Andreï Tarkovski

Andreï Tarkovski

Andreï Tarkovski

Naissance 4 avril 1932
Zavrajye, URSS
Nationalité Drapeau Soviétique
Décès 28 décembre 1986 (à 54 ans)
Neuilly-sur-Seine, France
Profession Réalisateur
Films notables L'Enfance d'Ivan (1961),
Andreï Roublev (1966),
Solaris (1972),
Le Miroir (1975),
Stalker (1979),
Nostalghia (1983),
Le Sacrifice (1986)

Andreï Arsenievitch Tarkovski (en russe : Андрей Арсеньевич Тарковский) est un réalisateur soviétique né le 4 avril 1932 à Zavrajye près de Iourievets (Russie) au bord de la Volga et mort le 28 décembre 1986 à Neuilly-sur-Seine d'un cancer du poumon.

Sommaire

Liminaire

Son œuvre teintée de mysticisme est l'une des plus originales du cinéma du XXe siècle. Andreï Tarkovski est souvent considéré par la critique comme un des maîtres du septième art, à l'égal d’Ingmar Bergman, Orson Welles, Luis Bunuel, Akira Kurosawa, Kenji Mizoguchi, Robert Bresson, Michelangelo Antonioni ou Federico Fellini (qui ont d'ailleurs tous été pour lui des modèles majeurs). Empreintes d'une pensée orthodoxe slave et de panthéisme, ses œuvres explorent le basculement de l'Homme vers la folie ou tentent de franchir la frontière ténue séparant l'imaginaire du rationnel, créant une imagerie hypnotique et visionnaire où s'entrelacent tout un réseau de symboles d'origine païenne ou chrétienne et une série de figures poétiques alliant le profane et le sacré. La spiritualité, la présence de la terre et son union prophétique avec les trois autres éléments de la vie (eau, feu et air), la solitude des êtres, leurs rêves, leurs fantasmes, leur imagination et leurs tourments existentiels sont des thèmes chers à Tarkovski. Il n'est cependant pas justifié de limiter sa créativité et son engagement à "l'âme russe" ou "slave", orthodoxe, mystique, ou autres. Comme pour les romanciers Tolstoï, Dostoïevski ou le philosophe Léon Chestov entre autres et auxquels on peut le rattacher, la portée de leurs œuvres est surtout humaniste et universelle. En effet les films L'Enfance d'Ivan, Andrei Roublev, Solaris, Le Miroir, et surtout Stalker peuvent donner un sentiment qu'on navigue en plein mysticisme avec force phénomènes étranges ou insolites. Il s'agit plutôt de procédés narratifs avec utilisation de symboles (profanes ou sacrés) au service d'une pensée attachée à décrire l'humain dans sa grandeur, ses décadences et de mettre en lumière ses contradictions, sa violence et ses rapports à l'amour, charnel et sacré et à la volonté de puissance.

La sensibilité de Tarkovski pour l'âme enfantine faite de mélanges des pensées rationnelles et magico-phénoménistes, est la marque de ses nombreuses références à des enfants dans ses films. Ivan, Boriska et Aliocha perçoivent le monde comme tout enfant peut l'appréhender. Ils sont heureux, malheureux, déçus par les adultes qu'ils idéalisent (Boriska dont le père est le détenteur avare d'un secret de fabrication) et finissent par se construire en adultes plus ou moins écorchés (Ivan)[1]. Leur vécu s'apparente à tous ceux des enfants de la planète. À ce sujet le rapprochement à Bergman souvent frappant, quelles différences entre les enfants des films de Tarkovski et Fanny et Alexandre par exemple ou encore Alexandre et Voula dans Paysage dans le brouillard d'Angelopoulos ?

Biographie

Statue d'Andreï Tarkovski à l’entrée du VGIK à Moscou.

Fils du poète Arseni Tarkovski et de Maria Vichniakova (qui joue son propre rôle dans Le Miroir), correctrice, Andreï Tarkovski évolue dans un milieu qui le pousse à s'intéresser aux arts. « Sa mère avait senti en lui un tempérament artistique » affirme sa femme Larissa Tarkovskaïa. Il étudie ainsi la musique, la peinture, la sculpture, l’arabe, jusqu'à se tourner vers la géologie en participant à une expédition d'un an en Sibérie. En 1956 seulement, il entre au VGIK (Institut fédéral d'État du cinéma), à Moscou. Il y suit pendant quatre ans la classe de Mikhaïl Romm « Ce maître m’a appris à être moi-même. » tout en poursuivant en parallèle les cours d'une école de musique et d'une école de peinture. C'est à partir de là qu'il met en scène son premier court-métrage : Les Tueurs, adapté de la nouvelle d'Ernest Hemingway. En 1960, il réalise son film de fin d’études Le Rouleau compresseur et le violon, un moyen-métrage en couleurs.

Son premier long-métrage L'Enfance d'Ivan le propulse sur la scène internationale grâce à l'obtention du Lion d'or à la Mostra de Venise en 1962. L'Enfance d'Ivan annonce un renouveau dans le cinéma soviétique, lui permettant enfin un détachement avec le réalisme social et l'arrivée de nouveaux auteurs. Souvent ennuyé par la censure, jugeant son œuvre non conforme aux impératifs de l'art national, il doit remanier le montage de ses films suivants notamment celui d' Andreï Roublev.

Après la réalisation de Solaris, c'est avec Le Miroir qui intègre dans son récit des épisodes de sa propre enfance ainsi que des poèmes de son père, que son contentieux avec les autorités soviétiques, qui jugent son film trop avant-gardiste, le force à émigrer pour trouver d'autres ressources financières, artistiques et professionnelles. Il achève néanmoins l'élaboration de Stalker d'après un roman des frères Strougatski en Union des républiques socialistes soviétiques. Après plusieurs voyages en Italie, en Suède ainsi qu'au Royaume-Uni où il monte Boris Goudonov, l'opéra de Moussorgsky, il décide finalement de revenir en URSS en 1981 afin de retrouver Larissa, son épouse et Andreï Jr, leur fils. Tarkovski quitte définitivement son pays l'année suivante pour s'établir en Italie où il tournera Nostalghia, co-écrit avec Tonino Guerra, le scénariste de Michelangelo Antonioni, un film largement autobiographique sur la nostalgie que peuvent éprouver les Russes très attachés à leurs racines. Mosfilm empêche son fils Andriouchka, sa femme Larissa et leur chien Dakus de le rejoindre de crainte qu'ils ne retournent pas en Union soviétique. Tarkovski est finalement rejoint quelques années plus tard par sa femme en Italie. À Cannes, Tarkovski reçoit des mains d'Orson Welles le Prix du cinéma de création pour Nostalghia, ex-aequo avec L'Argent de Robert Bresson.

La tombe d'Andreï Tarkovski

Enfin, Ingmar Bergman invite Tarkovski à tourner Le Sacrifice sur son île, l'île de Farö. En décembre 1985, alors qu'il monte ce film, un cancer du poumon est diagnostiqué chez Andreï Tarkovski. Cette maladie avait déjà tué en 1982 Anatoli Solonitsyne, l'un de ses acteurs fétiches. Des amis français, dont l'actrice Marina Vlady et son compagnon le chirurgien Léon Schwartzenberg qui soignera Tarkovski, accueillent le réalisateur à Paris. Il sera hospitalisé à Paris grâce à François Mitterrand et au maire de la ville, Jacques Chirac, qui lui offre un logement et des soins gratuits. Son fils Andreï reçoit l'autorisation de quitter l'URSS et le rejoint le 19 janvier 1986. Leurs retrouvailles ont été filmées par Chris Marker. Il songe au scénario sur la Tentation de Saint-Antoine.

Il meurt des suites de son cancer le 28 décembre 1986 à Neuilly-sur-Seine en France. Le service funèbre est célébré à la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky de Paris pendant lequel le violoncelliste Mstislav Rostropovitch a joué Sarabande de Bach. Tarkovski est inhumé le 3 janvier 1987 au cimetière russe orthodoxe de Sainte-Geneviève-des-Bois aux côtés d'autres personnalités russes dont Ivan Bounine. Le monument funéraire en marbre du sculpteur Ernst Neizvestny (en) évoque le Golgotha et comporte sept étages, symbolisant les sept films de Tarkovski. Il est surmonté d'une croix orthodoxe réalisée à partir des croquis du réalisateur lui-même.

Vie familiale

Il se marie en avril 1957 avec Irma Raush, une camarade de cours du VGIK qui sera actrice et jouera notamment dans Andreï Roublev. Ils se séparent en juin 1970.

Tarkovski se remarie la même année avec Larissa Egorkina, rencontrée sur le tournage de Andreï Roublev.

Son fils Arseni naît en 1962 (il deviendra médecin).

Postérité artistique

Le cinéma d'Andreï Tarkovski est unanimement reconnu. Il a particulièrement influencé Nuri Bilge Ceylan dans son film Uzak, Sharunas Bartas, Alexandre Sokourov ainsi qu'Andreï Zviaguintsev dont Le Bannissement a été considéré comme du Tarkovski de troisième zone par certains critiques. Le film Antichrist de Lars Von Trier est dédié à Andreï Tarkovski.

Son journal

L'édition définitive de son Journal 1970-1986 est un document intéressant pour en connaître davantage sur sa biographie.

Citations

« Celui qui trahit une seule fois ses principes perd la pureté de sa relation avec la vie. Tricher avec soi-même, c'est renoncer à tout, à son film, à sa vie. »

« La liaison et la logique poétique au cinéma, voilà ce qui m'intéresse. Et n'est-ce pas ce qui convient le mieux au cinéma, de tous les arts celui qui a la plus grande capacité de vérité et de poésie ? » in: Le Temps Scellé.

« L'image n'est pas une quelconque idée exprimée par le réalisateur, mais tout un monde miroité dans une goutte d'eau. »

Filmographie

Projets non réalisés

Récompenses

Hommages

Bibliographie

Ouvrages d’Andreï Tarkovski en traduction française :

  • Andreï Tarkovski, Le Temps scellé : de L'Enfance d'Ivan au Sacrifice, trad. Anne Kichilov, Charles H. de Brantes, Paris, Éditions de l'Étoile / Cahiers du cinéma, 1989.
  • Andreï Tarkovski, Journal 1970-1986, trad. Anne Kichilov, Paris, Cahiers du cinéma, 1993.
  • Andreï Tarkovski, Œuvres cinématographiques complètes, trad. André Markowicz, Nathalie Armagier, Sophie Benech et al., Paris, Exils littérature, 2001, 2 vol.
  • « De la figure cinématographique », Positif no 249, décembre 1981.
  • « Dostoïevski au cinéma », Cahiers du cinéma, no 476, février 1994.

Pour une première approche :

  • Antoine de Baecque, Andreï Tarkovski, Paris, Cahiers du Cinéma. Larissa Tarkovski, Andrei Tarkovski, collab. Luba Jurgenson, Paris, Calmann-Lévy, 1998.
  • Bálint András Kovács, Ákos Szilágyi, Les mondes d'Andreï Tarkovski, trad. Véronique Charaire, Lausanne, [Suivi de Freddy Buache, « Andreï Tarkovski et le sacrifice »], L’Âge d’homme, « Histoire et théorie du cinéma », 1990.
  • Petr Kràl "La Maison en feu", Positif, no 304, juin 1986.
  • Philippe Sers, Icônes et saintes images : la représentation de la transcendance, Paris, Les Belles Lettres, 2002.

Pour aller plus avant :

  • Aldo Tassone, "Entretien avec A. Tarkovski", Positif, no 247, octobre 1981.
  • Jean-Loup Passek (dir.), Le cinéma russe et soviétique, Paris : Centre Pompidou, « Cinéma Pluriel », 1981.
  • Guy Gauthier, Andrei Tarkovski, Paris ; Edilig, 1988.
  • Vincent Amiel, "Mon fils, ou l'avenir de ma mémoire", Positif, no 324, février 1988.
  • Collectif, Andrei Tarkovski [Dossier Positif/Rivages], Paris, Rivages, 1989.
  • Gérard Pangon, Pierre Murat, Andreï Tarkovski : 1986, Paris, Arte / Mille et une nuits, « Cannes, les années festival », 1997.
  • Luca Governatori, Andreï Tarkovski, l'art et la pensée, Paris : L'Harmattan, "L'art en bref", 2002.
  • Collectif, Andrei Tarkovski, Dossier de la revue Nunc, Paris : Corlevour, 2006. Avec des textes inédits du cinéaste.
  • John Gianvito, Andreï Tarkovsky. Interviews, University Press of Mississippi, 2006.
  • Alain Bonfand, Le cinéma saturé. Essai sur les relations de la peinture et des images en mouvement, « Épiméthée », PUF, 2007.
  • Robert Bird, "Andreï Roublev d'Andreï Tarkovski", éditions de la Transparence, Paris, 2008.
  • Pilar Carrera, Andrei Tarkovski. La imagen total, Buenos Aires, Fondo de Cultura Económica, 2008.
  • Carlos Tejeda, Andrei Tarkovski, Madrid : Cátedra (Col. Signo e imagen/Cineastas), 2010.

Filmographie :

  • Matt Whitecross, Le Journal d'Andreï Tarkovski.

Chronologie[1]

Références

  1. a et b Michel Chion: Le livre d'Andreï Tarkovski, hors série, Le monde & Cahiers du cinéma, 2008, ISBN 9782866425036
  2. Chion indique erronément le 10 avril
  3. Texte biographique en ligne Charles Hubert de Brantes, Différents textes en lignes Charles Hubert de Brantes

Liens externes

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Andreï Tarkovski de Wikipédia en français (auteurs)

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