Mahmoud Djellouli

Mahmoud Djellouli

Mahmoud Djellouli (محمود الجلولي), né vers 1750 et décédé le 29 novembre 1839, est un marchand et diplomate tunisien. Rattaché au clan de Youssef Saheb Ettabaâ, il compte parmi les personnages importants des règnes d'Ali Ier Pacha (1759-1782) et d'Hammouda Pacha (1782-1814).

Les activités de Djellouli illustrent le rôle joué par la mer Méditerranée dans la puissance financière et politique de la Tunisie beylicale : il est en effet un marchand et collecteur de l'impôt corsaire très influent sur les plans socio-économique et politique entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle[1].

Biographie

Mahmoud Djellouli naît dans une influente famille patricienne appartenant à la notabilité provinciale sfaxienne et qui intègre l'aristocratie tunisoise à l'aube du XIXe siècle[2],[3]. Il débute sa carrière de marchand en reprenant les affaires de son père et ses charges administratives : il succède à son père Baccar, mort en 1782, comme caïd de Sfax et cumule cette charge avec celles de caïd de Sousse et du Sahel. Il s'appuie ensuite sur le négoce pour acquérir des postes clés, tout en renforçant ses activités marchandes. Ses principales affaires sont liées à l'exportation des produits agricoles vers le Levant et l'Europe : cuirs et peaux, huile d'olive, céréales, légumes secs, laines, etc. Ses domaines agricoles servent en premier lieu ses approvisionnements mais participent aussi au surplus de la collecte fiscale[4].

Les rivalités franco-britanniques de la fin du XVIIIe siècle offrent à Djellouli l'occasion de participer à l'armement des corsaires[5],[6] ; il compte ainsi parmi les quatre groupes dominants dans leur armement avec les beys, la famille caïdale Ben Ayed et Youssef Saheb Ettabaâ. Les capitaux ne lui manquant pas, il engage des sommes importantes dans des prêts commerciaux (quirâdh) et dans la constitution de sociétés[4].

Le 27 octobre 1795, il forme avec Ahmed Al Kharrat et Ahmed Sallami une société dans laquelle sa participation se monte à 38 505 piastres. Il a alors la plus grosse fortune du pays au point que le bey en fait son ministre des Finances à la fin du XVIIIe siècle[7]. En 1807, ministre et conseiller du souverain, Hammouda Pacha, il avance des fonds pour armer la régence et tente de convaincre les notables de se rassembler dans la guerre contre les Ottomans d'Alger que la régence finit par remporter.

En 1805, il obtient la charge de qumrugi ou grand douanier : il a ainsi le monopole des principales exportations et détient le sceau appliqué aux laissez-passer (teskérès)[8]. Entre 1808 et 1810, il y investit 600 000 piastres pour le bénéfice de ses fils Mohamed, Farhat, Hassan et Hussein. Le bey le nomme ensuite ambassadeur extraordinaire, envoyé et représentant commercial et politique de la régence à Malte entre 1810 et 1813. Durant cette période, il adresse aux autorités tunisiennes des informations d'ordre politique, militaire et surtout commercial, ce qui permet au bey de suivre les achats d'armes en Europe et le recrutement des janissaires d'Anatolie par le dey d'Alger[9].

En 1814-1815, avec la disparition de ses protecteurs Hammouda Pacha et Youssef Saheb Ettabaâ, il abandonne ses fonctions administratives pour poursuivre une carrière commerciale, ce qui ne l'empêche pas de maintenir son influence ; ses fils poursuivent par ailleurs des carrières commerciales et administratives[10].

L'influence de Djellouli et de sa famille a été soulignée par des écrivains étrangers visitant Tunis au début du XIXe siècle. Ainsi, William Jowett et Joseph Greaves rapportent la visite de ce dernier dans la régence de Tunis et décrivent Djellouli en 1826 : « Le grand douanier seigneur Djellouli est réputé pour être très riche et possède donc une grande influence. Ses fils me dit on sont des fermiers d'impôts des régions les plus importantes »[11].

Le prince et écrivain Hermann von Pückler-Muskau se rend lors de sa visite en Tunisie, en 1836, chez le caïd de Sfax Farhat Djellouli, fils de Mahmoud Djellouli ; il dit à propos de ce dernier : « Le caïd de Sfax est le fils du riche Djellouli de Tunis, dont on évalue la fortune à trois millions de piastres et qui est par conséquent un homme d'importance »[12].

Une rue a pris le nom de « rue du Riche » en son hommage[2]. Elle se situe dans la médina de Tunis où se trouve le palais qu'il a acquis en 1794.

Notes et références

  1. Lucette Valensi, « Fellahs tunisiens : l'économie rurale et la vie des campagnes aux XVIIIe et XIXe siècles », éd. Service de reproduction des thèses de l'Université de Lille III, Lille, 1977
  2. a et b Mohamed El Aziz Ben Achour, Catégories de la société tunisoise dans la deuxième moitié du XIXe siècle, éd. Institut national d'archéologie et d'art, Tunis, 1989, pp. 195-197
  3. El Mokhtar Bey, De la dynastie husseinite. Le fondateur Hussein Ben Ali. 1705 - 1735 - 1740, éd. Serviced, Tunis, 1993
  4. a et b Mehdi Jerad, La famille Djellouli : deuxième moitié du XVIIIe-début du XIXe siècles, éd. Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, Tunis, 2001
  5. Ali Zouari, Les relations commerciales entre Sfax et le Levant aux XVIIIe et XIXe siècles, éd. Institut national d'archéologie et d'art, Sfax, 1990
  6. Daniel Panzac, Les corsaires barbaresques. La fin d'une épopée, éd. CNRS, Paris, 1999
  7. André Nouschi, Les armes retournées. Colonisation et décolonisation françaises, éd. Belin, Paris, 2005
  8. L'habitat traditionnel dans les pays musulmans autour de la Méditerranée : rencontre d'Aix-en-Provence, 6-8 juin 1984, vol. II « L'histoire et le milieu », éd. Institut français d'archéologie orientale, Le Caire, 1990, p. 572
  9. Turkia Labidi Ben Yahia, À toi Abraham, mon père, éd. L'Harmattan, Paris, 2002, p. 180
  10. L. Carl Brown, The Tunisia of Ahmad Bey, 1837 - 1855, éd. Princeton University Press, Princeton, 1974
  11. William Jowett et Joseph Greaves, Christian Researches in Syria and the Holy Land in MDCCCXXIII and MDCCCXXIV, éd. L.B. Seeley et J. Hatchard, 1826, Londres, p. 483
  12. Hermann von Pückler-Muskau, Semilasso in Africa: Adventures in Algiers, and other parts of Africa, vol. III, éd. Richard Bentley, 1837, Londres, p. 136

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