Israël Kastner

Israël Kastner

Rudolf Kastner

Rudolf (Rezső) Kastner (Kasztner), aussi dénommé Israel (Yisrael) Kastner, (190612 mars, 1957) est de facto le responsable d'une petite organisation juive de Budapest appelée Va'adat Ezrah Vehatzalah (Vaada), ou Comité d'Aide et de Secours, pendant l'occupation de la Hongrie par les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale. En tant que responsable du Vaada, il est un des contacts entre les nazis et la communauté juive en Hongrie. Il est surtout connu pour avoir négocié avec les SS l'autorisation pour 1 684 Juifs de quitter la Hongrie pour la Suisse, en échange d'argent, d'or et de diamants, dans ce qui sera appelé le "train de Kastner".

Kastner émigre en Israël après la guerre et devient en 1952 le porte-parole du Ministre du Commerce et de l'Industrie[1]. Son rôle dans les négociations avec les SS est contesté en 1953, quand il est accusé dans un pamphlet auto-publié de Malchiel Greenwald d'avoir été un collaborateur des nazis pour avoir entre autres fourni des témoignages à décharge aux Alliés sur l'officier SS Kurt Becher, évitant à ce dernier d'être jugé au procès de Nuremberg.

Greenwald est poursuivi en justice par le gouvernement israélien au nom de Kastner, ce qui conduit à un procès qui dure deux ans et qui se termine par une décision du juge qu'en effet Kastner avait vendu son âme au diable.

La Cour suprême d'Israël annule ce jugement en 1958, mais entre temps, Kastner a été assassiné par Zeev Eckstein[2].

Sang contre approvisionnement
Tentatives de sauvetage des Juifs hongrois
Généralités
Personnalités et évènements
Juifs
Nazis
Sources
Témoins
Historiens
  • Yehuda Bauer · John S. Conway · Raul Hilberg · Miroslav Kárný · Ruth Linn
Voir aussi
 Cette boîte : voir • disc. • mod. 

Sommaire

Négociations pour sauver des Juifs

Pendant l'été 1944, Kastner rencontre Adolf Eichmann, qui est responsable de la déportation des 800 000 Juifs de Hongrie vers le camp d'extermination d'Auschwitz en Pologne. Pendant cette rencontre un accord est trouvé pour sauver 1 685 Juifs moyennant le versement d'une somme de 1 000 dollars par personne sauvée. La plupart des passagers ne peuvent pas se procurer une telle somme, aussi Kastner met aux enchères 150 places pour des Juifs fortunés de façon à payer les places pour les autres. En plus, l'officier SS Kurt Becher, l'envoyé d'Heinrich Himmler, insiste pour que 50 sièges soient réservés aux familles de personnes qui lui ont versé de l'argent personnellement afin d'obtenir de sa part certaines faveurs, moyennant la somme de 25 000 dollars par personne. Becher lors des négociations réussit aussi à augmenter le prix de la place de 1 000 à 2 000 dollars[3]. Le montant total de la rançon est estimée par la communauté juive à 8 600 000 francs suisses, bien que Becher lui-même la chiffre à seulement 3 000 000 de francs suisses[4].

Les passagers du train ont réellement été sauvés et le train arrive sans encombre en Suisse, un pays qui est resté neutre pendant toute la Seconde Guerre mondiale. Parmi les passagers se trouve le rabbin Joel Teitelbaum de la dynastie hassidique de Satmar.

Collaboration supposée

Les conséquences de la réunion entre Kastner et Eichmann aura des répercussions à très long terme en Israël et surtout parmi la communauté juive d'origine hongroise. Un des points reprochés à Kastner, est qu'il participe lui-même à l'établissement de la liste de ceux qui seront autorisés à quitter la Hongrie par train. Selon certaines sources, [1], de nombreux Juifs sauvés sont des parents, des amis personnels de Kastner ou des Juifs hongrois fortunés pouvant payer pour ceux qui n'en ont pas les moyens, ainsi que les responsables sionistes et de la communauté.

Même pendant les négociations, des milliers de Juifs hongrois continuent d'être déportés vers le camp d'Auschwitz.

La plupart des Juifs sauvés par Kastner le considèrent comme un héros qui a risqué sa vie en négociant avec Eichmann. Cependant d'autres Juifs hongrois s'interrogent pour savoir si Kastner devait négocier avec Eichmann et si Kastner au lieu d'un héros, ne serait pas plutôt un collaborateur. En 1960, seize ans après sa rencontre avec Kastner, Eichmann raconte au magazine Life que Kastner "avait accepté de faire tout son possible pour que les Juifs n'opposent aucune résistance à leur déportation, et même qu'ils se comportent correctement dans les camps de regroupement, si je fermais les yeux et laissais quelques centaines ou quelques milliers de jeunes Juifs émigrer vers la Palestine. C'était une bonne affaire." [2]

En mai 1944, Kastner et beaucoup d'autres responsables juifs savent, après avoir reçu fin avril 1944, le rapport Vrba-Wetzler, que les Juifs sont envoyés à la mort. Ce rapport est communiqué aux responsables des organisations juives dans l'espoir que les Juifs hongrois soient avertis qu'ils sont envoyés dans des camps de la mort et non dans des camps de regroupement tel qu'on leur fait croire. Cependant, ce rapport n'est pas rendu public par Kastner et les autres responsables de la communauté juive hongroise[5]. À la fin de la guerre, 450 000 Juifs hongrois auront été assassinés. Les détracteurs de Kastner prétendent qu'il s'est mis d'accord avec Eichmann pour ne pas avertir les Juifs hongrois de la menace qui pèse sur eux, afin de ne pas mettre en danger les négociations pour sauver les Juifs qui s'échapperont par le "train de Kastner". Les partisans de Kastner soutiennent que cet accord sur le train faisait partie d'un projet beaucoup plus important de négociations pour sauver tous les Juifs hongrois. (d'après Joel Brand qui négocia avec Eichmann l'échange de 1 million de Juifs hongrois contre 10 000 camions, mais dont la négociation avorta en raison du refus des Alliés). Ils affirment aussi que Kastner était peu connu à cette époque et que de toute façon, personne n'aurait prêté attention à ses avertissements.

Sa défense de l'officier SS Kurt Becher

Au début de 1945, Kastner voyage en Allemagne avec Becher, qui a reçu l'argent et les objets de valeur payés pour sauver les Juifs du train. Himmler a ordonné à Becher d'accélérer la destruction des camps de concentration alors que les alliés gagnent du terrain dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale. Bien que Kastner soit un Juif hongrois et Becher un officier SS, il semble qu'ils aient travaillé correctement ensemble.

Après la guerre, Becher est mis en jugement à Nuremberg comme criminel de guerre. Kastner témoigne en sa faveur, déclarant que Becher est "taillé dans un bois différent de ceux des meurtriers de masse professionnels de la SS politique". Sa défense d'un officier SS met en colère la communauté juive hongroise, même plus que ses négociations avec Eichmann. En tout, Kastner témoigne cinq fois, de 1946 à 1948, en faveur de Becher et des autres SS impliqués dans les négociations sur le train et la rançon[6].

Procès Kastner

Kastner émigre en Israël après la guerre, et devient actif au sein du parti travailliste israélien. Il est candidat deux fois mais ne réussit pas à être élu à la Knesset (Parlement israélien), et est nommé porte-parole du Ministre du Commerce et de l'Industrie en 1952[1].

Son rôle dans les négociations avec les SS pour sauver des Juifs hongrois fait la une des journaux en 1953, quand il est accusé par Malchiel Gruenwald, écrivain amateur et pamphlétaire activiste d'extrême droite

  1. de collaboration avec les nazis
  2. d'avoir favoriser le meurtre des Juifs hongrois
  3. d'être complice avec l'officier nazi Kurt Becher du vol de biens juifs
  4. d'avoir après la guerre, évité à Becher le châtiment qui lui était réservé[1].

Gruenwald est poursuivit en justice pour calomnie par le gouvernement israélien pour le compte de Kastner. Son avocat, Shmuel Tamir, est un ancien membre de l'Irgoun et un partisan de l'aile droite du parti d'opposition Hérout conduit par Menahem Begin. Tamir fait du procès en calomnie contre son client un procès politique contre Kastner et par ricochet contre le Parti travailliste. La mère de l'héroïne juive hongroise Hannah Szenes, accuse aussi Kastner d'avoir trahi sa fille en l'envoyant à la mort et témoigne contre lui pendant le procès.

Après deux ans de procès, dans son jugement, le juge Benjamin Halevi acquitte Gruenwald de calomnie pour le premier, second et quatrième chef d'accusations. Il écrit:

"Le parrainage nazi de Kastner et leur accord pour lui laisser sauver six cents Juifs importants, faisaient partie du plan d'extermination des Juifs. Kastner avait une chance d'en ajouter quelques uns à ce nombre. La tentation l'a séduit. L'opportunité de sauver des gens importants lui plaisait énormément. Il considérait le sauvetage des Juifs les plus importants comme un grand succès personnel et un succès pour le sionisme. C'était un succès qui justifierait aussi sa conduite – ses négociations politiques avec les nazis et le parrainage nazi de son comité. Quand Kastner recevait son cadeau des nazis, Kastner vendait son âme au satan allemand." [3]

La décision du gouvernement israélien de faire appel au nom de Kastner conduit à sa chute et à de nouvelles élections. Kastner devient un personnage haï. Le 3 mars 1957, Zeev Eckstein alors âgé de 24 ans et considéré comme un survivant de l'holocauste, lui tire dessus[7], et il meurt de ses blessures neuf jours plus tard. En se basant sur des rapports de la cour israélienne, le reporter et écrivain Ben Hecht écrit qu'Eckstein était quelques mois avant l'assassinat, un indicateur payé par les services de renseignements du gouvernement israélien[8].

La Cour Suprême d'Israël, annule la plus grande partie du jugement et innocente Kastner en 1958. La décision est justifiée dans son rapport par:

  1. Pendant cette période, Kastner n'était motivé que par son désir de sauver des Juifs hongrois, dans leur ensemble, c'est-à-dire le plus grand nombre possible qu'il estimait pouvoir sauver dans les circonstances de l'époque.
  2. Ce motif était conforme au devoir moral de secours auquel il était soumis en tant que responsable du Comité d'Aide et de Secours de Budapest.
  3. Influencé par ce motif, il adopta la méthode de négociation financière ou économique avec les nazis.
  4. Le comportement de Kastner semble à la fois plausible et raisonnable.
  5. Son comportement lors de sa visite à Cluj-Napoca (le 3 mai) et ultérieurement, aussi bien son aspect actif (le plan des "juifs importants") et son aspect passif (cacher les "nouvelles de Auschwitz" et le manque d'encouragement pour des actes de résistance et d'évasion sur une large échelle) est conforme avec sa loyauté à la méthode qu'il considérait, pendant les moments cruciaux de la négociation, comme étant la seule chance de sauvetage.
  6. En conséquence, on ne peut pas trouver de faute morale dans son comportement, on ne peut pas trouver de lien entre son comportement et la facilité du transport et de déportation des Juifs hongrois, on ne peut pas considérer son comportement comme une collaboration avec les nazis[9].

Archives Kastner

Le 20 juillet 2007, le mémorial de Yad Vashem (qui conserve une grande partie des archives sur la déportation des Juifs) ouvre lors d'une cérémonie, les archives de Kastner. Celles-ci seront donc consultables. Mais 50 ans après son assassinat, le personnage est toujours aussi contesté.

Si Suzanne Kasztner, fille unique de Rudolf, maintenant âgée de 61 ans (en 2007), estime que la cérémonie marque une nouvelle étape pour la réhabilitation de son père: "Je pense que l'État d'Israël a finalement retrouvé son honneur perdu dans cette affaire."[10], une partie des Israéliens le considère toujours comme un traître.

Liens internes

Notes

  1. a , b  et c (en): Bilsky, Leora. "Jugement du Diable dans le procès de Kastner", Law and History Review, Vol 19, No. 1, printemps 2001.
  2. (en): Ronald W. Zweig Le Train d'Or: la destruction des Juifs et le pillage de la Hongrie, Harper Collins, 2002, p. 232.
  3. (en): Kadar, Gabor, et Vagi, Zoltan. Génocide autofinancé: le Train d'Or, le cas Becher et la richesse des Juifs hongrois. Central European University Press, 2004, pp. 213-214.
  4. (en): Zweig, Ronald W. Le train d'Or: la destruction des Juifs et le pillage de la Hongrie, Harper Collins, 2002, pp. 226-227.
  5. (en): Gilbert, Martin Auschwitz et les Alliés, Michael Joseph, 1981, pp. 201-205.
  6. (en): Zweig, Ronald W. Le Train d'Or: la destruction des Juifs et le pillage de la Hongrie, Harper Collins, 2002, p. 287, note 5 en bas de page
  7. (en): Ronald W. Zweig. Le Train d'Or: la destruction des Juifs et le pillage de la Hongrie, Harper Collins, 2002, p. 232.
  8. (en): Ben Hecht Perfidie, p 208 et p. 279, note en pied de page 184.
  9. (en): Orr, Akiva. "Le cas Kastner, Jérusalem, 1955" in Israël: Politique, Mythe et Crise d'identité, Pluto Press, 1994, pp. 109-110.
  10. Jerusalem Post – Édition Française – 25 juillet 2007

Autres références et liens externes

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Rudolf Kastner ».
  • (en): Kasztner, Rezso Rudolf, Encyclopaedia Judaica, Jérusalem, 1972.
  • (en): LeBor, A., "La liste d'Eichmann: Un Pacte avec le Diable" à The Independent (Accès payant pour la version complète), publié en août 2000.
  • (en): Kasztner Memorial
  • (en): Sur le procès, Time magazine, 11 juillet 1955.
  • (en): Dédouanement du Dr. Kastner, Time magazine, 27 janvier 1958.
  • (en): Hilberg, Raul."La Destruction des Juifs Européens", initialement publié en 1961. Édition de 2003 par Yale University Press. ISBN 0-300-09557-0
  • (en): Baruch Kimmerling. "La Culture du Martyre en Israël", The Nation, 10 janvier 2005
  • (en): Maoz, Asher. Jugement Historique: Tribunaux, Commissions d'Enquètes et "Vérité Historique", Law and History Review, University of Illinois Press, Vol. 18. No. 3, Automne 2000.
  • (en): "Rapport du Comité d'Aide et de Secours Juif de Budapest, " 1942-1945, par Dr. Rezsoe Kasztner. T/37(237) présenté au cours du procès d'Adolf Eichmann et référencé T/1113 (BO6-900, Vol. II, p. 908-910);
  • Tom Segev: "Le septième million: Les Israéliens et le génocide", traduction: Eglal Errera; Editeur : Liana Levi (15 janvier 2003), collection Piccolo; ISBN 978-2-86746-317-4
  • Anna Porter. Kasztner's Train: The True Story of an Unknown Hero of the Holocaust . Douglas & MacIntyre 2007


  • Portail de la culture juive et du judaïsme Portail de la culture juive et du judaïsme
Ce document provient de « Rudolf Kastner ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Israël Kastner de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужно сделать НИР?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Kästner — Kastner Cette page d’homonymie répertorie les différents sujets et articles partageant un même nom. Kastner ou Kästner est un patronyme allemand qui peut faire référence à : Abraham Gotthelf Kästner (1719 1800), un mathématicien allemand un… …   Wikipédia en Français

  • Kastner train — The Kastner train was a trainload of almost 1,700 Jews who, in the second half of 1944, escaped from Nazi controlled Hungary to safety in Switzerland, while some 450,000 members of the Hungarian Jewish community were deported to the gas chambers… …   Wikipedia

  • Kastner — Cette page d’homonymie répertorie les différents sujets et articles partageant un même nom. Kastner ou Kästner est un patronyme allemand qui peut faire référence à : Abraham Gotthelf Kästner (1719 1800), un mathématicien allemand un cratère… …   Wikipédia en Français

  • Rudolf Kastner — Infobox Person name = Rudolf Rezső Israel Kastner image size = 117px caption = birth date = 1906 birth place = Kolozsvár, Hungary flagicon|HUN death date = March 12, 1957 death place = Tel Aviv, Israel flagicon|ISR occupation = spouse = parents …   Wikipedia

  • Rudolf Kastner — Nacimiento 1906 Cluj Napoca, Hungría Fallecimiento …   Wikipedia Español

  • Rudolf Kastner — Rudolf (Rezső) Kasztner (* 1906 in Kolozsvár, Ungarn, heute Cluj Napoca, Rumänien; † 3. März 1957 in Tel Aviv, Israel) war ein ungarischer Gemeindeführer, Journalist und Jurist, der nach dem Zweiten Weltkrieg beschuldigt wurde, mit den… …   Deutsch Wikipedia

  • Rudolf Kastner — Rudolf (Rezső) Kastner (Kasztner), aussi dénommé Israel (Yisrael) Kastner, (1906 – 12 mars 1957) est de facto le responsable d une petite organisation juive de Budapest appelée Va adat Ezrah Vehatzalah (Vaada), ou Comité d Aide et de Secours,… …   Wikipédia en Français

  • Erich Kästner — (IPA2|ˈʔeːʁɪç ˈkʰɛstnɐ) (February 23, 1899 ndash; July 29, 1974) was one of the most famous German authors, screenplay writers, and satirists of the 20th century. His popularity in Germany is primarily due to his humorous and perceptive children… …   Wikipedia

  • History of Israel — The State of Israel ( he. מדינת ישראל, Medinat Yisrael ) was established in 1948 after nearly two thousand years of Jewish dispersal, and 55 years of Zionist agitation. In the sixty years since it achieved independence, its Arab neighbours have… …   Wikipedia

  • Daphna Kastner — Kastner at the 2009 premiere of Whatever Works Born April 17, 1961 (1961 04 17) (age 50) Montréal, Québec …   Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”