Légion romaine

Légion romaine
Légion romaine
Roman Infantry 1.jpg

Reconstitution moderne de l'équipement de légionnaires romains. Roman Army Tactics, Scarborough Castle, Royaume-Uni, août 2007. On peut voir le javelot romain (pilum) et les plaques de protection de l'époque impériale (lorica segmentata).

Période 753 avant J.-C.476 après J.-C.
Pays Rome antique
Type Armée de terre et armée maritime
Garnison Limes romains
Couleurs pourpre
Commandant historique Scipion l'Africain
Caius Marius
Sylla
Pompée le Grand
Jules César
Auguste
Trajan
Marc Aurèle
Aurélien
Constantin Ier

La légionlegio, du verbe legere, lever (une troupe) — est l'unité de base de l'armée romaine de l'époque de la Rome antique jusqu'à la fin de l'empire romain.

Durant les douze siècles (de 753 avant J.-C. à 476), les effectifs et la composition des légions romaines ont beaucoup varié. Ces modifications ne concernent pas que les légions composées de légionnaires mais également les auxiliaires, les cohortes prétoriennes, les cohortes urbaines et la marine romaine.

Grâce à ses très nombreux succès militaires que ce soit à l'époque république ou plus tard à l'époque impériale, la légion a longtemps été considérée comme un modèle à suivre en matière d'efficacité et du potentiel en termes de tactiques militaires.

Sommaire

Époque monarchique

Article détaillé : Monarchie romaine.

Prémices de l'époque monarchique (VIIIe siècle av. J.‑C.-VIIe siècle av. J.‑C.)

Casque typique de l'époque de la monarchie romaine, provenant du Musée Guarnacci à Volterra.
Article détaillé : Romulus et Rémus.

Selon la tradition, Romulus aurait créé la légion romaine en se servant comme modèle de la phalange grecque[1]. Il commença par diviser la population qui était apte aux armes, en contingents militaires. Chaque contingent militaire était formé de 3 000 fantassins et 300 cavaliers, choisi parmi la population, et il nomma les contingents militaires du nom de légion[2].

Les 3 000 fantassins (pedites) et 300 cavaliers (equites) était enrôlé parmi les trois tribus (1 000 fantassins et 100 cavaliers dans chaque tribu), que formaient la population primitive de Rome[3] : les Ramnenses (qui tirent leurs noms de Romulus), les Titienses (de Titus Tatius) et les Lucerenses. A l'époque monarchique, les légions étaient composées de citoyens dont l'âge était compris entre 17 et 46 ans, et qui pouvaient payer le coût de leur armement[4].

La légion est disposée en trois lignes dans le style des phalanges traditionnelles[5], avec la cavalerie sur les flancs. Chaque ligne de 1 000 hommes était commandée par un tribun militaire, tandis que les escadrons de cavalerie dépendaient du tribun celeres, pendant que le Roi assumait le commandement de l'armée entière. En outre, il avait le devoir de dissoudre l'armée à la fin d'une campagne[6].

Aujourd'hui sur la base des découvertes archéologiques récentes, on a pu remarquer que la première armée romaine, celle de l'époque de Romulus, était constitué par des fantassins qui avaient pris la manière de combattre et l'armement de la culture de Villanova, des voisins étrusques. Les guerriers se battaient pour la plupart à pied, avec des lances, des javelots et des épées (les lames étaient généralement en bronze et en de rares cas en fer, d'une longueur variant de 33 et 56 cm[7]), des poignards (avec des lames de longueur comprise entre 25 et 41 cm[8]) et des haches. Seuls les plus riches pouvaient se permettre une armure composée d'un casque et d'une cuirasse, les autres se contentait d'une petite protection rectangulaire sur la poitrine, devant le cœur, des dimensions d'environ 15 × 22 cm[9]. les boucliers étaient de dimensions variables, mais souvent comprises entre 50 et 97 cm[10]) et de forme généralement rond, appelé clipeus qui fut délaissé selon Tite-Live à la fin du Ve siècle av. J.‑C.[5]. Plutarque raconte qu'une fois les Romains et les Sabins réunis, Romulus introduisit les boucliers de type sabin, en abandonnant le précédent bouclier de type argos et en modifiant les précédentes armures[11].

Lorsque Rome s'agrandit et que les Romains s'unirent aux Sabins, Romulus décida de doubler l'effectif des troupes romaines pour qu'il comporte 6 000 fantassins et 600 cavaliers[12].

Finalement, il semble que Romulus constitua une garde personnelle de trois-cents cavaliers appelée celeres[13], garde personnelle qui fut éliminée par Numa Pompilius[14]. Sous Auguste, soit sept cents ans plus tard, cette garde personnelle sera recrée sous le nom de garde prétorienne qui aura pour objectif la défense du Princeps senatus.

La réforme de Tarquin l'Ancien (VIIe siècle av. J.‑C.- Première moitié du VIe siècle av. J.‑C.)

Articles détaillés : Tarquin l'Ancien et Tarquins.

La réforme de Tarquin l'Ancien, cinquième roi de Rome, concerne seulement la classe des cavaliers où le roi décida de doubler le nombre de cavaliers en ajoutant, au-delà des Ramnenses, des Titienses et des Luceres, d'autres centuries auxquelles il donna un nom différent[15]. Les trois nouvelles centuries s'appelèrent posteriores[16] ou sex suffragia[17], donc à l'époque de Tarquin l'Ancien les equites étaient constitués de 1 800 cavaliers[16]. En outre, la réforme établit l'habillement que devait avoir les fils des cavaliers pour les démarquer des gens normaux: il leur fut accordé le droit de mettre la toge prétexte[18]. Avec cette réforme, Tarquin l'Ancien voulait récréer les Celeres, projet auquel Attius Nevius s'opposa. Donc, au lieu de créer un corps spécial de cavaliers comme au temps de Romulus, Tarquin l'Ancien décida d'augmenter le nombre d'equites pour simplement contourner l'opposition d'Attius Nevius.

La réforme de Servius Tullius (milieu du VIe siècle av. J.‑C.)

Articles détaillés : Servius Tullius et Tarquins.

À l'époque monarchique fut effectuée, selon la tradition par Servius Tullius, sixième roi de Rome, une réforme monétaire qui divisa l'ensemble de la population romaine en cinq classes (six classes selon certaines sources[19]). Ces classes sont à leurs tours divisées en trois catégories[20]: seniores (plus de 46 ans), iuniores (entre 17 et 46 ans: qui sont les plus susceptibles de se battre: giovani) et pueri (âgés de moins de 17 ans: ragazzi);Les individus qui se situent dans la première classe, et qui sont donc les plus riches pouvaient se permettre l'achat d'équipement (le coût de la taxe sur les armes étant établis sur la base du cens[21]) d'un légionnaire, pendant que les classes inférieures avaient un armement de plus en plus léger. L'armée servienne avait besoin d'être formée par deux légions (une pour la défense de la ville et l'autre utilisée pour des campagnes militaires à l'extérieur[22]), soit un total de 193 centuries[21]:

  1. la première classe était composé de quatre-vingts centuries d'infanterie, les membres de cette classe devaient avoir un revenu de plus de 100 000 as: elle était composée de quarante centuries de seniores et de quarante centuries de iuniores. Les seniores avaient la tâche de vérifier que personne ne s'attaque à la ville et de la défendre si cela s'avérait nécessaire (quand les iuniores étaient en exploration[23]). Les iuniores quant à eux devaient faire l'exploration[23] et le combat à l'extérieur des villes[24]. Dans le cas d'une guerre, la première classe bénéficiait d'un respect plus important que les autres classes[24],[25]. Cette classe était équipée d'un armement lourd constitué: d'un casque, d'un bouclier rond (clipeus), d'une paire de cnémides et d'une armure en bronze. Leurs armes étaient le javelot, le pilum et l'épée[24],[23].
  2. à la première classe, Servius Tullius décida d'ajouter dix-huit centuries d'equites constituées dans la même classe que celle des centurions illustres et créée à partir des douze centuries auxquelles il faut ajouter six autres centuries (sur ce point les avis sur la création de cette unité diverge, certains pensent que c'est Servius Tullius qui la créa[26], d'autres pensent que la création date d'un sex suffragia de Tarquin l'Ancien[27]). Les centuries de cette classe bénéficiaient d'un cheval pour un coût de 10 000 as pour l'Etat romain et les veuves devaient payer l'entretien des equites pour un coût de 2 000 as pour chaque centurie et chaque année, le coût a ensuite était transmis aux classes les plus riches[26]. La première classe avait deux centuries de "réserve" (une d'iuniores et une de seniores car ils occupaient des catégories précises dans la classe), elles n'étaient d'ailleurs pas armés, c'étaient des forgerons, des armuriers ou encore des ouvriers préposés à la guerre qui avaient par exemple le devoir de transporter les machines de guerre, d'autres sources mentionnent ces catégories comme faisant partie de la seconde classe[25],[19].

Historique

Lors des Guerres puniques l'armée est réorganisée en manipules : la légion est alors composée de 30 manipules, chaque manipule comprend deux centuries, mais les centuries comprennent désormais 60 à 80 hommes, soit au total 4 200 hommes. Ces forces sont divisées en trois rangs légionnaires et les troupes légères : au 1er rang en ordre de bataille, on trouve les hastati — les plus jeunes, qui encaissent le choc, 1 200 hommes — au deuxième rang les principes — d'âge mûr, 1 200 h — et au 3e les triarii — les plus âgés, 600 h — et entre ces rangs ou au-devant pour les escarmouches s'intercalent les vélites — infanterie légère, plus pauvres, 1 200 h. Et à chaque légion est adjointe une unité de cavalerie de 10 turmes de 3 décuries, soit 300 cavaliers.

À la fin du IIe siècle av. J.‑C., Marius transforme l'armée romaine en armée de métier. La légion comporte alors 10 cohortes de 3 manipules (un manipule de chaque rang : triarii, principes, hastati) et 2 centuries par manipule (de 100 h), soit environ 6 000 hommes (chiffre vraisemblablement rarement atteint). Cependant, l'équipement n'étant plus payé par le légionnaire, mais fourni par le consul qui levait la légion, il se standardise et devient le même pour les trois rangs ; de plus, les légionnaires étant à cette époque des engagés volontaires, il n'y a plus non plus de différence d'âge entre les centuries, qui sont homogènes et de même valeur.

Durant le Haut-Empire l'effectif global de l'armée romaine est de 33 légions à partir de Septime Sévère (qui crée les Legiones I, II et III Parthica), soit entre 165 000 et 198 000 hommes. L'immense majorité des légions est cantonnée aux frontières, suivant ainsi le système de défense augustéen. Seule la Legio VII Gemina, isolée en Tarraconaise et la II Parthica à Albe, en Italie, qui constituent ensemble les seules réserves stratégiques de l'Empire, échappent à cette règle.

Sous le Bas-Empire, les effectifs changent. Dioclétien le premier modifie le nombre de soldats de chaque légion. Désormais, en sus des légions classiques (32 sous Dioclétien, car la VI Ferrata a disparu), il existe des légions d'environ 1 000 hommes. La réforme essentielle appartient cependant à Constantin. Il crée une armée de manœuvre puissante et d'un bon niveau, le comitatensis. Celle-ci contient des légions, aux effectifs changeants, mais aussi des ailes de cavalerie, ou tout simplement, des numeri, troupes sans effectif donné. À cet égard la Notitia dignitatum donne des informations intéressantes, et entre autres le chiffre respectable de 174 légions... La plupart n'ont pas un gros effectif. D'autres troupes, dont des légions, de moindre valeur, sont cantonnées dans la défense des frontières de l'Empire, les limitanei. La légion n'est déjà plus la reine des champs de bataille, ni l'unité de base de l'armée.

Équipement du légionnaire

Casque de légionnaire de Drusenheim, musée historique de Haguenau

À la fin du Ier siècle de notre ère, le légionnaire porte un casque de type impérial gaulois et une cuirasse segmentée (lorica segmenta) dans presque toutes les légions. Ces armements sont recouverts d’une pellicule d’argent pour éviter la corrosion. Le bouclier (scitas) hemicylindrique en bois lamellé est recouvert de cuir. À l’intérieur se trouve parfois le nom du légionnaire, les numéros de cohorte et de légion étaient indiqués. Le bouclier se porte comme une valise, ce qui est plus facile pour les longues marches. Le javelot lourd (pilum) a parfois un poids en plomb pour donner plus de force à l'impact. L’armement offensif compte aussi un glaive ("gladius") de 80 cm de long et un poignard (pugio) cependant, le poignard est surtout une arme de parade et d'apparat.

L’équipement du légionnaire de l’empire d’occident vers 360 n'a plus grand chose à voir avec celui de ses ancêtres. Il porte un casque simplifié dont la bombe est composée de deux calottes soudées. Les gardes-joues sont rattachées à la bombe par une couture en cuir et il y a aussi sur la bombe des protège-nuque. Il porte aussi une cotte de maille simple qui ressemble à celle utilisé sous la république. Le bouclier ovale ou rond en bois comme l’épée longue (spatha) s’inspirent de l’armement des auxiliaires du Haut-Empire. Chaque unité a un emblème particulier (épisème). La lance remplace le javelot. Le légionnaire pouvait emporter des dards plombés (plumbata) qui, vers 300, étaient rangés à l’intérieur du bouclier dans la légion des Herculéens et dans celle des Joviens. Les braies à la mode gauloise et germanique reflètent la barbarisation de l’armée.

Déplacements

Légionnaires en formation de tortue, représentés sur la colonne Trajane

La discipline et l’entraînement des légions se manifestent également dans ses déplacements, et notamment dans ses cadences de marche. La cadence normale est de 5 kilomètres en une heure, puis 10 minutes de pause. Cette cadence est maintenue pendant 5 à 7 heures de marche par jour. Il existe aussi une cadence accélérée à 7,2 kilomètres en 50 minutes, maintenue parfois pendant plusieurs heures (8 ou 9 exceptionnellement), en cas d’urgence (pour aller porter secours à une autre légion).

Cette rapidité de déplacement (inégalée jusqu'à la Révolution française) donne de grands avantages opérationnels à la légion romaine : elle permet de réunir deux fois plus de troupes que l'ennemi en un endroit déterminé, avant qu'il puisse réagir.

Les bagages réduisent d'un tiers cette vitesse (étape normale de 25 kilomètres). Chaque soir, un camp fortifié est construit.

Sous l’Empire, cette cadence est possible grâce à un entraînement (ambulatura) ayant lieu au moins trois fois par mois, à date fixe (quel que soit le temps). Tous les militaires se chargent de tout l’équipement réglementaire (jusqu’à 40 kilogrammes) et font, via des itinéraires accidentés, une quarantaine de kilomètres, en alternant les deux cadences.

Évolution de la légion au cours du temps

République

Légionnaire romain

Sous la République, les légions sont constituées de soldats citoyens, qui quittent leurs activités ordinaires pour défendre la cité (et leurs biens propres). Pour procéder à la levée des légions, l'ensemble des citoyens romains est réuni, au printemps, sur le Champ de Mars.

Les citoyens se répartissent en 193 groupes en fonction de leur richesse, établie par le censeur lors des recensements qui avaient lieu tous les cinq ans (lustre). Les 98 premières classes censitaires sont considérées comme aisées et ont des effectifs peu élevés. Les suivantes sont constituées de paysans possédant leur terre, et plus ou moins prospères.

Le choix des citoyens devant constituer les légions est confié aux dieux, par tirage au sort. Chacune des classes censitaires évoquées plus haut doit fournir assez d'hommes pour constituer une centurie. Les classes étaient donc nommées centuries. On a donc, dans les centuries (censitaires) peu importantes numériquement de citoyens riches, une forte proportion qui est tirée au sort, pour constituer une centurie (militaire) complète. Inversement dans les centuries (groupes de citoyens) pauvres importantes numériquement, une faible proportion de la centurie (groupe de citoyens) qui est tirée au sort. Ce système se justifie de deux manières :

  • d'abord, du fait que les citoyens combattent pour défendre leurs biens, les riches ont évidemment plus à défendre que les pauvres, et donc il est considéré comme normal qu'ils les défendent eux-mêmes ;
  • ensuite, comme les citoyens payaient eux-mêmes leur équipement, il est plus facile à un homme aisé de parer à cette dépense. On a donc des légionnaires mieux équipés, et donc une légion plus valeureuse.

Lors du tirage au sort, chaque homme est appelé par son nom. Il sort alors des rangs, indique s'il peut ou non servir la légion cette année, donne son excuse qui est examinée immédiatement, et est acceptée ou non. Le tirage au sort continue jusqu'à ce que les légions soient au complet. Si l'on avait besoin de plus de légionnaires, on tire au sort plusieurs centuries militaires par centurie civique, en commençant par les centuries équestres et en finissant par la centurie prolétaire (qui peut fournir une centurie de moins que les autres).

Les dix-huit premières centuries fournissent la cavalerie. Les citoyens les composant sont les seuls à pouvoir fournir leur cheval. Ces centuries sont dites équestres pour cette raison.

Effectifs de l’armée républicaine

Sous la République, en temps ordinaire, 4 légions sont levées chaque année. Pendant la deuxième guerre punique, les effectifs sont de 6 légions en 218 av. J.-C. au début de la guerre et atteignent 23 légions en –211.

Source Année Effectifs
Tite-Live -311 4 légions
Festus -265 292 334 citoyens mobilisables
Polybe -225 273 000 citoyens mobilisables
294 000 alliés mobilisables
Polybe -142 328 442 citoyens mobilisables
Tite Live -218 6 légions
Tite Live -211 23 légions
Jules César -50 11 légions en Gaule
Appien, Plutarque -31 40 à 45 légions à Auguste Octave, 31 à Marc Antoine

À la fin de la République et sous l'Empire, d’Auguste à Diocletien

Stèle de légionnaire de Glanum - Musée gallo-romain de Fourvière

À la fin du IIe siècle av. J.‑C., comme les campagnes militaires étant plus longues et plus lointaines et que les petits propriétaires se raréfient, les consuls lèvent des troupes parmi les pauvres et leur versent une solde. C'est la fin de l'armée des soldats propriétaires citoyens.

Année (empereur) Nombre de légions Effectif d’une légion [28]
-30 (Auguste) 28 6 000
6 (Auguste) 28 6 000
23 (Tibère) 30 6 000
83 (Domitien) 35 6 000
98 (Trajan) 40 6 000
138 (Hadrien) 40 6 000
180 (Marc Aurèle) 40 6 000
211 (Septime Sévère) 40 6 000
284 (Dioclétien) 53 2 700–3 000

L’armée romaine évolua peu jusqu'au milieu du IIIe siècle, campant sur les acquis posés par Auguste puis par Hadrien. A l'apogée de l'empire, 350 000 hommes étaient suffisants pour couvrir une frontière de près de 10 000 km. Cet effectif, réparti en une trentaine de légions et corps auxiliaires, devait s'affairer à réduire une, voire deux forces ennemies sur une zone parfois restreinte. Mais ces conceptions tactiques répondaient de plus en plus mal à l'extrême mobilité des nouveaux ennemis. Au IIIe siècle., une telle force ne suffisait plus à parer à la multiplicité des conflits qui s'ouvraient parfois simultanément sur toutes les frontières de l'empire. Une armée composée essentiellement de fantassins, flanquée d'une cavalerie réduite, restait impuissante face à un ennemi mobile, fuyant, pratiquant la guérilla et refusant le plus longtemps possible la bataille rangée en terrain découvert. La légion de 4 500 à 6 000 hommes, telle qu'elle pouvait encore apparaître à cette date, atteignait ses limites. Ce qui faisait sa force devenait son principal handicap. Trop lourde, trop lente, l'énorme logistique qu'une légion et ses auxiliaires impliquaient la freinait dans ses opérations. Une fois le rideau défensif (limes) forcé, plus rien ne pouvait arrêter les groupes barbares frontaliers dans leurs entreprises de pillage. La surprise, le changement brusque de direction les rendants imprévisibles, des villes entières tombèrent aux mains de l'envahisseur sans même user de poliorcétique ! Certains peuples barbares ne négligeaient pas d'observer leurs adversaires romains, et finissaient par pratiquer les mêmes techniques de combat. Tous ces facteurs contribuèrent en partie à rendre la légion ancienne obsolète. À cela s'ajoutaient la crise économique, l'inflation, la lenteur des communications et l'absence de coordination en temps de guerre civile et d'invasion. Une réforme profonde de l'armée devenait indispensable.

L’armée de Dioclétien

D’après Jean le Lydien, Sur les mois, I, 27.

Armée de terre Marine de guerre Total
389 704 hommes 45 562 hommes 435 236 hommes

Les armées romaines d’Orient et d’Occident d’après la Notitia Dignitatum vers 395

D’après A.H.M. Jones, The Late Roman Empire, 284–602, Vol. III, Blackwell, Oxford, 1964.

Type d’unité Armée d’Occident Armée d’Orient
Troupes palatines
Légions 13 12
Auxiliatis (infanterie) 43 64
Vexillations (cavalerie) 14 10
Accompagnement (Comitatus)
Légions (comitatenses) 38 33
Légions (pseudocomitatenses) 20 28
Vexillations 14 10
Garde-frontières (limitanei)
Légions 15 30
Autres unités (ailes, cohortes, coins, flottiles) 182 305

Ce tableau ne comprend pas les unités du comte d’Argentoratum (Strasbourg), et du duc des Libyes manquantes dans la Notitia Dignitatum.

Listes des légions

Voici la liste des légions de l'époque républicaine :

Voici la liste des légions de l'époque du Haut-Empire :

Déploiement des 27 légions en 80.
Carte de l'Empire romain en 125, sous l'empereur Hadrien

.

Répartition des légions romaines au IIIe siècle

Zone Effectifs totaux Nombre de légions Provinces Effectif
Rhin 40 000 hommes 4 légions Germanie supérieure 2
Germanie inférieure 2
Danube 130 000 hommes 12 légions Rhétie 1
Norique 1
Pannonie supérieure 3
Pannonie inférieure 1
Mésie supérieure 2
Mésie inférieure 2
Dacie 2
Orient 110 000 hommes 10 légions Cappadoce 2
Mésopotamie (Parthiques) 2
Syrie 3
Palestine 2
Arabie 1
Égypte 11 000 hommes 1 légion II Traiana Fortis à Nicopolis
Afrique 11 000 hommes 1 légion III Augusta à Lambèse
Bretagne 30 000 hommes 3 légions  
Italie   1 légion II Parthica à Albanum
Tarraconaise   1 légion VII Gemina à Legio

Annexes

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Articles connexes

Armée romaine
Unités militaires
Divers

Notes et références

  1. Tite-Live, Histoire romaine: livre VIII, paragraphe 8, 3.
  2. Plutarque, Vie de Romulus, paragraphe 13, 1; Jean Zonaras, Histoire romaine, paragraphe 7, 5.
  3. Dictionnaire de Ch. Daremberg et E. Saglio (1877)
  4. Tite-Live, Histoire romaine: livre I, paragraphe 13.
  5. a et b Tite-Live, Histoire romaine: livre IV, paragraphe 59-60; livre VIII, paragraphe 8, 3.
  6. Smith, William A Dictionary of Greek and Roman Antiquities, John Murray, London, 1875 - voce Tribunus
  7. P. Connolly, Greece and Rome at war, p. 91.
  8. P. Connolly, Greece and Rome at war, p. 92.
  9. P. Connolly, Greece and Rome at war, p. 93.
  10. P. Connolly, Greece and Rome at war, p. 94.
  11. Plutarque, Vie de Romulus, paragraphe 21, 1.
  12. Plutarque, Vie de Romulus, paragraphe 20, 1–3.
  13. Tite-Live, Histoire romaine: livre I, paragraphe 15.
  14. Plutarque, Vie de Numa, paragraphe 7, 8; Jean Zonaras, Histoire romaine, paragraphe 7, 5.
  15. Tite-Live, Histoire romaine: livre I, paragraphe 36, 2.
  16. a et b Tite-Live, Histoire romaine: livre I, paragraphe 36, 6-8.
  17. Festus Grammaticus, De verborum significatu, sex suffragia(452).
  18. Macrobe, Saturnales: livre I, paragraphe 6, 11-12.
  19. a et b Denys d'Halicarnasse, Antiquité romaine: livre IV, paragraphe 18, 1-3.
  20. Aulu-Gelle, Nuits attiques: livre X, paragraphe 28, 1.
  21. a et b Denys d'Halicarnasse, Antiquité romaine: livre IV, paragraphe 19, 1-2.
  22. P. Connolly, Greece and Rome at war, p. 95.
  23. a, b et c Denys d'Halicarnasse, Antiquité romaine: livre IV, paragraphe 16, 2-5.
  24. a, b et c Tite-Live, Histoire romaine: livre I, paragraphe 43, 1-7.
  25. a et b Denys d'Halicarnasse, Antiquité romaine: livre IV, paragraphe 17, 1-4.
  26. a et b Tite-Live, Histoire romaine: livre I, paragraphe 43, 8-10.
  27. Festus Grammaticus, De verborum significatu, sex suffragia(452); Cicéron, De re pubblica: livre II, paragraphe 22, 39-40.
  28. Ph Richardot, Les Grands Empires, Histoire et Géopolitique, Ellipses, Paris, 2003.

Liens externes

Bibliographie

  • Yann Le Bohec, L'armée romaine sous le haut empire, Picard, Paris, 2002 (3e édition rev. et augm.).
  • Yann Le Bohec dir., Les légions de Rome sous le Haut-Empire, Lyon, 2000, 2 vol. (bilan scientifique désormais incontournable, il s'agit des actes d'un colloque international destiné à mettre à jour l'article scientifique de référence sur les légions romaines par E. Ritterling, en allemand, dans la Realencyclopädie, 1925).
  • Laurent Fleuret, Les armées au combat dans les Annales de Tacite, Mémoire de maîtrise, Université de Nantes, 1997.


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