Le Comte de Monte-Cristo

Le Comte de Monte-Cristo
Le Comte de Monte-Cristo
Alexandre Dumas.jpg
Auteur Alexandre Dumas avec la collaboration d'Auguste Maquet
Genre Roman feuilleton
Pays d'origine France
Date de parution 1845-1846

Le Comte de Monte-Cristo est un roman d’Alexandre Dumas, écrit avec la collaboration d’Auguste Maquet et achevé en 1844. Partiellement inspiré de faits réels, l'histoire se fonde très lointainement sur la vie de Pierre Picaud. L’ouvrage raconte l’histoire d’un jeune homme faussement accusé de bonapartisme durant la première Restauration et emprisonné sans jugement pendant quatorze ans, qui, évadé et devenu très riche, entreprend de se venger de ceux qui ont œuvré à son arrestation.

Le roman est l’une des œuvres les plus connues de l’écrivain, avec les Trois Mousquetaires, autant en France qu’à l’étranger. Il a d’abord été publié en feuilleton dans le Journal des débats du 28 août au 26 novembre 1844 (1re partie), puis du 20 juin 1845 au 15 janvier 1846 (2e partie).

Sommaire

Résumé

Le 24 février 1815, au début du règne de Louis XVIII, et jour où Napoléon quitte l'île d'Elbe, Edmond Dantès, jeune marin de dix-neuf ans (ch. 7, p. 67), second du navire le Pharaon débarque à Marseille pour s'y marier le lendemain avec sa fiancée, la Catalane Mercédès. Il est criminellement dénoncé par des amis jaloux comme conspirateur bonapartiste et enfermé dans une geôle du château d'If, au large de Marseille. Après quatorze années, d'abord réduit à la solitude et au désespoir puis régénéré et instruit par un compagnon de captivité, l'abbé Faria, il réussit enfin à s’échapper et prend possession d'un trésor légué par l'abbé sur l’île de Monte-Cristo. Riche et puissant et devenu le comte de Monte-Cristo, il entreprend de se venger de ceux qui l’ont accusé et précipité dans l'abîme.

N.B. : Toutes les références de chapitres ou de pages se rapportent à l'édition de la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard éd., 1981).

La lettre de dénonciation :

« M. le Procureur du roi est prévenu, par un ami du trône et de la religion, que le nommé Edmond Dantès, second du navire le Pharaon , arrivé ce matin de Smyrne, après avoir touché à Naples et à Porto-Ferrajo, a été chargé, par Murat, d'une lettre pour l'usurpateur, et, par l'usurpateur, d'une lettre pour le comité bonapartiste de Paris.

On aura la preuve de son crime en l'arrêtant, car on trouvera cette lettre ou sur lui, ou chez son père, ou dans sa cabine à bord du Pharaon . (ch. IV "Complot", p. 37)  »

À noter : La lettre est écrite par Danglars et relue par Fernand devant un Caderousse de plus en plus ivre mais qui protestera néanmoins. Danglars lui affirme alors qu'il ne s'agissait que d'une plaisanterie et fait mine de froisser la lettre que Fernand récupérera pour la faire parvenir au Procureur.

Captivité

Dantès désespère dans cette captivité jusqu'à songer au suicide. Il aura la chance (première manifestation de la « Providence ») de faire la connaissance de l'abbé Faria, un autre prisonnier qui, voulant s'évader, a creusé un tunnel durant sept ans. Las, son tunnel débouche non sur la mer mais dans la cellule de Dantès. L'abbé Faria, extraordinaire érudit, va se prendre d'amitié paternelle pour Dantès et lui donner une éducation exceptionnelle tant économique que politique, sociale, philosophique et mondaine. Le prêtre lui dévoile aussi, dans une déduction logique littéralement « holmesienne » (ch. XVII), le complot tramé par Danglars et Fernand Mondego en présence de Caderousse ainsi que la participation postérieure mais décisive et non moins odieuse de Gérard de Villefort, substitut du procureur du roi à Marseille. Faria va également lui révéler le secret qui le fait lui-même passer pour fou aux yeux de ses geôliers : il est le dépositaire d'un immense trésor, celui des Spada, enfoui depuis des siècles dans l'île de Monte-Cristo. Les deux prisonniers décident de préparer ensemble leur évasion, mais le vieux prêtre meurt et Edmond, pensant être enterré, prend sa place dans le sac où il a été cousu, muni du couteau de l'abbé. Il vivra d'intenses moments de terreur en comprenant — trop tard — qu'il va être jeté à la mer comme tous les malheureux prisonniers morts captifs avec aux pieds un boulet de trente-six. (ch. XX, "Le cimetière du Château d'If")

Retrouvant la liberté après quatorze ans de captivité, et devenu richissime, Dantès revient à Marseille. Il y apprend que son père est mort, sans doute de faim, et que sa fiancée Mercédes, le croyant mort, a épousé son cousin Fernand Mondego, un pêcheur épris d'elle et habitant, comme elle, le quartier des Catalans¹.

¹Quartier mitoyen de Marseille où vivait, plus ou moins repliée sur elle-même, une très importante communauté hispanique à dominance catalane.

Préparation de la vengeance

Dantès mène une enquête discrète, et vérifie tous les faits qu'avait déduits l'abbé Faria dans leur geôle (cf. en particulier ch. XXVIII "Les Registres des prisons").

Se faisant passer auprès de Caderousse, le moins impliqué (l'ivresse aidant) des comploteurs, pour un prêtre italien, l'abbé Busoni, qui aurait assisté aux derniers moments de Dantès, il se fait raconter l'incroyable destinée de ses ennemis et leur fulgurante ascension sociale. Il donne enfin à Caderousse le diamant prétendûment légué par Edmond. Il sauve ensuite de la ruine, sous les traits de lord Wilmore, l'armateur Morrel, qui a aidé son père et l'avait, quatorze ans plus tôt, voulu nommer capitaine du Pharaon (ch. I, p.11). Puis il part pour l'Orient où il va, plusieurs années durant, étendre encore l'immense culture donnée par Faria, augmenter sa fortune colossale et peaufiner point par point sa future vengeance.

En 1838 (soit vingt-trois ans après son emprisonnement), Monte-Cristo a quarante-deux ans, il est en Italie et organise parallèlement l'enlèvement et la libération du jeune vicomte de Morcerf, fils de Mercédès, des griffes du bandit romain Luigi Vampa. Entrant quelques mois plus tard dans la haute société parisienne grâce à un faste inouï, il se rapproche ainsi de ceux qu'il veut frapper. Il retrouve Danglars, qui s'est enrichi dans l'intendance de guerre et qui est devenu banquier richissime et baron ; Villefort, ancien substitut à Marseille, est procureur du roi à Paris et Fernand, qui a donc épousé Mercédès, désormais comte de Morcerf et pair de France. Chacun d'eux a la conscience singulièrement lourde et Monte-Cristo va peu à peu réussir, par un long entrelacs de complots et de ruses, à les acculer au déshonneur, à la ruine et à la mort à l'exception de Danglars, le plus vil de tous, qu'il épargne et qui doit sans doute sa vie à la mort injuste du jeune fils de Villefort (voir infra).

Le vengeur

Fernand, l'ancien pêcheur catalan, n'est parvenu à s'enrichir et à obtenir son titre de noblesse (conféré par Louis-Philippe) qu'en trahissant d'abord Napoléon en Espagne puis son protecteur, Ali Tebelin pacha de Janina, en les livrant sa forteresse et lui, aux Turcs en échange d'argent et de prébendes. Monte-Cristo a retrouvé Haydée, la fille du pacha, et est parvenu à la sortir de l'esclavage où Fernand l'avait réduite pour se débarrasser d'un témoin gênant. Il l'amène à témoigner devant la Chambre des pairs. Celle-ci juge Morcerf à la suite d'un article paru dans l'Impartial et intitulé On nous écrit de Janina (article évidemment inspiré par le comte). Déclaré coupable, chassé de la chambre des pairs et ne pouvant supporter son humiliation, Morcerf se suicide alors que Mercédès, accablée, part avec son fils, abandonnant demeure, fortune, bijoux et rang social. Elle se réfugie à Marseille, dans la petite maison du père Dantès. Edmond lui en a fait cadeau ainsi que du maigre pécule qu'il avait amassé en vue de leur mariage en 1815 (ch. XCI, pp. 1123 et 1124). Albert de Morcerf, reniant son père, s'engagera dans les spahis (« […] il faut que je vive désormais sans nom et sans fortune » (p. 1121) afin de ranimer l'honneur de la famille.

Puis Monte-Cristo s'attaque à Danglars. Grâce à sa fortune et aux (très) mauvais penchants du baron banquier, il va parvenir à le presque ruiner. Il s'arrange ensuite pour le pousser, "pour se refaire", à donner — ou, plus exactement, à vendre — sa fille Eugénie en mariage à un prétendu prince Cavalcanti, pseudo-aristocrate italien fabriqué de toutes pièces par le comte et supposé (par Danglars) cousu d'or. La fiancée découvrira, le jour de la signature du contrat, que Benedetto n'est pas plus riche que prince ou italien mais bien un forçat évadé, fils adoptif du maître d'hôtel (Bertuccio) du comte et surtout fils adultérin du procureur du roi, Villefort, enfant qu'il a eu avec Madame de Nargonne, devenue Madame Danglars, et rejeton qu'il a cru mort-né au point de l'enterrer vivant mais — hélas pour lui ! — en l'inopportune présence du Corse Bertuccio qui — pour son propre malheur ! — ramènera à la vie et adoptera le nouveau-né.

Vient enfin le tour de Villefort, dont l'épouse empoisonne, calmement et un à un, les membres de sa famille afin de faire seul hériter son fils Édouard. L'ayant démasquée Villefort lui ordonne de mettre fin à ses jours sans quoi il requerra lui-même contre elle la peine de mort. Elle s'empoisonne donc mais, autant par vengeance que par amour insensé, elle tue également leur jeune fils. Villefort, après avoir montré à Edmond épouvanté le cadavre de l'enfant, perd la raison. Monte-Cristo a pu, entre temps, empêcher Valentine de Villefort de mourir à son tour de la folie homicide de sa marâtre. Il la sauve car elle aime et est aimée de Maximilien Morrel, le fils de l'armateur. Il parvient ensuite à les réunir et c'est à cette occasion, dans le palais troglodyte de Sinbad le Marin, sur l'île de Monte-Cristo, que Valentine lui révèlera l'amour absolu que lui porte Haydée.

Mais entre temps, Danglars, piégé par Monte-Cristo et préférant une bonne banqueroute à une mauvaise prison, s'est enfui à Rome où le comte l'a fait enlever par le bandit Vampa en vue de lui prendre, repas après repas (ch. CXV), les millions qu'il a volés aux hospices et ce à raison de… cent mille francs par souper ! Lorsque Danglars, à bout de faim et de soif, ayant tout donné à ses geôliers, gardant comme un halluciné les cinquante mille francs qui seuls lui restent (p. 1380), voit apparaître enfin ce « Maître » qui ordonne à Vampa lui-même, il reconnaît d'abord Monte-Cristo, puis Edmond Dantès. Il se repent alors (sans doute sincèrement) du mal qu'il a causé (rappelons que le père Dantès est réputé être mort de faim !). Mais, entre son enlèvement et ce moment fatal, il y a eu la mort du jeune Édouard de Villefort et Edmond fait grâce au pire de ses bourreaux. Il lui laisse son dernier argent et l'invite même à dîner: « Et maintenant, mangez et buvez ; ce soir je vous fais mon hôte » (p. 1382). Abandonné ensuite en pleine campagne, à demi-fou, Danglars, se penchant sur un ruisseau pour y étancher sa soif, s'aperçoit qu'en une nuit ses cheveux sont devenus blancs. Il n'en reste pas moins que lui, l'initiateur de la machination, est ruiné mais sauf¹ alors que Caderousse et Morcerf sont morts et que Villefort a perdu la raison.

Une fois sa vengeance accomplie mais torturé de questions sur le droit de se faire justice, de se substituer à Dieu, Monte-Cristo repart vers l'Orient en compagnie de la femme qui l'aime et qui, peut-être, lui fera retrouver une sérénité mise à mal par la mort injuste du jeune Édouard, fils de Villefort. Il a richement doté Valentine et Maximilien et leur a fait cadeau de son île en ne leur laissant qu'un bref message : « Attendre et espérer ! » (ultimes mots du roman, ch. CXVII, p. 1398).

¹Il est assez amusant de noter que, dans leur excellente et globalement très fidèle adaptation de 1979, Jean Chatenet et André Castelot ont cru devoir inventer une "punition" imposée par Monte-Cristo et inexistante dans le roman : Il interdit à Danglars de travailler, lui ordonnant de mendier pour vivre jusqu'à la fin de ses jours. Étrange prurit moraliste de la part des adaptateurs qui ôte à la fin du roman une partie de sa nécessaire ambiguïté !

Contexte politique

Le rapport de Dumas avec le bonapartisme était compliqué et contradictoire. Cela datait de son père, qui, fils d'une esclave, était devenu général sous la révolution avant de condamner le retour de l'esclavagisme. Dans un petit écrit publié en 1857, État civil du Comte de Monte-Cristo[1], Alexandre Dumas raconte que l’idée du roman lui est venue à un moment où il avait des contacts fréquents et intimes avec des membres de la famille Bonaparte. Dumas se trouvait en 1841 à Florence où résidait également le prince – et ex-roi de Westphalie – Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon Bonaparte. Dumas était un visiteur quotidien dans la maison du prince et lorsque le fils de Jérôme, Napoléon, revint d’Allemagne pour vivre dans la maison paternelle, son père demanda à Dumas d’accompagner le jeune homme en voyage en Italie. Ce qui fut fait. Les deux voyageurs visitèrent ainsi l'île d’Elbe, partant de Livourne dans un petit bateau. Après Elbe, ils voulurent chasser et mirent le cap sur l’île de Monte-Cristo. Finalement ils se contentèrent d’en faire le tour, car l’aborder les aurait contraints à une quarantaine au retour. Le jeune prince demanda à Dumas : « À quoi cela sert-il de faire le tour de cet îlot ? » et l’écrivain répondit : « À donner, en mémoire de ce voyage que j’ai l’honneur d’accomplir avec vous, le titre de L’Île de Monte-Cristo à quelque roman que j’écrirai plus tard. »

Où en était le bonapartisme en 1841 ? Depuis une année les cendres de Napoléon Ier étaient en France. Le bonapartisme avait donc un centre qui allait devenir lieu de culte et pèlerinage. Un autre neveu de Napoléon Ier, Louis-Napoléon, était en prison pour avoir ourdi d'assez ridicules tentatives de coups d’État en 1836 et 1840[2]. Il réussit à s’échapper en 1846 - sous déguisement – et s’exila en Angleterre. Puis il revint en France pour se joindre au mouvement républicain en 1848 et devenir le premier président de la République française. Bien qu'il n'eût aucune expérience politique, il fut élu avec une énorme majorité, (mais contre l’avis de Dumas, qui était dans le camp de Cavaignac). Or, le triomphe du roman de Dumas se situe dans les années 1844 à 1848. Son statut de livre à succès mondial fut rapidement acquis et déjà en 1848 le roman était traduit et connu dans le monde entier[3].

Le Comte de Monte-Cristo et le bonapartisme : chronologie

  • Le général Dumas
    • 1793. Thomas Alexandre Dumas devient général dans l'armée de la première République.
    • 1794. Il désapprouve publiquement les massacres perpétrés dans l'ouest de la France.
    • 1795-97. Il jouit d'une grande célébrité. Se bat sous les ordres de Napoléon.
    • 1802. Épuration raciale de l'armée de l'Empire qui a rétabli l'esclavagisme.
    • 1802. Naissance de son fils, Alexandre Dumas « père ».
    • 1806. Th. A. Dumas meurt accablé par l'injustice de l'Empire.
  • Dumas père
    • 1832. Le fils de Napoléon Ier meurt et la lignée directe de l'empereur s'éteint avec lui.
    • 1836. A. Dumas est déjà un écrivain célèbre.
    • 1836. Premier putsch de Louis-Napoléon, âgé de 28 ans.
    • 1840. 10 juin. Une loi décide que les cendres de Napoléon Ier doivent être ramenées en France.
    • 1840. 6 août. Deuxième tentative de Louis-Napoléon. Condamné à la prison à vie, il devient connu comme prétendant au trône impérial.
    • 1841. Dumas vit à Florence et fréquente l'ex-roi Jérôme et son fils Napoléon.
    • 1841-44. Le roman est conçu et écrit.
    • 1846. Le roman est déjà traduit et extrêmement populaire.
    • 1846. Louis-Napoléon s'enfuit de la citadelle de Ham.
    • 1848. Deuxième République. Louis-Napoléon est élu président de la République mais Dumas ne vote pas pour lui.
    • 1857. Publie État civil du Comte de Monte-Cristo.

Mesures (à compléter)

         1 pied               =          env. 33 cm
         1 pouce              =          env. 27 mm
         1 toise              =          env. 195 cm
         1 brasse anglaise    =          env. 182,8 cm
         1 brasse française   =          env. 162 cm
         1 lieue kilométrique =                 4 km
         1 lieue de terre     =             4'445 m (1 25e de degré)
         1 lieue marine       =             5'556 m (1 20e de degré)
         1 lieue de poste     =             3'898 m
         1 livre anglaise     =               453 g
         1 livre française    =               489,5 g

Argent

Une livre égale un franc-or mais on utilisait généralement le franc pour la fortune et la livre pour le revenu annuel produit par celle-ci. Par exemple, en 1838, une fortune de cent mille francs produit, en revenu, cinq mille livres de rente (soit 5 %).

Pour donner l'échelle, Caderousse, qui veut se donner l'air d'un boulanger retiré, demande à Benedetto deux cents francs par mois, soit l'équivalent d'une rente de deux mille quatre cents livres ou d'une fortune de quarante-huit mille francs.

On lira d'autre part (ch. LXI) que l'employé préposé au télégraphe de la tour de Montlhéry touche par an - mais il est logé - la somme de mille francs et qu'il lui faudra travailler vingt-cinq ans pour espérer toucher une pension de cent écus par an, soit trois cents francs mais, bien entendu, non logé.

Il va de soi que l'on ne peut faire entrer en ligne de compte les divers salaires, gratifications et avantages offerts à ceux qui le servent par le munificent comte de Monte-Cristo mais il dit (ch. XLVI) à son valet Baptistin que les gages qu'il lui consent - mille cinq cents francs par an - correspondent « aux appointements d'un bon et brave officier qui risque tous les jours sa vie » tout en ajoutant que ledit Baptistin lui vole « sur les achats que vous faites pour ma toilette, à peu près quinze cents autres francs par an ».

Intéressant de noter que l'on trouve, chez la plupart des auteurs du XIXe siècle, l'évocation de cette manière de contrat occulte (salaire + vol) et jusque chez Guitry (dans Désiré) entre maître et serviteurs qui prolongent Scapin ou Petit-Jean.

Avant leur fuite, Eugénie Danglars dit à son amie Louise d'Armilly : « Avec quarante-cinq mille francs, nous avons de quoi vivre en princesses pendant deux ans ou convenablement pendant quatre. » (ch. XCVII). Mais il faut noter que Mademoiselle Danglars recevait de son père banquier mille francs par mois (soit le salaire annuel du télégraphiste de Montlhéry !) « pour ses fantaisies », somme que l'ex-commis trouvait « énorme » et que sa fille désigne par « ces pauvres douze mille francs que vous me donniez » (p. 1233). D'autre part, la même demoiselle laisse entendre à son père médusé que la Pasta, la Grisi (Giulia Grisi) ou la Malibran tirent de leur art cent ou cent cinquante mille livres de rente¹.

¹ Soit, selon le calcul évoqué plus haut, l'équivalent d'une fortune de deux à trois millions de francs-or !

Les exemples sont multipliables à l'envi et, de l'index des prix au très rigoureux « panier de le ménagère », toutes les échelles analytiques sont utiles. Il convient néanmoins de ne jamais oublier la très banale « vie des gens » au profit de calculs théoriques (aussi pointus fussent-ils) sur, par exemple, l'équivalent actuel en euros, en francs ou en dollars de la fortune de Monte-Cristo en 1838. Cela n'a aucun sens.

Il va de soi que, dans la société décrite par Dumas (et qui est celle où il vit), la somme cumulée des besoins d'une baronne Danglars est tout simplement sans commune mesure - au sens très exact de l'expression - avec celle du télégraphiste de Montlhéry voire avec celle d'un quelconque « boulanger retiré ».

Cet éventail, cette « fourchette des salaires » comme on dit plaisamment aujourd'hui, si elle n'a pas totalement disparu, s'est tout de même considérablement réduite.

Car il importe de ne pas oublier dans les exemples qui précèdent, qu'il s'agisse de Caderousse espérant deux cents francs par mois, du préposé à mille francs par an ou de Baptistin aux gages annuels de quinze cents francs, qu'il s'agit bel et bien de privilégiés. Des privilégiés qui, d'une part, ont du travail et, d'autre part, touchent (ou espèrent) de très hauts salaires en regard de l'endémique misère (cf. les Misérables) de l'écrasante majorité de la population qui se partage quelques miettes quand elle ne crève pas de faim.

Pour eux, pour des millions de gens, à Paris et ailleurs il y a un peu plus d'un siècle et demi, la « somme cumulée des besoins » se résume non à des mille, non à des cents, pas même à des francs mais bien à quelques centimes par jour.

Les quarante-cinq mille francs de la petite Danglars cumulent alors plusieurs vies entières de travail !

À partir de là, chercher l'équivalent moderne de la fortune du comte ne saurait relever que de la plaisanterie de très mauvais goût. En admettant même que cela fût possible.

Morale (pour qui veut en faire !)

Les sentiments d'Haydée peuvent sembler ambigus, par exemple à la lecture de ces lignes :

«  Tous les transports d'une fille revoyant un père chéri, tous les délires d'une maîtresse revoyant un amant adoré, Haydée les éprouva pendant les premiers instants de ce retour attendu par elle avec tant d'impatience. (ch. XCII) »

Mais il convient de se souvenir que Monte-Cristo n'a acheté Haydée au marchand El-Kobbir que pour mieux perdre Morcerf et que, dès le début, il a décidé de l'affranchir et de lui faire retrouver son rang. Il l'aime bel et bien comme sa fille. Quant aux sentiments qu'elle éprouve (elle et non pas lui !), c'est Valentine qui les lui dévoile (pp. 1394 à 1396). Ce n'est qu'alors, et alors seulement, qu'il entrevoit la possibilité d'un réconfort (et peut-être d'une rédemption) dans l'amour infiniment pur qu'Haydée lui porte.

Beaucoup plus choquante en revanche, pour la morale du temps tout au moins, est la description faite par Dumas de Mademoiselle Eugénie Danglars et de sa maîtresse… de chant, Mademoiselle Louise d'Armilly. Ni le vaniteux jeune Morcerf ni le niais Benedetto « Cavalcanti » ne se trompent à la vue de ce couple si bien assorti et le superbe portrait que l'auteur peint de ces deux jeunes filles serait à publier ici rien que pour le plaisir de la lecture.

Il est en tous cas peu courant (sinon unique ? À vérifier) de trouver chez un auteur de ce temps une description à la fois aussi subtilement discrète et littérairement parfaite d'un couple de jeunes lesbiennes follement amoureuses l'une de l'autre et poussant le scandale jusqu'à la fuite, l'une d'elles (Eugénie bien sûr !) travestie en cavalier. (ch. XCVII, "La Route de Belgique")

Reste que, pour ceux qui pensent que la « Morale », comme le mépris, doivent être laissés aux nécessiteux, le personnage que brosse trop brièvement Dumas d'Eugénie Danglars nous fait regretter de ne la connaître mieux tant elle tranche de façon presque grinçante au milieu de ces femmes soit éthérées et victimes (Valentine), soit futiles et vaines (Madame Danglars), soit monstrueuses (Madame de Villefort), soit "forcément sublime" (!) comme Haydée.

Principaux personnages (descriptions synthétiques)

  • Edmond Dantès, alias comte de Monte-Cristo, lord Wilmore, abbé Giacomo Busoni (Zaccone), Sinbad le Marin. Dantès est dénoncé par ses « amis » Fernand et Danglars comme espion bonapartiste, il est envoyé au château d'If, la prison située au large de Marseille (il y sera même maintenu comme… royaliste durant les Cent-Jours ! (cf. ch. XXVIII, p. 199)). Pour reconstituer la vérité sur le crime qui lui a fait perdre quatorze années de sa vie, il prendra de nombreux déguisements et mènera ses plans de très longue main d'Orient en Italie.
  • Mercédès Herrera, ex-fiancée d’Edmond devenue, convaincue de sa mort et par désespoir, l'épouse de Fernand Mondego, futur comte de Morcerf. De ce mariage naîtra Albert de Morcerf. (cf. infra)
  • Fernand Mondego, pêcheur catalan, l'un des dénonciateurs d'Edmond. Il est devenu comte de Morcerf et pair de France. Il a, par cautèle persuasive, épousé Mercédès en la convainquant de la mort d'Edmond.
  • Danglars, ancien commis aux écritures, jaloux de tous et de tout, arriviste délirant et crapule universelle. Il sait faire profit de tout et de tous. Il a épousé la veuve de Monsieur de Nargonne qui a déshonoré son mari (en le trompant avec Villefort) et l'a poussé au suicide. Il est devenu un banquier richissime grâce, entre autres malversations, à la funeste campagne d'Espagne et à ses conséquences qu'il a largement exploitées au profit de ses divers trafics et spéculations. Mari plus que complaisant, il est en outre admirablement renseigné sur la politique intérieure et extérieure du gouvernement par l'amant de sa femme, Lucien Debray, secrétaire particulier (et fort indélicat) du ministre de l'Intérieur.
  • Gérard de Villefort, substitut du procureur à Marseille, fait rapidement procureur du Roi à Paris ce qui est une promotion exceptionnelle¹. C'est lui qui a fait jeter Edmond au secret pour protéger son père (Noirtier) et sa propre carrière. En effet, son père est un ancien Conventionnel et un général bonapartiste enragé réduit à la demi-solde. C'est à lui qu'est destinée la lettre¹ remise au défunt commandant du Pharaon par le Grand Maréchal Bertrand (cf. Henri Gatien Bertrand) à l'île d'Elbe, lettre qui est l'élément matériel de la dénonciation.

¹Due très largement aux renseignements recueillis grâce à la lettre de l'île d'Elbe et rapidement transmis à Louis XVIII et à l'immédiate et définitive mise au tombeau de Dantès !

  • Maximilien Morrel, officier de spahis, protégé du comte de Monte-Cristo car il est l'un des enfants de l'honnête et vertueux armateur sur un des navires duquel Dantès a servi comme second et seul à avoir aidé son vieux père tombé dans la misère. Monte-Cristo sauvera l'armateur Morrel du suicide en lui rendant (sous l'apparence de lord Wilmore "assisté" par Sinbad le marin) la bourse autrefois donnée par lui au vieux Dantès, bourse garnie par lui d'un diamant (pour dot de sa fille Julie, sœur de Maximilien) et de traites acquittées en remise totale des dettes de l'armement Morrel auprès de la Maison Thomson & French de Londres, créancière de l'armateur.
  • L'abbé Faria, prisonnier au château d’If depuis de nombreuses années lorsque Dantès y arrive. Il transmet à Edmond une large part de son immense savoir, l'éveille au raisonnement logique et lui révèle l'emplacement d'un trésor caché depuis très longtemps sur l'île de Monte-Cristo. Sa mort permettra l'évasion audacieuse d'Edmond et le rendra riche.
  • Albert de Morcerf, fils de Mercédès et de Fernand. Il devient l'ami de Monte-Cristo (du moins celui-ci le lui laisse-t-il croire) à la suite d'une aventure entièrement instrumentée par le comte à Rome.
  • Gaspard Caderousse, voisin de Dantès, ancien tailleur et propriétaire ruiné de l' Auberge du Pont-du-Gard. D'après lui, ce sont Danglars et Fernand qui ont provoqué la chute d'Edmond, mais il se garde bien de préciser que, présent, il n'a rien fait pour les en empêcher, sa seule excuse étant un formidable état d'ivresse. Il s'est marié depuis avec Madeleine Radelle dite la Carconte. L'abbé Busoni lui offrira, pour prix de ses « confidences », un diamant supposé "légué" par Dantès mourant et qui, loin de faire sa fortune, l'enfoncera d'un degré de plus dans sa déchéance.
  • Haydée, officiellement l'esclave du comte de Monte-Cristo. Elle est la fille d'Ali Tebelin, pacha de Janina, et a été vendue aux Turcs par Fernand à la suite de sa trahison. Monte-Cristo l'a sauvée en la rachetant au marchand El Kobbir afin de perdre Morcerf.
  • Bertuccio, corse, ancien contrebandier et homme d'honneur à sa manière. Majordome et factotum du comte de Monte-Cristo. Il est le père adoptif (pour son malheur !) de Benedetto qu'il a sauvé alors qu'il était nouveau-né et que son père adultérin, Gérard de Villefort, allait l'enterrer vivant. Bertuccio avait déclaré jadis la ''Vendetta'' au procureur et le blessa ce jour-là grièvement d'un coup de couteau.
  • Benedetto, entièrement fabriqué prince Andrea Cavalcanti par Monte-Cristo pour frapper à la fois Danglars et Villefort. Fils illégitime de Villefort et de madame de Nargonne devenue madame Danglars. Fils adoptif de Bertuccio (cf. supra).
  • Noirtier, dit Noirtier de Villefort, père du très royaliste procureur, ancien Conventionnel anobli par l'Empereur et ci-devant général d'Empire réduit à la demi-solde. Il est le destinataire de la lettre¹ compromettante remise à l'île d'Elbe par le Grand Maréchal Bertrand (cf. Henri Gatien Bertrand) au capitaine Leclère, commandant du Pharaon, et rapportée à Marseille par Edmond après la mort du capitaine durant le voyage de retour.

« Ô mon Dieu ! Murmura-t-il, à quoi tiennent la vie et la fortune !… Si le procureur du roi eût été à Marseille, si le juge d'instruction eût été appelé au lieu de moi, j'étais perdu; et ce papier maudit me précipitait dans l'abîme. Ah ! mon père, mon père, serez-vous donc toujours un obstacle à mon bonheur en ce monde, et dois-je lutter éternellement avec votre passé !¹. (Villefort, Ch. VII, p. 71) »

¹C'est cette lettre qui épouvantera Villefort voyant qu'elle implique directement son père et le poussera à envoyer Dantès non dans un cachot mais dans une tombe alors qu'il avait été préalablement presque ému par la concomitance de leurs repas de fiançailles respectifs (ch. VII, "L'Interrogatoire"), voir citation ci-dessus.

Les relations entre les personnages du Comte de Monte-Cristo

Galerie de portraits

  • Edmond Dantès. Il faut se garder de confondre en un seul personnage le jeune marin naïf et idéaliste qui débarque à Marseille le 24 février 1815 avec le prisonnier qui s'évade du château d'If le 28 février 1829. Et moins encore avec le cynique dandy romain de 1838. Le premier ne songeait qu'à épouser sa douce fiancée et se trouvait doublement heureux par sa promotion au rang de commandant du Pharaon. Le second, sortant de son linceul de toile et nageant jusqu'à l'épuisement est déjà le comte de Monte-Cristo. Quant au troisième, c'est le démiurge accompli et — du moins veut-il le croire — le bras armé de cette omniprésente Providence (de Dieu, autrement dit !) qui hante sa vie depuis que « […] Au cinquième ou sixième coup de pioche, le fer résonna sur du fer. » (ch. XXIV, p. 256), soit - il faut le noter - du moment où il touche du doigt l'instrument de sa puissance à venir.

Ces quatorze années on fait de l'agneau un tigre, du naïf un cynique et de l'enfant fragile une force terrifiante. Et celui que l'on retrouve, au début de 1838 (ch. XXI) (soit neuf années après l'évasion, vingt-trois ans après le premier retour du Pharaon)) à Rome, est devenu un érudit quasi universel, un gentilhomme accompli et, ce qui donne au tout une presque omnipotente puissance, un homme immensément riche !

Portrait de Monte-Cristo par Dumas

Dantès débarque à Livourne quelques jours après son évasion et se précipite chez un barbier. Arrêté à dix-neuf ans, il découvre l'homme de trente-trois ans qu'il est devenu (p. 252) :

« Sa figure ovale s'était allongée, sa bouche rieuse avait pris ces lignes fermes qui indiquent la résolution ; ses sourcils s'étaient arqués sous une ride unique, pensive ; ses yeux s'étaient empreints d'une profonde tristesse, du fond de laquelle jaillissaient de temps en temps les sombres éclairs, de la misanthropie et de la haine ; son teint, éloigné si longtemps de la lumière du jour et des rayons du soleil, avait pris cette couleur mate qui fait, quand leur visage est encadré dans des cheveux noirs, la beauté aristocratique des hommes du Nord ; cette science profonde qu'il avait acquise avait en outre reflété sur tout son visage une auréole d'intelligente sécurité ; en outre, il avait, quoique naturellement d'une taille assez haute, acquis cette vigueur trapue d'un corps toujours concentrant ses forces en lui.

À l'élégance des formes nerveuses et grêles avait succédé la solidité des formes arrondies et musculeuses. Quant à sa voix, les prières, les sanglots et les imprécations l'avaient changée, tantôt en un timbre d'une douceur étrange, tantôt en une accentuation rude et presque rauque.

En outre, sans cesse dans un demi-jour et dans l'obscurité, ses yeux avaient acquis cette singulière faculté de distinguer les objets pendant la nuit, comme font ceux de l'hyène et du loup. »

Au lu de ce portrait, certains pensèrent, lors de la dernière adaptation pour la télévision, que le choix de Gérard Depardieu ne correspondait pas à la description faite par Dumas. C'est véritablement le moins que l'on puisse dire !

Personnages principaux

  • Ses ennemis: Fernand, Danglars et Villefort sont des arrivistes très ''Louis-Philippards'' prêts à tout pour assouvir leur soif de richesse et de pouvoir. Ils sont lâches et corrompus, acharnés et intelligents et totalement dénués de scrupules.
  • Mercédès, sa fiancée qui n’a pas su ou pas pu rester fidèle (fût-ce à un mort), pense ne plus mériter de goûter au bonheur dans l’amour d’Edmond et celui-ci d'ailleurs ne la détrompe pas. Son mari déshonoré et suicidé, elle se réfugiera à Marseille dans la maison du père Dantès qu'Edmond lui a donnée avec le petit pécule que le jeune marin avait réuni en vue de son mariage avec elle en 1815.
  • Gaspard Caderousse, crapule irrécupérable. Ancien tailleur devenu aubergiste puis forçat évadé. Monte-Cristo lui donnera deux fois sa chance, à chaque fois il se perdra plus encore.

Personnages secondaires

  • Albert de Morcerf, fils de Mercédès, est un personnage finement dessiné. Jeune vicomte convaincu (à tort) de sa haute origine (p. 406) et noceur sans cervelle (p. 405), il sera très durement frappé par le comte. D'abord dans son enlèvement et sa libération à Rome durant le carnaval (ch. XXXIII), puis à travers son père Fernand que Monte-Cristo mènera au déshonneur et poussera au suicide (ch. LXXVIII & ss). Ivre de tristesse, le jeune vicomte provoquera en duel celui qu'il croyait son ami mais, instruit par sa mère Mercédès, il aura le sublime courage de faire à Monte-Cristo des excuses sur le terrain, déshonneur absolu à l'époque. « Ce qu'Albert vient de faire est bien misérable ou bien beau » dit alors (p. 1117) l'un de ses témoins, le baron (authentique celui-ci !) de Château-Renaud.
  • Après le suicide de Morcerf, Albert accompagnera sa mère à Marseille et, par l'entremise de Maximilien Morrel, s'engagera dans les spahis pour retrouver, par le sang versé, l'honneur de son nom.
  • L’abbé Faria, prisonnier politique, savant brillant que ses geôliers croient fou. Il est l'unique compagnon de la captivité et le premier signe de cette Providence si souvent invoquée par Dantès. Il devient, par la transmission du secret, l’instrument de la justice divine en offrant à Edmond à la fois la liberté et la fortune, donc les moyens de sa vengeance.
  • Mais surtout, il est le démiurge initiateur qui éveille la conscience et l'esprit d'Edmond, qui fait follement progresser son intelligence et qui lui donne la compréhension intime des êtres et des évènements. Il est, dans le sens le plus précis et le plus complet du terme, le père spirituel du double personnage Dantès/Monte-Cristo.

Personnages anecdotiques importants

La biographie de Vampa est minutieusement détaillée (ch. XXXIII, pp. 370 à 397, "Bandits romains") à Franz d'Épinay et Albert de Morcerf par "Maître" Pastrini, leur hôtelier romain. On y découvre le lien qui l'unit depuis longtemps à Monte-Cristo.

  • Lucien Debray, secrétaire particulier du ministre de l'Intérieur et crapule particulièrement policée. Il est l'amant de Madame Danglars qu'il renseigne sur les affaires internationales ce qui leur permet de boursicoter de concert avec l'argent du banquier dans une « […] roulette où l'on gagne toujours sans miser jamais ! » comme dit joliment Danglars à sa femme lorsque la tendance s'inverse fâcheusement par la faute de Monte-Cristo et… du télégraphe !
  • Beauchamp, jeune mais influent journaliste à l'Impartial, feuille d'opinion plutôt d'opposition à Louis-Philippe. C'est dans L'Impartial que sera publié le fameux article « On nous écrit de Janina », suscité par le comte et qui déclenchera le scandale d'Albert de Morcerf, le fils de Fernand. Provoqué par Albert, Beauchamp diligentera une enquête confirmant et aggravant lourdement les premiers soupçons. Par amitié pour le jeune vicomte, il accepterait bien d'étouffer l'affaire mais, passant à la vitesse supérieure, le comte, toujours incognito, a alerté l'ensemble de la presse parisienne et l'Impartial ne pourra plus reculer, provoquant ainsi le duel avorté entre Albert et le comte puis le déshonneur et le suicide de Fernand.
  • Le « major » Cavalcanti, fripouille sympathique et inoffensive, envoyé à Monte-Cristo par… l'abbé Busoni. Il n'est évidemment pas plus « major » que « Cavalcanti » mais accepterait aussi bien d'être l'ange Gabriel pour la moitié de ce que le comte lui donne. Busoni lui a remis des papiers confirmant non seulement cette noble identité mais également celle de son fils odieusement enlevé enfant par d'affreux bandits et que le comte va lui permettre enfin de serrer sur son cœur (ch. LV). Ce « fils » si opportunément retrouvé, c'est Benedetto, compagnon de chaîne de Caderousse au bagne de Toulon qui va devenir, par la grâce du comte et de façon très éphémère, le prince Andréa Cavalcanti qui perdra successivement Caderousse en le tuant, Danglars en le ruinant et Villefort en le déshonorant !
  • Benedetto, personnage presque trop abject pour être tout à fait vraisemblable mais c'est cette abjection même qui va rendre plus ignoble encore la conduite de Villefort dont il est le fils adultérin, sa mère génétique étant madame de Nargonne, future madame Danglars et maîtresse du procureur puis de Debray. Comme il le dit à son procès pour le meurtre de Caderousse : « J'ai vingt et un ans, ou plutôt je les aurai seulement dans quelques jours, étant né dans la nuit du 27 au 28 septembre 1817. » […] À cette phrase, dit Dumas : « M. de Villefort leva une seconde fois la tête, regarda Benedetto comme il eût regardé la tête de Méduse et devint livide. » (ch. CX, p. 1313) Et pour cause ! À sa naissance, Villefort, prétendant le croire mort, l'a enterré vivant dans le jardin d'une villa d'Auteuil que Monte-Cristo achètera plus tard, non sans dessein. Dans ce jardin, Villefort a été suivi par Monsieur Bertuccio, contrebandier corse qui lui avait déclaré la Vendetta. L'ayant donc dûment poignardé, Bertuccio se saisit d'un coffre qu'il espère plein d'or et où il ne trouve qu'un nouveau-né que son bon cœur le pousse à confier à sa sœur. Dès lors, l'enfant grandit en méchanceté et crapuleries diverses jusqu'à brûler vive sa mère adoptive pour lui avoir trop « chauffé » les pieds en vue de la voler. Cet aimable garçon finit évidemment au bagne où il se trouve être le compagnon de chaîne du bien connu Caderousse. Tous deux serviront plus tard, séparément, et ensemble sans le vouloir, les desseins de Monte-Cristo.

C'est dans ce chapitre que l'on constate une des confusions chronologiques que Dumas et Maquet ont laissé passer: En effet, dans le chapitre CV (p. 1267) Monte-Cristo dit à Maximilien Morrel : « Il y a aujourd'hui dix ans que j'ai sauvé ton père qui voulait mourir. ». Quarante-six pages plus loin (p. 1313), dans ce chapitre CX, Benedetto donne à la fois son âge et sa date de naissance. Or, si l'on calcule bien, dans le premier cas, nous avons le 5 septembre 1839 (5.9.29 + 10) et, dans le second, nous sommes... en 1838 (1817 + 21 !). C'est moins grave que le galimatias de l'improbable voyage autour de l'île (cf. infra) mais cela reste agaçant.

Personnages anecdotiques secondaires

  • Barrois, serviteur personnel du général Noirtier de Villefort qui vit reclus chez son fils depuis qu'il est tétraplégique. Avec Valentine, petite-fille du général, il est seul à pouvoir le comprendre. Il mourra à la place de son maître, empoisonné par madame de Villefort qui ignore que celui-ci est « mithridatisé » par la brucine que lui administre son médecin, le docteur d'Avrigny.
  • Marquise de Saint-Méran, première belle-mère de Villefort. Elle n'a les honneurs de la citation qu'au tout début du roman (ch. VI) lors du mariage de sa fille et vers à la fin, lors de sa mort, la deuxième d'une série après son mari (ch. LXXIII). Elle sera, elle aussi, l'instrument de la Providence en s'obstinant à vouloir marier sa petite-fille Valentine au jeune baron Franz de Quesnel d'Épinay, fils d'un général royaliste tué en duel par Noirtier (cf. infra).
  • Docteur d'Avrigny, excellent médecin et diagnosticien remarquable. Il soigne Noirtier à la brucine et l'a donc en même temps immunisé contre les poisons administrés par l'épouvantable madame de Villefort. C'est lui qui décèlera le premier l'origine criminelle de la mort des Saint-Méran puis de Barrois. Accusant tout d'abord Valentine, il répand un climat de terreur dans l'hôtel de Villefort puis, celle-ci empoisonnée à son tour, il ouvrira les yeux du procureur dont la volonté de faire justice aboutira à la mort de son fils et à sa folie.
  • Général Flavien de Quesnel, baron d'Épinay, général d'Empire fait baron par Louis XVIII. Officier royaliste que quelques bonapartistes ont cru à tort des leurs. Ce personnage « secondaire », autre instrument de la Providence, est le seul qui n'apparaisse pas « physiquement » dans le roman. Et pour cause : il est mort le 5 février 1815 (p. 920), soit trois semaines avant l'arrivée du Pharaon dans le port de Marseille. Il fait l'objet de l'un des plus beaux chapitres (ch. LXXV, "Le Procès-verbal") du roman dans lequel l'extraordinaire volonté de Noirtier va s'employer, malgré son terrible handicap, à faire échouer le mariage de sa petite-fille avec le fils du général en lui révélant que c'est lui-même qui a tué son père en duel à la sortie d'une réunion du club bonapartiste de la rue Saint-Jacques où il avait refusé de se rallier à l'Empereur.

À noter que, si le contenu de ce « procès-verbal » explose comme une bombe au visage du jeune baron d'Épinay, Villefort, lui, ne saurait s'en montrer étonné. En sa présence, le duel est évoqué et le général de Quesnel nommé par Louis XVIII qui parle au substitut de « […] l'affaire de la rue Saint-Jacques » dans le chapitre XI ("L'Ogre de Corse", pp. 107 à 109). Villefort allait donc marier sa fille à Franz en toute connaissance de cause !

Les « grandes périodes » du roman

  • De l'arrivée à l'arrestation, soit du 24 au 28 février 1815. Edmond est arrêté lors de son déjeuner de mariage le 28 février à 13 h 30.
  • Au château d'If, soit du 28 février 1815 au 28 février 1829.
  • Premiers achats et premiers déguisements, du 1er mars au 3 juin 1829.
  • Recherches et récompenses, du 3 juin au 5 septembre 1829.
  • « Période inconnue », soit du 6 septembre 1829 à début février 1838. Monte-Cristo court l'Europe et l'Orient afin de confirmer par des preuves les déductions de Faria et de tisser un extraordinaire réseau de complicités, de complaisances et d'obligés par le jeu desquels il forgera les armes impitoyables de sa vengeance.
  • Italie, du début février au 21 du même mois 1838.

Note: Aucune mention de ce qui se passe, en 1838, du 21 février à Rome au 21 mai à Paris.

  • Paris, du 21 mai au 25/27 septembre 1838.
  • Rome, les 1er et 2 octobre 1838. "absolution" de Danglars par Dantès.
  • Épilogue sur l'île de Monte-Cristo ou « Le cinq octobre », soit le 5 octobre 1838.

Exploitation touristique

Le Château d'If aujourd’hui

Des visites de la « cellule d’Edmond Dantès » sont encore organisées de nos jours au Château d'If, au large de Marseille. Le réalisme est poussé jusqu'à avoir creusé une galerie entre la cellule supposée de Dantès et celle de l'abbé Faria.

Aujourd'hui sont aussi possibles des visites du centre ville[4] aux endroits cités par Alexandre Dumas dans son roman.

Adaptations

Au théâtre

Alexandre Dumas a tiré trois drames de son roman :

  • Monte-Cristo (en deux soirées) au Théâtre-Historique les 2 et 3 février 1848.
  • Le Comte de Morcerf à l’Ambigu-Comique le 1er avril 1851.
  • Villefort à l’Ambigu-Comique le 8 mai 1851.


Au cinéma

Source : Revue Travelling n° 41, février/mars 1974, consacrée à Alexandre Dumas au cinéma.

  • 1907 : The Count of Monte Cristo (USA) réalisé par Francis Boggs avec Hobarth Bosworth, Tom Santschi
  • 1908 : Le Prisonnier du Château d'If (F) réalisé par Victorin Jasset pour Éclair-Film, avec Charles Krauss, André Liabel
  • 1908 : Il Conte di Montecristo (I) réalisé par Luigi Maggi et Arturo Ambrosio pour Ambrosio Film, avec Umberto Mozzato, Arturo Ambrosio, Lydia de Robertis, Mirra Principi
  • 1910 : The Count of Monte Cristo - (USA) Challenger Prod
  • 1911 : The Count of Monte-Cristo - (USA) Powers Prod.
  • 1912 : The Count of Monte Cristo - (USA) Réalisateur Colin Campbell pour Famous Players avec Hobarth Bosworth, Eugenie Besserer, Herbert Rawlinson, Tom Santschi, Bessie Eyton
  • 1912 : Il Conte di Montecristo (I) réalisé par Giuseppe di Liguoro-Presicce pour Milano Film
  • 1913 : The Count of Monte Cristo (USA) Réalisé par Edwin S. Porter et Joseph Golden pour Famous Players avec James O'Neill, Murdoch McQuerrie, Nance O'Neill
  • 1913 : Le Comte de Monte-Cristo : (F) réalisé par Michel Carré
  • 1915 : Die Totenhand des Grafen von Monte Cristo (A) réalisé par Hans Otto Löwenstein avec Max Devrient, Martin Lübbert, Albert Kersten, Ferdinand Mayerhofer
  • 1915-1917 : Le Comte de Monte-Cristo (en six parties) (F) réalisé par Henri Pouctal pour Le Film d'Art, photo de Chaix et Guérin, avec Léon Mathot: Dantès, Nelly Cormon: Mercédès, Marc Gérard: Faria, Jean Garat: Fernand, Madeleine Lyrisse: Haydée, André Mayer: Villefort, Gilbert Dalleu Caderousse, Colas: Danglars, Gaston Modot: Bertuccio, Doubleau: le père Dantès, Boulle: Noirtier et Simone Damaury, Jacques Robert, Duparc, Charlier, Monti, Vaslin, Esquier, Mme Delannoy, etc.

N.B.: La production s'est interrompue pendant la guerre.

¹Albert Valentin reprend ici et adapte la "vraie" histoire du « Diamant de la vengeance »

²Version "moderne".

À la télévision

¹Version un brin délirante où Dantès finit par tuer Morcerf (en uniforme de général d'Empire) dans un duel au sabre livré sur une table dans un salon de la Chambre des Pairs !

En animation

En comédie musicale

  • 2006 : Le Comte de Monte-Cristo, d'Emmanuel Incandela et Arnaud Thouvenel[5]
  • 2007 : Il Conte di Montecristo : The Musical de Francesco Marchetti, mise en scène Jocelyn Hattab[6] (Italie)
  • 2008 : Le Comte de Monte-Cristo, de Roman Ignatiev et Yulij Kim, Russie

En musique

En bande-dessinée

Notes et références

  1. Se trouve comme annexe dans l'édition de la Pléiade
  2. Dumas a trouvé le moyen de mentionner le nom de la citadelle où était enfermé le jeune Napoléon III : Ham, ce qui est autant plus significatif que c'est sans lien avec l'action. Page 140 dans l'édition de la Pléiade.
  3. Traduction en danois : 1845-1848 ; en anglais : 1846. Les dates témoignent du succès immédiat du roman. Pour l'étendue de ce succès les chiffres manquent. La préface de l'édition de la Pléiade note qu'il y a eu, avant 1972, 28 adaptations cinématographiques, et que les rééditions sont innombrables.
  4. [1]
  5. [2]
  6. [3]

Voir aussi

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Liens externes



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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Le Comte de Monte-Cristo de Wikipédia en français (auteurs)

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