Emir Kusturica

Emir Kusturica

Emir Kusturica

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Emir Kusturica à Bruxelles en 2005.

Naissance 24 novembre 1954
Sarajevo, Drapeau : République fédérative socialiste de Yougoslavie Yougoslavie
Nationalité Drapeau de Serbie Serbie
Profession Réalisateur, Musicien
Films notables Papa est en voyage d'affaires
Le Temps des Gitans
Arizona Dream
Underground
Chat noir, chat blanc
La vie est un miracle

Emir Kusturica (API : [ˈku.stu.ri.tsa], Емир Кустурица en serbe cyrillique) est un cinéaste, acteur et musicien serbe, deux fois lauréat de la Palme d’Or au Festival de Cannes.

Sommaire

Biographie

Identité et religion

Emir Kusturica naît le 24 novembre 1954 à Sarajevo, en République fédérale socialiste de Yougoslavie. Il est de nationalité yougoslave jusqu'au début de la guerre civile, moment où il décide, malgré ses origines musulmane et bosniaque, de devenir serbe.

Le New York Times a interrogé Emir au début de la guerre de Bosnie sur son identité, Emir avait répondu: «Je suis un exemple vivant de Bosnie, de mélange et de la conversion des Serbes», «Mes grands-parents vivaient dans l’est de l’Herzégovine. Ils étaient très pauvres. Les Turcs sont venus et avec eux l’islam. Il y avait trois frères au sein de la famille. L’un était chrétien orthodoxe. Les deux autres ont été convertis à l’islam pour survivre. »[1]

Le jour de Đurđevdan (la Saint-Georges) en 2005, Emir a été baptisé dans l’Église orthodoxe serbe sous le nom de Nemanja Kusturica (Немања Кустурица) dans le monastère de Savina, près de Herceg Novi, au Monténégro[2],[3]. Pour ses détracteurs, qui ont analysé cette action comme une trahison de son passé musulman, il a répondu: «Mon père était athée et il s’est toujours lui-même décrit comme un Serbe. Ok, nous étions peut-être musulmans pendant 250 ans, mais nous étions orthodoxes avant cela, nous avons toujours été des Serbes. On ne devient pas musulman par intérêt, mais pour survivre aux Turcs»[4].

Prague

Le jeune Emir se passionne pour le cinéma: pour gagner de l'argent de poche, il travaille pour le cinéma de son quartier à Sarajevo où il assiste aux projections. Un ami de son père l’invite également sur le plateau des films officiels. Mais dans la banlieue de Sarajevo, le jeune Kusturica joue au football, sort beaucoup et fréquente d’autres enfants que ses parents ne voient pas d’un bon œil. Inquiets pour son avenir, son père et sa mère, d’une famille respectable, décident de l’envoyer faire ses études à l’étranger. Emir est envoyé chez sa tante, à Prague, où il rentre à l’académie du cinéma de la capitale tchécoslovaque: la FAMU. Il s’y montre comme un élève brillant et appliqué et y réalise deux courts-métrages: Une Partie de la Vérité et Automne. Ses professeurs voient en lui un talent très prometteur, et plus tard, dans ses interviews, il rendra hommage de nombreuses fois à son professeur de mise en scène: le Tchèque Otakar Vavra. Pendant ses années praguoises, Kusturica absorbe tous les grands classiques du cinéma, qu’ils soient russes, tchèques, français, italiens, ou américains. Ces films marqueront profondément son style à venir.

En 1978, Emir Kusturica réalise son court-métrage de fin d’études Guernica, un film douloureux et faussement naïf sur l’antisémitisme vu par un petit garçon. Ce film obtient le Premier Prix du cinéma étudiant du Festival international du film de Karlovy Vary.

Sarajevo

Avec ce premier trophée, il rentre alors à Sarajevo et y obtient un contrat à la télévision. Artiste anticonformiste, il réalise en 1979 le moyen-métrage Les Jeunes Mariées arrivent, tiré d’un scénario d'Ivica Matić qui traite de l’inceste. Fortement influencé par l'œuvre d’Andreï Tarkovski, le film dérange par sa forme et son contenu audacieux. Il est interdit de diffusion. Kusturica conserve néanmoins son poste à la télévision et tourne l’année suivante son second film: Café Titanic, tiré d’une nouvelle du prix Nobel de littérature yougoslave Ivo Andrić. Avec ce film, il remporte le premier prix du Festival de la télévision yougoslave.

Il réalise alors son premier long métrage Te souviens-tu de Dolly Bell ? la même année, sur la base d’un scénario coécrit par lui-même et le grand poète bosniaque Abdulah Sidran. Le film est semi-autobiographique, et raconte la difficulté pour un groupe d’enfants dans le Sarajevo des années 1960 de se confronter au rêve occidental sous le régime de Tito. Le cinéaste y révèle déjà son talent de portraitiste et de satiriste dans la peinture des mœurs yougoslaves traditionnelles. Le monde découvre ainsi le cinéma du jeune yougoslave grâce à l’obtention du Lion d’or de la Première Œuvre à la Mostra de Venise et du prix de la critique du Festival du film international de São Paulo.

Emir Kusturica travaille alors sur son second film Papa est en voyage d'affaires, avec le même scénariste Abdulah Sidran dans l’optique de réaliser une trilogie sur sa ville natale. Le troisième volet ne verra pas le jour, mais ce deuxième film, qui témoigne de la douleur des familles séparées par l’arbitrage politique du régime de Tito, remporte à la surprise générale la Palme d’or au Festival de Cannes de 1985. La récompense propulse au niveau des plus grands ce jeune réalisateur de 31 ans. Pour évacuer la pression, Kusturica va alors intégrer pendant un an le groupe de musique de ses amis de Zabranjeno Pušenje en tant que bassiste. Il fréquente en conséquence la scène musicale yougoslave et se lie d’amitié avec le plus grand auteur-compositeur et guitariste de rock national: Goran Bregović devenu une star nationale dans toute l’ex-Yougoslavie avec le groupe Bijelo Dugme (Bouton blanc).

Les États-Unis

La Palme d’Or lui ouvre toutes les portes, et notamment celles des producteurs internationaux. La Columbia s’intéresse à lui et lui propose un contrat mirobolant. Il hésite entre plusieurs scénarios, dont un traitant des Boukhodors. Ce sera finalement un fait divers sur les gitans qui va retenir toute son attention, et le faire travailler avec le journaliste Gordan Mihic pour élaborer l’histoire douloureuse (et en partie authentique) de Perhan dans Le Temps des Gitans. Mais l’œuvre, qui se veut plus une fable onirique qu’un portrait réaliste, trahit des accointances avec le réalisme magique, juxtaposant une description précise du mode de vie bohémien à des éléments mythologiques, irrationnels et surnaturels (dons de voyance, de télékinésie, accouchement en lévitation...). Tous sont inhérents à la pensée superstitieuse et mystique des communautés tsiganes. Mais cette pensée alimente par ailleurs fortement l’imaginaire du cinéaste, pour ce film-là comme pour ceux à venir. Une fois monté, Le Temps des Gitans est présenté à Cannes où il obtient le Prix de la mise en scène en 1989. À l’issue du tournage, Emir Kusturica avait été appelé à New York par le réalisateur américano-tchèque Miloš Forman (ancien collègue de la FAMU et président du jury cannois qui lui attribua la Palme en 1985), pour le remplacer à la Columbia University. Aux États-Unis, un des élèves de Kusturica, David Atkins lui propose alors un scénario qui deviendra Arizona Dream. Il arrête l’enseignement et se consacre entièrement à la fabrication de cette œuvre consacrée au rêve américain. La conception douloureuse du film est rendue encore plus difficile par le début du conflit en Yougoslavie, auquel Kusturica assiste impuissant à des milliers de kilomètres de distance. Le tournage est arrêté à de nombreuses reprises pour le laisser faire des allers-retours et aider ses parents. Après le pillage de la maison familiale de Sarajevo (et le vol de ses premiers trophées), il fait déménager ses parents au Monténégro[5]. Arizona Dream, interprété entre autres par Johnny Depp, Jerry Lewis, Faye Dunaway et Vincent Gallo sera tout de même achevé et obtiendra l’Ours d'Argent au Festival de Berlin en 1993.

Belgrade

Extrêmement choqué par les événements en Bosnie et par la manière dont ils sont présentés par les médias, Kusturica constate son impuissance à agir depuis les États-Unis mais décide de revenir avec sa femme sur sa terre natale et de montrer au reste du monde sa propre vision du conflit qui déchire son pays. Le film, Underground, aborde le difficile thème de la guerre en ex-Yougoslavie. Cette vaste fresque au souffle épique mêle la farce bouffonne et l’esthétique carnavalesque à une conception purement tragique et désespérée de l’histoire. Il s’agit sans doute du film le plus douloureux mais aussi le plus visionnaire et le plus inventif de la carrière du metteur en scène, nourri par une force poétique d’une rare intensité et d’une puissance visuelle inégalée dans son œuvre jusqu’à ce jour. Il sera réalisé en partie dans les studios de Prague pour les séquences se déroulant dans les intérieurs et en partie à Belgrade, en pleine guerre, pour les scènes en extérieur. Le film vaudra à son réalisateur une seconde Palme d’or cannoise en 1995, malgré la forte controverse qu’il essuie en France. Alain Finkielkraut écrira le lendemain de l’annonce du palmarès un violent article dans Le Monde, intitulé l’imposture Kusturica[6], alors qu’il n’avait même pas vu le film. Emir Kusturica répond, le 26 octobre 1995 par un article intitulé Mon imposture[7].

Cette polémique pousse Kusturica à déclarer vouloir arrêter le cinéma, mais il se ravisera et tournera Chat noir, chat blanc en 1998, un film aux antipodes du précédent, plus calme mais non moins pittoresque, plein de couleurs, de fantaisie, de musique et d’humour. Il permet au cinéaste d’être gratifié d’un Lion d’Argent à la Mostra de Venise en 1998 pour sa mise en scène. Comme toujours, pour décompresser, il reviendra à la musique et enchaînera une tournée mondiale avec son groupe de musique, rebaptisé le No Smoking Orchestra. De cette tournée, il réalisera le documentaire Super 8 Stories en 2001.

Küstendorf

L’ethno-village de Küstendorf

Après de nombreux projets avortés, Kusturica décide de revenir une nouvelle fois sur la guerre et l’aborde au travers d’une histoire dont il avait connaissance depuis longtemps: une transposition de Roméo et Juliette dans les Balkans. Ce film donnera La Vie est un miracle (2004). Pour le tournage, c’est dans les montagnes de la Mokra Gora que son équipe s’arrêtera, et il y construira pour l’occasion une voie ferrée et un village traditionnel en bois. Ce village, baptisé Küstendorf et dont il s’est auto-proclamé maire, est érigé en place forte de l’altermondialisme, du tourisme écologique, et de l’enseignement du cinéma comme il l’explique alors dans de nombreuses interviews. Le village est ouvert au public depuis septembre 2004. Un séminaire de cinéma pour jeunes étudiants y a eu lieu au cours de l’été 2005. Le village a gagné en octobre 2005 le Prix européen d'architecture Philippe Rotthier.

C’est toujours dans les environs de Küstendorf que, après avoir passé une année à travailler sur un documentaire sur le joueur de football Diego Maradona, Emir Kusturica a entamé en 2006 le tournage de son nouveau film Promets-moi. Le premier, qui a mis plus de temps à se faire que prévu, est sorti sur les écrans français à la fin du mois de mai 2008, alors que le second, réalisé après et sélectionné au Festival de Cannes 2007, est sorti en salles en France en janvier 2008.

Emir Kusturica a mis en scène un opéra punk, Le temps des Gitans, dont la première représentation a été donnée le 26 juin 2007 à l’opéra Bastille à Paris. L’opéra est fondé sur son film de 1989 Le Temps des Gitans, le livret a été écrit par Nenad Jankovic et la musique a été composée par le No Smoking Orchestra. L’œuvre, très différente de la programmation habituelle de l’opéra Bastille (chants amplifiés au micro, voies sur scène, décors rocambolesques, etc.) a remporté un vif succès de la part des critiques autant que du public, qui a longuement applaudi la représentation.

Andrićgrad

De la même façon qu'il a fait bâtir Küstendorf, le réalisateur a posé la première pierre de sa nouvelle ville en hommage au livre de Ivo Andrić, le Pont sur la Drina. Le réalisateur serbe Emir Kusturica avec le soutien du président de la République serbe de Bosnie Milorad Dodik, compte adapter au cinéma le Pont sur la Drina, et pour cela il souhaite reconstruire en dur à l'identique une partie de la ville décrite par Andrić dans son livre[8] . Andrićgrad sera construit près de l'actuelle ville de Višegrad et sera terminé en 2014[8] .

Quelques touches caractéristiques

La musique

La musique est omniprésente dans les films de Kusturica. Après une collaboration avec Zoran Simjanović pour ses premiers films, ce sont surtout les trois films qu’il fait avec Goran Bregović qui marqueront les esprits : Le Temps des Gitans (1990), Arizona Dream (1993) et Underground (1995). Il travaille également avec le trompettiste serbe Boban Marković et sa fanfare de 11 musiciens, de nos jours considérée comme l’une des meilleures fanfares d’Europe centrale. Depuis 1998, c’est son propre groupe le No Smoking Orchestra qui assure la musique de ses films. Il y joue de la guitare et du banjo et compose une partie des morceaux.

Les Gitans

Les Gitans sont le thème central de deux des films de Kusturica : Le Temps des Gitans et Chat noir, chat blanc, même si des joueurs de musique tziganes apparaissent dans quasiment tous ses autres films. Emir Kusturica n’a pas de racines familiales gitanes mais il les a fréquentés depuis sa plus tendre enfance et, pour lui, ce peuple symbolise la notion même de liberté[réf. nécessaire].

Références

Son impressionnante connaissance des classiques du cinéma, Emir Kusturica la distille par petites touches dans ses films sous forme de plans hommages directs ou indirects, aux plus grands films. Ainsi:

La politique

Emir Kusturica est souvent très engagé dans les propos qu’il tient lors d’interviews (même si, selon le pays ou la date où est effectuée l’interview, les propos peuvent varier énormément). Cet engagement politique se reflète dans ses films, qui présentent souvent les différents côtés d’un conflit sous un éclairage original. Ainsi, dans Papa est en voyage d'affaires, le personnage principal, bien que puni trop sévèrement pour un crime politique imaginaire, est en fait un père de famille plutôt négligent. Ainsi, Chat noir, chat blanc, film apparemment apolitique, a été tourné sur les rives du Danube quelques mois avant qu’elles ne soient pilonnées par l’OTAN en 1999. Ainsi, dans La Vie est un miracle, le conflit bosno-serbe est montré depuis le point de vue d’un Serbe de Bosnie, chassé de ses terres par les Bosniaques.

En 2008, il participe à une manifestation serbe contre l’indépendance du Kosovo, au cours de laquelle plusieurs personnalités affirment que la Serbie n’acceptera jamais l’indépendance du Kosovo[10].


Symboles

Un certain nombre de thèmes et symboles reviennent dans ses films comme des leitmotiv: la vision du monde par les enfants, le réalisme magique, les animaux, les mariages, le football, le suicide par pendaison, l’envol, le kitsch politique (l'utopie communiste et le rêve américain) et artistique.

La famille

L’importance de la famille est souvent au cœur de l’intrigue des films de Kusturica (au travers d’histoires de passage à l’âge adulte, de séparations, de trahisons ou de mariages). Dans sa vie personnelle également, la famille joue un grand rôle puisque sa femme Maja Kusturica l’assiste dans la production de ses films, et son fils Stribor Kusturica joue de la batterie dans son groupe le No Smoking Orchestra, et fait occasionnellement l’acteur dans ses films.

Filmographie

Réalisateur

Courts et moyens-métrages

Téléfilms

  • 1979: Les mariées arrivent
  • 1980: Café Titanic (Premier Prix du Festival du film de la télévision yougoslave à Portoroz)

Longs-métrages

Clip vidéos

Publicités

Emir Kusturica a tourné de nombreuses publicités pour la télévision française dans les années 90 (Le Sucre, Banque populaire, parfum XS de Paco Rabanne, Renault Occasion), mais aussi pour d’autres pays (Suisse: cigarettes Parisienne People, Allemagne: campagne pour la lutte contre le SIDA, Italie: IOL, Serbie: jus de fruit Next, Russie: Baltimor Ketchup etc.)

Acteur

Récompenses

Au festival de Cannes en 2005

Distinctions

Divers

Bibliographie

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Références

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