Montanistes

Montanistes

Montanisme

Le montanisme est un mouvement chrétien hétérodoxe du IIe siècle fondé par le prophète Montanus en Phrygie, région de la Turquie actuelle. (Mais ne désigner ce "Montàn" ou "Mo-Nathan" ou "Mé-Nanthe" que par un nom latinisé, n'est-ce pas adopter d'emblée le point de vue de l'Eglise romaine sur ce christianisme anatolien ?)

Ce mouvement spontané, tout d'abord indistinct de l’Église d’Ignace d'Antioche, fut ensuite considéré comme hérétique par celle-ci. Ce mouvement, qui se réclamait spécialement de l'évangile selon Jean, est contemporain du marcionisme. (Comme aussi du valentinisme et, en général, d'un premier déploiement "populaire" des christianismes, de sorte que les premières grandes réactions critiques contre les "chrétiens", avec le "Peregrinus" de Lucien et le "Discours de vérité" de Celse, en 178, semblent un contre-coup du mouvement montaniste, déclenché en 172, selon Eusèbe. C'est à cette date que Tatien quitte Rome pour regagner son Orient natal... Car des auteurs chrétiens de la taille de Tatien et Tertullien, que l'on dit "encratites", ont soutenu le "montanisme".)

Sommaire

Histoire

Il est admis (par certains hérésiologues romains) que Montanus serait né à Ardabau, un village de Phrygie (Turquie moderne) au IIe siècle après J.-C., vers 160. (Dans ce cas, il aurait eu 13 ans au moment des premières manifestations du "montanisme" ! Il faut douter de ces "précisions", faites pour dénigrer un leader chrétien capable d'entraîner des Tertullien.) Il fut un chrétien de type charismatique et laissa de la place aux femmes, telles Prisca (ou Pricilla) et Maximilia[1]. ("Laisser de la place" aux femmes relève d'un féminisme très euphémique... En fait, le montanisme, comme d'autres mouvements des débuts du christianisme -valentiniens, marcionistes ou nicolaïtes...- donna une place éminente aux femmes, et ce fut le prétexte à des calomnies païennes, puis de la part de nombreux évêques dans les siècles suivants.) Plutôt que fondateur d'un mouvement religieux chrétien, il propagea un christianisme que ses contemporains nommaient hérésie phrygienne, hérésie cataphrygienne ou encore hérésie pépusienne. Ancien prêtre des idoles (probablement du culte de Cybèle) converti au christianisme, rien ne nous permet de dire qu'il organisa un système ecclésiastique ou même y participa. (Ceci veut dire que les évêques qui rejetèrent le montanisme à des dates mal définies de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe ne reconnurent plus l'Eglise de "Montàn" et qu'ils calomnièrent sa piété mariale en le présentant comme un sectateur de Cybèle...) Jean d'Éphèse alla même jusqu'à déterrer les cadavres du prophète et des prophétesses pour les brûler. (Certes, mais il s'agit d'un évêque monophysite du... VIe siècle, agissant sur ordre de Justinien ! Sa connaissance de la réalité du "montanisme" du IIe siècle est donc d'un intérêt historique limité. En revanche, sa haine posthume du cadavre de "Montàn" pourrait indiquer : 1/que Montàn et ses prophétesses ont eu un rapport, non seulement avec la Phrygie, mais avec l'Eglise d'Ephèse; 2/qu'il y avait encore, 4 siècles plus tard, des chrétiens attachés à des traditions "montanistes" dans des refuges de Phrygie ou de Cappadoce. Ils ont laissé des inscriptions au nord de la Phrygie, datées d'entre 249 et 279.)

Les rites cataphrygiens

Nous ne savons rien des rites montanistes et nous ne pouvons pas considérer qu'ils dérogeaient au strict christianisme asiate. Tout au moins c'est ce que Tertullien, contemporain de Montan admettait (De Jejunio...) C'est aussi le point de vue de Pierre de Labriolle[2] et de Nicolas Robert[3].

Système de croyances

Le montanisme apparait au moment où l'Église s'organise en système. Ces chrétiens rejetaient le clergé et toute hiérarchie, pour mieux exalter le martyre. Le mouvement fondait aussi son système de croyance sur la promesse de Jésus à ses disciples de leur envoyer, après sa mort, le Paraclet, l'Esprit de vérité, qui devait les conduire en toute vérité et demeurer éternellement avec eux pour leur enseigner les choses qu'ils n'avaient pu comprendre pendant sa vie.

Montanus se présenta donc comme l'organe du Paraclet. Il ne prétendait pas être le Paraclet lui-même, mais un médium humain en extase prophétique. Les paroles qu'il proférait étaient non les siennes, mais celles du Paraclet. Ainsi, dans un fragment conservé par Épiphane (au IVe siècle), et qui lui a été attribué, il déclare : « Je suis venu non comme un ange ou un ambassadeur, mais comme Dieu le Père.» (Cette citation ou ce raccourci tardif est à prendre avec des pincettes. Le raccourci final dérive sans doute du johannique : "nul ne connaît le Père que par le Fils"...)

Si "Montàn" est le premier à avoir pris au sérieux le "Paraclet" de "Jean", c'est peut-être en raison d'une proximité fondamentale. (Cette proximité fondamentale se lirait déjà dans la mise en perspective des deux noms : Mo-NaThaN et Me-NaHeM, tout deux construits de la même manière dans leur bon hébreu originaire, sans parler des gématries.) En fait, le montanisme, par sa promotion du "Saint Esprit", en plus du "Père" et du "Fils", semble avoir été le propagateur de ce thème johannique, sinon l'inventeur de la "Trinité". La toute première mention littérale de la "Trinité" est celle du Traité De la Pudeur du montaniste Tertullien (vers 208). Et Hippolyte, à Rome, dix ou vingt ans plus tard, reproche à ses adversaires dans l'Eglise de refuser de reconnaître "la Sainte Trinité".

La condamnation

Les évêques du voisinage condamnèrent le montanisme et excommunièrent ses adeptes. Ces mesures furent approuvées par les principaux évêques d’Asie Mineure. (Dit la tradition épiscopale du christianisme impérial...) Les montanistes protestèrent et s'efforcèrent, en 177, de se concilier la faveur des chrétiens d'Occident, particulièrement de ceux qui étaient emprisonnés pour leur foi. Eusèbe dit que ceux-ci s'adressèrent alors pour la paix de l'Église, à Éleuthère, évêque de Rome. De leur côté, les Orientaux persistèrent dans leur jugement, et s'appliquèrent à le justifier dans de nombreux écrits. Montanus était probablement mort avant ces événements. (Il faut quand même noter que plusieurs auteurs, dont Colin, ont douté que les martyrs de 177 aient été de Lyon, comme Eusèbe l'a assuré vers 325. Cela supposerait que Lyon, en 177, disposait d'un marché kasher, où ces chrétiens, portant tous des noms grecs, pouvaient se ravitailler pour leurs agapes... Le christianisme ne s'est implanté en Gaule, via Arles, qu'un siècle plus tard, alors qu'il prospérait en Galatie -autre région "gauloise"- depuis ses origines pauliniennes. Les martyrs de Claudiopolis furent sans doute ceux d'une ville jouxtant la Galatie et, dans ce cas, ils signaleraient une extension du montanisme, entre 172 et 177, du sud au nord de l'Anatolie.)

Déclarés hérétiques (peut-être par Éleuthère), le baptême donné par eux fut tenu pour nul. On les accusa même de sacrifier des enfants et d'en partager la chair dans leurs mystères. (Mais cette calomnie fantasmatique accompagne toute la naissance des mouvements judéo-chrétiens, du simple fait du "Ceci est Mon Corps"..., et elle fut déplacée, ensuite, sur les juifs par une longue tradition d'antisémitismes "chrétiens". En somme, cette accusation horrible, qui appelle aux pires réprésailles, vient authentifier, pour l'accusateur, le fait que l'accusé présente une proximité insupportable... avec la Cène judéo-chrétienne !...) Les montanistes restèrent donc officiellement réprouvés, quoique sur les points essentiels, ils fussent en communauté de foi avec l'Église.

Montanus ne semble pas avoir présidé longtemps à l'œuvre qu'il avait commencée. (Le plus probable est qu'il mourut en martyr, dès 173, du grand mouvement de professions de foi collectives et publiques qu'il avait déclenché dans l'espoir d'une parousie imminente... Mais les traditions épiscopales n'en gardent pas trace. Du coup, "Montàn" devient par lui-même une grande énigme des débuts du christianisme : qu'est-ce qui a pu provoquer un tel enthousiasme chez des Tatien et des Tertullien ? Ces militants johanniques confondaient-ils "Montàn" avec un autre fondateur du christianisme ?? Ou est-ce une autre confusion qui a rendu, ensuite, son histoire inaudible ??...) Suivant la coutume, des récits orthodoxes le font mourir de mort violente, s'étant pendu comme Judas, de même que son épouse (?) Maximilla. Elle avait survécu à (sa soeur) Priscilla, et croyait être la dernière prophétesse, la fin du monde devant survenir après elle. Elles furent traitées par saint Jérôme de «folles démoniaques et hystériques, causes de nombreux scandales».

En fait après la disparition de ces deux femmes, le montanisme «normalisé» aurait pu reprendre sa place dans L'Eglise. Mais il se serait agi alors d'un culte nettement défiguré. (Quelle "objectivité" historique nous permettrait de considérer que le christianisme "montaniste" fut plus "défiguré" que le christianisme "clémentin" ou constantinien ??)

Devenu une secte isolée, le montanisme connut son apogée dans la Carthage du IIIe siècle, où il fut soutenu par le théologien romain Tertullien. Cependant, au VIe siècle, le montanisme aurait, dans les faits, totalement disparu.

Raspoutine, qui disait avoir étudié les religions christiques «la trouvait fort intéressante.». (A supposer que Raspoutine ait pu parler de "religions christiques", cela ne fait pas de cet épouvantail un héritier "naturel" du montanisme.)

Un autre Montanus

Outre l'hérétique précédent, il existe un saint Montanus, disciple de saint Cyprien de Carthage, qui se fête le 24 février. Né en Afrique, mort décapité en 259 à Carthage.

Article détaillé : Montanus de Carthage.

Sources

Source externe

http://en.wikipedia.org/wiki/Montanism

http://the-historical-rabbi-ishmael.com

Sources anciennes

  • Apollonius de Tyane: Montanus, l’ Extatique Phrygien. –Les enseignements du Montanisme- Matérialisation dans l’Antiquité.
  • Didyme (De Trinitate, III, 41)
  • Tertullien docteur de l'Église catholique : (autour de 202-224) «De Corona, - De Fuga in persecutione, - De Exhortatione castitatis, - De Virginibus velandis, - Adversus Hermogenem, - Adversus Valentinianos, - De Carne Christi, - De Resurrectione carnis, - De Pallio, - Adversus Marcionem, - De Anirna, - Scorpiace, - Ad Scapulam, - De Monogamia, - De Jejunio, - De Pudicitia, - Adversus Praxeam ».

Sources modernes

  • Labriolle, P. de La Crise Montaniste, Genève 1913
  • Trevett, Ch. Montanism, Oxford, 1996
  • Tabbernee W. Montanist Inscriptions and Testimonia, Tulsa, 1998
  • Robert, N. Tertullien montaniste, Grenoble 2000

Références

  1. Trevett, Montanism
  2. La Crise montaniste, 1913
  3. Tertullien montaniste, 2000, mémoire de DEA Grenoble III
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