Amirouche Aït Hamouda

Amirouche Aït Hamouda
Amirouche Aït Hamouda
Colonel Amirouche Aït Hamouda dans le maquis en 1958
Colonel Amirouche Aït Hamouda dans le maquis en 1958

Surnom Loup de l'Akfadou Amirouche le terrible
Naissance 1926
Tassaft Ouguemoun, Drapeau : Algérie(Algérie).
Décès 29 mars 1959 (à 32 ans) (à 33 ans)
Entre Djebel Tsameur et le Djebel Djininibia au sud de Boussada, (Algérie française).
Mort au combat
Origine Drapeau : Algérie (Algérie)
Allégeance FLN - ALN
Grade Colonel de l'ALN
Années de service 1950 - 1959
Conflits Drapeau : AlgérieGuerre d'Algérie Drapeau : France
Commandement Wilaya III
Faits d'armes Batailles en Kabylie Bataille de Djebel Tsameur au sud de Boussada
Distinctions Honneurs militaires, Cimetière des Martyrs
Hommages 1er novembre
Famille L'épouse décédée en 1956. 1 fils : Nordine Aït-Hamouda député à l'assemblée algérienne. 1 frère : Boussad Aït-Hamouda, né en 1923 encore en vie.

Amirouche Aït Hamouda, (né le 31 octobre 1926 à Tassaft Ouguemoun - mort au combat au sud de Boussada, le 29 mars 1959), surnommé le « loup de l'Akfadou » est un colonel de l'Armée de libération nationale (ALN) et chef de la wilaya III pendant la guerre d'indépendance de l'Algérie.

Sommaire

Biographie

D'une intelligence vive et d'un caractère décidé, encore âgé de moins de trente ans, il avait pris de sa propre initiative le commandement de la Wilaya III

Issu d'une famille aisée, intellectuelle, fils posthume d'Amirouche Aït Hamouda et de Fatima Aït Mendès Bent Ramdane, on lisait chez les Ait Hamouda - son père, un notable de Tassaft Ouguemoun (région des Ouacifs), la petite localité du Djurdjura où il est né le 31 octobre 1926, lui a donné une certaine éducation en arabe[1], car il sympathise avec les idées culturelles et politiques des oulémas. Amirouche s'est marié, à Oued Fodda, avec sa cousine germaine, et l'oncle-beau-père, plus riche que le reste de la famille, l'a aidé à monter un petit commerce de bijouterie à Relizane. C'est dans cette bourgade de l'Oranie qu'il retravaille et vend, entre autres pièces, les colliers, les bracelets et les bagues des Aït Yenni, dont la renommée artistique s'étend bien au-delà de la Kabylie.

Cet artisan bien établi, père d'un jeune garçon, (Amrane Ait Hamouda, dit Nouredine, l'actuel députe du RCD). Amirouche est bientôt saisi par le démon de la politique. Il approuve le leader nationaliste de la ville, le Dr Ahmed Francis, qui dénonce - c'est l'époque du proconsulat de - Marcel-Edmond Naegelen - les élections truquées. Les options qu'il prend sont cependant plus radicales que celles du responsable de l'UDMA. Non content d'adhérer au MTLD et de quitter Relizane pour aller s'employer, à Alger, comme permanent au siège de ce mouvement, place de Chartres, il entre à l'O.S. Lorsque la répression s'abat sur l'Organisation spéciale du MTLD, en 1950 - 1951, Amirouche est incarcéré. Libéré, mais interdit de séjour à Alger, il retourne, à sa sortie de prison, à Relizane, mais il va clandestinement passer les dimanches dans la capitale. Bien qu'il soit fort anticommuniste, il va souvent rendre visite à des amis du journal du PCA. Alger républicain, et notamment au fraternel et astucieux Isaac Nahori, dit « Coco ».


De la bijouterie à la montagne

Comme il est surveillé de près par les polices d'Alger et de Relizane, il décide de se rendre en France. Il milite, à Paris, au MTLD, dans la kasma du 3e arrondissement (qui, après, le 1er novembre 1954, sera l'une des premières à adhérer à la fédération de France du FLN lorsque celle-ci sera constituée par Terbouche). Rentré en Algérie, Amirouche apprend, à Alger, en décembre 1954, que son père, tout comme d'autres notables de la région, a été imposé pour un million de francs - « au hasard et injustement », proteste-t-il - par un leader local trop zélé du FLN « Je vais aller à la montagne, en Kabylie, explique-t-il à ses amis, pour y faire rapporter cette décision ridicule. Après quoi, j'entrerai dans un maquis ». Il fera comme il a dit. Il entre en contact avec le FLN de la région des Ouacifs, règle à l'amiable l'affaire de la taxe - la mesure qui avait frappé son père est annulée puis il rejoint le groupe armé FLN le plus proche.

Amirouche y arrive à un moment crucial, puisque le chef du maquis de la zone de Michelet, Amar Ait Chikh, vient d'être tué dans un accrochage avec une unité française. Les combattants sont démoralisés, hésitants. Amirouche leur donne des conseils pour se réorganiser. II le fait avec une telle autorité et un tel ascendant que les maquisards lui demandent de prendre la place d'Amar Ait Chikh. II accepte. L'initiative est hardie, car jamais encore un responsable FLN n'a occupé un commandement militaire sans avoir été préalablement désigné par l'échelon supérieur de la hiérarchie de l'organisation. Amirouche prend cependant ce risque. Il se dit qu'il ne peut pas laisser passer l'occasion d'entrer dans la résistance par la grande porte, et il a assez confiance en son étoile et en son éloquence persuasive pour penser qu'il réussira à faire entériner cette entorse à un règlement sur lequel le FLN ne badine pas.

Rencontre avec Krim Belkacem

Au début de l'année 1955, on avait signalé au chef de la wilaya III, Krim Belkacem qu'un certain Amirouche avait pris de sa propre initiative le commandement de la région de Michelet, après la mort de son chef Amar Ait Chikh. Krim n'en avait jamais entendu parler. Il décide de juger lui-même, par un contact direct, s'il doit s'attacher ou éliminer ce personnage hors série. Il s'installe, avec son escorte, à Illiten sur les hauteurs du Djurdjura, et il envoie à Ouacif un émissaire chargé de dire à Amirouche qu'il doit se présenter, seul, dès le lendemain, à ce P.C. bien camouflé. Krim Belkacem calcule que, compte tenu de la distance Ouacif-Illiten, le voyageur devrait atteindre le P.C. au coucher du soleil. Amirouche arrive, en fait, avec quatre heures d'avance sur l'horaire prévu. Ce grand gaillard, moustachu et barbu, montre ainsi ses qualités de « coureur de djebels », un marcheur infatigable, capable d'abattre soixante-dix kilomètres dans sa journée et passe un premier test favorable.

Il se présenta à Krim et les deux hommes se regardèrent fixement. Krim Belkacem, qui avait une grande habitude des hommes de la montagne, le jugea très rapidement. Un dur, décidé, réceptif, tranchant, impitoyable. Il fallait se l'attacher ou le supprimer. L'entretien Krim Belkacem-Amirouche est d'abord assez tendu, car le chef de la wilaya III rappelle fermement à son hôte que personne n'a le droit d'exercer un commandement dans le FLN, de collecter de l'argent et de récupérer des armes sans avoir été, au préalable, dûment mandaté. La défense d'Amirouche est habile. Il explique que s'il n'était pas intervenu, les combattants, désorientés par la mort d'Amar Ait Chikh, se seraient dispersés en petits groupes anarchiques ou seraient rentrés chez eux.

Il donna à Krim Belkacem ébahi des comptes rendus d'activité très bien rédigés d'une petite écriture fine, avec le nom des hommes, les comptes financiers au centime près. II n'y avait pas d'équivoque. Krim le jugea ferme, décidé mais obéissant et remarquablement organisé. Il avait fait preuve de qualités de chef extraordinaires. C'est bien, conclut Krim secrètement enchanté des qualités de la nouvelle recrue, « reposons-nous. Tu as fait une longue marche. Tu auras mes instructions après ..»

Amirouche numéro 2 de la wilaya III

Statue de Amirouche à Asqif-n-Tmana

Krim Belkacem saisit le jeune chef d'une proposition précise, et qui est acceptée d'enthousiasme : Amirouche quittera sa « région d'origine » des Ouacifs, où il ne serait pas prudent de séjourner plus longtemps, et il deviendra le responsable FLN de toute la vallée de la Soummam, de Sidi-Aïch à Bouira. Son rôle sera d'implanter de nouveaux maquis dans cette zone difficile, travaillée par la propagande messaliste, et d'établir, via Bouira, une liaison avec la wilaya II (Constantinois) dont la wilaya III (Kabylie) est coupée. La mission est accomplie. Un mois plus tard, des groupes de choc FLN bien organisés opèrent dans la vallée de la Soummam et Amirouche a noué, par courriers spéciaux, un contact avec les chefs des wilayas voisines. La direction du FLN constate qu'elle peut avoir, pour la première fois, une vision globale de l'action de l'ALN dans toute l'Algérie.

En mai-juin 1955, les opérations de l'armée française prennent, cependant, une telle ampleur que toutes les communications des wilayas sont à nouveau interrompues, y compris celle d'Amirouche avec la wilaya II, mais Krim Belkacem ne peut pas en tenir rigueur à son lieutenant : celui-ci remporte en effet une grande victoire en écrasant, après un combat bien mené, le maquis MNA de Bellounis, qui était la plus grosse épine plantée au cœur de l'organisation FLN de Kabylie.

Amirouche, qui établit son quartier général à l'est du Djurdjura, dans la région des Bibans, s'est hissé au rang de principal adjoint de Krim Belkacem, ce dernier le chargea d'assurer la sécurité de la tenue du Congrès de La Soummam le 20 août 1956, concentrant dans la zone de l'endroit où devait avoir lieu la rencontre plusieurs centaines d'hommes tout en mettant au point une habile diversion pour attirer les forces d'occupation dans une autre partie de la Kabylie.

  • Des « maquis modèles »

Doté d'une résistance physique extraordinaire, surnommé le « loup de l'Akfadou » et « Amirouche le terrible » (il lui arrive souvent de faire à pied, dans sa journée, des randonnées de 50 à 70 kilomètres), il se déplace sans arrêt. II marche de jour et de nuit, par monts et par vaux, toujours « sur le tas », payant de sa personne pour animer personnellement le combat fugitif, auréolé de légende, de « l'armée des ombres ». À son P.C., en revanche, cet organisateur qui aime la hiérarchie des postes et des responsabilités, se transforme en fonctionnaire pointilleux. II rédige lui-même, d'une petite écriture serrée, rapport sur rapport, dresse des organigrammes, fait fonctionner toute une bureaucratie avec ses papiers à en-tête, ses notes en triple exemplaire, ses cachets et ses tampons. Il est particulièrement connu pour son tempérament brutal, psychorigide et intraitable, fait régner, parmi ses troupes, une discipline très stricte et souvent même féroce, mais sa loi de fer est acceptée sans murmure parce que le chef est aussi dur pour lui-même que pour les autres. II partage entièrement la vie des combattants, prend sa part de leurs corvées (transport du ravitaillement, travaux de terrassement pour la construction des abris, etc.) et chante les poèmes dans lesquels le barde kabyle Si Muhand exaltait, il y a bien longtemps déjà, la résistance aux étrangers : « J'ai juré que de Tizi-Ouzou Jusqu'à l'Akfadou, Ils ne me commanderaient pas ... »

La réputation d'Amirouche est telle que les volontaires affluent dans ses groupes armés, dans ses maquis qu'Abane appellera un jour, au cours d'une réunion de direction du FLN, les « maquis modèles ». En juin 1955, le chef kabyle se trouve à la tête de 800 soldats constitués en unités homogènes dont la plus petite est le détachement de onze hommes. Bien armés, tous ces combattants sont aussi bien habillés grâce aux collectes d'argent que les percepteurs d'Amirouche effectuent dans différentes localités de Kabylie, surtout entre le 20 et le 30 de chaque mois, lorsque les travailleurs partis pour la France « l'exil au front », selon la formule de Si Muhand U M'hand, envoient leur mandat postal au pays natal. Les malades et les blessés sont soignés dans un service de santé qui fonctionne avec la collaboration secrète des médecins d'Alger.

La « guerre psychologique » est menée par Amirouche avec le même dynamisme que la « guerre des fusils. » Quand les autres zones de la wilaya III tirent leurs tracts à 150 exemplaires, celle d'Amirouche tire les siens à 1 500 exemplaires. Krim Belkacem a raison de dire que l'inquiétant jeune homme qu'il a recruté, six mois plus tôt, à lliten est devenu le meilleur de ses lieutenants. C'est en grande partie grâce aux combattants d'Amirouche que le chef de la wilaya III pourra soutenir honorablement, en juillet, le choc de la « division de fer » du général Beaufre, beaucoup plus offensive que les unités françaises précédemment engagées sur le terrain. Et quand, un mois plus tard, à Alger, Soustelle déclarera qu'en Kabylie « l'action des cadres français a permis une reprise en main spectaculaire des populations », ce diagnostic erroné du gouverneur qui prend ses désirs pour des réalités fera sourire les officiers de renseignements mieux informés.

Lors du départ de Mohammedi Said, le conseil de la Wilaya le désigne comme successeur, fonction qu'il refusera pour appliquer la règle établie par l'ALN qui exige que le poste revienne à l'officier le plus ancien dans le grade, en l'occurrence Saïd Yazouren dit Vrirouche. Ce dernier, envoyé à Tunis, sera maintenu à son poste pour permettre la désignation d'Amirouche au grade de colonel.

Durant l'été 1957, il fut nommé au grade de colonel de la wilaya III après que Krim Belkacem et Mohammedi Saïd eurent rejoint le Comité de coordination et d'exécution (CCE).

L'épisode de la « bleuite »

1958-1959 qu'apparait le terrible fléau de « bleuite », des appréhensions de trahisons ou de prétendus trahisons utilisées avec une extrême habilité par les services de renseignements français pour démoraliser le maquis.

Amirouche et son entourage appelèrent l'infiltration dont ils se croyaient victimes la « bleuite » par allusion au bleus de chauffe, des auxiliaires musulmans retournés et recrutés par les Français dans la Casbah d'Alger durant la bataille d'Alger. En lui donnant ce nom qui a la consonance d'une maladie, ils ne croyaient pas si bien dire : ils étaient, en effet, les victimes d'une gigantesque intoxication née d'une ruse de guerre « contre-révolutionnaire » planifiée par le GRE (Groupe de renseignements et d'exploitation) du capitaine parachutiste Paul-Alain Léger aux ordres de Godard commandant du secteur Alger Sahel. Ils mettent œuvre un système de rumeurs et de faux indices, notamment en relâchant des membres du FLN après leur avoir laissé entendre que certains de leurs chefs travaillaient pour l'armée française. Une fois remis en liberté ils reprennent le chemin de leur wilaya pour dénoncer les prétendus traitres. Cette machination voit se développer la suspicion dans l'entourage du colonel Amirouche, attisée par des animosités et l'instauration d'un processus infernal : arrestations, interrogations « poussés », aveux forcés, dénonciations, liquidations, nouvelles arrestations.

Cette opération d'intoxication fut à l'origine d'une campagne de purges dévastatrices dans la wilaya, qui causa plus de pertes à l'ALN que les combats eux-mêmes, et provoqua le ralliement de nombreux combattants affolés. Le principe du cloisonnement dans l'ALN et le devoir de réserve des principaux concernés aggravent la situation.

Le colonel Amirouche adresse un circulaire aux autres chefs des wilayas[2] :

« J'ai découvert des complots dans ma zone, mais il y a des ramifications dans toutes les wilayas, Il faut prendre des mesures et vous amputer de tous ces membres gangrenés, sans quoi, nous crèverons! J'ai le devoir de vous informer en priant Dieu pour que ce message vous parvienne à temps, de la découverte en notre wilaya d'un vaste complot ourdi depuis des longs mois par les services français (Godard et Léger) contre la révolution algérienne. Grâce à Dieu, tout danger est maintenant écarté, car nous avons agi très rapidement et énergiquement. Des les premiers indices, des mesures draconiennes étaient prises en même temps : arrêt du recrutement et contrôle des personnes déjà recrutés, arrestation des goumiers et soldats « ayant déserté », arrestation de tous les djounoud (soldats) originaire d'Alger, arrestation de tous les suspects, de toutes les personnes dénoncées de quelque grade qu'elles soient et interrogatoire énergique de ceux dont la situation ne paraissait pas très régulière, le réseau tissé dans notre wilaya vient d'être pratiquement hors d'état de nuire après une enquête d'autant plus ardue que ses chefs étaient en apparence au-dessus de tout soupçons. »

Les arrestations, les dénonciations se multiplient en quelques semaines. À ce régime, les suspects racontent n'importe quoi et Amirouche se sent renforcé dans son espionnite. Cette vague d'épuration coûtera la vie à environ de deux à six mille cadres et militants FLN. Amirouche précise que les traitres sont surtout des personnes instruites, intellectuels, étudiants, collégiens, médecins et enseignants. La wilaya crispée par la méfiance se replie sur elle-même.


Par une lettre ouverte au colonel Godard, le colonel Amirouche s'adresse à lui pour lui faire savoir qu'il a découvert le prétendu complot... ce qui revient à lui annoncer triomphalement qu'il est tombé dans le piège. Cette lettre, intéressante à plus d'un titre, témoigne inopinément du respect que les officiers de l'ALN. ressentent pour un officier français. Leurs notions de l'honneur d'un officier français est telle qu'Amirouche est scandalisé que Godard, qu'il croit l'artisan du prétendu complot contre-révolutionnaire, et qui est, en fait, l'auteur d'une entreprise encore plus subtile, recoure à des moyens aussi tortueux.

« Au lieu d'aller combattre loyalement les vrais Moudjahidines, vous, Godard, qui prétendez être officier ... vous avez préféré travailler dans l'ombre ... vous avez renié votre métier de combattant pour embrasser la profession de flic ... oui, colonel Godard, vous étiez né, élevé et grandi dans l'amour patriotique d'une nation civilisée et même civilisatrice, vous étiez destiné à jouer un rôle toujours grandissant dans l'armée en exposant votre vie, vos poitrines aux balles des Allemands, ou de toute autre nation, égale tout au moins à la vôtre, qui vous déclarerait là guerre. Jusqu'au jour où vous avez rejoint l'armée colonialiste, je n'ai rien à vous reprocher étant donné votre zèle et votre amour pour votre pays en le servant dans l'honneur et la gloire, et par tous les moyens appropriés ... Vous venez de ravaler votre honneur à celui d'un simple mouchard au service d'une poignée de colonialistes. Ce travail serait à l'honneur si c'était en France. Dans votre propre pays que vous ayez accepté de nettoyer votre nation d'éléments tels que la 5e Colonne, avant la guerre de 1940. Les dirigeants de la D.S.P. et de ses subdivisions en France peuvent être demain des grands chefs respectés, honorés et glorifiés, car ils collaborent à la grandeur de leur nation. Mais vous, colonel Godard, que venez-vous faire dans cette galerie « d'ultras rebelles» à votre patrie même, vous Qui êtes né et élevé dans les principes de la révolution de 1789, vous souillez l'honneur d'une carrière déjà belle. »


Amirouche lui-même aurait déclaré que 20 % des exécutés étaient innocents, mais il se serait défendu en ces termes : « En tuant les deux tiers des Algériens, ce serait un beau résultat si l'on savait que l'autre tiers vivrait libre[4] ».

Amirouche contre ceux de « l'extérieur »

  • Réunion inter-wilayas

À la fin de l'année 1958, la situation des wilayas était désastreuse. La révolte grondait à cause du manque d'approvisionnement en armes, munitions et argent pour la continuation du combat dans les maquis, Amirouche veut établir avec les chefs de wilaya une unité d'action à l'égard de l'extérieur. Une grande réunion se tint en wilaya II en pleine montagne au centre d'un triangle Taher-Mila-El Milia, du 6 au 13 décembre 1958. Elle marquait le premier désaccord violent entre les maquis de l'intérieur et la direction de la révolution qui est à l'extérieur. Son âme en était Amirouche qui comptait sur cette assemblée extraordinaire - la première depuis le congrès de la Soummam à se tenir en Algérie pour rétablir les vieux principes de primauté de l'intérieur sur l'extérieur. Il était temps de prouver à ces « révolutionnaires de palace », « les responsables embourgeoisés de Tunis et du Caire » que ceux qui se battaient dans les maquis devaient avoir une place prépondérante dans la direction de la révolution. Après avoir rencontré Si M'hamed et l'avoir convaincu de l'importance d'une telle conférence, Amirouche, qui se révélait le plus décidé des chefs de wilaya, se livra à un véritable travail de propagande anti-GPRA. Exploitant un sentiment d'amertume très général, il démontra aux autres chefs à quel point le GPRA, qui devait être le « prolongement » de l'intérieur à l'extérieur, les abandonnait.

« Nous devons dès aujourd’hui taper du poing sur la table et demander des comptes au GPRA pour son attentisme, son incurie, son incapacité à résoudre le problème du franchissement du barrage français à la frontière algéro-tunisienne, ses actions répressives contre nos frères de l’ALN qui ont voulu récemment dénoncer ses méthodes dictatoriales et bureaucratiques et qui se retrouvent aujourd’hui en prison. Nous devons enfin lancer un appel public à l’opinion algérienne pour lui faire connaître nos positions. Ils font de la politique sans faire la guerre, nous devons reconsidérer toute notre stratégie de la conduite des affaires. L'intérieur se trouve délaissé, livré à ses propres moyens. Le GPRA pas plus que l'état-major général - qu'il soit de l'Est ou de l'Ouest - ne nous envoie d'armes ni de munitions. Le barrage devient pour nous infranchissable. Et eux, avec leur armée des frontières, ne font rien pour le franchir et nous ravitailler. »

Sentant que son sentiment était partagé par les chefs de wilaya présents, Amirouche poussa son avantage. II était impossible que le GPRA soit le leader de la révolution puisque à la Soummam on avait défini la primauté de l'intérieur sur l'extérieur. Le GPRA n'était donc constitué que par des « émissaires » des maquis. « Les véritables chefs de la révolution sont à l'intérieur, s'écria Amirouche, on ne saurait accepter un état-major qui ne soit pas au combat à nos côtés ! »

Autour d'Amirouche, Si M'hamed (wilaya IV), Si El Haouès (wilaya VI), Hadj Lakhdar (wilaya I). Manquaient à l'appel les chefs des wilayas II et V, (le Constantinois et l'Oranais). Avec eux, Amirouche, qui tentait de regrouper autour de son nom le mécontentement des chefs de l'intérieur, avait essuyé deux échecs. Ali Kafi, le chef de la II, l'avait néanmoins reçu, entouré de Lamine Khene, nouveau secrétaire d'État du GPRA., et de Çaout EI·Arab qui allait devenir son successeur. Ben Tobbal, au sein du GPRA, avait gardé une telle autorité sur ses hommes restés à l'intérieur que ceux-ci malgré leur amertume et leurs difficultés ne pouvaient imaginer que leur ex-patron les laissât tomber. Si le GPRA. ne les aidait pas plus c'est qu'il y avait des difficultés qui les dépassaient. Ali Kafi avait refusé de participer à la réunion. De même, à l'ouest, Boussouf le bras droit de Boumediene et patron du redoutable service de renseignement de l'ALN le MALG, gardait la haute main sur ses hommes. En outre, Boumediene, qui était l'homme fort de la wilaya V et de l'état-major général de l'ouest, donnait beaucoup plus d'importance à l'avenir qu'aux « querelles » d'Amirouche et n'entendait pas s'élever contre le GPRA sous la bannière d'Amirouche. · Lorsqu'il le jugera utile, un an plus tard, il sera chef d'état-major général et c'est lui seul, Houari Boumediene, qui décidera d'ouvrir les hostilités entre l'état-major et le GPRA.

Mais Amirouche, montagnard farouche et décidé, ne s'était pas embarrassé de ces deux « abstentions ». Les WIlayas I, III, IV, VI, représentant les deux tiers de l'Algérie combattante, décidèrent donc de taper du poing sur la table et d'adresser au GPRA une véritable mise en demeure : l'extérieur devait se soumettre à l'intérieur. Grisé par son succès, Amirouche voulut même adresser ce coup de semonce face à l'opinion publique. Ses compagnons le retinrent à temps sur cette pente dangereuse.

« Réglons notre affaire discrètement, dévoiler publiquement nos dissensions internes risquerait de povoquer une scission dont profiteraient les Français. »

C'était une véritable déclaration de guerre' contre le GPRA. Amirouche menait la tête d'un mouvement de révolte contre l'autorité centrale.


  • Amirouche ne sera pas général

Après la réunion inter-wilayas les ambitions d'Amirouche sont immenses. Il espère faire comprendre à « l'extérieur » que sa tutelle est nécessaire aux autres régions où personne n'est en état de faire face à l'extension de la « subversion ». Ce qu'il ambitionne, c'est un poste que nul n'a occupé : celui de général en chef commandant tout « l'intérieur » - titre qui n'a jamais existé et dont on comprend que « l'extérieur » s'opposât à ce qu'il existât jamais. Car celui qui l'aurait atteint aurait tenu « l'extérieur » à sa merci.

L'épuration commencée en Kabylie devait s'étendre non seulement à la totalité des maquis mais encore à tous les services extérieurs du FLN., à commencer par le GPRA, l'Armée des frontières, l'État-Major Général (EMG) et le MALG. Amirouche se sentait l'homme de la situation. Son ambition était sans limite. L'ascétique ouvrier bijoutier de Tassafth Ouguemoun avait l'âme d'un « réformateur » puritain. Il brûlait de rendre sa pureté originelle à une révolution qui s'en écartait singulièrement. Mais le sort allait en décider autrement.

Dernier voyage du colonel Amirouche

Amirouche qui voulait se présenter à Tunis pour rencontrer le GPRA, le 6 mars 1959, se met en route, entraînant avec lui Si El Haouès, escortés par le commandant Amor Driss, accompagnés par 40 djounouds. Le parcours de son P.C. de l'Akfadou à Tunis est une expédition d'une durée non limitée et d'un danger permanent. Ils sortent de Kabylie et passent vers le sud, entre Djelfa et Boussada avant de rejoindre la frontière tunisienne. Mais malheureusement pour lui, son itinéraire fut communiqué au commandement français par un opérateur radio du MLAG aux ordres de Boussouf, qui désirait se débarrasser de ces deux « contestataires » trop encombrants!
Le colonel Ducasse du 6e RPlMA, informé de l'itinéraire et des horaires, décide de leur tendre une embuscade entre le djebel Tsameur et le djebel Djininibia, à 75 kilomètres au sud de Boussada. Les quarante hommes de l'escorte résistent avec courage aux attaques de nombreux soldats français qui les encerclent. Amirouche et ses hommes se cachent dans des grottes des falaises et il est impossible de s'approcher. Il faut faire venir la Légion, le 2e escadron du 1er régiment de spahis, et un régiment d'infanterie en renfort.
L'aviation et les canons des EBR Panhard pilonnent les grottes et, le 29 mars, les troupes qui s'avancent vers les centres de résistance ne découvrent que des cadavres dont ceux d'Amirouche et de Si El Haouès.

La fouille des documents trouvés confirment que c'est bien Amirouche.
L'inventaire des musettes révèle l'état moral de la Wilaya. Mademba Sy et Bole du Chaumont trouvent même un million et demi en billets, somme qui trouvera place dans la caisse noire du régiment. Ducasse, ne veut croire que ce qu'il voit, avant de transmettre la nouvelle à Alger. Un hélicoptère Sikorsky H-34 se pose en fin d'après-midi, pour ramasser les corps « importants » d'Amirouche et de Si El Haouès, ils seront présentés à la presse. Les survivants suivront. Ould Hammouda, cousin d'Amirouche, ramené de Tassaft, identifiera avec certitude le corps du colonel Amirouche, devant les journalistes.

L'examen des documents trouvés dans les musettes, révéla un certain état d'esprit régnant dans les Wilayas, fortement éprouvées par les opérations successives, sans avoir d'aide, ni soutien de la part des états-majors de l'ALN. Amirouche se permettait d'inciter le GPRA, à Tunis, à lancer des séries d'opérations en France, avec le soutien, la complicité, des « porteurs de valises ».

Enfin dans une poche d'Amirouche, Bole du Chaumont avait trouvé liées ensemble comme des lettres d'amour les lettres remises par le colonel Godard et le capitaine Léger aux messagers qu'ils envoyaient sur les sentiers de la wilaya III à de prétendus correspondants. Ces lettres constituaient pour Amirouche la justification de ses purges. Pour ceux qui les compulsèrent, elles prouvèrent qu'il s'était lui-même enfermé dans le piège dans lequel il était tombé et que la « bleuite » affligerait désormais sans répit les wilayas.

À Tunis, le GPRA déclara qu'il n'avait pas confirmation de la mort d'Amirouche et de Si Haouès, ajoutant que « cela ferait deux morts glorieux de plus que compterait notre cause, mais n'entamerait pas la ferme résolution de nos combattants pour qui l'idéal reste le même. »

Dépouille du Colonel Amirouche

En 1965 les dépouilles d’Amirouche et de Si El Haouès ont été déterrées et cachées.
Cette ``synergie du mal`` comme décrite dans l'introduction du livre de Said Sadi[6] , a été orchestrée par le colonel Boukharouba aussi connu sous le nom de Boumediene.
Boumediene fit déterrer clandestinement les restes du colonel Amirouche et Si El Houes et les fit séquestrer dans un autre endroit[7]. Ils y restèrent 17 années dans les caves, c-à-d, jusqu'à la disparition de Boumediene et furent ensuite transférés au cimetière d'El-Alia

Le pays commémorera, 25 ans après, leur disparition, et donnera le nom d'Amirouche à un boulevard d'Alger.

Statue de Amirouche Aït Hamouda indiquant la direction de la France.

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Yves Courrière, Le temps des léopards, La guerre d'Algérie Tome II, N° 3749. Édition 1976 et Benjamin Stora, Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens, L'Harmattan, 1985, pp : 166-167
  2. André-Roger Voisin, INTOX et coups fourrés pendant la guerre d'Algérie, Éd. Cheminements, 2008, pp : 48
  3. Claude Paillat, Dossier secret de l'Algérie - 13 mai 1958 / 28 avril 1961, Paris, Presses de la Cité, 1961, pp : 101
  4. Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Paris, Fayard, 2002 (ISBN 978-2-213-61377-2)(ISSN 9782213613772) (LCCN 2003402786), p. 434 
  5. André-Roger Voisin, INTOX et coups fourrés pendant la guerre d'Algérie - Voir chapitre : le dernier voyage d'Amirouche, pp : 161 et 162. Éd. Cheminements, 2008
  6. Said Sadi, Amirouche : une vie, deux morts, un testament, une histoire algérienne, Editions l'Harmattan, 2010, ISBN 229612450X
  7. Said Sadi, Amirouche : une vie, deux morts, un testament, une histoire algérienne, Editions l'Harmattan, 2010, Pages 13 et 14

Bibliographie

Témoignages


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Amirouche Aït Hamouda de Wikipédia en français (auteurs)

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