La stabilité longitudinale de l'avion

La stabilité longitudinale de l'avion

Stabilité longitudinale (aviation)

Sommaire

Le moment de portance nulle

Le centre de pression d’un profil est le point autour duquel le moment résultant des efforts aérodynamiques appliqués au profil est nul[1]. Dans ce point s'applique la résultante de la portance et des forces de trainée.

En plus de la portance et de la traînée, l'effet de la distribution asymétrique de pression sur la surface de l'aile, combiné à l'effet des contraintes de cisaillement, engendrent un moment de rotation à piquer. En effet, dans un profil non symétrique, la distribution des pressions n'est pas la même sur l'extrados et l'intrados[2].

Considérons la distribution des pressions sur la surface de l'intrados du profil d'une aile asymétrique, comme sur la Fig. 1 (nous ignorerons ici les efforts de cisaillement et les efforts de traînée). Cette pression résulte par une force \vec F_1, orientée vers le bas. \vec F_1 agit sur le point 1 de la ligne de corde. Ce point représente le centre de pression de l'intrados.

Fig. 1: Distribution de la pression sur un profil asymétrique à incidence de portance zéro (~-3°)

Considérons maintenant la pression sur la surface de l'extrados de cette d'aile. La pression résulte par une force \vec F_2, orientée en général vers le haut et agissant sur le point 2. Ce point représente le centre de pression de l'extrados.

La force aérodynamique totale sur le profil est obtenue par la somme de \vec F_1 et \vec F_2. La portance apparait lorsque \|\vec F_2\|>\|\vec F_1\|[3].

Dans ce cas, puisque \vec F_1 et \vec F_2 sont égales et sens opposé, l'aile vole à une portance nulle (incidence légèrement négative dans le cas d'un profil asymétrique comme celui-ci). C'est pourquoi ce moment de tangage inhérent du profil est souvent appelé moment de portance nulle et sera noté M0.

Remarque: Le moment M0 est un couple pur (qui crée de la rotation sans translation). Un couple pur est créé de deux forces égales et opposées dont la ligne d'action de coïncide pas. Une des propriétés mécaniques du couple est l'indépendance du point de référence [4].

Le centre aérodynamique

Le centre de pression ne peut être facilement pris comme référence dans l'analyse mathématique de la stabilité longitudinale d'un aéronef car il se déplace avec les variations d'incidence[5].

Toutefois, le profil aérodynamique peut être traité avec une autre référence qui est le centre aérodynamique. Le centre aérodynamique d’un profil est le point du profil pour lequel le moment est indépendant de l’angle d’incidence[6] (incidence variant dans la plage linéaire de la portance).

Ce point est également nommé foyer aérodynamique, point d’application des variations de portance. En effet, la portance en ce point se manifeste lorsque la force de pression résultante de l'extrados est plus grande que la force de pression résultante de l'intrados, c'est à dire \|\vec F_2\|>\|\vec F_1\|. La portance différentielle s'appliquant en ce point est indépendante du couple crée par le moment de tangage.

Le centre aérodynamique se situe généralement au quart de la corde aérodynamique moyenne de l'aile, à partir du bord d’attaque pour des vitesses subsoniques (voir Fig. 2).

La valeur de ce moment s'exprime par l'équation suivante:

M_0=\frac{1}{2}\rho{V_T}^2\;S\;c\;C_{M_0}
(1)


Avec:

  • ρ: densité de l'air
  • VT: vitesse vraie
  • S: surface alaire
  • c: corde aérodynamique moyenne de l'aile (surface alaire / envergure) ou MAC (Mean Aerodynamic Chord)
  • C_{M_0}: coefficient de moment de tangage

La valeur du coefficient de moment de tangage C_{M_0} est soit nulle, pour un profil symétrique, soit négative, pour un profil cambré (par convention, un moment en sens horaire est défini comme positif). Cela veut dire qu’au centre aérodynamique, le moment de portance zéro d'un profil asymétrique engendre un couple piqueur.

Le fait de cambrer l'aile, par exemple par la sortie des volets hypersustentateurs, va entraîner une augmentation du moment inhérent M0, et va donc augmenter le couple piqueur de l'aile.

Afin d'avoir le potentiel suffisant pour compenser le couple piqueur de l'aile dans la configuration volets sortis, le stabilisateur de profondeur doit présenter un calage inférieur à celui de la voilure principale.

Critères de stabilité et d'instabilité longitudinale

Le plan de profondeur présente une contribution majeure dans la stabilité longitudinale, en développant une force de portance orientée vers le bas, qui stabilise ou "trime" l'aéronef. Le moment par rapport au centre de gravité engendré par la portance du plan de profondeur, compense d'une part le couple piqueur dû à la portance de l'aile, et d'autre part, le moment de tangage inhérent de l'aile M0.

Le moment M0 étant un couple pur, il peut être translaté de manière constante à n'importe quel autre endroit du fuselage, par exemple au centre de gravité de l'aéronef.

Remarque: Le couple est un type de moment particulier: il consiste en deux forces parallèles de grandeurs égales, opposées en sens et qui ne partagent pas la même ligne d'action. Le couple étant un système d'actions mécaniques dont la résultante est nulle, le moment résultant est indépendant du point choisi pour le calculer.

Le moment résultant au centre de gravité devient donc:

M=-L_W\;x-M_0+L_t\;l_t
(2)


Fig. 2: Forces et moments s'exerçant sur un avion, en configuration longitudinale stable

Remarque: La portance de compensation exercée par le plan de profondeur, est de sens opposé à la portance de l'aile (Fig. 2); ceci a pour conséquence une baisse de la portance globale agissant sur l'aéronef, et donc une diminution des performances globales de l'appareil.

La portance de l'aile est:

L_W=\frac{1}{2}\rho{V_T}^2\;S\;C_L
(3)


Avec:

  • CL: coefficient de portance du profil de l'aile

La portance du plan de profondeur, Lt est donnée par la relation:

L_t=k_t\frac{1}{2}\rho{V_T}^2\;S_t\;C_{L_t}
(4)


Avec:

  • St: surface du plan de profondeur
  • C_{L_t}: coefficient de portance du plan de profondeur
  • kt: facteur de rendement de la surface du plan de profondeur qui prend en compte les effets du souffle en provenance des ailes, et varie de 0.65 à 0.95 (dépendant notamment du l'endroit où se trouve le plan de profondeur par rapport au sillage de l'aile)

Le moment par rapport au centre de gravité engendré par la portance du plan de profondeur vaut:

M_t=k_t\frac{1}{2}\rho{V_T}^2\;C_{L_t}\;(S_tl_t)
(5)


Le terme (Stlt) est appelé communément le volume du plan de profondeur.

En divisant les deux parties de l'équation (2) par \frac{1}{2}\rho{V_T}^2\;S\;c, on obtient, en utilisant les relations (1, 3 et 4):

C_M=-\frac{x}{c}C_L-C_{M_0}+k_t\frac{(S_tl_t)}{S\;c}\;C_{L_t}
(6)


Cette équation explicite les contributions au coefficient de moment total[7].

Afin d'obtenir la stabilité statique, le centre de gravité de l'aéronef doit se trouver devant le centre aérodynamique de l'ensemble de l'aéronef.

Dans ce cas, si une perturbation fait augmenter l'angle d'incidence α, le moment résultant de la portance du plan de profondeur augmente en proportion plus élevée que le moment résultant de la voilure principale. Cela produit un moment total Mt négatif, donc un couple total piqueur, qui annule l'incidence générée par la perturbation et ramène celle-ci vers sa position d'équilibre (le point de convergence, voir Fig. 3).

Fig. 3: Moment total en fonction de l'incidence, en configuration longitudinale stable

Par conséquent, le critère de la stabilité longitudinale est:

\frac{dC_M}{d\alpha}<0
(7)


La position du centre de gravité, ou \frac{dC_M}{d\alpha}=0, est connu comme le point neutre, et correspond à la position du centre aérodynamique de l'ensemble de l'aéronef.

Inversement, dans le cas d'un aéronef instable, le centre de gravité de l'aéronef se trouve derrière le centre aérodynamique.

Si une perturbation fait augmenter l'angle d'incidence, le moment résultant de la portance de l'aile, cette fois-ci positif, induit un couple à cabrer, qui est proportionnellement plus important que le couple à piquer du plan de profondeur. Cela entraîne un moment total Mt positif, donc un couple total à cabrer. Ce couple à cabrer ne fait qu'amplifier l'incidence générée par la perturbation initiale (voir Fig. 4). Pour sortir de cette situation, une contre-réaction très rapide est nécessaire. Malheureusement, dans ce cas, la réponse du pilote, pour corriger la divergence, est bien trop lente. L'aéronef doit être donc contrôlé d’une manière automatique.

Le critère de l’instabilité longitudinale est donc:

\frac{dC_M}{d\alpha}>0
(8)


Fig. 4: Moment total en fonction de l'incidence, dans une configuration longitudinale instable

La tendance de conception moderne des aéronefs commerciaux est d'obtenir le moins de stabilité longitudinale possible (stabilité longitudinale active), tout en donnant au pilote la sensation de piloter un aéronef bien plus stable que ce qu'il est en réalité[8].

L'avantage d'un tel système est de ne plus nécessiter la portance de compensation du plan de profondeur, ce qui résulte par un accroissement de portance globale de l'aéronef. Les performances de l'aéronef s'en trouvent ainsi nettement améliorées: consommation plus faible, ailes plus petites, donc moins de traînée et de poids.

Quant aux aéronefs de combat, un aéronef instable a une meilleure agilité, ce qui peut être un critère décisif dans un combat aérien.

Le contrôle automatique se fait grâce à des calculateurs électroniques de contrôle du vol (système FBW ou fly by wire) qui s'interposent entre les commandes du pilote et l'actionnement des vérins de la commande de profondeur.

Les limites de stabilité longitudinale

La marge statique

La marge statique de l'aéronef est définie comme la distance entre le centre de gravité et le point neutre, divisée par la corde aérodynamique moyenne de l'aile c (ou MAC). Il s'agit du facteur \frac{x}{c} qui multiplie le coefficient de portance de l'aile dans l'équitation (6). La marge statique s’exprimé aussi en % MAC.

La marge statique est positive quand le centre de gravité se trouve au-devant du point neutre. Par conséquent, pour un aéronef stable la marge statique est toujours positive. Comme exemple, prenons un aéronef avec une marge statique de 10% MAC et une corde aérodynamique moyenne de 2 mètres. Cela signifie qu'un recul du centre de gravité de plus de 20 cm entraînerait une instabilité.

Le bras de levier

En physique, le bras de levier est défini comme la distance séparant une extrémité du levier de son point d’appui. Par conséquent ou x ou lt sont ici des bras de leviers ayant ont comme point d’appui le centre de gravité et comme extrémité le centre aérodynamique de l'aile (x) ou le centre aérodynamique du plan de profondeur (lt) (Fig. 5).

Dans la plupart des diagrammes masses-moments (centrogrammes), dans les fiches de calcul de centrage, ainsi que dans les manuels de vol, on fait référence au bras de levier pour caractériser la position du centre de gravité par rapport au point neutre, ou centre aérodynamique.

Cependant, pour des questions pratiques, le constructeur mesure rarement le bras de levier par rapport au point neutre (le centre aérodynamique). Il s'agit en réalité d'un bras de levier rapporté au niveau d'une référence (on prend souvent comme repère la cloison pare-feu).

Fig. 5: Limites de centrage avant et arrière

Le bras de levier doit se situer entre deux limites de sécurité: la limite de centrage avant et la limite de centrage arrière. L'espace compris entre ces deux limites s'appelle plage de centrage. Ces limites comptent une marge de sécurité définie par le constructeur. Elles sont mentionnés dans la fiche de centrage et dans le manuel de vol de chaque appareil.

La limite de centrage arrière est, comme vu précédemment une limite de stabilité.

La limite de centrage avant est soit une limite de maniabilité (l'aéronef est stable mais difficile à manœuvrer car la gouverne de profondeur a peu d'efficacité), et/ou une limite de résistance mécanique de la roulette de nez. En effet, la roulette de nez a une résistance mécanique réduite pour qu'en cas de choc dépassant sa limite d'élasticité, elle absorbe l'énergie en se déformant. Elle joue donc le rôle de "fusible mécanique", évitant ainsi à la structure de l'appareil de se déformer si le choc reste dans des proportions raisonnables.

Remarque: Au lieu de la notion de bras de levier, on pourrait aussi bien vérifier le centrage à l'aide des limites de marges statiques avant et arrière, ces deux notions étant intrinsèquement liées. Attention cependant car la marge statique est toujours calculée par rapport au point neutre, alors que le bras de levier peut être rapporté à une référence du constructeur quelconque, autre que le point neutre (par exemple, la cloison pare-feu).

Si on prend l'exemple d'un Robin DR400, jusqu’à une masse de 750 kg, la limite de centrage avant est située à 0.205 m du point de référence (soit 12% MAC) et la limite arrière est située à 0.564 m du point de référence (33% MAC) sur l’ensemble du domaine des masses.

Bibliographie

  1. Faure, T. (2006): Aérodynamique Appliquée, Master SDI Parcours MIS - Module MS 154
  2. Smith, H. C. (1992): The Illustrated Guide to Aerodynamics, 2nd Edition, McGraw Hill Professional, (ISBN 0830639012), (ISBN 9780830639014)
  3. Anderson, J. D. (2004): Introduction to Flight, 5th Edition, (ISBN 0072825693), (ISBN 9780072825695)
  4. Couple (mechanics)
  5. Aerodynamic Center
  6. Faure, T. (2006): Aérodynamique Appliquée, Master SDI Parcours MIS - Module MS 154
  7. Collinson, R. P. (2003): Introduction to Avionics Systems, 2nd Edition, (ISBN 1402072783), (ISBN 9781402072789)
  8. The Effect of High Altitude and Center of Gravity on The Handling Characteristics of Swept-wing Commercial Airplanes

Bibliographie (divers)

  • Malcolm, J. (2002): Airplane Stability and Control: A History of the Technologies That Made Aviation Possible, Cambridge Aerospace Series, (ISBN 0521809924), (ISBN 9780521809924)
  • Almond, P. (1997): Aviation - The Early Years, Könemann Verlagsgesellshaft mbH, (ISBN 3895086827)
  • Portail de l’aéronautique Portail de l’aéronautique
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