Limite d'élasticité

Limite d'élasticité
Courbe schématique contrainte vs déformation. Aux faibles déformations, la pente E de la partie linéaire est le module de Young. Rm est la résistance (ou contrainte) à la rupture en traction.

La limite d'élasticité est la contrainte à partir de laquelle un matériau arrête de se déformer d'une manière élastique, réversible et commence donc à se déformer de manière irréversible.

Pour un matériau fragile, c'est la contrainte à laquelle le matériau se rompt, notamment du fait de ses micro-fissures internes. Le critère de Griffith permet alors d'estimer cette contrainte-seuil.

Pour un matériau ductile, c'est la zone en rouge sur le graphique ci-contre, au-delà du domaine élastique E représenté en bleu dans lequel l'augmentation de la contrainte donne une déformation réversible à la suppression de cette contrainte (et souvent assez linéaire en fonction de cette contrainte). Les déformations subies au-delà de la limite d'élasticité restent permanentes, ce sont des déformations plastiques. Elles se mesurent ou se vérifient habituellement à l'aide d'un essai de traction.

Dans le milieu de la technique et par abus de langage, on utilise fréquemment « limite élastique » pour limite d'élasticité.

Sommaire

Notations

La grandeur est d'importance. Elle peut se noter de différentes façons, suivant le type d'essai mécanique.

  • Essai de traction ou de compression :
    • σy en raison du terme anglais yield strength ;
    • Re ou σLE ;
    • σ0,2 ; la transition élastique-plastique est floue, il s'agit de la valeur de la contrainte qui laisse 0,2 % de déformation plastique lorsqu'elle est retirée ;
    • Rp0,2.
  • Essai de cisaillement :
    • la lettre grecque σ est remplacée par τ : τy, τLE,
    • avec les lettres romaines, on utilise Reg (pour « glissement »).

Liens entre les différentes limites d'élasticité

Pour les métaux, on considère en général pour simplifier que la limite d'élasticité en compression Rec est égale à la limite en traction Re :

Rec ≃ Re.

Ceci est valable pour les aciers doux et mi-durs. Ce n'est pas le cas pour d'autres matériaux comme par exemple les bétons ou les fontes, qui ont une très grande résistance à la compression mais une très faible résistance en traction ; cela justifie notamment la technique de béton précontraint. De manière générale, les matériaux non homogènes et non isotropes ont des limites différentes.

Comparaison entre les limites d'élasticité en traction et en compression[1]
Matériau Rec
(MPa)
Re
(MPa)
Béton à 250 kg/m3 de ciment* 15 1,5
Béton à 400 kg/m3 de ciment* 25 5
Fonte EN-GJL 150 150 20

* bétons non contrôlés, après un séchage de 28 jours.

Notons qu'en résistance des matériaux, la dégradation par déformation plastique en compression est en concurrence avec d'autres phénomènes de dégradation : flambage et matage.

La limite en cisaillement est inférieure à la limite en traction ; par exemple, il est facile de déchirer ou couper au ciseau une feuille de papier (cisaillement), mais très difficile de la rompre en tirant dessus. Pour les métaux, la limite en cisaillement vaut en générale entre 0,5 et 0,8 fois la limite en traction[2] :

0,5×Re ≤ Reg ≤ 0,8×Re
  • Reg = 0,5×Re pour les aciers doux (Re270 MPa) et alliages d'aluminium ;
  • Reg = 0,7×Re pour les aciers mi-durs (320 MPa ≤ Re500 MPa) ;
  • Reg = 0,8×Re pour les aciers durs (Re600 MPa) et les fontes.

De manière générale, Reg dépend du rapport k0 entre la limite d'élasticité en traction Re et la limite d'élasticité en compression Rec :

k_0 = \frac{\mathrm{R_e}}{\mathrm{R_{ec}}}
\mathrm{R_{eg}} = \frac{k_0}{1 + k_0} \times \mathrm{R_e}

Pour simplifier, et par précaution, on retient souvent la valeur la plus faible (Reg = ½Re).

Unités

D'après l'équation aux dimensions, la limite d'élasticité est homogène à une pression, ou plus précisément à une contrainte (représentation : ML-1T-2).

Dans la littérature moderne, elle s'exprime en pascal (Pa), ou plus généralement en mégapascal (MPa) en raison de son ordre de grandeur[3]. Il y a quelques années, on parlait de l'unité aujourd'hui désuète de kilogramme-force par centimètre carré (kgf/cm²). On rencontre aussi le N/mm² (1 MPa = 1 N/mm²).

Ordre de grandeur

Tableau de limite d'élasticité en traction de matériaux usuels
Matière Nuance Re (MPa)
Résineux courants C18 à C30 18 à 30
Bois lamellé-collé GL24 à GL32 24 à 32
Aluminium EN AC-AlSi12Cu 180 à 240
Acier de construction usuel non allié S235 à S355 235 à 355
Acier au carbone trempé XC 30 (C30) 350 à 400
Acier faiblement allié trempé 30 Cr Ni Mo 16 (30 CND 8) 700 à 1 450

Facteurs influençants cette limite

La déformation élastique se produit par déformation réversible de la structure du matériau par une modification des distances interatomiques[4]. La déformation plastique se produit par déplacement de dislocations, qui sont des défauts cristallins. L'apparition de ces mouvements, se produisant au seuil de la limite d'élasticité, dépend de plusieurs facteurs dont les principaux sont :

Matériaux cristallins (métaux, céramiques)
  • les forces de cohésion interatomiques : plus les liaisons entre atomes sont importantes, plus il est difficile de les déplacer donc plus la limite élastique est élevée ;
  • la structure cristalline : les glissements (les déplacements des dislocations) se font plus facilement sur les plans atomiques ayant une forte densité ; les cristaux ayant le plus de possibilités de glissements sont les cristaux de structure cubique à face centrée ; de fait, les matériaux les plus ductiles (or, plomb, aluminium, austénite) possèdent ce type de structure ;
  • les atomes étrangers bloquent les dislocations (nuage de Cottrell, épinglage) ; les métaux purs sont plus ductiles que les métaux alliés ;
  • les dislocations sont bloquées par les joints de grain (grain boundary en anglais) ; plus il y a de joints de grain, donc plus les cristallites sont petits, plus la limite élastique est élevée ;
  • les dislocations se bloquent entre elles ; plus le matériau contient de dislocations, plus la limite élastique est élevée (écrouissage) ;
  • les atomes peuvent se réorganiser sous l'effet de l'agitation thermique (restauration et recristallisation dynamiques, montées de dislocations), la vitesse de déformation intervient donc ;
  • dans le cas des produits laminé ou extrudés, on a une texture (cristallographie) et un allongement des grains dans une direction donnée, donc une anisotropie de la limite élastique (la taille des cristallites et l'orientation des plans cristallographiques denses ne sont pas les mêmes selon la direction considérée) ; on parle de « fibre » (au sens figuré), la résistance est plus importante dans la direction de laminage ou d'extrusion que dans les directions transverses.
Polymères

La résistance d'un chaîne polymère unique dépend des liaisons entre les atomes (en général des liaisons carbone-carbone), mais les différentes chaînes composant la matière peuvent glisser entre elles (fluage), donc la résistance globale dépend :

Ces facteurs dépendent entre autres de la température, donc la limite élastique dépend elle aussi de la température.

Utilisation de cette grandeur

La limite élastique est essentiellement utilisée dans deux contextes.

Fabrication

Pour la fabrication de pièces par déformation (laminage, extrusion, pliage, cintrage, …), il faut dépasser la limite élastique. La connaissance de la limite élastique permet de savoir quel effort il faut fournir, donc de dimensionner l'outillage ;

Résistance des matériaux

Une pièce est fabriquée avec des dimensions précises (tolérances) ; une déformation plastique en service modifierait la forme de la pièce et la rendrait donc inopérante. Il faut donc s'assurer qu'en service, la limite élastique n'est jamais atteinte.

Pour être sûr de rester dans le domaine élastique, on diminue la valeur à ne pas dépasser : on utilise la résistance pratique à l'extension (traction/compression), Rpe, ou la résistance pratique au glissement (cisaillement), Rpg, définies comme la limite élastique divisée par un coefficient de sécurité s :

  • \mathrm{R_{pe}} = \frac{\mathrm{R_e}}{s} ;
  • \mathrm{R_{pg}} = \frac{\mathrm{R_{eg}}}{s}.

Notes et références

  1. D. Spenlé et R. Gourhant, Guide du calcul en mécanique, Hachette, 2003 (ISBN 2-01-16-8835-3), p. 157 
  2. D. Spenlé et R. Gourhant, Guide du calcul en mécanique, Hachette, 2003 (ISBN 2-01-16-8835-3), p. 161 
  3. La limite élastique théorique d'un nanotube de carbone est de 100 GPa.
  4. Théorie de l'élasticité des corps solides, É. Mathieu (1835-1890), Traité de physique mathématique (sur Gallica)

Voir aussi

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