erreurs informatiques les plus coûteuses de l’histoire[11].

Il a été souligné que le programme de gestion d'alignement gyroscopique, source de l'accident, était totalement inutile. Il était en effet conçu pour réajuster rapidement le calibrage des gyroscopes dans le cas d’un court retard de tir (de l'ordre quelques minutes) afin de permettre une reprise rapide du compte à rebours – par exemple en raison de variations rapides des conditions météo du site de lancement à Kourou. Or ce cas de figure, envisagé initialement pour Ariane 3, était depuis longtemps exclu des procédures de tir.

Deuxième vol (vol 101 / 502)

Le second vol eut lieu le 30 octobre 1997.

La mission parvint à son terme mais l'orbite désirée ne fut pas atteinte, par suite d'un mouvement de rotation du lanceur sur lui-même (mouvement de roulis, comme une toupie) qui a conduit à un arrêt prématuré de la propulsion du premier étage EPC. Après cette fin de propulsion du premier étage, et malgré la mise en route correcte de l'étage supérieur EPS, celui-ci n'a pas pu rattraper l'intégralité du déficit de poussée de la première phase du vol, conduisant donc la mission sur une orbite légèrement dégradée.

Ce mouvement en roulis était dû à un couple généré par l'écoulement des gaz dans la tuyère du moteur Vulcain 1, couple dont l'intensité avait été sous-estimée. Dès lors, et malgré la mise en œuvre du système de pilotage en roulis SCA, le lanceur a subi durant tout le vol du premier étage une mise en rotation excessive. Cette mise en rotation aurait pu n'avoir que peu de conséquences, les algorithmes de vol — relativement efficaces — contrôlant malgré tout la trajectoire. Cependant, en fin de propulsion, et sous l'effet de la vitesse en roulis atteinte, la surface des ergols (oxygène et hydrogène liquides) dans les réservoirs s'est incurvée en son centre (à la manière d'un siphon). Ce phénomène a été interprété par les capteurs de niveau (« jauges » des réservoirs) comme l'indication de l'imminence d'une « panne sèche », ce qui a conduit l'ordinateur de bord à commander l'arrêt de propulsion de l'EPC prématurément.

Le couple en roulis généré par le moteur Vulcain 1 fut maîtrisé dès le vol suivant par la mise en place, en extrémité, de divergents d'échappement légèrement inclinés corrigeant le roulis naturel engendré par le moteur.

Ce problème a touché d'autres lanceurs, dont le H-IIA japonais.

Troisième vol (vol 112 / 503)

Maquette d’Ariane 5 à la Cité de l’espace à Toulouse

Le troisième essai eut lieu le 21 octobre 1998. Ce fut une réussite totale.

La mission emportait la capsule de démonstration de rentrée atmosphérique Atmospheric Reentry Demonstrator (ARD) (capsule européenne de type Apollo), qui effectua une rentrée atmosphérique parfaite, et la maquette technologique MAQSAT.

Utilisation commerciale

Le premier vol commercial eut lieu le 10 décembre 1999, avec la mise en orbite du satellite d’observation en rayons X XMM-Newton.

Un échec partiel eut lieu le 12 juillet 2001 : à nouveau, deux satellites ne purent être placés sur l’orbite désirée. Artémis, le satellite de communication de l’ESA, atteignit son orbite définitive par ses propres moyens, en utilisant son combustible destiné aux corrections d’orbite, ainsi qu’une unité de propulsion ionique qui n’avait pas été prévue pour cet usage. Ceci nécessita une modification complète du programme de bord depuis le sol.

Le vol suivant n’eut lieu que le 1er mars 2002, avec la mise en orbite réussie du satellite environnemental de 8,5 tonnes ENVISAT, à une altitude de 800 kilomètres.

Au cours des années suivantes Ariane 5 a pu conserver la position acquise par la version Ariane 4 (part de marché supérieure à 50 %) sur le segment du lancement des satellites commerciaux en orbite géostationnaire qui représente entre 20 et 25 satellites par an (sur une centaine de satellites lancés annuellement). La concurrence est représentée par les lanceurs à la capacité beaucoup moins importante mais qui bénéficient d'un prix au kg de charge utile nettement inférieur. Les trois principaux concurrents sont :

Nombre de lancements par année et type de lanceur[12]
(lanceurs moyens et lourds seulement)
Année 2006 2007 2008 2009 Coût lancement[13]
en millions de dollars
Coût/kg en $
Lanceur tirs satellites tirs satellites tirs satellites tirs satellites
Ariane 5 Drapeau : Union européenne 5 10 6 12 6 11 7 12 220 (ECA) 22 917
Atlas V Drapeau des États-Unis 2 2 3 5 2 2 5 6 125 (501) 25 000
Delta II Drapeau des États-Unis 6 8 8 8 5 5 8 9 65 (7920) 36 011
Delta IV Drapeau des États-Unis 3 3 1 1 - - 3 3 170 (Medium) 40 380
Falcon 9 Drapeau des États-Unis - - - - - - - - 55 (prévision) 12 115 (prévision)
H-IIA Drapeau du Japon 4 4 2 3 1 1 3 3
Longue Marche 3 Drapeau de la République populaire de Chine 3 3 6 6 4 4 2 2 60 (3A) 23 177
Proton Drapeau de la Russie 6 6 7 7 10 10 8 10 100 (M) 18 182
Zenit Drapeau : Ukraine 5 5 1 1 6 6 4 4 60 (SLB) 16 666

Les versions du lanceur fabriquées

Plusieurs versions du lanceur ont été fabriquées dont certaines ne sont plus produites.

Ariane 5 G

Coupe verticale de la fusée Ariane 5 GS.

Treize lanceurs Ariane 5 G ont été lancés entre le 10 décembre 1999 et le 27 septembre 2003. Cette version n'est plus commercialisée.

Ariane 5 G+

Cette version d'Ariane 5 G a un second étage amélioré, avec une charge possible de 6 950 kg. Trois lanceurs de ce type ont été tirés entre le 2 mars 2004 et le 18 décembre 2004. Cette version n'est plus commercialisée.

Ariane 5 GS

Cette version a les mêmes EAP que l'Ariane 5 ECA et un premier étage modifié avec un moteur Vulcain 1B. Charge possible de 6 100 kg en orbite OTG. Six tirs ont eu lieu entre le 11 août 2005 et le 18 décembre 2009. Cette version n'est plus commercialisée.

Ariane 5 ES ATV

Cette version est conçue pour placer en orbite basse le vaisseau cargo automatique ATV ravitaillant la Station spatiale internationale. Elle peut lancer jusqu'à 21 t sur cette orbite.

Ariane 5 ES assure trois allumages de l’étage supérieur, pour répondre aux besoins très spécifiques de la mission[14]. Par ailleurs, ses structures ont été renforcées pour soutenir la masse imposante de l'ATV (20 tonnes)[15].

Son premier lancement a eu lieu le 9 mars 2008.

Avec la réussite de ce lancement de Jules Verne (nom du premier ATV), Arianespace peut envisager d’utiliser la fusée Ariane 5 ES à d’autres fins, comme celle de lancer par grappes plusieurs satellites de la constellation Galileo

Ariane 5 ECA

Coupe verticale de la fusée Ariane 5 ECA.

Depuis fin 2009, c'est la seule version utilisée. Elle a été tirée 31 fois entre le 11 décembre 2002 et le 20 mai 2011 (1 seul échec).

Les évolutions du lanceur à l'étude

Les limites de la version ECA

  • Ariane peut rester concurrentielle tant qu'elle peut lancer deux satellites en orbite géostationnaire. La croissance du poids des satellites géostationnaires pourrait remettre en question la position bien établie du lanceur sur le segment des satellites commerciaux en orbite géostationnaire. Le satellite TerreStar-1 (6,7 tonnes au lancement), a établi un nouveau record de masse mais le lanceur Ariane 5, chargé de le placer en orbite, n'a pu effectuer de lancement double, et le prix du lancement a dû être acquitté par le seul opérateur de TerreStar-1. Si cette situation se généralisait, les lanceurs aux capacités plus faibles et optimisés pour un lancement simple, comme Proton-M d’ILS et Zenit-3 pourraient devenir plus concurrentiels qu'ils ne le sont actuellement[16].
  • Le deuxième étage de Ariane 5 ne peut pas être ré allumé contrairement aux lanceurs Zenit et Proton, qui utilisent cette technologie depuis plusieurs décennies. Les orbites de certains satellites nécessitent cette capacité. C'est ainsi que le lancement le 20 avril 2009 d’un satellite militaire italien (Sicral-1B) a été confiée au lanceur russo-ukrainien Zenit-3 et non à une fusée européenne.

Les caractéristiques de la version ME (Midlife Evolution)

Pour pallier ces limitations, il est prévu de développer une version ME. Celle-ci comporte un nouvel étage supérieur cryotechnique et réallumable qui utilise le nouveau Vinci plus puissant en cours de développement chez Snecma (Safran). Grâce à cet étage Ariane 5 ME serait alors capable de lancer jusqu'à 12 tonnes en orbite de transfert géostationnaire (GTO).

Le lancement de cette version a jusque là été retardée pour des raisons budgétaires. Les problèmes de jeunesse du lanceur ont absorbé les fonds disponibles. La version ME sera lancée lorsque le besoin de lancer deux satellites de six tonnes en GTO se concrétisera[17].

Charge utile des principales versions en fonction de la destination[18]
Version Ariane 5G Ariane 5ECA Ariane 5ME
Station spatiale internationale (t) 19,7 18,3 23,2
Orbite de transfert géostationnaire (t) 6,6 9,3 12
Injection vers la Lune (t) 5 7,8 10,2
Orbite lunaire (t) 3,6 5,65 7,45
Sol lunaire à l'équateur (masse charge utile) (t) 1,8 (0,9) 2,8 (1,4) 3,7 (1,8)
Sol lunaire au pôle (masse charge utile) (t) 0,9 (0,4) 1,4 (0,7) 1,85 (0,9)
Injection vers orbite martienne (t) 3,25 5,15 8
Orbite martienne (t) 2,25 3,6 5,6

Caractéristiques techniques détaillées des différentes versions de la fusée Ariane 5

Historique des lancements

Le lancement du 5 octobre 2007

Au 21 septembre 2011, 60 tirs d'Ariane 5 ont été effectués, toutes versions confondues, et les 46 derniers lancements ont été réussis (dont 32 d'affilée pour la version ECA). Le taux de fiabilité s'établit à 95 % (deux échecs complets et deux échecs partiels, considérés dans le calcul comme des demi-échecs). Ce taux de fiabilité se décline en fonction des versions de la manière suivante :

  • Version G, G+ et GS : 92 % (1 échec complet et 2 échecs partiels, considérés dans le calcul comme des demi-échecs, pour 25 tirs) au 18 décembre 2009.
  • Version ECA : 97 % (1 échec complet pour 33 tirs) au 21 septembre 2011.
  • Version ES : 100 % (Aucun échec pour 2 tirs) au 16 février 2011.

Ariane 5 est souvent utilisé pour placer en orbite géostationnaire des satellites de télécommunications lourds : début 2011 le record était détenu par TerreStar-1 (6,9 tonnes) lancé le 1er juillet 2009 ; à la même date la charge utile la plus importante placée en orbite géostationnaire était constitué par les deux satellites Yahsat Y1A et Intelsat New Dawn lancés le 22 avril 2011 par le vol VA201 qui représentaient une masse totale de 8 956 kg[19]. En orbite basse la charge la plus lourde mise en orbite par Ariane 5 est le cargo spatial européen ATV Johannes Kepler de 19 700 kg destiné à ravitailler la station spatiale internationale (orbite de 250-300 km) lancé le 16 février 2011 par le vol V200. Le satellite d'observation de la Terre ENVISAT de 8 200 kg placé sur une orbite héliosynchrone (800 km d’altitude) le 1er mars 2002 par le vol 145 est début 2011 le plus gros satellite placé en orbite basse par Ariane 5.

Notes et références

  1. Mark Wade, « Ariane 5 » sur Astronautix.com, 2008. Consulté le 27 août 2008
  2. http://www.astrium.eads.net/fr/programme/ariane-5.html Ariane 5 sur le site d'EADS Astrium
  3. La famille de lanceurs Ariane 5
  4. http://www.cnes.fr/web/CNES-fr/771-ariane-5-en-quelques-chiffres.php
  5. Stats F1, http://www.statsf1.com/default.asp?From=/engines/fiche.asp?idMoteur=37
  6. http://www.capcomespace.net/dossiers/espace_europeen/ariane/ariane5/caracteristiques.htm
  7. L'ensemble de lancement Ariane - CNES, consulté le 7 février 2009
  8. Les zones de production des étages Ariane - CNES, consulté le 7 février 2009
  9. (en) Design by Contract: The Lessons of Ariane, Jean-Marc Jézéquel et Bertrand Meyer, Eiffel Software
  10. Les Vols Ariane 5 : V88 - V101 - V112 - V119 - V128, sur le site du CNES
  11. Échec du vol Ariane 501
  12. Launcher (log des lancements) sur Gunter's Space Page
  13. FAA Semi-Annual Launch Report: Second Half of 2009, Federal Aviation Administration - Office of Commercial Space Transportation [PDF]
  14. Quelques détails du lancement de l’ATV Ariane et l’ATV : le lancement de l’ATV, la famille Ariane 5, les vols habités, Galileo...
  15. Trois succès majeurs de l’Europe spatiale : Ariane 5 ES, amarrage de l’ATV et de Colombus à la station spatiale internationale (ISS)
  16. Ariane 5, ses succès et la concurrence internationale
  17. Flashespace L'après Ariane 5 en question
  18. Michel Eymard (CNES), « Une gamme de lanceurs pour l'Europe (Présentation Arts et Métiers Novembre 2009) », 2009, p. 23
  19. Ariane 5 offre une performance record avec deux charges utiles
  20. Ariane 502 - Results of detailed data analysis

Annexes

Bibliographie

  • Shirley Compard, « De Diamant à Ariane 5 : des sables d'Hammaguir à la forêt guyanaise », dans Revue aerospatiale, N° hors série 20 ans d’Aerospatiale, janvier 1990
  • Ariane, une épopée européenne, W.Huon, éditions ETAI
  • Les Débuts de la recherche spatiale française, éditions EDITE

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