Ordonnances du GPRF relatives à l’épuration

Ordonnances du GPRF relatives à l’épuration

Ordonnances du GPRF relatives à l'épuration

À la Libération, afin d’épurer la population française le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) s’est doté d’un arsenal législatif. Il créa des juridictions d’exception et un état juridique nouveau, l’état d’indignité nationale.

Sommaire

Ordonnance du 18 août 1943

Ordonnances du 26 juin 1944 et du 28 novembre 1944

Ces ordonnances ont pour objet d’organiser l’épuration en France après la Seconde Guerre mondiale.

Ordonnance du 26 juin 1944

L’ordonnance du 26 juin 1944, intitulée Ordonnance du 26 juin 1944 relative à la répression des faits de collaboration comporte un seul titre, et 36 articles [1]. Elle corrige l’ordonnance du 18 août 1943, l’augmente et rend l’épuration possible en France. Elle est publiée au Journal Officiel (J-O) du GPRF à Alger le 6 juillet 1944.

L’article premier indique l’objet de l’ordonnance : juger les infractions commises entre le 16 juin 1940[2] et le moment de la Libération, en vertu des lois en vigueur au 16 juin 1940, « nonobstant toute législation en vigueur » (article 1). Ainsi, dans ce texte le GPRF nie de fait toute la législation du gouvernement de Vichy, comme il le fit de manière encore plus précise dans l’ordonnance du 9 août 1944.

L’article deux donne aux résistants, et aux troupes alliés le même statut légal que l’armée française. Ce qui permet d’accuser d’intelligence avec l’ennemi et de trahison (articles 75 et suivants du code pénal) les miliciens, et les auxiliaires de la police allemande, entre autres.

Le troisième article absout ceux qui ne font qu’obéir à des ordres, sans aucune « initiative personnelle ». Mais, le texte précise bien que les décrets-lois de l’« autorité de fait se disant gouvernement de l’État français » ne peut servir de justificatif légal (« Au sens de l’article 327 du code pénal » précise le texte) aux actions des donneurs d’ordres, ni aux délateurs, même ceux qui étaient rétribués.

Le sixième article précise que la cour de justice créée pour juger des faits de collaboration fonctionne comme une cour d’assise. Ainsi il n’existe pas d’appel. L’article vingt-cinq indique que le condamné a vingt-quatre heures pour se pourvoir en cassation. En cas de rejet le dernier recours est la grâce présidentielle (article 30).

Ordonnance du 28 novembre 1944

L’ordonnance du 28 novembre 1944 (« portant modification et codification des textes relatifs à la répression des faits de collaboration »[3]) abroge celle du 26 juin. Elle en reprend une partie, la modifie et la complète de façon importante. Elle comporte 6 titres et 83 articles, et est signée Jules Jeanneney.

L’article premier de l’ordonnance du 28 novembre 1944 contient les mêmes dispositions que celui de l’ordonnance du 26 juin 1944 avec une innovation : la cour de justice étend sa compétence aux actions révélant « l’intention de leurs auteurs de favoriser les entreprises de toute nature de l’ennemi » antérieures au 16 juin 1940. La législation du GPRF se rapproche alors de celle de Vichy (procès de Riom) en tentant de juger la défaite militaire comme le résultat du travail de certains traîtres (Pétain, Pierre Laval, et consorts).

Le reste du texte expose « la composition et la formation de la cour de justice » (Titre II), « l’instruction et [..] la poursuite devant la cour de justice » (Titre III), « la procédure devant la cour de justice » (Titre IV), le « pourvoi en cassation et [le] recours en grâce » (Titre V), les « peines applicables et [..] leur exécution » (Titre VI), sans apporter de modifications de fond à l’ordonnance du 26 juin 1944. Cependant après la création des chambres civiques des cours de justice (ordonnance du 26 août 1944) le texte reprend la notion d’indignité nationale. L’article 79 indique : « Toute condamnation mettra le condamné en état d’indignité nationale ».

Ordonnances du 26 août 1944, du 30 septembre 1944, du 26 décembre 1944, du 9 février 1945

Indignité nationale

Article détaillé : Indignité nationale.

Pour éviter que les collaborateurs ne puissent occuper des postes à responsabilités, il faut pouvoir en limiter l’accès. La « nécessité d’une purification de la patrie »[4] oblige à tenir compte alors de ce que l’on peut appeler la collaboration « diffuse ». Car la loi n’a pas défini toutes les formes de collaboration, et sans enfreindre directement la loi des personnes ont soutenu les idées totalitaires. L’ordonnance du 26 août 1944 vise à compléter la liste des crimes relevant de la collaboration et instaure un état d’« indignité nationale ». Par l’adhésion à des partis collaborationnistes, la diffusion des idées nazies ou vichystes, des Français se sont mis en état d’indignité nationale au sens de l’ordonnance.

Les chambres civiques des cours de justice sont chargés de déclarer les personnes mises en cause en indignité nationale ou pas. Lorsque l’accusé est mis en état d’indignité nationale il est condamné à une peine de dégradation nationale. La peine est infligée pour une durée donnée, à temps, ou à pour toujours, à perpétuité. L’indignité sert de peine complémentaire dans les cours de justice, alors qu’elle est la peine principale dans les chambres civiques.

La condamnation s’inscrit sans conteste sur le terrain de la justice politique. Car la loi prévoit d’« interdire à certains individus diverses fonctions électives économiques et professionnelles qui donnent une influence politique à leurs titulaires », écartant ceux qui ont mal choisi leur camp de la haute fonction publique, comme des mandats syndicaux et politiques. Les notions de « citoyen indigne » ou de « pratiques antinationales » montrent la volonté d’entreprendre une épuration politique au sens propre du terme.

Ordonnance du 26 août 1944

L’ordonnance du 26 juin 1944 ne suffit pas à englober tous les cas de collaboration, certaines formes ne relevant pas du code pénal aussi par l’ordonnance 26 août 1944 le GPRF a créé l’« indignité nationale ». Voir juste au-dessus l’ordonnance du 26 août 1944 instituant l’état d’« indignité nationale » commence par un long exposé des motifs [5]. Expliquant les fondements de l’indignité nationale. Des mots très forts, tel « citoyen indigne » ou « pratiques antinationales », sont employés et démontrent une volonté manifeste d’organiser une épuration politique. L’accusé convaincu d’indignité nationale par la justice subit une peine de dégradation nationale, ce qui entraîne une série de « déchéances : privation des droits civiques, destitution des fonctions, dégradation militaire, incapacités d’ordre professionnel et syndical, interdiction de séjour ».

L’article premier dresse une liste d’actions relevant de l’indignité nationale et donc d’acteurs : les membres des gouvernements de l’autorité de fait (ref), les responsables du ministère de la propagande et du Commissariat général aux questions juives, les adhérents au 16 juin 1940 des partis ou organismes collaborationnistes[6], les organisateurs de « manifestations artistiques économiques ou politiques [...] en faveur de la collaboration », et toute personne ayant par écrit ou par la parole devant public fait l’apologie des Allemands, « du racisme ou des doctrines totalitaires ».

L’article 2 crée les sections spéciales (qui changeront de nom pour devenir les chambres civiques) des cours de justice chargés d’instruire et de juger les affaires relevant uniquement de l’indignité nationale. Cet article permet à l’accusé de se prévaloir d’avoir racheté ses fautes par des actions ultérieures pour la Résistance, et ainsi, d’être acquitté.

De plus les articles 9 et 10 précisent les incapacités (Incapacité à travailler pour la justice ou être témoin ou juré, à travailler dans l’enseignement ou être tuteur, à diriger un média, à travailler dans le secteur bancaire et des assurances, à participer à un organisme représentant des travailleurs) et les modalités d’interdiction de séjour.

Par la suite, 3 ordonnances viennent modifier les dispositions établies dans celle du 26 août 1944.

Ordonnance du 30 septembre 1944

La courte ordonnance du 30 septembre 1944[7], six articles, modifiant celle du 26 août 1944, a deux fonctions :

  • changer le nom de la section spéciale créée au sein des cours de justice pour instruire et juger les cas relevant de l’indignité nationale, qui devient la chambre civique ;
  • modifier les sanctions possibles en ajoutant « la confiscation de tout ou partie des biens de la personne déclarée coupable ».

Ordonnance du 26 décembre 1944

L’ordonnance du 26 décembre 1944 abroge celle du 26 août 1944[8]. Elle comprend vingt-neuf articles, elle est plus précise et plus fonctionnelle que la précédente, notamment pour la procédure. Elle modifie la liste des partis et organismes collaborationnistes pour n’inclure que ceux ayant eu une réelle audience. La date d’adhésion valant accusation devient le 1er janvier 1941, même pour le P.P.F., le Parti franciste et le M.S.R.

Ordonnance du 9 février 1945

La législation sur l’« indignité nationale » est complétée par l’ordonnance du 9 février 1945[9]. Son but est de « suspendre provisoirement l’exercice des droits de vote, d’élection et d’éligibilité » pour les personnes ayant une affaire en instruction à la chambre civique. La décision est prise sur requête du commissaire de la république. Cette pratique préventive vise à débarrasser les listes de vote des éléments les plus compromis n’ayant pas encore été jugés à l’approche des élections municipales.

Autres ordonnances

L’épuration est l’occasion de produire tout un tas de textes catégoriels, dont voici quelques exemples :

  • Ordonnance du 12 novembre 1944 relative à l’épuration des conseils d’administration et du personnel des organismes d’assurances sociales, de mutualité et de prévoyance,
  • Ordonnance du 18 janvier 1945 relative à l’épuration des médecins, dentistes, et sages-femmes,
  • Ordonnance du 2 février 1945 complétant celle du 16 octobre 1944 à l’intention du personnel des coopératives,
  • Ordonnance du 17 février 1945 relative à l’épuration des professions d’artiste dramatique et lyrique, et des musiciens exécutants,
  • Ordonnance du 5 mai 1945 relative à la poursuite des entreprises de presse, d’édition, d’information et de publicité coupables de collaboration avec l’ennemi.

Rétroactivité des ordonnances

L’épuration pose un problème en droit. La justice démocratique ou définie comme telle doit respecter certaines règles pour rester définie comme démocratique. Ainsi elle doit se préserver des lois rétroactives. L’illégalité définitive du régime de Vichy permet la mise en place d’une répression à la fin de la guerre. Malgré cela, il subsiste des problèmes car les ordonnances du 26 juin et du 28 novembre 1944, et les suivantes, intègrent des éléments rétroactifs. Elles définissent la nature des crimes et la justice ne peut amener un justiciable devant les tribunaux pour un crime commis avant la définition de la loi réprimant ce crime (Article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789). Or au vu des ordonnances, respecter certaines lois de Vichy, devient un crime à la Libération.
L’épuration était perçue comme totalement légitime, même si les troubles du temps et ce que d’aucuns appellent la nature humaine ont entraîné des bavures. Cependant, le droit fut un peu malmené.

Ressources

Bibliographie

  • Marcel Perthuis, « Les cours de justice sont-elles des cours d’injustice », Esprit, août 1947, pages 195-211.
  • Jean-Marie Domenach et Emmanuel Mounier, « Second dossier sur la justice politique », Esprit, novembre 1947, pages 654-684.
  • « Politique intérieure ; L’épuration depuis la Libération », L’année politique, Le Grand siècle, Paris, 1946, pages 101-105.
  • « Politique intérieure ; Le parti communiste et l’épuration », L’année politique 1946, Le Grand siècle, Paris, 1947, pages 196-201.

Notes

  1. Toutes les références du passage: J-O, 06/07/1944, p. 535.
  2. La démission de Paul Reynaud entraîne la victoire de la ligne défendue par Pétain. Ainsi, la demande d’armistice est donc considérée comme le premier acte illégal, et devient le point de départ de l’ère d’illégalité du gouvernement de Vichy.
  3. Toutes les références du passage : J-O, 29/11/1944, p. 1540-1544.
  4. Toutes les citations du passage : J-O, 28/08/1944, p. 767.
  5. Toutes les citations du passage : J-O, 28/08/1944, p. 767 et suivantes.
  6. Sauf pour le Parti populaire français (PPF), le Parti franciste, et le MSR, dont la date est portée au 1er janvier 1942.
  7. Toutes les citations du passage : J-O, 01/10/1944, p. 852.
  8. Toutes les citations du passage : J-O, 27/12/1944, p. 2078.
  9. Toutes les citations du passage : J-O, 10/02/1945, p. 674 et suivantes.

Voir aussi

  • Portail du droit Portail du droit
  • Portail de la Seconde Guerre mondiale Portail de la Seconde Guerre mondiale
  • Portail de la Résistance française Portail de la Résistance française
Ce document provient de « Ordonnances du GPRF relatives %C3%A0 l%27%C3%A9puration ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ordonnances du GPRF relatives à l’épuration de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужен реферат?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Ordonnances du GPRF relatives à l'épuration — Les ordonnances du GPRF relatives à l épuration ont notamment créé des juridictions d’exception et un état juridique nouveau, l’état d’indignité nationale, pour les personnes jugées coupables de Collaboration. Sommaire 1 Ordonnance du 18 août… …   Wikipédia en Français

  • Epuration a la Liberation en France — Épuration à la Libération en France L’épuration à la Libération en France visait les personnes ayant collaboré avec les autorités d’occupation allemandes. Une épuration par le régime de Vichy avait eu lieu entre 1940 et 1944. À la Libération,… …   Wikipédia en Français

  • Épuration (France) — Épuration à la Libération en France L’épuration à la Libération en France visait les personnes ayant collaboré avec les autorités d’occupation allemandes. Une épuration par le régime de Vichy avait eu lieu entre 1940 et 1944. À la Libération,… …   Wikipédia en Français

  • Épuration à la libération en france — L’épuration à la Libération en France visait les personnes ayant collaboré avec les autorités d’occupation allemandes. Une épuration par le régime de Vichy avait eu lieu entre 1940 et 1944. À la Libération, avant que les cours de justice et… …   Wikipédia en Français

  • Épuration à la Libération en France — L’épuration à la Libération en France visait les personnes ayant collaboré avec les autorités d’occupation nazies. Une épuration politique et antisémite par le régime de Vichy avait eu lieu entre 1940 et 1944. À la Libération, avant que les cours …   Wikipédia en Français

  • Commission d'épuration — Épuration à la Libération en France L’épuration à la Libération en France visait les personnes ayant collaboré avec les autorités d’occupation allemandes. Une épuration par le régime de Vichy avait eu lieu entre 1940 et 1944. À la Libération,… …   Wikipédia en Français

  • Commissions d'épuration — Épuration à la Libération en France L’épuration à la Libération en France visait les personnes ayant collaboré avec les autorités d’occupation allemandes. Une épuration par le régime de Vichy avait eu lieu entre 1940 et 1944. À la Libération,… …   Wikipédia en Français

  • Ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental — Ordonnance du 9 août 1944 Titre Ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental Pays France Territoire d’application France métropolitaine (sauf départements du Bas Rhin, du Haut Rhin …   Wikipédia en Français

  • Chambre Civique — Cour de justice (ordonnance du 26 juin 1944) Article principal : Épuration judiciaire. Les cours de justice sont créées par l’ordonnance du 26 juin 1944 afin de pratiquer l épuration des collaborateurs à la Libération, après la Seconde… …   Wikipédia en Français

  • Chambre civique — Cour de justice (ordonnance du 26 juin 1944) Article principal : Épuration judiciaire. Les cours de justice sont créées par l’ordonnance du 26 juin 1944 afin de pratiquer l épuration des collaborateurs à la Libération, après la Seconde… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”