Mérovingiens

Mérovingiens
Les Mérovingiens par Évariste-Vital Luminais. Galerie d'art de la Nouvelle-Galles du Sud, Sydney.

Les Mérovingiens sont la dynastie qui régna sur une très grande partie de la France et de la Belgique actuelles, ainsi que sur une partie de l'Allemagne et de la Suisse. Ils règnent dès la fin de l’Antiquité (au Ve siècle), immédiatement après la fin de la période gallo-romaine, jusqu'au milieu du VIIIe siècle, lorsque Pépin le Bref se fait couronner roi en 751 et inaugure la dynastie carolingienne. Toutefois cette dynastie a connu des périodes d'unification et d'oppositions entre ses membres contemporains ; on ne peut à proprement parler d'un empire mérovingien.

Cette lignée est issue des peuples de Francs saliens qui étaient établis au Ve siècle dans les régions de Cambrai (Clodion le Chevelu) et de Tournai, en Belgique (Childéric). L'histoire des Mérovingiens est marquée par l'émergence d'une forte culture chrétienne parmi l'aristocratie, l'implantation progressive de l'Église dans leur territoire et une certaine reprise économique survenant après l'effondrement de l'Empire romain.

Le nom mérovingien provient du roi Mérovée, ancêtre semi-mythique de Clovis. Ils étaient aussi appelés "rois chevelus" (rex crinitus) au début de leurs dynasties.

Sommaire

Origine

La dynastie mérovingienne est issue de l'aristocratie franque, une entité politique et culturelle qui traverse certains peuples germaniques. Ceux-ci, réunis en ligue depuis le IIIe siècle de notre ère, ont progressivement intégré le nord-est de l'Empire romain. Depuis les premières années de l'empire, des groupes migrants plus ou moins homogènes n'ont eu de cesse de se déplacer d'est en ouest, poussés par d'autres migrants venus de l'est, et attirés par la stabilité de la Pax Romana en Gaule. Les premiers ont été intégrés à l'empire, soit dans l'armée soit au titre de colons, les suivants ont profité de la débâcle progressive de l'autorité romaine dans ces régions. À la fin de l'Empire, soit au cours de la seconde moitié du Ve siècle, certaines familles franques avaient acquis richesse et autorité -par la loi ou par la force- et formaient l'aristocratie qui verra naître en son sein la dynastie mérovingienne.

Histoire et personnalités

Le baptême de Clovis, d'après le Maître de Saint Gilles, ca. 1500

Le premier représentant historique de la dynastie mérovingienne, Childéric Ier, fils de Mérovée, dominait l'ancienne province romaine de Belgique Seconde. Son fils Clovis n'est lui-même à l'origine qu'un des nombreux petits rois sous le gouvernement desquels se répartissaient les Francs Saliens. Son royaume, qui devait correspondre à peu près à l'étendue de l'ancienne cité romaine de Tournai, ne lui fournissant pas les forces nécessaires pour mener à bien l'attaque qu'il méditait contre Syagrius, officier romain auquel obéissait encore, au milieu de la Gaule envahie, la région d'entre Loire et Seine, il associa à son entreprise ses parents, les rois de Thérouanne et de Cambrai. Mais il profita seul de la victoire. Syagrius défait, il s'appropria son territoire et employa la suprématie écrasante dont il jouissait désormais sur ses anciens égaux, pour se débarrasser d'eux. Soit par violence, soit par ruse, il les renversa ou les fit périr, fut reconnu par leurs peuples et en quelques années étendit son pouvoir à toute la région que le Rhin encercle de Cologne à la mer. Les Alamans qui, établis en Alsace et en Eifel, menaçaient d'une attaque de flanc le nouveau royaume, furent battus et annexés. S'étant ainsi assuré la possession de toute la Gaule septentrionale du Rhin à la Loire, le roi des Francs put se consacrer à la conquête de la riche Aquitaine. Elle appartenait aux Wisigoths. Converti au catholicisme entre 496 et 499, Clovis prétexta de leur hérésie pour leur faire la guerre, les battit à Vouillé en 507 et porta la frontière jusqu'aux Pyrénées. La Provence le séparait encore de la Méditerranée. mais Théodoric n'entendait pas laisser le royaume Franc s'étendre jusqu'aux portes de l'Italie et Clovis dut renoncer à la Provence que Théodoric, pour plus de sûreté, annexa à ses Etats[1]. Cette expansion rapide du royaume des Francs (latin regnum francorum) fut facilitée par sa conversion au catholicisme qui lui assura l'appui de l'aristocratie gallo-romaine et de l'Église catholique. Il installera sa capitale à Paris vers 507.

À la suite de son règne, on fit du nom Mérovingien une ère historique : le peuple sous-jacent à cette appellation était le peuple des Francs, qui donna le nom « France ».

Ce peuple appelé barbare par les Romains était un peuple germanique : aussi, le royaume fut partagé à la mort de Clovis, en 511. Divisé une première fois entre les quatre fils de Clovis – la région de Metz revint à Thierry, Orléans à Clodomir, Paris à Childebert et Soissons à Clotaire – le royaume fut réunifié sous le règne de Clotaire Ier, puis divisé à nouveau entre les fils de ce dernier. Les descendants de Clovis surent cependant étendre le royaume en s'emparant en 532 du royaume que les Burgondes avaient érigé dans la vallée du Rhône, ce qui les mit en possession de la Provence, du Golfe du Lion jusqu'au Rhône : toute l'ancienne Gaule se trouvait soumise à la dynastie mérovingienne.

Cette coutume du partage du royaume pratiquée chez les peuples germaniques constitua une règle de dévolution du pouvoir : celui-ci était partagé à la mort du roi entre les enfants de sexe mâle de ce dernier et le royaume était considéré comme un patrimoine familial. S'ensuivirent une multitude de morcellements, mais également de nombreuses luttes fratricides, menées dans l'espoir de limiter l'éclatement du territoire conquis à l'origine par Clovis.

C'est ainsi que l'on vit, par exemple peu après la mort de Clodomir, l'assassinat des fils de ce dernier par leurs oncles, Childebert Ier et Clotaire Ier. Aussi, la pratique de la vengeance germanique (faide), ensanglanta bientôt la famille royale mérovingienne.

Une querelle familiale opposa pendant près de cinquante ans les deux frères Chilpéric Ier et Sigebert Ier, et leurs femmes et maîtresse respectives, Frédégonde (maîtresse de Chilpéric Ier, qui a fait assassiner Galswinthe sa femme, la sœur de Brunehilde, puis épousa le roi) et Brunehilde (femme de Sigebert Ier). Selon les chroniqueurs Frédégonde se montra d'ailleurs particulièrement cruelle, faisant assassiner :

  • Sigebert Ier en 575 ;
  • tous les autres enfants de son mari Chilpéric Ier, pour s'assurer que le royaume ne revienne qu'à son propre fils ;
  • son propre mari, en 584, après qu'il se fut aperçu qu'elle entretenait des relations avec le maire du palais Landry;
  • Childebert II, fils de Sigebert Ier, en 596.

Après ces cinquante années de troubles vint une période de paix (relative) avec Clotaire II, le fils de Chilpéric Ier, qui réussit à réunifier le royaume des Francs, non sans avoir éliminé les gêneurs et les prétendants au trône. Il rassembla ainsi :

  • l'Austrasie : l'est de la France actuelle, l'est de la Belgique actuelle et les régions rhénanes ;
  • la Neustrie : le nord-ouest de la France actuelle (sans la Bretagne) ;
  • la Burgondie : du nom des Burgondes, un autre peuple germanique qui était demeuré arien à l'époque de Clovis, (l'actuelle Bourgogne, le Nord de la vallée du Rhône et le Centre (Orléans).


Les chroniques[réf. nécessaire] attribuent à Clotaire II (584-629), roi de Neustrie, fils de Chilpéric Ier et de Frédégonde, l'édification d'un château à Clichy dans les Hauts-de-Seine, site probablement découvert à l'occasion d'une chasse. Rien ne permet d'en imaginer la forme ni l'importance. Cependant Clotaire II, en 626, y réunit un concile des évêques et princes de Neustrie et de Bourgogne. Son fils Dagobert Ier, roi des Francs de 629 à 639, s'y maria avec Gomatrude en 629, ce qui laisse penser que le "palais" avait quelque importance.

Parmi ses deux fils, Charibert et Dagobert, le premier mourut prématurément en 632, et son fils Chilpéric décéda peu de temps après, ce qui permit l'unification du territoire. Le court règne de Dagobert Ier marqua alors une période d'apogée et de relative paix dans le royaume mérovingien. C'est également sous son règne que se placent les dernières conquêtes en direction de la Germanie, permettant d'atteindre jusqu'au Danube.

La royauté mérovingienne

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La royauté mérovingienne était patrimoniale et héréditaire, une planification politique d'un groupe de peuples en un seul[2] et au-dessus de la famille. Le roi Franc, comme Clovis, partage son royaume uniquement entre ses descendants mâles, même si une femme peut hériter d'un domaine en pleine possession et non simplement comme usufruitière. Le titre de roi des Francs, ou Rex Francorum en latin, est générique. Il se transmet du père au fils, d'une génération à l'autre, dans la même famille, celle des Mérovingiens.

Une royauté guerrière et sacrée

Caractères généraux

Les trois caractères généraux sont :

  • Patrimoine et hérédité : C'est le principe selon lequel le royaume est un bien qui appartient en propre à la famille régnante et donc qui se partage entre les fils du souverain.
  • Ce qui est important c'est le processus d'unification politique d'un groupe de peuples, en l'occurrence ceux qui composent la ligue franque (Chattes, Chamaves, Tubantes...), en un seul peuple, celui des Francs. Le royaume, c'est le regnum francorum (royaume des Francs). Chaque prince porte le titre de roi des Francs. Le roi règne sur un peuple et non un territoire.
  • Le roi se place au-dessus des familles, c'est-à-dire qu'il a autorité sur les chefs des familles d'hommes libres. Cela est dû au caractère sacré de sa longue chevelure (le mund)[3].
  • La maintien d'une suzeraineté romaine (byzantine) sur le royaume franc, c'est-à-dire le maintien théorique de la Gaule franque dans l'empire romain. En effet, le roi reçoit d'un représentant impérial les insignes de sa charge de représentant de l'empereur[4]

Le roi, un chef de guerre (heerkönig)[5]

  • Le mund : C'est le symbole sacré et divin dont dispose le roi et qui lui accorde chance et protection. Une défaite signifie concrètement la perte du mund. C'est pour le roi une humiliation. Il peut alors être tué ou déposé par un membre de sa famille, et seulement de celle-ci. La tonsure sera pratiquée comme alternative car elle permet de supprimer le symbole visible du pouvoir : la longue chevelure.
  • Le droit de conquête : Le roi devient propriétaire des terres conquises, mais aussi de la population qui s'y trouve. Le peuple n'a donc pas d'existence légale et il est ainsi partagé avec les terres. Des Francs, des Gallo-Romains, des Wisigoths ou des Burgondes peuvent se retrouver séparés par le seul fait que leur territoire d'origine a été divisé entre les fils d'un roi décédé (c'est le cas de l'Aquitaine à la mort de Clovis en 511, partagée en quatre parts.) Pour résumer : avec les partages, il n'y a pas de prise en compte du peuplement selon les origines ethniques, mais selon le patrimoine foncier du territoire.
  • L'armée : Ce n'est pas une armée de métier. Lors de la réunion annuelle de l'hériban, le roi convoque les comtes. C'est à ce moment-là qu'il peut leur expliciter son envie de faire la guerre. Si celle-ci est adoptée, par acclamation, chaque comte doit lever un ost (terme qui désigne aussi une troupe armée seigneuriale au moyen âge) et l'envoyer au roi. Cette pratique explique les conflits (fréquents) qu'il y aura entre Gallo-Romains et Francs car un homme libre, à partir de 14 ans, quel que soit son origine, doit le service militaire au souverain. Le souverain devient alors le heerkönig (prononcez hêêrkeunik). Les effectifs sont de l'ordre de 7 000 à 15 000 hommes en état de combattre.

Un roi divinisé

Le roi fonde son pouvoir sur une force surnaturelle, c'est-à-dire qu'il s'assimile aux dieux et donc qu'il se reconnaît dans les fonctions que ceux-ci possèdent. L'élévation sur le pavois, qui se fait sur le champ de Mars (le 1er mars traditionnellement), est un acte symbolique qui permet au roi de s'élever vers la sphère divine (vers le Ciel comme le souligne Régine Le Jan). La supériorité du roi, comme dépositaire du pouvoir divin, lui donne accès au pouvoir juridique. Il centralise le pouvoir, proclame le droit, rend la justice et s'impose comme le gardien des biens du peuple. Le problème, c'est qu'il a usurpé cette fonction. Chez les Germains, d'où les Francs sont issus, ce sont les prêtres qui possédaient un tel pouvoir. Ils pouvaient excommunier les barons, et le roi leur devait des comptes en temps de paix. Avec la société féodale, et au cours de la domination mérovingienne, il y a une division des droits et des pouvoirs : l'Église peut excommunier les puissants, les puissants peuvent faire pression par la force sur l'Église.

Le roi, une fonction symbolique et sociale

L'élévation sur le pavois

Cette pratique, utilisée par Clovis en 482 et en 508[6], lui confère autorité et domination sur son peuple. Le roi franc détient un pouvoir sacré et divin qui lui permet de remporter des batailles. L'élévation sur le pavois confère au roi une fonction sociale.

Ensuite, la force personnelle et magique du roi, qui devient le heerkönig (chef de guerre) et donc un être surnaturel qui s'inscrit au-dessus et en dehors du groupe. L'emploi du mot "surnaturel" n'est pas anachronique et n'est pas non plus là pour faire joli, mais il s'agit d'une réalité de l'époque. Le roi se considérait comme un être surnaturel, fils des dieux, puis fils de Dieu (après le baptême de Clovis en 496, 498 ou 499, mais surtout après le sacre de Pépin III en 754 par le pape Etienne II).

Le roi devient, enfin, le gardien des biens du peuple et donc il s'accapare la fonction de juge suprême. Le roi fait sienne la fonction judiciaire alors qu'elle était l'apanage du clergé. L'élévation sur le pavois confère donc à Clovis une fonction de justice. Une justice qui se voulait équitable et pour laquelle les Francs attachaient de l'importance. La lex salicae, ou Loi Salique, en est une preuve écrite. La justice était rendue par paiement d'amendes selon la règle du Wergeld.

Le mythe des origines

Pour fonder un mythe des origines, il faut une lignée royale ou princière. Il s'agit de celle de Mérovée. Il faut bien sûr distinguer celle donnée parfois par les chroniqueurs et qui remonte jusqu'à Priam, et celle dite "historique" qui remonte à Clodion. Le charisme religieux fait référence à la légende que cite Godefroid Kurth sur la naissance de la lignée mérovingienne. Mérovée serait né de la liaison entre la femme de Clodion et un dieu mi-homme mi-taureau. Le roi, par cette origine divine, devient un héros au sens Romain du terme (mi-homme, mi-dieu) et donc il domine les forces de fécondité et de fertilité du peuple et de la terre puisque les dieux les possèdent. Une famine et une épidémie peuvent donc être mises sur le compte du roi. Cela était surtout le cas pour les Germains. Chez les Francs, ce sont surtout les défaites militaires qui lui seront reprochées.

Le roi, un individu socialisé ?

Le maléfique
  • La luxure[7] : Les péchés sexuels ont une origine sacrée. Le roi domine les forces de la fécondité et donc lui seul peut afficher sa polygamie. Il possède ainsi une épouse principale (la reine), des épouses secondaires (gage de fidélité entre la parentèle du roi et celle de l'épouse) et enfin des maîtresses (souvent des servantes ou des esclaves). L'épouse secondaire n'a pas les mêmes droits que l'épouse principale, mais ses enfants peuvent hériter de leur père. Le mariage de Clovis, en 484, avec une princesse franque rhénane, est un gage de fidélité dont l'objectif est de rapprocher les deux branches des Francs.
  • Le luxe : Le roi franc aime le luxe, l'or, la belle vaisselle, les honneurs, les beaux habits... La perte de cette richesse extérieure, après la mort de Dagobert en 639, sera une des causes de la perte d'influence des souverains. Cette richesse permettait au roi de se démarquer du commun des mortels et donc afficher son autorité. Peu à peu, ce sont les maires du palais qui prennent cette importance. C'est le cas de la famille Pippinide (celle de Charles Martel).
Le bénéfique
  • La prospérité[7] : Le roi doit faire prospérer son royaume économiquement et territorialement afin de pouvoir afficher sa richesse (sa luxure, qui est un des sept péchés capitaux). Le roi commande au tonnerre et aux récoltes.
  • La guerre : En campagne, le roi est porté par les dieux et donc il est tout puissant. Ses origines guerrières, animales, génèrent en lui une force surhumaine et donc surnaturelle. Tout est lié.
Rupture avec la société
Le roi rompt avec le monde de "l'homme ordinaire" car il génère du sacré. De plus, son statut de roi est celui d'un individu hors du commun, au-dessus et en dehors du groupe. Au-dessus, c'est-à-dire bénéfique, et en-dehors, c'est-à-dire maléfique.

[réf. nécessaire]

Conceptions et organisation du pouvoir mérovingien

Les rois francs étaient en principe élus par les hommes libres du peuple, un concept juridique qui recouvrait à l'origine des situations sociales diverses. Ces hommes libres, que Grégoire de Tours désigne sous le nom de Francs, furent progressivement assimilés à un groupe supérieur de la société, des "Grands" qu'on ne peut pas encore appeler noblesse. Cependant le principe héréditaire prévalut et les « Grands » durent choisir le souverain parmi les descendants mâles de la famille mérovingienne, ainsi érigée en dynastie. Les rois mérovingiens détenaient le mund, puissance charismatique et surnaturelle transmise par le sang et légitimée par les victoires du chef. On pensait alors que l'ascendant magique du roi franc résidait dans sa chevelure : ils sont surnommés les "rois chevelus" (en latin Reges criniti[8]). C'est pour cette raison que le dernier des rois mérovingiens, Childéric III, fut tondu avant d'être enfermé par le nouveau roi, comme nombre de ses prédécesseurs qui avaient été écartés du trône. En 750, les derniers Mérovingiens, appelés ultérieurement « rois fainéants » par Eginhard pour légitimer la prise de pouvoir carolingienne, avaient depuis longtemps perdu tout pouvoir, excepté dans les apparences. Ce fut le temps d'une nouvelle dynastie franque issue de l'aristocratie austrasienne : les Carolingiens, dont le premier roi, Pépin III, dit le Bref, aussi nommé Pépin le Pieux, fut couronné et sacré après avoir déposé Childéric III, le dernier Mérovingien, avec l'aval du pape Zacharie.

La puissance de la dynastie mérovingienne s'appuyait surtout sur un réseau de fidélités. Les rois distribuaient terres, revenus et charges « publiques » à partir du trésor royal (le fisc) pour s'assurer le soutien de l'aristocratie. Le trésor royal, à la fois privé et public (car le roi était émanation du peuple), s'était ainsi substitué aux « biens publics » de l'époque romaine, évolution qui jeta les bases de la vassalité.

Le régime de la clientèle, hérité de l'empire romain, autorise au faible de se mettre sous la protection, le mundium ou mainbour, d'un puissant en échange de sa liberté ou de son indépendance. Ce procédé nommé recommandation exige du protégé qu'il serve son protecteur selon un contrat synallagmatique[9]. Le père de famille protège ses enfants de son mundium jusqu'à leur puberté ou jusqu'à ce qu'il soit apte à porter des armes. Les filles restent sous le mundium de leur père jusqu'à leur mariage, faisant du mari le nouveau protecteur. Le fiancé achète au père de la mariée son mundium par un sou ou un denier symbolique pour ses fiançailles (desponsatio). Le fiancé fait a son tour une donation dos ex marito et se voit remettre sa promise[10].

L'administration du palais royal était confiée à des officiers domestiques, fidèles et compagnons du roi :

  • le « connétable » était chargé des écuries royales ;
  • le « maréchal » s'occupait du tribunal ;
  • le « référendaire » envoyait les ordres écrits du roi dans les régions où le pouvoir de ce dernier s'exerçait ;
  • mais c'est surtout la charge de « maire du palais » qui prit de l'importance, en raison de son rôle central au cœur des relations du pouvoir avec l'aristocratie.
Fibules mérovingiennes

Le pouvoir local était conféré aux comtes, aux évêques qui furent progressivement nommés par le roi.

Le comte (comes ou « compagnon » du roi) dirigeait une circonscription (pays ou pagus) et constituait un véritable relais du pouvoir. Ses fonctions étaient diverses : il convoquait les hommes libres à l'armée, recevait leur serment de fidélité et levait ainsi les armées (l'ost). La charge de comte était promise à un bel avenir : elle survécut durant tout le Moyen Âge et ses titulaires affirmèrent leur indépendance chaque fois que le pouvoir central défaillait. Ainsi, dès l'époque mérovingienne, certains comtes formèrent de véritables dynasties et devinrent incontrôlables, surtout dans les régions périphériques du royaume. Une partie de l'aristocratie du royaume constitua alors une noblesse héréditaire.

Succession chez les Mérovingiens

Lors du traité entre l'Empire Romain et les Francs Saliens, que dirigent des rois qui deviendront les Mérovingiens de l'historiographie, il est rappelé que la succession à la charge de Général reste la prérogative du Princeps romain. Rapidement, celui-ci n'est plus en mesure d'imposer ses choix; il ne peut donc que les valider, à la demande du général qui a pris le commandement après la mort de son prédécesseur. Dans les faits, le général, roi pour son peuple, est nommé selon les usages germaniques qui prévalent au sein de son peuple, et ce choix est validé par le Princeps[11].

Le royaume franc était considéré d’après la tradition germanique comme un bien patrimonial, c’est-à-dire que le royaume constituait le domaine familial du roi. Il n’y avait plus de distinction entre l’État, sa personne et son bien. Les victoires militaires aboutissaient donc à l’accroissement de la propriété familiale du roi. Ce partage était issu de la loi salique germanique. Cette loi excluait les femmes de la succession tant qu’il restait des héritiers mâles. Ainsi à la mort du roi, le royaume était divisé entre ses enfants de sexe masculin même si une femme peut hériter d'un domaine en pleine possession et non simplement comme usufruitière. Le titre de roi des Francs, ou Rex Francorum en latin, est générique. Il se transmet du père au fils, d'une génération à l'autre, dans la même famille, celle des Mérovingiens.

Il faut néanmoins savoir que l'expression loi salique désigne deux réalités bien différentes.

  • Dans le haut Moyen Âge, il s'agit d'un code de loi élaboré, selon les historiens, entre le début du IVe siècle et le VIe siècle pour le peuple des Francs dits « saliens », dont Clovis fut l'un des premiers rois. Ce code, rédigé en latin, et comportant de forts emprunts au droit romain[12], établissait entre autres les règles à suivre en matière d'héritage à l'intérieur de ce peuple.
  • Plusieurs siècles après Clovis, dans le courant du XIVe siècle, un article de ce code salique fut exhumé, isolé de son contexte, employé par les juristes de la dynastie royale des Valois pour justifier l'interdiction faite aux femmes de succéder au trône de France. À la fin de l'époque médiévale et à l'époque moderne, l'expression loi salique désigne donc les règles de succession au trône de France. Ces règles ont par ailleurs été imitées dans d'autres monarchies européennes. L'éviction des femmes du pouvoir par cette loi s'appuie sur un certain nombre de faux en écriture, de mensonges et d'omissions de l'Histoire, étudiés par l'historienne Éliane Viennot[13], qui montre aussi que cette éviction a suscité dès le XIIIe siècle des résistances et des conflits, dont les acteurs et les actrices restent encore pour la plupart absents des manuels scolaires.
Copie manuscrite sur vélin du VIIIe siècle de la loi salique. Paris, bibliothèque nationale de France.
Article détaillé : Loi salique.

Difficultés pratiques

La première difficulté pratique était que le royaume devait être divisé équitablement. La mort du roi était suivie de nombreux pourparlers afin de décider de quelles régions allait hériter chaque fils. Ensuite, le partage du royaume faisait qu’il n’y avait plus un seul souverain à la tête d’un grand royaume mais plusieurs souverains à la tête de plusieurs petits royaumes ce qui affaiblissait considérablement le pouvoir de la dynastie franque. Cependant, le partage du royaume n’était pas aussi anarchique qu’on pourrait le croire. Bien qu’ayant chacun un bout de territoire franc, ils souhaitaient tous préserver l’unité du Regnum (royaume) (unification politique des peuples de la ligue franque (Chattes, Chamaves, Tubantes...), en un seul peuple, celui des Francs). Chaque héritier était donc considéré comme Rex Francorum, c’est-à-dire roi des Francs. Le roi règne sur un peuple et non un territoire. Cette recherche d’unité était telle que les frontières ont toujours été très défendues contre les différentes tentatives d’invasion. Ainsi, bien que divisé, le royaume franc était toujours considéré comme une unité. Enfin, Paris ancienne capitale sous Clovis, a perdu ce rôle pour devenir le symbole de l’unité du royaume car elle était exclue des partages.

Conséquences politiques

Plusieurs parties de territoires pouvaient être réunies par la force ou si l’un des frères mourait sans enfants.

Le partage du royaume créa donc des conflits fratricides dictés par la convoitise qui étaient généralement suivis par des meurtres en série ou des guerres entre royaumes frères.

Prenons l’exemple de Clovis Ier : sa mort a été suivie du premier partage du royaume entre ses quatre fils : Théodoric, Clodomir, Childebert, Clotaire. Clodomir mourut lors d’une des nombreuses conquêtes qu’entreprirent les quatre frères. Les autres massacrèrent alors leurs neveux pour écarter tout héritier sauf saint Cloud qui se fit tondre (la chevelure des rois mérovingiens était légendaire, ils tenaient leur force et leur charisme de leurs cheveux qu’ils laissaient longs). Théodoric mourut après avoir envahi la Thuringe. Ses successeurs le suivirent rapidement suite aux guerres incessantes. Clotaire envahit le territoire de son frère aîné. Childebert mourut peu après sans descendance. Clotaire réunifia donc entièrement le royaume franc. Mais ce fut à la mort de ce dernier que les choses se sont réellement envenimées. Clotaire mourut avec quatre héritiers : Caribert, Chilpéric, Gontran, Sigebert. On procéda donc à un second partage du royaume qui fut suivi d’une longue « saga familiale » tragique confrontant la famille de Sigebert et Chilpéric. Cette querelle familiale, largement alimentée par la haine entre leurs épouses respectives, Brunehilde et Frédégonde, tourna rapidement à la guerre civile (connue sous le nom de faide royale).

Lorsque Sigebert épousa Brunehilde (fille réputée belle, intelligente…), son frère, jaloux, épousera Galswinthe, la sœur de Brunehilde, qui finira finalement étranglée dans son lit par la maîtresse et future épouse de Chilpéric, Frédégonde. La haine s’installera donc entre les deux couples. Les territoires francs passeront de mains en mains. Finalement Sigebert et Chilpéric seront tous deux assassinés par Frédégonde. Les deux reines, toutes deux tutrices s’affronteront en tuant neveux, cousins et oncles afin de mettre leurs fils respectifs sur le trône.

La haine que se voueront Frédégonde et Brunehilde aggravera la division Austrasie – Neustrie. Elle fera perdre toute unité au royaume et freinera le développement de la dynastie mérovingienne. Les conflits familiaux profiteront, par ailleurs, aux maires du palais. Ces guerres vont appauvrir les rois alors que les maires du palais vont s’enrichir et ainsi bénéficier d'un pouvoir croissant qui vont les amener jusqu’au trône avec l'avènement de Pépin le Bref.

Economie et administration sous les Mérovingiens

Jusqu'au règne de Dagobert Ier, l'Etat mérovingien ne se distingue pas fondamentalement de la tradition romaine. Après les troubles profonds dus aux invasions, l'état social du pays reprend son ancien caractère romain. Les terres du fisc impérial passent bien dans les mains du roi mais les grands propriétaires gallo-romains ont, sauf de rares exceptions, conservé leurs domaines, organisés comme ils l'étaient sous l'Empire. Le commerce reprend lentement son activité. Marseille, centre du grand commerce maritime avec l'Orient, reçoit ces marchands syriens que l'on retrouve d'ailleurs dans les villes importantes du sud de la Gaule et qui, avec les Juifs, sont les principaux marchands du pays. Les villes de l'intérieur conservent une bourgeoisie de commerçants parmi lesquels il en est qui, en plein VIe siècle, nous sont connus comme des notables riches et influents.

Grâce à ce commerce régulier qui maintient dans la population une importante circulation de marchandises et d'argent, le trésor du roi, alimenté par les tonlieux, dispose de ressources importantes, au moins aussi considérables que celles qu'il retire du revenu des domaines royaux et du butin de guerre.

Cette civilisation tombe dans une certaine décadence mais elle conserve ses traits essentiels.

Les fonctionnaires importants, choisis parmi les grands, font preuve, à l'égard du pouvoir, d'une singulière indépendance et l'impôt n'est souvent prélevé par le comte qu'à son profit personnel. L'affaiblissement de l'ancienne administration romaine, coupée de Rome, et dont le roi maintient avec peine les derniers vestiges, permet à l'aristocratie des grands propriétaires de prendre, en face du roi et dans la société, une position de plus en plus forte. C'est surtout dans le Nord, en Austrasie, où la romanisation est presque complètement effacée, qu'elle s'assure, dès le VIIe siècle, une prépondérance absolue.

Cette aristocratie, dont l'action grandit sans cesse, n'a rien d'une noblesse. Elle ne se distingue pas du reste de la nation par sa condition juridique, mais seulement par sa condition sociale. Ceux qui la composent sont, pour parler comme leurs contemporains, des grands (majores), des magnats (magnates), des puissants (potentes), et leur puissance dérive de leur fortune. Tous sont de grands propriétaires fonciers : les uns descendent de riches familles gallo-romaines antérieures à la conquête franque, les autres sont des favoris que les rois ont largement pourvus de terres, ou des comtes qui ont profité de leur situation pour se constituer de spacieux domaines. Qu'ils soient romains ou germaniques de naissance, les membres de cette aristocratie forment un groupe lié par la communauté des intérêts, et chez lequel n'a pas tardé à disparaître et à se fondre dans l'identité des mœurs, la variété des origines. A mesure que l'Etat, auquel ils fournissent les plus importants de ses agents, se montre plus incapable de garantir la personne et les biens de ses sujets, leur prépondérance s'affirme davantage. Leur situation personnelle profite des progrès de l'anarchie générale et l'insécurité publique augmente sans cesse leur influence privée. En tant qu'officiers du roi, les comtes traquent et rançonnent les populations qu'ils sont censés protéger ; mais à partir du moment où ces personnes leur auront cédé leurs terres et leurs personnes et seront venus s'annexer à leurs domaines, ces mêmes comtes, en tant que grands propriétaires, étendront sur eux leur puissante sauvegarde. Ainsi les fonctionnaires mêmes de l'Etat travaillent contre l'Etat, et en étendant sans cesse sur les hommes et les terres leur clientèle et leur propriété privée, ils enlèvent au roi ses sujets directs et ses contribuables.

Le rapport qui s'établir entre les puissants et les faibles ne relève pas simplement du rapport économique entre un propriétaire et son tenancier. Né du besoin d'une protection effective au sein d'une société livrée à l'anarchie, il crée entre eux un lien de subordination qui s'étend à la personne tout entière. Le contrat de recommandation, qui apparaît dès le VIe siècle, donne au protégé le nom de vassal (vassus) ou de serviteur, au protecteur le nom d'ancien ou de seigneur (senior). Le seigneur est tenu non seulement de pourvoir à la subsistance de son vassal, mais de lui fournir d'une manière permanente secours et assistance et de le représenter en justice. L'homme libre qui se recommande conserve les apparences de la liberté, mais en fait, il est devenu un client, un sperans du senior.

Ce protectorat que le seigneur exerce sur les hommes libres en vertu de la recommandation, il l'exerce naturellement aussi et avec plus d'intensité sur les hommes qui appartiennent à son domaine, anciens colons romains attachés à la glèbe ou serfs descendant d'esclaves romains ou germaniques dont la personne même, en vertu de la naissance, est sa propriété privée. Sur cette population dépendante, il possède une autorité à la fois patriarcale et patrimoniale qui tient tout ensemble de la justice de paix et de la justice foncière. Il n'y a là, au début, qu'une simple situation de fait. Mais rien n'illustre mieux l'impuissance de l'Etat que l'obligation dans laquelle il s'est trouvé de la reconnaître. A partir du VIe siècle, le roi accorde, en nombre toujours croissant, des privilèges d'immunité. Il faut entendre par là des privilèges concédant à un grand propriétaire l'exemption du droit d'intervention des fonctionnaires publics dans son domaine. L'immuniste est donc substitué sur sa terre à l'agent de l'Etat. Sa compétence, d'origine purement privée, reçoit une consécration légale. Bref, l'Etat capitule devant lui. Et à mesure que l'immunité se répand, le royaume se couvre de plus en plus de territoires où le roi s'interdit d'intervenir, si bien qu'il ne se trouve plus finalement sous son pouvoir direct, que les minces et rares régions que la grande propriété n'a pas encore absorbées.

La situation est d'autant plus grave que des propriétés du roi lui-même, qui avaient compris à l'origine tout le domaine foncier de l'Etat romain, il ne subsiste plus, à la fin de la période mérovingienne, que d'insignifiants débris. Lambeau par lambeau, en effet, elles ont été cédées à l'aristocratie en vue d'acheter sa fidélité. Les partages continuels de la monarchie entre les descendants de Clovis, la séparation et la réunion alternatives des royaumes de Neustrie, d'Austrasie et de Bourgogne, le remaniement continuel des frontières et les guerres civiles qui en étaient la suite, furent pour les grands une excellente occasion de marchander leur dévouement aux princes que le hasard des héritages appelait à régner sur eux et qui, pour s'assurer la couronne, étaient tout prêts à sacrifier le patrimoine de la dynastie.

Pour la première fois une opposition va se manifester entre l'aristocratie romanisée de Neustrie, et les grands d'Austrasie, restés beaucoup plus proches des mœurs et des institutions germaniques. L'avènement de l'aristocratie amène naturellement les influences locales à se manifester ; la diversité se substitue ainsi à l'unité royale.

La conquête de la Méditerranée par les Musulmans devait précipiter l'évolution politique et sociale qui s'annonçait. Jusqu'alors, au milieu d'une société qui glissait vers le régime de la propriété seigneuriale, les villes s'étaient maintenues vivantes par le commerce, et avec elles une bourgeoisie libre.

Dans la seconde moitié du VIIe siècle, tout commerce cesse sur les côtes de la Méditerranée occidentale. Marseille, privée de navires, meurt asphyxiée, et toutes les villes du midi, en moins d'un demi-siècle, tombent dans une totale décadence. A travers tout le pays, le commerce, que n'alimente plus la mer, s'éteint ; la bourgeoisie disparaît avec lui ; il n'existe plus de marchands de profession, plus de circulation commerciale, et, par contre coup, les tonlieux cessent d'alimenter le trésor royal, incapable de faire face désormais aux dépenses du gouvernement.

L'aristocratie représente, dès lors, la seule force sociale. En face du roi ruiné, elle possède, avec la terre, la richesse et l'autorité ; il ne lui reste plus qu'à s'emparer du pouvoir[14].

Lent déclin des Mérovingiens

À partir de 639 (à la fin du règne de Dagobert Ier) commença l'époque des souverains que le biographe de Charlemagne, Eginhard, nomma les rois fainéants, au IXe siècle dans sa Vita Karoli (Vie de Charlemagne), cela pour légitimer la prise de pouvoir carolingienne. En réalité, leur inaction s'explique surtout par leur faiblesse et leur impuissance. Souvent très jeunes – les querelles familiales pour le pouvoir ne leur laissaient qu'une espérance de vie très faible – les souverains mérovingiens devinrent les jouets de l'aristocratie.

D'autre part, dans un contexte général de crise économique en Occident, les richesses acquises par leurs prédécesseurs s'étaient considérablement amenuisées, suite à l'arrêt des campagnes militaires pour étendre le royaume, aux détournements de l'impôt et aux dépenses engagées pour venir à bout des révoltes et pour acheter la fidélité des vassaux.

L'autorité des Mérovingiens s'affaiblit donc pendant cette période de pauvreté et de déclin de la monarchie, tandis que s'imposaient peu à peu les maires du palais ("major domus").

À l'origine simple intendant, le maire du palais devint avec le temps le réel administrateur du royaume en raison de son rôle central dans les relations avec l'aristocratie franque. Étant issu de celle-ci, en effet, le maire du palais défendait naturellement les intérêts des nobles, ce qui valut aux détenteurs de la charge un prestige croissant.

Progressivement, la charge de maire du palais consista notamment à déclencher les guerres, à négocier les accords avec les pays voisins, à nommer les évêques, les ducs et les comtes.

Des trois maires du palais, celui de Bourgogne disparut assez tôt, puis la lutte s'engagea entre les deux autres.

L'aristocratie foncière d'Austrasie, plus puissante que les grands propriétaires de Neustrie, parce que plus éloignée du roi et de l'ancienne administration romaine, était avantagée dans un Etat presque exclusivement basé sur la richesse foncière. Entre le maire d'Austrasie, Pépin de Herstal, qui représentait les grands, et le maire de Neustrie, Ebroïn, resté fidèle à l'ancienne conception royale, la lutte était inégale : Pépin triompha. Dès lors, il n'y eut plus qu'un maire du palais pour toute la monarchie et ce fut la famille des Pippinides qui la fournit. Depuis longtemps, elle jouissait dans le nord du Royaume d'une situation qu'elle devait à sa richesse foncière. Ses domaines étaient nombreux, surtout dans cette région mi-romane mi-germanique dont Liège, alors un simple village, forme le centre, et se répandaient dans la Hesbaye, le Condroz et l'Ardenne ; Andenne et Herstal étaient ses résidences favorites. De riches mariages augmentèrent encore son ascendant. De l'union de la fille de Pépin de Landen et du fils d'Arnoul de Metz naquit Pépin de Herstal, déjà cité plus haut, qui fut le premier à exercer véritablement la régence dans toute la monarchie franque.

Lorsque les Musulmans envahirent l'Aquitaine, le successeur de Pépin de Herstal, Charles Martel vint leur offrir le combat dans les plaines de Poitiers et l'élan de la cavalerie musulmane se brisa contre les lignes de son infanterie lourde. L'invasion arrêtée reflua ; les Musulmans ne conservèrent en Gaule que les environs de Narbonne, d'où Pépin le Bref devait les expulser en 759.

Le triomphe de Poitiers acheva de faire de Charles Martel le maître du royaume. Il en profita pour lui donner une solide organisation militaire.Jusqu'à lui, l'armée ne s'était composée que des hommes libres, levés dans les comtés en temps de guerre. C'était une simple milice de fantassins, s'équipant à leurs frais, difficile à réunir, lente dans ses mouvements. Après Poitiers, Charles résolut de créer, à l'exemple des Arabes, une cavalerie qui put se porter rapidement au-devant de l'ennemi et remplacer l'avantage du nombre par celui de la mobilité. Une telle nouveauté supposait une transformation radicale des usages antérieurs. On ne pouvait imposer aux hommes libres ni l'entretien d'un cheval de guerre, ni l'acquisition du coûteux équipement de cavalier, ni le long et difficile apprentissage du combat à cheval.

Pour atteindre ce but, il fallait donc créer une classe de guerriers possédant les ressources correspondant au rôle qu'on attendait d'eux. Une large distribution des terres fut faite aux vassaux les plus robustes du maire du palais, qui n'hésita pas à séculariser, à cette fin, bon nombre de biens d'Eglise. Chaque homme d'armes gratifié d'une tenure ou, pour employer le terme technique, d'un bénéfice, fut tenu d'y élever un cheval de guerre et de fournir le service militaire à toute réquisition. Un serment de fidélité renforça encore ces obligations. Le vassal qui n'était au départ qu'un serviteur devint ainsi un soldat dont l'existence fut assurée par la possession d'un lopin de terre. L'institution se répandit très rapidement dans tout le royaume. Les immenses domaines de l'aristocratie permettaient à chacun de ses membres de se constituer une troupe de cavaliers, et ils n'y manquèrent pas. Le nom primitif de bénéfice disparut un peu plus tard, remplacé par celui de fief. Mais l'organisation féodale elle-même, pour l'essentiel, se trouve dans les mesures prises par Charles Martel. Ce fut la plus grande réforme militaire que l'Europe ait connue avant l'apparition des armées permanentes. Elle devait d'ailleurs exercer une répercussion profonde sur la société et sur l'Etat. Dans son fond, elle n'était qu'une adaptation de l'armée à une époque où le grand domaine dominait toute la vie économique et elle eut pour conséquence de donner à l'aristocratie foncière la puissance militaire avec la puissance politique. la vieille armée des hommes libres ne disparut pas, mais elle ne constitua plus qu'une réserve à laquelle on recourut de moins en moins[15].

Les rapports de Charles Martel avec l'Eglise n'avaient pas été harmonieux. Celle-ci lui reprocha ses sécularisations et lui tint rancune qu'il ait refusé de venir au secours de la Papauté pressée par les Lombards alors que le pape Grégoire III lui avait fait l'honneur d'une ambassade spéciale chargée de lui remettre solennellement les clefs du tombeau des apôtres. Moins absorbé par la guerre, son fils Pépin le Bref, qui lui succéda en 741 à la mairie du palais et au gouvernement du royaume, entretint très rapidement des relations suivies avec Rome.

Au moment où il prit le pouvoir, les missions anglo-saxonnes chez les Germains païens d'au delà du Rhin venaient de commencer sous la direction de Saint Boniface. Pépin lui montra tout de suite un zèle et une bienveillance auxquels les apôtres du christianisme n'étaient pas habitués. Les motifs lui en étaient d'ailleurs inspirés par l'intérêt politique. Il comprenait que le moyen le plus efficace de pacifier les Frisons, les Thuringiens, les Bavarois et les Saxons et de préparer l'annexion future, était de commencer par les convertir. D'où l'intérêt qu'il prit aux projets de Boniface, l'appui qu'il lui accorda, ses faveurs à l'égard du siège de Mayence qui, érigé en métropole de la nouvelle Eglise germanique, rattachait celle-ci, dès sa naissance, à l'Eglise franque.

Boniface cependant, fils soumis de la papauté en sa qualité d'Anglo-Saxon, ne s'était mis à l'oeuvre qu'après avoir demandé et reçu l'assentiment et les instructions de Rome. Il se trouva ainsi, grâce aux relations qu'il entretenait avec le maire du palais, l'intermédiaire naturel entre celui-ci et le pape. Or, chacun d'eux, ayant besoin de l'autre, ne demandait qu'à se rapprocher de lui. Pépin, déjà roi de fait, aspirait à l'être en droit. Mais il hésitait à enlever sa couronne à son possesseur légitime, en qui vivait encore une longue tradition dynastique. Afin d'accomplir le coup d'Etat, il fallait pouvoir s'abriter sous la plus haute autorité morale qui fût, en obtenant l'approbation du pontife romain. Le pape confronté à une situation intenable avait également besoin de Pépin. En effet, le moment était venu de rompre avec l'empereur byzantin, dont le césarisme hérétique devenait de plus en plus arrogant, et qui laissait, par impuissance ou mauvaise volonté, les Lombards s'avancer jusqu'aux portes de Rome (Le roi lombard Aistulf s'emparera d'ailleurs de l'Exarchat de Ravenne en 751).

L'alliance se conclut facilement. En 751, des députés de Pépin allèrent gravement demander au pape Zacharie s'il ne convenait pas que le titre royal appartînt plutôt à celui qui exerçait l'autorité suprême qu'à celui qui n'en possédait que l'apparence. Non moins gravement, le pape corrobora leur opinion sur ce point de morale politique. Quelques semaines plus tard, Pépin se faisait proclamer roi par une assemblée de grands. Le dernier descendant de Clovis, Childéric III, fut tondu et envoyé dans un monastère où il finit ses jours. On ignore la date de sa mort. Jamais peut-être aucune dynastie de disparut au milieu d'une telle indifférence et à la suite d'un coup d'Etat plus aisé.

Pour assurer sa légitimité, Pépin fut sacré roi en 754, à Saint-Denis par la pape Etienne II. Son couronnement marqua, par la suite, l'avènement de la dynastie des Carolingiens.

Les Mérovingiens et l'historiographie

À partir du règne de Charlemagne commença une véritable entreprise de dénigrement de la dynastie mérovingienne dont le principal responsable est Eginhard.

Afin de justifier le coup d'État carolingien de 751, celui-ci laissa à la postérité une image bien terne des Mérovingiens que certains historiens du XIXe siècle reprirent, image qui a été diffusée par l'école, et qui est encore dans l'esprit de beaucoup.

Ainsi, il présenta les Mérovingiens comme des rois n'ayant rien fait, n'ayant fait néant, c'est-à-dire sans acte remarquable ; ce que les historiens du XIXe siècle traduisirent par fainéants et que l'image véhiculée, et raillée, par Eginhard des rois se déplaçant en char tiré par des bœufs n'arrangea pas. Or, chez les Francs, peuple d'éleveurs, se présenter en char tiré par des bœufs est un signe de richesse et de pouvoir.

De même, à une époque carolingienne où la mode est aux cheveux courts, présenter les Mérovingiens comme des rois ne se coupant pas les cheveux a également véhiculé cette idée de fainéantise. Or, là aussi, les cheveux longs sont, chez les peuples germaniques, un signe de pouvoir et lorsque Pépin le Bref dépose le dernier roi mérovingien, il prend bien soin de le tondre, plus pour lui retirer un dernier attribut de sa puissance quasi-divine et montrer ainsi qu'il est incapable de régner que pour lui appliquer la tonsure monastique.

Au IXe siècle, à une époque où toute cette mystique païenne du roi germanique est un peu oubliée, Eginhard peut la retourner dans une entreprise de propagande qui a bien fonctionné puisque, encore aujourd'hui, on a une image peu glorieuse de ces rois.

Les nécropoles mérovingiennes

Nécropole mérovingienne de Civaux (France)

Les tombes mérovingiennes étaient des sarcophages de plâtre, des cercueils en bois ou parfois des individus en pleine terre. Celles-ci contiennent usuellement de nombreux bijoux de verre, des armes, des restes de vêtements et diverses offrandes. Ce n'est qu'à l'époque carolingienne, que les offrandes furent interdites par l'Église, en tant que pratique païenne.

De façon générale, les études montrent que les gens étaient durant ces périodes en bonne santé et robustes, et n'avaient que rarement des carences alimentaires.

On trouve très peu de tombes d'enfants. À cette époque, les enfants n'étaient baptisés qu'à l'âge de 3 ou 4 ans, lorsqu'on était certain que l'enfant était en bonne santé et allait vivre, car un baptême coûtait fort cher. Les enfants décédés sans être baptisés étaient donc enterrés en tant que non-chrétiens, hors de l'enclos sacré.

Statut des femmes

Panorama

Frise des Mérovingiens



Notes et références

  1. H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siècle, Paris-Bruxelles, 1939, pp. 35-36
  2. Régine Le Jan
  3. Grégoire de Tours parle de rex crinitus : "Beaucoup rapportent que ceux-ci (les Francs) seraient sortis de la Pannonie et auraient d'abord habité les rives du fleuve Rhin ; puis, après avoir franchi le Rhin, ils seraient passés en Thuringe et là ils auraient créé au-dessus d'eux dans chaque pays et chaque cité des rois chevelus (reges criniti) appartenant à la première et, pour ainsi dire, à la plus noble famille de leur race." (trad. R. Latouche, Les Belles Lettres, 1963, Livre II, page 98)
  4. Karl Ferdinand Werner, naissance de la noblesse, p. 200 et suivantes
  5. Le contenu de cette section a été effectuée d'après un article de Régine Le Jan qu'il est possible de lire sur le site de revues scientifiques Persée
  6. après un discours de Clovis, "en entendant ces paroles ceux qui étaient là applaudirent tant de leurs boucliers que de leurs cris ils le choisirent comme leur roi en l'élevant sur un pavois." Grégoire de Tours, Livre II, chapitre XL.
  7. a et b Régine Le Jan, La sacralité de la royauté mérovingienne, Annales. Histoire, Sciences Sociales 2003/6, 58e année, p. 1217-1241.
  8. Grégoire de Tours parle de rex criniti : "Beaucoup rapportent que ceux-ci (les Francs) seraient sortis de la Pannonie et auraient d'abord habité les rives du fleuve Rhin ; puis, après avoir franchi le Rhin, ils seraient passés en Thuringe et là ils auraient créé au-dessus d'eux dans chaque pays et chaque cité des rois chevelus (rex criniti) appartenant à la première et, pour ainsi dire, à la plus noble famille de leur race." (trad. R. Latouche, Les Belles Lettres, 1963, Livre II, p. 98.)
  9. Georges Tessier, Le baptême de Clovis, éditions Gallimard, 1964, p. 265.
  10. Georges Tessier, Ibid., pp. 266-267.
  11. K. F Werner, naissance de la Noblesse, op. cit.
  12. Bruno Dumézil, « Les Francs ont-ils existé? », L'Histoire, n° 339, février 2009, pp. 80-85.
  13. Voir son livre La France, les femmes et le pouvoir, Volume 1, L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle) publié en 2006
  14. H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siècle, Paris-Bruxelles, 1939, pp. 36-39
  15. H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siècle, Paris-Bruxelles, 1939, pp. 40-42

Annexes

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Bibliographie

  • Grégoire de Tours, Histoire des Francs [détail des éditions] .
  • Georges Tessier, Le baptême de Clovis, éditions Gallimard, 1964 (ISBN 2-07-026218-9).
  • André Corvisier, Philippe Contamine (dir.), Histoire militaire de la France. Des origines à 1717., Tome 1, Paris, PUF, 1992, "Quadrige".
  • Yves Sassier, Royauté et idéologie au Moyen Âge. Bas-Empire, monde franc, France (IVe-XIIe siècle)., Paris, Armand Colin, 2002.
  • Godefroid Kurth, Clovis, le fondateur, Éditions Tallandier, 1896 (réimpr. 2000) (ISBN 2-235-02266-9) .
  • Jean-Pierre Leguay, L'Europe des Etats et des sociétés barbares (Ve-VIIIe siècle), Paris, Belin, 2002, "Europe et Histoire".
  • Régine Le Jan, Les mérovingiens, Que sais-je ?, PUF, 2006 (ISBN 2-13-055481-4).
  • Régine Le Jan, Histoire de la France. Origines et premier essor (480-1180), Paris, Hachette Education, 1ère édition 1996, 2007, "Carré Histoire n°31".
  • Régine Le Jan, La sacralité de la royauté mérovingienne, Annales. Histoire, Sciences Sociales 2003/6, 58e année, p. 1217-1241.
  • Stéphane Lebecq, Les Origines franques, Nouvelle histoire de la France médiévale, volume 1, Paris, Seuil, collection « Points histoire », 1990 (ISBN 2-02-011552-2).

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