Les maisons de la sagesse

Les maisons de la sagesse

Maison de la sagesse

Les Maisons de la sagesse (en arabe بيت الحكمة, transcrit par Dâr al-Hikma, Bayt al-Hikma ou Beit Al-Hikma) sont apparues au début du IXe siècle dans le monde arabo-musulman. Bien que l'on ait encore du mal à cerner ces institutions[1], elles étaient en tout cas une association de bibliothèque, de centre de traductions et de lieu de réunions.

Sans les y réduire (voir plus bas), on évoque couramment leur rôle majeur dans la transmission de l'héritage des civilisations[2] : bien sur grecque, perse et du Moyen-Orient, mais aussi indienne[3], chinoise, etc. Cet aspect fait de ces maisons un des symboles de l'âge d'or de la science arabe[4], comme lieu de collecte, de diffusion, de copie et de traduction de la littérature d'adab (les belles-lettres).

Sommaire

Leurs rôles dans l'histoire scientifique

Certains évoquent ces lieux comme des formes d'universités[5], dans la lignée de la bibliothèque d'Alexandrie de l'Époque hellénistique, et comme un ancêtre des bibliothèques publiques modernes. Mais les liens historiques les plus sûrs, particulièrement pour la plus ancienne d'entre elles, sont ceux qu'elles ont avec l'antique académie de Gundishapur (Djund-i Shapur) des Sassanides (et, à travers elle, les écoles d'Athènes), ainsi qu'avec l'école de Dayr Qunna (ou Deïr Qunna), une école de scribes nestoriens[6] de culture syriaque[7].

Y ont été traduits et mis à la disposition des savants l'essentiel des textes de philosophie, de médecine, de logique, de mathématique, d'astronomie, de musique grecs, pehlevis, syriaques, hébreux, sanskrits, etc., dont ceux de Pythagore, Platon, Sushruta, Hippocrate, Aristote, Euclide, Charaka, Ptolémée, Claude Galien, Plotin, Âryabhata et Brahmagupta. Les traductions s’accompagnaient de réflexions, de commentaires, et ont données lieux à une nouvelle forme de littérature.

Le Bayt al-Hikma de Bagdad

La plus ancienne de ces maisons, particulièrement active, est la bibliothèque personnelle du calife abbasside Haroun ar-Rachid de Bagdad qui s'ouvre aux savants probablement avant 830, sous le règne d'Al-Mamun. Astronomes, mathématiciens, penseurs, lettrés, traducteurs, la fréquentent, et parmi eux, al-Khwarizmi, al Kindi, Al-Hajjaj ibn Yusuf ibn Matar, Hunayn ibn Ishâk al Ibadi et Thābit ibn Qurra[8].

Elle continue de se développer sous les califes Al-Mutasim et Al-Wathiq, mais semble décliner sous le règne d'Al-Mutawakkil. Sous le nom d'Hizanat al-Ma'mun, elle restera cependant ouverte au moins jusqu'au Xe siècle, peut-être même jusqu'à la destruction des bibliothèques de Bagdad, en 1258[9].

À propos du Bayt al-Hikma de Bagdad, M.-G. Guesdon conclue (en 1992, p. 150) qu'« appuyé sur la culture des communautés en présence plus que sur un modèle ancien, il fut [...] une appropriation active, donnant lieu à une création originale, dont les raisons tenaient tant à la continuité humaine et culturelle d'une région qu'aux problèmes posés par l'islamisation de la société. »

Aujourd'hui

La Maison de la sagesse du IXe siècle a laissé place à un institut de recherche. L'ancienne madrasa médiévale n'existe plus et le centre de recherche contemporain fut en partie détruit lors de la guerre d'Irak de 2003[10].

Autres institutions marquantes

Cordoue

Au Xe siècle, le calife omeyyade Al-Hakam II développe une bibliothèque avec un réseau de libraires-copistes à Cordoue.

Le Caire

En 1004 le sixième calife fatimide Al-Hakim bi-Amr Allah fonde la Maison du savoir, le Dar al-Hikma du Caire

Article détaillé : Dar al-Hikma.

Fès

Au XIVe siècle, le sultan mérinide Abu Inan Faris, fonde à Fès la bibliothèque rattachée à la medersa.

Article détaillé : Medersa Bou Inania de Fès.

Bibliographie

  • Dimitri Gutas, Pensée grecque, culture arabe : le mouvement de traduction gréco-arabe à Bagdad et la société abbasside primitive : IIe-IVe/VIIIe-Xe siècles, Aubier, 2005 (ISBN 978-2-7007-3415-7).
  • Myriam Salama-Carr, La traduction à l'époque Abbasside, Didier Erudition, 1990.
  • Marie-Geneviève Balty-Guesdon, « Le Bayt al-ḥikma de Baghdad », dans Arabica. Revue d'études arabes, 39, n° 2, 1992, p. 131-150 (texte en ligne payant).
  • Owen Gingerich[11], Islamic astronomy, dans Scientific American, 254, avril 1986, p. 74-84 (ISSN 0036-8733) (en ligne).
  • 6e International Symposium for the History of Arabic Science, University of Aleppo, 1982, sous la dir. de Ahmad al-Hassan, et al., Alep, 1984 (Journal For The History of Arabic Science = Maǧalla tārīḥ al-ulūm al-arabiyya, 8) (ISSN 0379-2927) (notice).
    Contient plusieurs communications à propos du rôle des diverses communautés religieuses ou ethniques dans le mouvement de traduction au IXe siècle.
  • Jacob Lassner, The shaping of ʿAbbāsid rule , Princeton (NJ), 1980 (ISBN 0-691-05281-6).
  • Gaston Wiet[12] (1887-1971), Baghdad : Metropolis of the Abbasid Caliphate, tr. du fr. par Seymour Feiler, Norman, 1971 (The Centers of civilization series) (ISBN 080610922X) (ch. 5 en ligne).
    Cet ouvrage semble cependant moins documenté que celui rédigé sur Le Caire, en 1964.
  • Abdurrahman Badawi[13] (1917-2002), La transmission de la philosophie grecque au monde arabe : cours professé à la Sorbonne en 1967, Paris, 1968 ; nouv. éd. 1987 (ISBN 2-7116-0047-5) (aperçu).
  • Louis Massignon, La Politique islamo-chrétienne des scribes nestoriens de Deïr Qunna à la cour de Baghdad au IXe siècle de notre ère, dans Vivre et penser [ex Revue biblique], II, Paris, 1942, p. 7-14 ; repr dans Opera minora. Tome I, Islam, culture et société islamiques, Beyrouth, 1963, p. 250-257 ; repr. Paris, 1969.
  • Max Meyerhof (1874-1945), Von Alexandrien nach Bagdad : ein Beitrag zur Geschichte des philosophischen und medizinischen Unterrichts bei den Arabern, Berlin, 1930 (Sonderausgabe aus den Sitzungsberichten der Preussischen Akademie der Wissenschaften Phil.-Hist. Klasse, XXIII).

Notes

  1. Cf. Guesdon, 1992.
  2. Cependant, Marie-Geneviève Guesdon note « La Maison de la sagesse [de Bagdad] a souvent été instrumentalisée dans des débats de type identitaire. Des deux côtés, cette institution est ramenée au rôle qu'elle aurait joué comme simple maillon d'une chaîne de transmission entre le monde grec et le monde occidental. » dans memoireduvent, 15 mai 2008 (texte en ligne).
  3. Dès 722, le Brahmasphutasiddhanta (« L'ouverture de l'Univers », un traité de mathématique fondamental) semble être traduit à Bagdad. De même, en 771, une version traduite de l'antique traité d'astronomie indien, le (en) Surya Siddhanta, y serait parvenu. Voir Varahamihira et La Perse islamique et l'Inde. Cf. A Concise History of Science in India, dir. D. M. Bose, S. N. Sen et B. V. Subbarayappa, New Delhi, 1971, p. 47.
  4. Voir [1].
  5. Mais on ne sait avec certitude jusqu'à quel point ces institutions ont été des lieux d'étude, de formations et de recherche, comme le proposent Meyerhof en 1930 et Michel Tardieu en 2003 (texte en ligne). Cf. Guesdon, 1992, en part. p. 131 et 139 ; Roger Arnaldez, Maison de la sagesse, dans Encyclopædia Universalis, [av.] 2003.
  6. Raymond Le Coz et Guy Lazorthes, Les médecins nestoriens au Moyen Âge : les maîtres des Arabes, Paris, 2004, p. 86 n. 5 (texte en ligne). Cf. C. Cabral, Une étude sur les secrétaires nestoriens sous les Abbassides, 762-1258, à Bagdad, dans Parole de l'Orient, Kaslik (Liban), v. 25, t. II, 2000, p. 407-491.
  7. Voir Louis Massignon, 1942. Cf. Brandie Ratliff, dans [2], p. 17, n. 11.
  8. voir, par exemple, Badawi, 1968, p. 16-17 (en ligne) et Wiet, 1971, sq. (en ligne).
  9. Selon Ahmad al-Qalqashandi.
  10. Voir [3] et Première mission de l’UNESCO à Bagdad du 15 au 20 mai 2003, Paris, 2003.
  11. Voir (en) Owen Gingerich.
  12. Voir André Raymond, Bibliographie de l'œuvre scientifique de M. Gaston Wiet, dans Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale, 59. Paris, 1960, p. IX-XXIV (bibliogr. en ligne).
  13. Voir (ar) ar:عبد الرحمن بدوي.

Liens internes

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