Alfred Loisy

Alfred Loisy
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Alfred Loisy, né à Ambrières (Marne) le 28 février 1857 et mort le 1er juin 1940, est un théologien catholique français.

Sommaire

Biographie

Sa famille n'était pas d'une piété fervente mais, comme l'enfant était porté sur les études et trop peu robuste pour labourer la terre, elle l'envoya au collège épiscopal de Saint-Dizier où l'idée lui vint d'entrer au séminaire. Pareille décision était irréfléchie et le directeur du collège, prêtre et peu suspect d'anticléricalisme, tenta de l'en détourner : pourquoi ne pas passer d'abord le baccalauréat, bien utile si par la suite il changeait d'avis ? Pris peut-être par d'autres soucis, il n'insista pas. Le séminaire le déçut et il songea à se faire moine, mais cette fois, un de ses professeurs « fut assez habile pour [l]'y faire renoncer de [lui]-même[1]. »

Il a tracé de ses maîtres des portraits caustiques et savoureux[2]. À l'Institut catholique de Paris, où il entra par la suite, il avança si vite dans l'étude de l'hébreu que le recteur, Mgr d'Hulst, lui confia rapidement un cours ; mais ses idées modernistes lui valurent une révocation en 1893 et on le nomma aumônier dans un couvent chargé de l'éducation des jeunes filles. Il n'en continua pas moins ses recherches, publiant sous des pseudonymes, mais se trouvant en porte-à-faux de plus en plus prononcé avec les dogmes de l'Église romaine. Tombé gravement malade en 1899, il quitta son aumônerie et crut devoir l'année suivante renoncer par honnêteté à la petite pension que l'archevêché servait aux prêtres infirmes.

C'est alors que des amis le firent nommer à l'École pratique des hautes études[3], ce qui prenait de court sa hiérarchie : « censurer un enseignement donné en Sorbonne paraissait un coup trop hardi, et l'on n'y pensa pas, au moins sous Léon XIII[4]. » En 1902, Loisy fit paraître L'Évangile et l'Église, livre par lequel il entendait réfuter L'Essence du Christianisme du théologien protestant Adolf von Harnack. Le livre fut condamné dans plusieurs diocèses, mais Rome refusait toujours de s'engager. Enfin l'avènement de Pie X, moins diplomate que son prédécesseur, allait rendre la situation intenable. Ayant refusé de souscrire à l'encyclique Pascendi il fut excommunié vitandus, c'est-à-dire qu'il était interdit à tout catholique de lui adresser la parole (1907).

L'année suivante, il fut élu professeur d’histoire des religions au Collège de France où il enseigna jusqu'en 1932. Selon Claude Barthe, le très long et très documenté roman de Joseph Malègue, Augustin ou le Maître est là paru l'année suivante (et dont l'arrière-plan est la crise moderniste), met en scène Alfred Loisy à travers la figure de l'abbé Bourret[5]

Œuvres

  • 1890, Histoire du canon de l'Ancien Testament.
  • 1891, Histoire du canon du Nouveau Testament.
  • 1892-1893, Histoire critique du texte et des versions de l'Ancien Testament.
  • 1898-1899, Loisy rédige un traité La vraie foi dans le temps présent qui reste inédit.
  • 1901, Les Mythes babyloniens et les premiers chapitres de la Genèse.
  • 1901, 1906, 1933, La Religion d'Israël (dans lequel il démontre que le Pentateuque n'est pas un document historique[6])
  • 1902, L'Évangile et l'Église.
  • 1903, Études bibliques.
  • 1903, Autour d'un petit livre
  • 1903, Le Quatrième Évangile.
  • 1907-1908, Les Évangiles synoptiques.
  • 1908, Simples réflexions sur le décret du Saint-Office Lamentabile sane exitu et sur l'encyclique Pascendi dominici gregis.
  • 1912, Choses passées, autobiographie, publiée par l'Union pour la Vérité.
  • 1917, La Religion, Paris : Ed. Nourry[7]).
  • 1919 Les Mystères païens et le Mystère chrétien
  • 1923, La morale humaine, Paris : Ed. Nourry.
  • 1925 Les Actes des Apôtres
  • 1933 La naissance du christianisme
  • 1936 Les origines du Nouveau Testament.

Une opinion de Loisy

« Le croyant ancien est avant tout un homme qui se confesse, qui se confesse fréquemment, et d'autant plus souvent même qu'il se permet moins les actions que la morale catholique regarde comme des péchés. C'est un homme qui pratique l'obéissance intellectuelle, admettant en principe tout ce que l'Église enseigne, et acceptant sans examen tout ce qu'il connaît de cet enseignement ; ne discutant ni le sens ni la portée logique de ce qu'il croit ; se considérant dans l'Église comme un disciple qui apprend d'elle ce qu'il doit penser sur tous les grands sujets qui intéressent l'existence, ce qu'il doit faire pour être homme de bien, ce qu'il doit pratiquer pour être chrétien. C'est un homme dont toute l'activité se trouve ainsi réglée par une autorité extérieure, et qui n'a pas souci de penser par lui-même, qui se croirait coupable de prendre cette hardiesse, qui regarde comme une vertu la timidité intellectuelle. Il se défend de penser sur les questions religieuses, par crainte de penser mal ; il s'instruit de la religion dans les bons livres que lui recommande son directeur, et il n'a pas d'autres idées que celles qui lui sont garanties comme très orthodoxes et très sûres. Ce type de catholique existe, il ne faut pas le nier. Il n'est pas très répandu, tout au moins ceux qui le réalisent dans la perfection ne sont pas nombreux, quoi qu'on ait fait pour les multiplier. C'est que ce type n'est réalisable qu'au prix d'une abdication contre nature, à laquelle beaucoup résistent comme d'instinct, et que d'autres repoussent consciemment comme une violation de leur personnalité[8]. »

Citation

La plus célèbre citation de Loisy, qui fit scandale, est : « Le Christ a annoncé le Royaume, mais c'est l'Église qui est venue » [9].

Elle est cependant souvent extraite du reste du texte, qui tempère l'accusation implicite portée contre l'Église :

« Reprocher à l'Église catholique tout le développement de sa constitution, c'est donc lui reprocher d'avoir vécu, ce qui pourtant ne laissait pas d'être indispensable à l'Évangile même. Nulle part, dans son histoire, il n'y a solution de continuité, création absolue d'un régime nouveau; mais chaque progrès se déduit de ce qui a procédé, de telle sorte que l'on peut remonter du régime actuel de la papauté jusqu'au régime évangélique de Jésus, si différents qu'ils soient l'un de l'autre, sans rencontrer de révolution qui ait changé avec violence le gouvernement de la société chrétienne. En même temps, chaque progrès s'explique par une nécessité de fait qui s'accompagne de nécessités logiques, en sorte que l'historien ne peut pas dire que l'ensemble de ce mouvement soit en dehors de l'Évangile. Le fait est qu'il en procède et qu'il le continue.

Des objections qui peuvent sembler très graves, au point de vue d'une certaine théologie, n'ont presque pas de signification pour l'historien. Il est certain, par exemple, que Jésus n'avait pas réglé d'avance la constitution de l'Église comme celle d'un gouvernement établi sur la terre et destiné à s'y perpétuer pendant une longue série de siècles. Mais il y a quelque chose de bien plus étranger à sa pensée et à son enseignement authentique, c'est l'idée d'une société invisible, formée à perpétuité par ceux qui auraient foi dans leur cœur à la bonté de Dieu. On a vu que l'Évangile de Jésus avait déjà un rudiment d'organisation sociale, et que le royaume aussi devait avoir une forme de société. Jésus annonçait le royaume, et c'est l'Église qui est venue. Elle est venue en élargissant la forme de l'Évangile, qui était impossible à garder telle quelle, dès que le ministère de Jésus eut été clos par la passion. Il n'est aucune institution sur la terre ni dans l'histoire des hommes dont on ne puisse contester la légitimité et la valeur, si l'on pose en principe que rien n'a droit d'être que dans son état originel. Ce principe est contraire à la loi de la vie, laquelle est un mouvement et un effort continuel d'adaptation à des conditions perpétuellement variables et nouvelles. Le christianisme n'a pas échappé à cette loi, et il ne faut pas le blâmer de s'y être soumis. Il ne pouvait pas faire autrement. »

Notes et références

  1. Choses passées p. 15.
  2. Id. p. 20 et sqq.
  3. Fondée en 1868 par un décret du ministre de l'Instruction publique, Victor Duruy.
  4. Id. p. 227.
  5. Pour Barthe, les indices en sont que Bourret est également auvergnat d'origine - ce qui est une erreur, Loisy étant originaire de la [Département de la Marne|Marne] - sulpicien et Professeur d'Écriture Sainte (ces deux derniers points sont exacts) : Loisy lui-même, poursuit Claude Barthe « lecteur de Malègue comme tout le monde, jugeait le personnage de Bourret, son alter ego peu flatté, Invraisemblable » voir C.Barthe, Joseph Malègue et le « roman d'idées » dans la crise moderniste in Les romanciers et le catholicisme, Éditions de Paris, 2004, pp. 83-97, p. 93. Claude Barthe pense aussi qu'il y a dans cet abbé Bourret un mélange de Loisy et de Cénabre (le prêtre de L'imposture de Georges Bernanos.
  6. Cf. leçon inaugurale de Thomas Römer au Collège de France (prononcée le 5 février 2009, visible en vidéo sur le site du Collège de France et publiée chez Fayard sous le titre Les Cornes de Moïse : Faire entrer la Bible dans l'histoire)
  7. Cf. La morale mystique de M Loisy, par Jeanne Jacob, in La revue de métaphysique et de morale, 1924 p. 487
  8. Choses passées.
  9. Alfred Loisy, L'Évangile et l'Église, Paris, Alphonse Picard et fils, 1902, p.110-112

Voir aussi

Liens externes


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