Alexandra David-Neel

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Alexandra David-Néel

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Alexandra David, en 1886, le jour de sa présentation à la Cour de Belgique, devant le roi Léopold II et la reine Marie-Henriette.

Louise Eugénie Alexandrine Marie David, plus connue sous son nom de plume Alexandra David-Néel, née le 24 octobre 1868 à Saint-Mandé (Val-de-Marne), morte le 8 septembre 1969 à Digne (Alpes-de-Haute-Provence), de nationalités française et belge, est une orientaliste, tibétologue, chanteuse d'opéra, journaliste, écrivain et exploratrice. Outre sa longévité (100 ans), son trait de gloire le plus marquant reste d'avoir été, en 1924, la première femme d'origine européenne à séjourner à Lhassa au Tibet, exploit dont la publicité fut soigneusement orchestrée dans les années 1920 et qui contribua fortement à sa renommée, en plus de ses qualités personnelles et de son érudition.

Note : le nom de son mari, Néel, ne se prononce pas nil mais né-èl[1].

Sommaire

1868-1904 : son enfance, sa jeunesse, ses voyages

Alexandra naît d'un père instituteur (qui fut militant républicain lors de la révolution de 1848, et ami du géographe anarchiste Élisée Reclus), et d'une mère catholique qui demande à ce qu'elle bénéficie d'une éducation religieuse. Elle passa ses vacances avec ses parents à Ostende d'où un jour, encore adolescente, elle s'enfuit pour atterrir en Angleterre en partant par le port de Flessingue. Elle côtoya durant toute son enfance et son adolescence l'anarchiste Élisée Reclus. Celui-ci l'amène à s'intéresser aux idées anarchistes (Max Stirner, Michel Bakounine...) de l'époque et aux idées féministes qui lui inspirèrent la publication de « Pour la vie ». Elle devint d'ailleurs une libre collaboratrice de La Fronde, journal « féministe » créé par Marguerite Durand et géré coopérativement par des femmes, et participa à diverses réunions du « Conseil National des Femmes françaises » ou italiennes. Mais elle rejeta en revanche certaines des positions tenues lors de ces réunions (ex. : le droit de vote) préférant la lutte pour l'émancipation au niveau économique, cause essentielle pour elle du malheur des femmes qui ne peuvent être indépendantes financièrement. Alexandra s'éloigna d'ailleurs de ces « oiseaux aimables, au précieux plumage », en référence à ces féministes venant pour la plupart de la haute société, et oubliant la lutte économique à laquelle la plupart des femmes ont à se confronter.

Durant les saisons 1895-1896 et 1896-1897, sous le nom d'Alexandra Myrial, Alexandra David occupe l'emploi de première chanteuse à l'Opéra d'Hanoï (Indochine), interprétant le rôle de Violetta dans La Traviata (de Verdi), puis chante dans Les Noces de Jeannette (de Victor Massé), Faust et Mireille (de Gounod), Lakmé (de Léo Delibes), Carmen (de Bizet), Thaïs (de Massenet). Elle entretient, à cette époque, des rapports épistolaires avec Frédéric Mistral et Jules Massenet[2].

De 1897 à 1900, elle partage la vie du pianiste Jean Haustont, à Paris, et ils écrivent à deux Lidia, drame lyrique en un acte dont Jean Haustont compose la musique et Alexandra le livret. Elle part chanter à l'opéra d'Athènes, de novembre 1899 à janvier 1900 puis, en juillet de la même année, à l'opéra de Tunis, ville où elle rencontre, peu après son arrivée, Philippe Néel. Elle abandonne sa carrière de chanteuse à l'été 1902, à l'occasion d'un séjour de Jean Haustont à Tunis et assure, pendant quelques mois, la direction artistique du casino de Tunis, tout en poursuivant ses travaux intellectuels[2].

1904-1911 : la femme mariée

Le 4 août 1904, à Tunis, elle épouse Philippe Néel, ingénieur en chef des Chemins de fer tunisiens, dont elle était la maîtresse depuis le 15 septembre 1900. Leur vie commune fut parfois orageuse, mais toujours empreinte de respect mutuel. Elle se termine définitivement le 9 août 1911 par son départ pour son troisième voyage en Inde (1911-1925), le deuxième s'étant effectué pendant un tour de chant. La légende veut que son mari fût aussi son mécène, mais la vérité est toute autre. Elle possédait, à son mariage, une fortune personnelle et en 1911, trois ministères l'aidèrent à financer un voyage d'étude qui devait durer 18 mois. Il dura en réalité 14 ans. Par le truchement des ambassades, elle envoya à son mari des procurations pour qu'il gère sa fortune. Pour autant, les deux époux entamèrent après cette séparation une abondante correspondance qui ne cessa qu'avec la mort de Philippe Néel en février 1941. De cette correspondance subsistent nombre de lettres écrites par Alexandra, et quelques lettres écrites par son mari, beaucoup ayant été brûlées ou perdues lors des tribulations d'Alexandra pendant la guerre civile chinoise, au milieu des années 1940.

1911-1925 : le périple indo-tibétain

Alexandra David-Néel à Lhassa en 1924

Alexandra David-Néel arrive au Sikkim en 1912. Elle se lie d'amitié avec le souverain de cet État de l'Inde, Sidkéong Tulku, et visite de nombreux monastères bouddhistes pour parfaire sa connaissance du bouddhisme. En 1914, elle rencontre dans un de ces monastères le jeune Aphur Yongden dont elle fit par la suite son fils adoptif. Tous deux décident de se retirer dans une caverne en ermitage à plus de 4 000 mètres d'altitude, au Nord du Sikkim.

Là, elle est auprès d'un des plus grands Gomchens (ermites) dont elle a le privilège de recevoir l'enseignement et surtout, elle est tout près de la frontière tibétaine, qu'envers et contre tous, elle franchit à deux reprises. Elle pénétra même jusqu'à Shigatsé, l'une des plus grandes villes du sud du Tibet, mais pas encore à Lhassa, qui en est la capitale interdite. À cause de ces incartades, Alexandra fut expulsée du Sikkim en 1916.

Comme il leur est impossible de rentrer en Europe en pleine guerre mondiale, Alexandra et Yongden quittent le pays pour l'Inde puis le Japon. Elle y rencontre le philosophe Ekaï Kawaguchi qui, quelques années plut tôt, a réussi à rester dix-huit mois à Lhassa sous un déguisement de moine chinois.

Alexandra et Yongden partent ensuite pour la Corée, puis Pékin en Chine. De là, ils choisissent de traverser la Chine d'Est en Ouest en compagnie d'un lama tibétain haut en couleurs. Leur périple dura plusieurs années et traversa le Gobi, la Mongolie, puis une pause de trois ans au monastère de Kumbum au Tibet, où elle traduit la fameuse Prajnaparamita, avant de repartir déguisés en mendiante et moine pour Lhassa qu'ils atteignent en 1924. Alexandra rencontre Swami Asuri Kapila (Cesar Della Rosa). Ils y séjournèrent deux mois, durant lesquels ils visitèrent la ville sainte et les grands monastères environnants : Drépung, Séra, Ganden, Samye... Mais Alexandra David-Néel est finalement démasquée (pour cause de propreté trop grande : elle allait se laver chaque matin à la rivière), et dénoncée à Tsarong Shapé (le gouverneur de Lhassa).

1925-1937 : l'intermède européen

Alexandra David-Néel rentre en France, parcourt la Provence, puis décide de se fixer à Digne en 1928, où elle achète et agrandit sa maison, Samten-Dzong (forteresse de la méditation). Elle y écrit plusieurs livres relatant ses différents voyages.

Entre ces diverses publications - toujours accompagnée d'Aphur Yongden, le fidèle compagnon d'aventures, devenu légalement son fils adoptif - elle fit de grandes tournées de conférences en France et en Europe.

1937-1946 : le périple chinois

En 1937, Alexandra David-Néel a soixante-neuf ans, et décide de repartir pour la Chine avec Yongden via Bruxelles, Moscou et le transsibérien. Elle se retrouve en pleine guerre sino-japonaise et assiste aux horreurs de la guerre, de la famine et des épidémies. L'annonce de la mort de son mari la touche profondément. Fuyant les combats, elle erre en Chine, avec des moyens de fortune, puis finit par se retrouver en 1946 en Inde.

1946-1969 : la Dame de Digne

Alexandra David-Néel retourne en France pour régler la succession de son mari, puis recommence à écrire depuis sa maison de Digne. Elle a la douleur de perdre son fils adoptif et compagnon de voyage Yongden en 1955.

A cent ans et demi, ultime pied de nez, elle demande le renouvellement de son passeport au Préfet des Basses-Alpes.

Elle s'éteint à 100 ans. Ses cendres ont été transportées à Vârânasî en 1973 par sa secrétaire Marie-Madeleine Peyronnet pour être dispersées avec celles de son fils adoptif dans le Gange.

Hommages

La série Il était une fois... les Explorateurs d'Albert Barillé (consacrant en 1995 vingt-deux épisodes relatant vingt-deux personnalités ayant grandement contribué à l’exploration) lui rend hommage en lui consacrant un épisode. Elle est la seule femme à apparaître exploratrice (de premier plan) de toute la série.

En 1992 sort un documentaire intitulé Alexandra David-Néel: du Sikkim au Tibet interdit réalisé par Antoine de Maximy et Jeanne Mascolo de Philippis. Il suit le voyage que Marie-Madeleine Peyronnet entreprit afin de restituer à un temple une statuette sacrée qui avait été prêtée à Alexandra David-Néel jusqu'à sa mort. La vie de l'exploratrice et sa forte personnalité y sont retracées notamment via des témoignages de personnes l'ayant connue et des anecdotes de Marie-Madeleine Peyronnet.

En 2006, Priscilla Telmon rend hommage à Alexandra à travers son expédition à pied, en solitaire à travers l'Himalaya. Elle retrace le voyage de son ainé depuis le Viêt Nam jusqu'à Calcutta en passant par Lhassa. Cette expédition peut se voir dans un superbe film : Au Tibet Interdit il a été largement diffusé, récompensé, faisant l'objet de nombreuses conférences et édité en DVD aux éditions MK2, bientôt dans un livre aux éditions Robert Laffont.

Bibliographie

Œuvres d'Alexandra David-Néel

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Wikisource propose un ou plusieurs textes écrits par Alexandra David-Néel.

Note : les titres et noms d'éditeurs sont ceux des éditions actuelles. Pour une bibliographie plus formelle, voire savante, on se reportera au site officiel indiqué infra.

  • 1898 : Pour la vie - réflexions sur tous les faits de société (Éditions « les nuits rouges »)
  • 1906 : Le féminisme rationnel
  • 1911 : Le Bouddhisme du Bouddha (Éditions du Rocher)
  • 1927 : Voyage d'une Parisienne à Lhassa (Plon)
  • 1929 : Mystiques et magiciens du Tibet (Plon)
  • 1930 : Initiations lamaïques (Pygmalion)
  • 1931 : La Vie surhumaine de Guésar de Ling : L'Iliade des Tibétains (Éditions du Rocher) - avec la collaboration du Lama Yongden
  • 1933 : Au pays des brigands-gentilshommes (Plon)
  • 1935 : Le Lama au cinq sagesses (Plon)
  • 1938 : Magie d'amour et magie noire (Plon)
  • 1939 : Le Bouddhisme : ses doctrines et ses méthodes (Éditions du Rocher)
  • 1940 : Sous des nuées d'orage (Plon)
  • 1949 : Au cœur des Himalayas : le Népal (Pygmalion)
  • 1951 : Astavakra Gita - réédité (date non connue) en un volume unique « Astavakra Gita - Avadhuta Gita, poèmes sanscrits védantins » aux Éditions du Rocher
  • 1951 : Les Enseignements secrets des bouddhistes tibétains (Pygmalion)
  • 1951 : L'Inde hier, aujourd'hui, demain
  • 1952 : Textes tibétains inédits (Pygmalion)
  • 1953 : Le Vieux Tibet face à la Chine nouvelle (Plon)
  • 1954 : La Puissance du néant, roman du Lama Yongden, traduit et annoté par A. D.-N. (Plon)
  • Grammaire de la langue tibétaine parlée
  • 1958 : Avadhuta Gita - réédité (date non connue) en un volume unique « Astavakra Gita - Avadhuta Gita, poèmes sanscrits védantins » aux Éditions du Rocher
  • 1958 : la Connaissance transcendante (Pygmalion)
  • 1961 : Immortalité et réincarnation (Éditions du Rocher)
  • L'Inde où j'ai vécu (Plon)
  • 1964 : Quarante siècles d'expansion chinoise (Plon)
  • 1970 : En Chine - l'Amour universel et l'Individualisme intégral (Plon) - édition posthume
  • 1972 : Sortilèges du mystère (Plon) - édition posthume
  • 1975 : Vivre au Tibet : cuisine, traditions et images (Robert Morel éditeur, Apt) - édition posthume
  • 2000 : Correspondance avec son mari, édition intégrale 1904-1941 (Plon), édition posthume, reprenant les deux volumes publiés précédemment :
    • 1975 : Journal de voyage : Lettres à son mari, 11 août 1904 - 27 décembre 1917. Vol. 1 (Ed. Marie-Madeleine Peyronnet)
    • 1976 : Journal de voyage : Lettres à son mari, 14 janvier 1918 - 31 décembre 1940. Vol. 2 (Ed. Marie-Madeleine Peyronnet)

Études sur Alexandra David-Néel

  • Le Tibet d'Alexandra David-Néel, album de photos (Plon, 1979)
  • Marie-Madeleine Peyronnet, Dix ans avec Alexandra David-Néel (Plon, 1973, réedition 1998)
  • Joëlle Désiré-Marchand, Les itinéraires d'Alexandra David-Néel (Arthaud, 1996)
  • Eric Le Nabour, Alexandra David-Néel (Lattès-Ushuaia, 1992)
  • Jean Chalon, Le lumineux destin d'Alexandra David-Néel, Librairie académique Perrin, 1985
  • Jacques Brosse, Alexandra David-Neel, (Retz, 1978, réedition Albin Michel, 1991)

Notes et références

  1. « Précisons ici que la prononciation de ce nom est Nel et non Nil, et qu'Alexandra écrivait Neel sans accent. » (Jacques Brosse, Alexandra David-Neel, Albin Michel (coll.Espaces libres), page 44, note 1).
  2. a  et b Source : Jean Chalon, Le Lumineux Destin d'Alexandra David-Néel, Librairie académique Perrin, 1985.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes



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