Liberté d'enseignement

Liberté d'enseignement

La liberté d'enseignement est le droit de fonder et diriger un établissement d'enseignement privé, d'y enseigner, ainsi que celui pour tout élève de fréquenter une telle institution.

Cette liberté figure parmi celles que cette tradition juridique désigne sous le nom de libertés publiques. Rappelons tout d’abord quelques principes du droit international et européen des droits de l’homme sur lesquels se fonde cette liberté. Nous présenterons ensuite quelques développements herméneutiques.

Sommaire

Le droit international des droits de l'homme

La Déclaration universelle des droits de l'homme proclame le droit à l'éducation pour tous et signale les droits des parents comme représentants de la personnalité de l’enfant : " Toute personne a le droit à l’éducation [...] L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales[…] Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. "(article 26).

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels réaffirme les mêmes éléments, en y ajoutant l’interdiction du monopole éducatif  : "Les Etats…s’engagent à respecter la liberté des parents…de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics…"(article 13).

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques évoque aussi cette liberté parentale dans le contexte plus précis du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion : "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. […] Les Etats…s’engagent à respecter la liberté des parents…de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions." (article 13).

Dans un contexte spécifique, celui des droits des peuples autochtones, l’OIT dans sa convention 169, établit un lien entre cette liberté et les droits culturels : « les gouvernements doivent reconnaître le droit de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d’éducation, à condition que ces institutions répondent aux normes minimales établies par l’autorité compétente en consultation avec ces peuples. Des ressources appropriées doivent leur être fournies à cette fin » (article 26).

F. Coomans a résumé l’essentiel de cette doctrine en affirmant : "la réalisation du droit à l’éducation exige un effort de la part de l’Etat pour rendre l’éducation possible et accessible (et) implique des obligations positives de la part de l’Etat[..] il y a aussi la liberté personnelle des individus de choisir entre une éducation organisée par l’Etat ou une éducation privée, qui peut être traduite, par exemple, en termes de liberté des parents d’assurer l’éducation morale et religieuse de leurs enfants, selon leurs propres croyances. A partir de là provient la liberté des personnes physiques ou morales d’établir leurs propres institutions éducatives »" (F. Coomans, Clarifying the Core Elements of the Right to Education, in The Right to Complain about Economic, Social and Cultural Rights, Netherlands Institute of Human Rights, SIM No 18, Utrecht, 1995, p 12)

La relation entre secteurs public et privé est, comme chacun sait, conflictuelle dans presque tous les pays en raison des enjeux idéologiques qu’elle comporte. Le débat se concentre actuellement autour des subventions à l’école privée, le principe formel du choix inscrit autant dans la Convention européenne que dans la Charte des droits de l’homme, étant désormais consacré dans tous les pays. A ce propos il est utile de rappeler ici que la Résolution sur la liberté d'enseignement dans la Communauté Européenne de 1984, précise que la liberté de choix des parents ne doit pas se traduire pour eux par des contraintes financières : " Le droit à la liberté de l’enseignement implique l’obligation pour les Etats membres de rendre possible également sur le plan financier l’exercice pratique de ce droit et d’accorder aux écoles les subventions publiques nécessaires à l’exercice de leur mission et à l’accomplissement de leurs obligations dans des conditions égales à celles dont bénéficient les établissements publics correspondants ( I.9)."

Il conviendrait d’ajouter à ces textes l’article 5 de la Déclaration sur la diversité culturelle de l’UNESCO (2001) qui établit un standard international beaucoup plus exigeant: "toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle" .

L’interprétation du droit

La Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée à plusieurs reprises sur ce droit. Il serait certes hors de propos d’en exposer ici la doctrine. Il convient cependant de souligner la différence faite par la Cour entre les écoles « à caractère propre » - ce qu’on entend habituellement comme écoles privées - et les écoles publiques. Les écoles publiques sont tenues à la neutralité par rapport aux religions et aux convictions. Le juge, qui statue sur un cas danois pense à la différence essentielle existant en Europe entre l’école publique laïque et les écoles confessionnelles, catholiques ou protestantes en grande majorité.

Le problème de la liberté d’enseignement se pose de façon plus évidente lorsque la question du respect des minorités devient d’actualité sur la scène internationale. Cette question va de pair avec la valorisation positive de la diversité consacrée juridiquement par la Déclaration de l’UNESCO susmentionnée.

En ce qui concerne les minorités, A. Eide dans son commentaire de la Déclaration des Nations Unies affirme : « L’identité, qui est essentiellement d’ordre culturel, exige de l’Etat et de la société dans son ensemble au-delà de la simple tolérance, une attitude favorable au pluralisme culturel (…) (ils) doivent instaurer un climat propice au développement de cette identité. Cela va au- delà de la simple protection et exige l’adoption de mesures spéciales destinées à faciliter le maintien, la transmission et le développement de la culture des minorités » (A. Eide, Commentaire sur la Déclaration sur les droits des personnes appartenant a des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, Commission des droits de l’homme, Doc. E/CN. 4/Sub.2/AC. 5/1998/WP 1, p. 3)

K. Tomasevski, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation de la Commission des droits de l’homme, a pour sa part a établi une typologie de l’extension du droit à l’éducation très pertinente. Tomasevski décrit en effet cette extension en dégageant quatre phases principales :

  1. La première consiste à reconnaître l’éducation comme un droit. Là où le droit à l’éducation est reconnu, les non nationaux en sont souvent expressément exclus. Les domestiques ou les enfants sans papiers peuvent être implicitement exclus, surtout lorsque des pièces d’identité sont exigées pour l’inscription à l’école.
  2. Une fois que l’éducation est reconnue en tant que droit de l’homme, on passe dans une deuxième phase à la ségrégation, les filles, les autochtones, les enfants handicapés ou les membres de minorités se voyant accorder l’accès à l’éducation mais seulement dans des écoles distinctes, le plus souvent de qualité inférieure.
  3. Dans la troisième phase, on passe de la ségrégation à l’assimilation, sur la voie de l’intégration. Les catégories récemment admises dans les écoles ordinaires doivent s’adapter, abandonner leur langue maternelle ou leur religion.
  4. La quatrième phase nécessite une adaptation à la diversité. Ce n’est plus l’élève qui doit s’adapter au système éducatif existant, quel qu’il soit, mais le système éducatif qui doit être mis en conformité avec l’intérêt supérieur de l’enfant.(K. Tomasevski, Rapport à la Commission des droits de l’homme, Doc E/CN.4/2003/9, par. 28)

La liberté d'enseignement en France

Article détaillé : école privée en France.

En France, le régime de liberté d'enseignement est défini par la loi Debré du 31 décembre 1959, qui distingue trois types d'établissements d'enseignement privés, selon leurs rapports juridiques et financiers avec l'État, via la contractualisation :

  • les établissements privés hors contrat, qui sont libres du contenu des enseignements dispensés ;
  • les établissements privés sous contrat simple avec l'État, libres du recrutement de leurs enseignants, salariés de droit privé, mais rémunérés par l'État ;
  • les établissements privés sous contrat d'association avec l'État, dont les enseignants, comme ceux de l'enseignement public, sont des agents publics recrutés par concours.

Sur les autres projets Wikimedia :

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • DAUDET, Y. / SINGH, K. (2001), Le droit à l’éducation : analyse des instruments normatifs de l’UNESCO ( UNESCO, Paris)
  • FERNANDEZ, A. / S. JENKNER, S. (1995). Déclarations et conventions internationales sur le droit à l’éducation et la liberté d’enseignement, Info 3 Verlag, Frankfurt.
  • FERNANDEZ, A. / NORDMANN, J. D. (1998) : Droit à l’éducation : état des lieux et perspectives, Nations Unies, Conseil Economique et Social. Doc E/C.12/1998/14).
  • FERNANDEZ, A. (2003) Le droit à être (homme). Le droit à l’éducation comme droit cultural en FERNANDEZ, A. / TROCME, R., Vers une culture des droits de l’homme, (Diversités, Genève).
  • GARCIA GARRIDO, J. L. (1997). Filosofía de la educación hoy. Diccionario filosófico-pedagógico, Dykinson, Madrid.
  • GLENN, C. L. (1995) : Educational Freedom in Eastern Europa, Cato Institute, Washington
  • J. ROBERT, (1994). Droits de l’homme et libertés fondamentales, Montcrestien, Paris, 5ème édition.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Liberté d'enseignement de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Liberte d'enseignement — Liberté d enseignement La liberté d enseignement est le droit de fonder et diriger un établissement d enseignement privé, d y enseigner, ainsi que celui pour tout élève de fréquenter une telle institution. La liberté d enseignement en France… …   Wikipédia en Français

  • Liberté D'enseignement — La liberté d enseignement est le droit de fonder et diriger un établissement d enseignement privé, d y enseigner, ainsi que celui pour tout élève de fréquenter une telle institution. La liberté d enseignement en France Article détaillé :… …   Wikipédia en Français

  • Liberté d'enseignement — ● Liberté d enseignement liberté de créer une entreprise d enseignement et pour l enseigné de choisir entre l enseignement public ou privé. (L enseigné est néanmoins soumis à l obligation scolaire [6 16 ans].) …   Encyclopédie Universelle

  • ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PRIVÉ FRANÇAIS — Enseignement privé en France En France, la liberté de l enseignement fait partie des principes fondamentaux. L enseignement public est majoritaire dans le paysage éducatif. L enseignement privé est juridiquement encadré et une partie du… …   Wikipédia en Français

  • Enseignement Privé En France — En France, la liberté de l enseignement fait partie des principes fondamentaux. L enseignement public est majoritaire dans le paysage éducatif. L enseignement privé est juridiquement encadré et une partie du financement n est pas assuré par la… …   Wikipédia en Français

  • Enseignement prive en France — Enseignement privé en France En France, la liberté de l enseignement fait partie des principes fondamentaux. L enseignement public est majoritaire dans le paysage éducatif. L enseignement privé est juridiquement encadré et une partie du… …   Wikipédia en Français

  • Enseignement privé — en France En France, la liberté de l enseignement fait partie des principes fondamentaux. L enseignement public est majoritaire dans le paysage éducatif. L enseignement privé est juridiquement encadré et une partie du financement n est pas assuré …   Wikipédia en Français

  • Enseignement privé en france — En France, la liberté de l enseignement fait partie des principes fondamentaux. L enseignement public est majoritaire dans le paysage éducatif. L enseignement privé est juridiquement encadré et une partie du financement n est pas assuré par la… …   Wikipédia en Français

  • Enseignement privé sous contrat — Enseignement privé en France En France, la liberté de l enseignement fait partie des principes fondamentaux. L enseignement public est majoritaire dans le paysage éducatif. L enseignement privé est juridiquement encadré et une partie du… …   Wikipédia en Français

  • Enseignement sous contrat — Enseignement privé en France En France, la liberté de l enseignement fait partie des principes fondamentaux. L enseignement public est majoritaire dans le paysage éducatif. L enseignement privé est juridiquement encadré et une partie du… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”