Littérature francophone

Littérature francophone

Toute littérature écrite en langue française est une littérature francophone.

Le terme est souvent utilisé, à tort, pour ne désigner que les œuvres d’écrivains francophones non français, qu’ils soient européens ou pas (Belges, Suisses, Québécois, Africains, Maghrébins, Antillais, etc). La littérature française fait partie de la littérature francophone, mais un écrivain de nationalité française provenant d'un Département d'outre-mer, comme Aimé Césaire ou Édouard Glissant, est curieusement appelé écrivain francophone, et un Samuel Beckett ou un Eugène Ionesco se trouve au rayon de littérature française.

Prise dans cette acception, la littérature francophone (c'est-à-dire, en langue française hors de France), hormis le cas de la Suisse et de la Belgique, se développe tout d'abord à la suite de l'émigration des Français au XVIIIe siècle qui s'installent notamment au Québec. Autre cause, la colonisation au XIXe siècle en Algérie et aux XIXe et XXe siècles, dans les colonies françaises et belges.

Des auteurs ont tenté, dès les années 1930, une approche linguistique mêlant le français à leurs langues d'origine, tel le grand poète malgache Jean-Joseph Rabearivelo, ou encore le martiniquais Aimé Césaire. Mais le modèle d'écriture est resté longtemps celui de la France, bien qu'aujourd'hui, on ne compte plus les auteurs vraiment originaux qui se sont émancipés de ce modèle, notamment à partir des indépendances des années 1960.

De plus en plus d'auteurs, ayant vécu dans plusieurs pays, ou étant d'origine multiple, sont difficiles à classer par nationalité. À titre d'exemple, on peut parler de littérature guadeloupéenne-sénégalaise (pour l'œuvre de Myriam Warner-Vieyra), ou haïtiano-québécoise (pour Émile Ollivier). L'œuvre d'un Albert Camus ou d'une Marguerite Yourcenar nous rappelle que la nationalité n'est pas la seule façon de distinguer et de classifier un auteur. Mais si son œuvre est écrite en langue française, elle appartient à la littérature francophone.

Sommaire

Écrivains français ou francophones ?

L’expression « écrivain francophone » ou littérature francophone, comme le rappelle l’article qui lui est consacré dans cette encyclopédie, est bien souvent source d’ambiguïté, puisqu’on a tendance à considérer comme écrivain francophone des auteurs issus de départements ou territoires d’outre-mer (Aimé Césaire ou Édouard Glissant), qui sont pourtant, de droit, français, alors que d’autres, qui n’ont pourtant pas la nationalité française, ou ne l’ont pas eue à l’origine, furent d’emblée considérés comme des auteurs français (Eugène Ionesco, Samuel Beckett). Le classement, on le voit, peut être lié à des questions idéologiques et peut avoir à faire avec des histoires de discrimination. C’est aussi dans la mesure où la francophonie est une histoire politique, fortement liée à celle de la décolonisation. L'écrivain argentin, de langue française, Carlos Alvarado-Larroucau, explique que Ce qui définit la littérature francophone, ce n’est pas la nationalité de l’écrivain ni son lieu de résidence, c’est la tension dans l’usage de la langue. La richesse d’une telle œuvre, c’est qu’elle emploie la langue française, mais ne parle pas de la France[1]. Et il explique que la littérature dite francophone a un lien important avec les Études post-coloniales; il perçoit une certaine intention de dépolitisation de ces littératures dans le fait de vouloir les assimiler à un univers littéraire indéfini. L'Argentin estime infructueuse toute tentative visant à produire de définitions réductrices de la littérature, et pourtant il trouve le débat enrichissant et productif, voire nécessaire. Assia Djebar, pour sa part, souligne que en tant qu'écrivain de langue française, elle pratique plutôt une franco-graphie, écrivain donc francographe[2]. Ecrire d'abord, et quelle que soit la langue... précise-t-elle dans son poème, « Pour quelle vérité... » [3] Cependant, au-delà des polémiques, le prix Nobel de littérature 2008, J.M.G. Le Clézio, fait entendre sa voix et se dit pour une parole conciliatrice, pour mitiger les conflits : Le Clézio ne conçoit pas d’opposition entre les deux appellations – français, francophone – et se définit justement comme un écrivain « français, donc francophone »[4].

Vers une littérature ouverte sur le monde

C'est dans le même article où il se définit comme "français donc francophone" que Le Clézio conçoit la littérature comme "un bon moyen de comprendre le monde actuel", et c'est peut-être là que doit effectivement se situer le débat : l'affirmation du prix Nobel poursuit un questionnement ouvert par de nombreux écrivains qui, quel que soit leur pays d'origine, écrivent en français, et militent pour une littérature ouverte sur le monde, contre les dérives de la mode française et parisienne de l'autofiction. C'est en ce sens qu'il faut lire le manifeste intitulé Pour une littérature-monde en français signé par de nombreux écrivains, dont Le Clézio. Considérant que les dérives de la littérature française contemporaine peuvent amener les écrivains à la mode à privilégier une littérature narcissique, essentiellement tournée vers le "moi" de l'auteur et ses petits maux, les signataires du Manifeste considèrent au contraire que la littérature ne peut laisser passer cette chance de l'ouverture aux grands bouleversements que vit le monde et à la description de territoires qui, pour être parfois lointains, n'en sont pas moins habités par des hommes et femmes qui vivent et parlent le français.

Nouvelle génération

Dans le sillage de grands auteurs comme Ahmadou Kourouma, Sony Labou Tansi, Hector Bianciotti, Amin Maalouf ou Tahar Ben Jelloun, une nouvelle génération, classée comme écrivains francophones a vu le jour dans le sillage des indépendances et de la décolonisation.
Bien qu'ils entretiennent un rapport de contestation et de dé-construction avec les catégorisations du monde francophone, surtout avec un sentiment de jacobinisme linguistique, des auteurs aussi divers que Alain Mabanckou, Prix Renaudot 2006, Victor N'Gembo-Mouanda, Tanella Boni, Alioune Badara Coulibaly, Jean-Luc Rahamarinana, Monique Agénor, Raphaël Confiant ou Patrick Chamoiseau, parmi d'autres auteurs d'une réelle originalité, ont effectué un travail remarquable sur la langue française.

En effet, ils y ont apporté les inflexions de leurs langues et de leurs imaginaires, de leurs histoires encore à exhumer.

Il est intéressant de suivre l'évolution de cette littérature qui trace des voies nouvelles et fortes dans une langue revisitée en profondeur dont il faudra tenir compte, en vue d'une réflexion sur les catégorisations francophones.

Notes et références

  1. ALVARADO, Carlos, dans Le Petit Journal: http://www.lepetitjournal.com/content/view/38312/303/
  2. DJEBAR, Assia, Ces Voix qui m'assiègent, Albin Michel, 1999, p.29.
  3. « Le Magazine Littéraire », Nº 451, Mars 2006.
  4. Cité par Christine Rousseau, « Le Clézio : "Il faut continuer de lire des romans" », Le Monde, 9 octobre 2008.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Charles Bonn, Xavier Garnier et Jacques Lecarme (sous la direction de), Littérature francophone, Paris, Hatier, 409 p. (ISBN 2218716763)
  • Jean-Louis Joubert (sous la direction de), Littérature Francophone : anthologie, Paris, Nathan, 1992, 446 p. (ISBN 2288824026)
  • Henri Lemaître, Dictionnaire Bordas de littérature française et francophone, Paris, Bordas, 1985, 850 p. (ISBN 2040161694)

Liens externes


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