Henry Thoreau

Henry Thoreau

Henry David Thoreau

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Henry David Thoreau
Daguerréotype de l'écrivain de juin 1856
Daguerréotype de l'écrivain de juin 1856

Nom de naissance David Henry Thoreau
Activité(s) enseignant, essayiste, philosophe, naturaliste et poète
Naissance 12 juillet 1817
Concord, Massachusetts États-Unis États-Unis
Décès 6 mai 1862
Concord, Massachusetts États-Unis États-Unis
Langue d'écriture anglaise
Mouvement(s) Transcendantalisme
Genre(s) essai, philosophie, poésie, récit de voyage
Œuvres principales

Henry David Thoreau, né David Henry Thoreau le 12 juillet 1817 à Concord (Massachusetts) où il est mort le 6 mai 1862, est un essayiste, enseignant, philosophe, naturaliste amateur et poète américain.

Son œuvre majeure est Walden ou la vie dans les bois, publiée en 1854, qui délivre ses réflexions sur une vie simple loin de la société, dans les bois, lors de sa « révolte solitaire »[1]. Le livre La Désobéissance civile (1849), dans lequel il argumente l'idée d'une résistance individuelle à un gouvernement jugé souvent injuste, est considéré comme l'origine de la non-violence.

Les livres, articles, essais, journaux et poésies de Thoreau remplissent vingt volumes. Surnommé le « poète-naturaliste » par son ami William Ellery Channing (1780 - 1842), Thoreau se veut un observateur attentif de la nature et ce surtout dans ses dernières années durant lesquelles il étudie des phénomènes aussi variés que les saisons, la dispersion des essences d'arbres ou encore la botanique[2]. Les différents mouvements écologistes ou les tenants de la décroissance actuels le considèrent ainsi comme l'un des pionniers de l'écologie car il ne cesse de recentrer l'homme dans son milieu naturel et appelle à un respect de l'environnement.

Abolitionniste toute sa vie, faisant des conférences et militant contre les lois sur les esclaves évadés et capturés, louant le travail des abolitionnistes et surtout de John Brown, Thoreau propose une philosophie de résistance non violente qui influence la pensée et les actions de figures telles que Léon Tolstoï, Gandhi et Martin Luther King.

« Ma vie a été le poème que j'aurais voulu écrire » explique Thoreau dans un poème[3], car il est avant tout à la recherche de l'existence la plus authentique. Selon l'expression de Michel Barrucand : « Vivre fut sa profession, s'émerveiller sa raison d'être, écrire sa façon de se révolter ou de témoigner »[3].

Sommaire

Biographie

Thoreau accuse un silence autobiographique tout au long de son œuvre souligne Michel Granger, dans Henry-David Thoreau[4]. Néanmoins, grâce à son Journal et aux témoignages de proches tels William Ellery Channing, qui publie sa première biographie (Thoreau the Poet-Naturalist, en 1873) ou Harrison Blake (qui entretient une correspondance régulière avec Thoreau de mars 1848 à mai 1861) le fil de son existence est connu. Le témoignage de Ralph Waldo Emerson, dans Thoreau, est également précieux. Le journal intime de Thoreau n'est par ailleurs publié qu'en 1906.

Premières années (1817 - 1828)

Portrait au crayon d'Henry-David Thoreau en 1854 par Samuel Worcester Rowse et conservé à la Concord Free Public Library.

David Henry Thoreau[note 1], d'origine écossaise et française[5], naît le 12 juillet 1817, dans la ville de Concord, Massachusetts, comptant alors 2 000 habitants. David Henry est ainsi nommé en honneur d'un oncle paternel récemment décédé, David Thoreau. Il est le fils de John et de Cynthia (née Dunbar) Thoreau. Il a un frère et une sœur aînés, Helen et John Junior, et une sœur cadette, Sophia[6]. La maison où il est né a été préservée, sur Virginia Road, après avoir été déplacée d'environ 90 mètres.

Son grand-père paternel est d'origine française, né à Saint-Hélier, à Jersey. Il a quitté l'île en 1773 pour les États-Unis sur un bateau corsaire. Son grand-père maternel, Asa Dunbar, qui est successivement enseignant, pasteur et avocat, joue un rôle dans ce qui est nommé la « rébellion de pain et de beurre », à Harvard, en 1766, et qui est la première manifestation d'étudiants de l'histoire des États-Unis[7].

Selon son meilleur ami William Ellery Channing, Thoreau a une ressemblance avec Jules César[note 2] et, bien qu'il soit de taille moyenne, lui-même ne se juge pas beau, affublé d'un nez qu'il considère être son « trait le plus proéminent »[8]. Le poète Nathaniel Hawthorne, quant à lui, le décrit ainsi : « [Thoreau] est laid : un long nez ; une bouche étrange ; des manières rustiques quoique courtoises, qui correspondent très bien à son apparence extérieure. Mais sa laideur est quand même honnête et agréable, et lui sied mieux que la beauté »[9].

En 1818, sa famille traverse des années de difficultés financières mais, en 1824, son père décide de créer une fabrique de crayons à Concord. Les Thoreau s'installent donc à Chelmsford, dans le Massachusetts puis, en 1821, ils emménagent à Boston. David Henry y entre bientôt à l'école. C'est en 1822 qu'il découvre l'étang de Walden (Walden Pond[note 3]), lors d'un séjour chez sa grand-mère. Sa fibre littéraire commence alors à apparaître et, en 1827, le jeune Thoreau écrit son premier poème, Les Saisons.

Années de formation (1828-1837)

À partir de 1828, à l'Académie de Concord, il apprend le latin, le grec et diverses langues : le français, l'italien, l'allemand avec Orestes Brownson, l'espagnol, et, en 1833, grâce à une bourse, il entre à l'université d'Harvard pour y étudier la rhétorique, le Nouveau Testament, la philosophie et les sciences[10]. Il y rencontre alors Ralph Waldo Emerson (1803 - 1882) qui devient son ami, puis son mentor, Emerson étant en effet le chef de file du mouvement transcendantaliste.

La demeure familiale de Thoreau, en 1860.

Dès 1835, en dehors des trimestres d’études à Harvard, il enseigne quelques mois dans une école primaire de Canton, dans le Massachusetts. Thoreau découvre véritablement le transcendantalisme[note 4] en 1835 avant d'obtenir son diplôme d'Harvard en août 1837, qui sera l'occasion de prononcer ce jour-là un discours contre la société intitulé L’esprit commercial des temps modernes et son influence sur le caractère politique, moral et littéraire d’une nation qui contient toute sa pensée future. Une légende veut qu'il ait refusé de payer les cinq dollars nécessaires pour le diplôme ; en réalité, le master qu'il refuse d'acheter n'avait aucun mérite académique : l'université l'offrait aux étudiants « qui ont prouvé leur santé physique en étant vivants trois années après avoir obtenu la licence, et par leurs économies, leurs dépenses, ou en héritant la qualité ou condition en ayant cinq dollars à donner à l'université »[11].

Thoreau devient un disciple de Ralph Waldo Emerson, qu'il rencontre par l'intermédiaire de Lucy Brown, la première femme qu'il a aimée. Emerson, alors âgé de 34 ans, a déjà publié deux ouvrages importants dans l'histoire de la littérature américaine : Nature et L’intellectuel américain alors que Thoreau, âgé de 20 ans n'a encore rien édité. Cependant, très vite, les deux hommes deviennent très proches. Emerson lui fait alors connaître un cercle d'auteurs et d’autres intellectuels qui fondent le Transcendental Club en 1836[4], dont : William Ellery Channing qui devient son meilleur ami (et qui l'initie à l'unitarisme, confession qui s'est alors récemment imposée et que Channing enseigne à Harvard[12]), Margaret Fuller, Amos Bronson Alcott, Jones Very, Nathaniel Hawthorne et son fils Julian, alors enfant. Tous s'installent à Concord, faisant de ce petit village le centre du rayonnement intellectuel du courant transcendantaliste. Thoreau est alors le seul natif de Concord parmi ces écrivains. Pour Michel Granger, il participe alors, durant ses années de formation et de production, approximativement entre 1835 et 1860, à ce que F. O. Matthiessen a appelé la « Renaissance américaine », qui est en fait la naissance d'une littérature authentiquement nationale[13].

Retour à Concord (1837 - 1844)

Portrait de Ralph Waldo Emerson jeune.

Après avoir obtenu son diplôme, Thoreau devient instituteur à l'école publique de Concord mais il démissionne après quelques mois de service car il refuse d'appliquer les châtiments corporels alors en vigueur. Après sa démission, il ne retrouve pas d'emploi, en raison de la crise économique de 1837[14].

À partir d'octobre 1837, il commence à écrire, sur une suggestion d'Emerson, un journal dans lequel il note ses observations sur la nature et élabore des critiques des livres qu'il lit[15]. La première chose qu'il y écrit, en date du 22 octobre 1837, est une réflexion d'introspection à propos de l'intérêt de tenir ce journal : « Qu'est-ce que tu fais maintenant ? ». Puis il poursuit : « Écris-tu un journal intime ? Alors j'écris mon premier passage dans ce journal ». Thoreau tient ce journal à jour jusqu'en 1861. Celui-ci devient la source de nombre de ses publications. Parallèlement, et de son propre fait, il change l'ordre de ses prénoms et se dénomme maintenant Henri-David Thoreau[16]. Pour Michel Granger, il souhaite signifier par ce geste sa volonté de réarranger sa vie et lui donner un sens propre[17].

En 1838, ne trouvant pas d'emploi comme professeur, il ouvre une école privée chez lui. Son frère John le rejoint peu après. Ils intègrent plusieurs concepts progressistes dans leur programme scolaire, dont les nouveaux principes d’éducation prônés par Elizabeth Peabody (sorties d’éveil, herborisation, refus des sévices et association des enfants à la discipline, promenade dans les bois). Les Thoreau y enseignent jusqu'en mars 1841. La même année il donne une conférence intitulée La Société au Lyceum de Concord, faisant écho à celle d'Emerson, Discours de l‘École de théologie donnée à Harvard et qui constitue une « véritable charte philosophique du mouvement transcendantaliste »[18]. Seul, Thoreau effectue également cette année-là sa première excursion dans le Maine, en pleine nature sauvage. Il effectue une autre excursion en 1839, sur les rivières Concord et Merrimack, avec son frère John, en canoë, voyage qui forme la trame de Une semaine sur les rivières de Concord et Merrimack qui est édité en 1849.

En 1840 Thoreau publie un premier essai sur le poète épique latin : Aulus Persius Flaccus[19] et un poème : Sympathy, les deux publiés dans Dial (« le cadran »), le journal transcendantaliste. Pendant quatre ans, jusqu'à ce qu'elle disparaisse, Thoreau fournit plusieurs textes à cette revue. Pour Michel Granger, c'est à ce moment que Thoreau réalise ce qu'il veut réellement faire dans la vie. Il s'émancipe quelque peu du transcendantalisme, devient moins malléable et, même, dépasse son initiateur et mentor Emerson[20]. Mais Thoreau se voit avant tout comme un poète, ayant choisi de pratiquer le genre dès 1839 et jusqu'en 1842[21]. Par ailleurs, Henri David et John tombent amoureux de la même jeune fille, Ellen Sewall. John lui propose de l'épouser puis Henry quelques mois plus tard mais celle-ci refuse les deux propositions, obéissant à son père et les éconduit l’un et l’autre.

En 1841, l'école des frères Thoreau, bien qu'ayant un certain succès, ferme ses portes. « Ce fut [alors] le dernier emploi stable occupé par Thoreau » selon Gilles Farcet[22]. Thoreau séjourne alors deux ans chez Emerson, à Concord, comme tuteur de son fils, Waldo, et travaille comme assistant éditorial, et manœuvre-jardinier. Encouragé par Emerson et Fuller, il continue d'écrire dans la revue transcendantaliste The Dial, mais aussi pour d'autres magazines. Cependant,« s'il contribue à la revue transcendantaliste The Dial (...) jamais il n'envisage de se joindre aux communautés qui naissent alors aux alentours » relativise Gilles Farcet[22]. Il donne par ailleurs des conférences au Lyceum, participant au développement du courant transcendantaliste. Il fait cette année-là la connaissance du poète américain Nathaniel Hawthorne qui vient de s'installer à Concord.

L'étang de Walden, en hiver.

Son frère John meurt du tétanos le 12 janvier 1842[23]. Thoreau en est profondément affecté. Il publie la même année L'Histoire naturelle du Massachusetts, moitié critique de livre et moitié essai d'histoire naturelle. Emerson et Thoreau sont alors très proches car au moment où Thoreau perd son frère, le fils d'Emerson, âgé de six ans, meurt de la scarlatine.

En 1843 Thoreau quitte Concord pour Staten Island, New York où il devient le tuteur des enfants de William Emerson, le frère de Ralph. Thoreau apprécie la flore locale très différente de celle de son village et découvre l'océan et la ville de New York. Habiter chez William Emerson lui permet d'accéder à la New York Society Library où il découvre des œuvres de littérature orientale peu communes à l'époque aux États-Unis. Il rencontre aussi Horace Greeley, fondateur du New York Tribune, qui l'aide à publier certains de ses travaux et qui devient son agent littéraire. À la demande d'Emerson, Thoreau rédige un long article au sujet du livre de John Adolphus Etzler[note 5], Le Paradis à (re)conquérir (Paradise to be (re)gained), dans The United States Magazine, and Democratic Review, étude qui porte en germe toute la réflexion qui nourrit par la suite ses livres engagés[24].

Après une année à New York, Thoreau se trouve peu d'affinité intellectuelle avec William Emerson, et Concord lui manque[25]. Il y rentre pour travailler dans l'usine familiale de crayons. Il applique alors un processus produisant de meilleures mines de crayons, en utilisant de l'argile comme liant pour le graphite, technique exploitée en New Hampshire depuis la découverte de minerai supérieur, en 1821, par l'oncle de Thoreau, Charles Dunbar, et qui a su exploiter le gisement aux alentours de Bristol[26]. Plus tard, Thoreau transforme l'atelier en usine de production de graphite pour encre de machines de typographie[27]. Il semble que l'air chargé en poussière de graphite ait endommagé ses poumons plus gravement que la tuberculose de laquelle il décédera.

En 1844, en avril, avec son ami Edward Hoar, il déclenche accidentellement un incendie qui ravage environ 120 hectares des bois de Walden, autour de l'étang[28]. Il s'attire alors la méfiance des habitants. Souhaitant disparaître quelques temps, il aide son père à construire une nouvelle maison familiale puis travaille à la fabrique de crayons paternelle. Il y met alors au point un nouveau procédé de broyage du graphite. Il parle alors souvent d'acheter ou de louer une ferme, afin de vivre de peu de moyens et dans la solitude, cadre idéal à la conception de son premier livre. Pour Thoreau, il devient en effet fondamental de « gagner sa vie sans aliéner sa liberté ni exercer une activité incompatible avec son idéal », question cruciale formant la trame de Walden[14].

Vie à Walden et excursions (1844 - 1849)

Fin 1844, Emerson achète un terrain autour de l'étang de Walden et le met à la disposition de Thoreau qui souhaite se retirer au calme pour écrire[note 6]. En mars 1845, il commence la fabrication d'une cabane de pin[note 7], sur les rives de l'étang, à 2,4 km de sa maison natale. C'est le début d'une expérience qui dure deux ans, menée en autarcie (Thoreau a planté 1 hectare de pommes de terre, de fèves, de blé et de maïs), et qu'il raconte dans son livre Walden ou la vie dans les bois (Walden or Life in the Woods). Il débute aussi la rédaction de Une Semaine sur les rivières Concord et Merrimack (A Week on the Concord and Merrimack Rivers), son premier succès littéraire. Thoreau veut vivre simplement et seul dans les bois, y mener « une vie de simplicité, d'indépendance, de magnanimité, et de confiance »[29]. Il dort dans sa cabane dès la nuit du 4 juillet 1845, jour de la Déclaration d’Indépendance aux États-Unis. Pour Michel Granger, il s'agit de « l'acte fondateur de sa célébrité [qui] tient à la décision de s'installer un peu à l'écart de Concord en 1845 : il s'est déplacé hors du village, s'est excentré symboliquement »[30]. Il ne s'agit alors pas d'une fugue ou d'une vie d'ermite, puisque l'écrivain revenait souvent voir ses amis, mais d'un choix délibéré qui rappelle par bien des côtés l'expérience faite par Jean-Jacques Rousseau dans la forêt d'Ermenonville[note 8]. Thoreau donne à ses contemporains l'exemple d'un rapport actif avec la nature, en dehors de toute contemplation romantique et s'élève contre la société à laquelle il oppose le concept de « simplicité volontaire ».

Reproduction de la cabane de Thoreau à Walden avec une sculpture représentant l'écrivain

Le 24 ou le 25 juillet 1846, Sam Staples, agent de recouvrements des impôts locaux lui ordonne de payer six ans d'arriérés. Thoreau, qui refuse de payer ses impôts à un État qui admet l'esclavage et fait la guerre au Mexique, est arrêté alors qu'il se rend chez son cordonnier puis emprisonné durant une nuit, mais relâché le jour suivant, une de ses tantes ayant payé, contre son gré, les arriérés à sa place[31]. Cet événement marque la pensée de Thoreau et nourrit le thème de la désobéissance civile.

En septembre il effectue une excursion dans le Maine puis, à son retour à Walden, il accueille dans sa cabane le 1er août, pour la commémoration de l’émancipation des esclaves aux Antilles, l’assemblée générale des anti-esclavagistes de sa commune[32]. En août 1846, Thoreau quitte Walden pour aller au mont Katahdin dans le Maine, excursion racontée dans le premier chapitre de The Maine Woods, « Ktaadn » et qui représente un modèle d'écriture poétique dans la littérature américaine de l'époque.

Thoreau quitte définitivement sa retraite de Walden Pond le 6 septembre 1847 et retourne habiter chez Emerson chez qui il reste jusqu'en juillet 1848. Pendant le voyage du philosophe en Angleterre, il s’occupe en effet de sa maison durant dix mois et commence à prendre des notes sur les Indiens d’Amérique. Il produit ainsi près de 3 000 pages de citations et de notes, entre 1847 et 1861. Il décide ensuite de retourner dans la maison de ses parents pour travailler et payer ses dettes, tout en révisant continuellement son manuscrit. Il donne la première de ses conférences sur son séjour à Walden, et, en janvier et février 1848 il fait une lecture célèbre, intitulée « Les droits et les devoirs de l'individu en relation au gouvernement » au Concord Lyceum. Amos Bronson Alcott y assiste et, dans son journal intime, donne de précieux renseignements sur ces conférences[33], même si Thoreau réécrit et modifie par la suite le texte de sa conférence pour son livre La Désobéissance civile, publié en mai 1849 par Elizabeth Peabody dans ses Aesthetic Papers.

L'année suivante il retourne vivre chez ses parents et travaille avec son père. Ponctuellement il effectue des travaux d'arpentage et de peinture de bâtiments. Il marche aussi pendant de longues heures. Chaque année il donne des conférences à Concord et à Boston[34] et même dans le Maine. Il publie également des essais dans des magazines de Nouvelle-Angleterre. Devenant quasiment un « gourou », il reçoit des admirateurs, souvent jeunes, fascinés par l'aventure de Walden[35]. Il complète le premier brouillon de Une Semaine sur les rivières Concord et Merrimack, une élégie dédiée à son frère John, décrivant leur voyage aux montagnes Blanches en 1839. Faute d'éditeur voulant publier cette œuvre, Emerson l'encourage à l'éditer à son propre compte, ce que Thoreau fait avec l'éditeur d'Emerson, Munroe. Ce dernier fait peu de publicité pour le livre, qui se vend donc mal et endette Thoreau qui se brouille avec son ancien ami Emerson, à l'origine de cette publication.

Néanmoins, en 1849, Thoreau annonce la publication prochaine de Walden dont il a déjà rédigé trois versions. Il rencontre H. G. O. Blake, un instituteur avec qui il entretient une abondante et riche correspondance et qui le soutient dans son projet d'écrire sur son séjour dans les bois. Il effectue enfin une excursion à cap Cod, en compagnie de William Ellery Channing. À cette époque, Thoreau est de nouveau endeuillé : sa sœur Helen meurt des suites d'une tuberculose.

Dernières années (1850 - 1862)

La péninsule de Cape Cod (vue satellite), que Thoreau a contribué à décrire et à inventorier.

En 1850 la famille Thoreau emménage dans une maison de la rue principale de Concord. En juillet l'auteur de Walden se rend à Fire Island pour rapatrier la dépouille de son amie transcendantaliste Margaret Fuller, morte au cours du naufrage d'un navire. Il se rend ensuite au Québec avec William Ellery Channing toujours, en train.

Thoreau proteste, en 1851, contre les lois esclavagistes. Il aide même des esclaves à fuir vers le Canada. Toujours en 1851, il admire le naturaliste William Bartram et surtout Charles Darwin dont il découvre et soutient les travaux ; il lit en particulier son livre, Le Voyage du Beagle. Fasciné par l'histoire naturelle et les livres de voyages ou d'expéditions, il se documente beaucoup sur la botanique. Son journal intime abonde en observations naturalistes, sur la flore surtout, celle des bois de Concord, et note des informations telles : le temps que prennent les fruits pour mûrir, la profondeur fluctuante de l'étang, les dates des migrations aviaires, et cherche même à mesurer et anticiper les saisons de la nature.

En 1852, il met la dernière main à Walden et écrit dans son Journal. Il devient ensuite géomètre-expert, mais continue à remplir ses cahiers d'observations détaillées de la nature de sa ville de 67 km². Il tient aussi des carnets qui seront la base de ses écrits sur l'histoire naturelle, dont Autumnal Tints, The Sucession of Trees, et Wild Apples, un essai sur la destruction d'espèces de pommes locales. Pour Donald Worster, après 1850, « paradoxalement il [est] encore plus proche de la nature qu'à Walden » du fait de ses observations minutieuses[36].

En 1853, il publie la première partie de Un Yankee au Canada, définitivement édité en 1866. Par ailleurs l'entreprise paternelle connaît des difficultés : la fabrication de crayons est stoppée et son père ne produit plus que de la plombagine. Thoreau est lassé de cette activité qui le détourne de ses véritables occupations spirituelles et décline l'invitation de l'American Association for the Advancement of Science, ne se considérant pas comme scientifique.

Thoreau donne en 1854 une conférence sur L'Esclavage au Massachusetts et sur La Vie sans principes. En février et mars il rédige une nouvelle version de Walden et prépare le manuscrit pour l'éditeur. Il rend visite à Daniel Ricketson, un admirateur de New Bedford, qui rejoint par la suite le mouvement transcendantaliste, fasciné par Thoreau qu'il est[37]. Il remet enfin la septième version de Walden à l'éditeur Ticknor and Fields, qui est publié en août 1854, tiré à 2 000 exemplaires, et qui raconte les deux ans, deux mois et deux jours passés dans la forêt aux alentours des berges de l'étang de Walden, non loin de ses amis et de sa famille, à Concord. Le livre qui condense ces deux années en une seule, utilisant le passage des quatre saisons comme symbole du développement de soi, connaît un franc succès.

En 1855, il reçoit d'un jeune anglais Thomas Cholmondeley, venu rencontrer Emerson, 44 livres orientaux. Thoreau se passionne en effet, depuis 1841 et grâce à Emerson, pour l'orientalisme et pour le bouddhisme, mais aussi pour la culture des Indiens d'Amérique[38]. Il a ainsi pris connaissance des grands textes de la spiritualité indienne dont le Bhagavad-Gîtâ et le Manavadharmashastra. Il effectue des traductions de ces textes et en publie des passages dans The Dial. Thoreau a alors la plus belle bibliothèque orientale en Amérique.

Ambrotype réalisé en août 1861 d'Henry David Thoreau à la fin de sa vie, à 44 ans.

Il publie par ailleurs ses premiers essais sur la péninsule de Cape Cod, où il se rend pour une troisième excursion. En novembre 1856, il rend visite au poète Walt Whitman, à Brooklyn, lors d'une excursion en compagnie d'Alcott à New York. Dans une lettre à Harrison Blake, du 19 novembre, Thoreau le décrit comme « le plus grand démocrate que le monde ait connu »[39].

En 1857, il effectue sa quatrième excursion au Cape Cod, puis il se rend pour la dernière fois dans le Maine, en compagnie d'un guide indien, Joe Polis[note 9]. Il rencontre à Concord le capitaine abolitionniste John Brown, dont il prend la défense par la suite. Son amitié avec Emerson prend fin en février. En 1858, le journal l’Atlantic Monthly publie son texte Chesuncook, en l'hommage de la beauté du lac du même nom, dans le Maine, qui forme la seconde partie des Bois du Maine, publié en 1864.

En 1859, le père de Thoreau meurt et celui-ci reprend la direction la fabrique de graphite. Il prend position en faveur de John Brown, après que celui-ci est capturé à Harpers Ferry, après l’attaque ratée de l’arsenal[40]. Adoptant « une attitude agressivement militante »[41], il donne alors des conférences dont Plaidoyer pour le capitaine John Brown[note 10] puis, en décembre, Le Martyre de John Brown. En 1859, Thoreau prononce un éloge funèbre (publié sous le titre de A Plea for Captain John Brown), lors d'un office à Concord, le 2 décembre 1859, date de son exécution, puis à Boston et à Worcester. Thoreau fustige ceux du mouvement abolitionniste qui en sont venus à renier John Brown suite à son raid à Harpers Ferry. Il réussira à faire changer d'avis à beaucoup de monde, et le mouvement acceptera Brown comme martyr de sa cause et lors de la guerre de Sécession les troupes nordistes loueront le courage de Brown dans plusieurs chansons.

Une tuberculose contractée en 1835 se ravive en 1859 par une mauvaise bronchite qui le touche après une excursion de nuit où il était allé compter les cernes des chicots d'arbres (dendrochronologie) tombés lors d'une tempête. Son état de santé empire durant trois ans, malgré de brefs rétablissements, jusqu'à ce qu'il soit alité. Sentant sa fin venir, Thoreau passe les dernières années de sa vie à réviser et éditer ses œuvres non encore publiées, dont Excursions et The Maine Woods, ainsi qu'à demander à des maisons d'édition de rééditer A Week on the Concord and Merrimack Rivers et Walden.

Thoreau publie en juillet 1860 Les Derniers jours de John Brown. Il effectue aussi sa dernière excursion, au mont Monadnock, dans le New Hampshire, en compagnie de son ami William Ellery Channing. Il donne une conférence sur La Succession des arbres en forêt pour une société d'agriculture. « Apportant la preuve que l'on peut améliorer la couverture boisée autour du village, il contribue à la fois à accroître la rentabilité des forêts et à préserver l'espace naturel pour les générations à venir »[41] explique Michel Granger. En décembre, son état de santé empire.

De mai à juillet 1861, il voyage dans le Minnesota avec Horace Mann Jr., un botaniste. Il visite ainsi la région des Grands Lacs (il visite les chutes Niagara, Détroit, Chicago, Milwaukee, Saint Paul et l'île Mackinac)[42]. L'essai De la marche (Walking) est publié en 1862 dans la revue The Atlantic Monthly. Revenu à Concord très affaibli, Thoreau décide de préparer, avec l'aide de sa sœur Sophia, ses manuscrits en vue de leur publication. Il passe beaucoup de temps à écrire des lettres et à poursuivre son journal intime jusqu'à ce qu'il soit trop frêle pour écrire. Ses amis sont étonnés de son aspect fort diminué et fascinés par son acceptation tranquille de la mort. Quand sa tante Louisa lui demande dans les dernières semaines de sa vie s'il avait fait sa paix avec Dieu, Thoreau lui répond tout simplement « Je ne savais pas qu'on s'était disputés ».

La tombe d'Henry-David Thoreau, au cimetière de Sleepy Hollow[note 11].

Il meurt le 6 mai 1862 à Concord, à 44 ans et ayant été célibataire toute sa vie durant. Il est mis en terre le 9 mai. D'abord enterré dans le caveau familial du côté maternel (les Dunbar), lui et ses parents immédiats sont transférés au cimetière de Sleepy Hollow, également à Concord. C'est Ralph Waldo Emerson qui prononce son éloge funèbre.

La majorité de ses œuvres sont publiées de manière posthume : Les Forêts du Maine en 1864, Cape Cod en 1865, en 1894 ce sont onze volumes d’écrits qui sont publiés chez Riverside, puis en 1906 les Édition Walden en vingt volumes récapitulent ses opus[note 12].

Œuvre littéraire

Œuvres principales

L'ensemble des travaux de Thoreau peut se diviser en deux groupes : les essais politiques ou moraux et les récits de voyage à tendance naturaliste.

Walden

Article détaillé : Walden ou la vie dans les bois.

Souvent abrégé par Walden, le récit Walden ou la vie dans les bois (Walden or Life in the woods) est l'œuvre majeure de Thoreau, celle que le public retient continuellement. Traduit par Louis Fabulet[43], par l'entremise d'André Gide, ce n'est ni un roman ni une véritable autobiographie mais une critique du monde occidental, le récit d'un « voyageur immobile »[44], chaque chapitre abordant un aspect de l'humanité sous le style du pamphlet ou de l'éloge. Pour Kathryn VanSpanckeren, Walden est « un guide de vie selon l’idéal classique. Mêlant poésie et philosophie, ce long essai met le lecteur au défi de se pencher sur sa vie et de la vivre dans l’authenticité. La construction de la cabane, décrite en détail, n’est qu’une métaphore illustrant l’édification attentive de l’âme »[45], modèle du caractère américain[46].

La Désobéissance civile

Article détaillé : La Désobéissance civile.

C’est seulement en 1849, dans Résistance au gouvernement civil, intitulé ultérieurement, de façon posthume, La Désobéissance civile (Civil Desobedience), que Thoreau met par écrit ses positions politiques et idéologiques. Il y prône la résistance passive en tant que moyen de protestation. Cet engagement passif se situe d’abord sur le plan individuel selon lui. Il y proclame son refus de soutenir le gouvernement américain, qui tolère l’esclavagisme et mène une guerre de conquête au Mexique, contre tous les droits individuels et contre toute morale. L’essai eut une grande influence sur deux personnalités de la non-violence : le Mahatma Gandhi et Martin Luther King[47], et, de façon générale sur tous les courants de résistance, y compris au Danemark, durant la Seconde Guerre Mondiale, alors sous la domination nazie[48].

Les Forêts du Maine et autres récits de voyage

Première page illustrée de l'ouvrage Walden ou la vie dans les bois

Dans Les Forêts du Maine, Henry David Thoreau a rassemblé les récits des voyages qu'il a menés dans les forêts du nord-est des États-Unis en 1846, 1853 et 1857. Il y décrit le mont Ktaadn de façon romantique et étudie la manière de vivre des pionniers et des Indiens. L'ensemble de ces ouvrages témoignent d'une connaissance botanique et naturaliste fine et éclairée, même si la vision de la nature y est toujours personnifiée ou idéalisée comme le montre le critique Roderick Nash, dans Wilderness and the American Mind[49]. L’activité de naturaliste qui a occupé une grande partie de la dernière décennie de l’écrivain, même si celui-ci n'a pu en assembler les matériaux avant sa mort, y est toujours présente. Dans l'appendice des Forêts du Maine Thoreau liste des noms de plantes, d’arbres ou d’oiseaux, et relève des mots en langue algonquine, faisant par là, avant l'heure, œuvre d'ethnologue[50].

Le recueil Wild Apples and Other Natural History Essays, non encore traduit en français, est une édition moderne des divers essais que Thoreau a consacrés à la nature pendant une vingtaine d’années précédemment publiés sous le titre Excursions (en 1962) : « Natural History of Massachusetts », « A Walk to Wachusett », « A Winter Walk », « Walking », « The Succession of Forest Trees », « Autumnal Tints », « Wild Apples » et « Huckleberrie ». Thoreau s'y dévoile comme étant un véritable scientifique, étudiant scrupuleusement les phénomènes naturels[51].

Enfin Cape Cod publié en 1865 compile impressions naturalistes et étude de la faune et de la flore de la péninsule du même nom où Thoreau se rendit par trois fois[52]. À ces textes il faut y ajouter, selon Michel Granger, les quelque 7 000 pages du Journal qui, à partir du début des années 1850 recueillent ses observations de la nature selon une approche de plus en plus empirique[53].

Journal

Le Journal est un ouvrage élaboré durant 20 ans, du 22 octobre 1837, sur la suggestion de Ralph Waldo Emerson, au 3 novembre 1861, s'étalant sur 14 volumes. Thoreau, qui l'intitule in petto le « calendrier des marées de l'âme » y rassemble notes, poèmes, compte rendus, états d’âme, herborisations, réflexions morales ou politiques, tous matériaux nourrissant ses autres ouvrages ; pour Gilles Farcet il « est sans doute le seul travail auquel il se consacra régulièrement, presque tous les jours de sa vie »[54]. Selon François Specq, « le journal de Thoreau est d'un genre singulier : loin d'un journal intime voué à analyser les tours et détours de la personnalité de l'individu, il s'est donné pour unique objet (...) d'explorer la nature des environs de Concord, Massachusetts »[55].

L'esthétique littéraire et les thèmes de Thoreau

Thoreau est un auteur protéiforme. En effet, à titre d'exemple, Walden se veut à la fois un essai et un roman (proche de la robinsonnade[56]), qui alterne avec la description, la narration, et même avec l'épopée ; la vision du combat de fourmis comparées à des guerriers antique en est un exemple. Michel Granger parle d'« écologie littéraire » dont Thoreau est véritablement le père. Le mélange d'essais, d'observations et de passages poétiques, désigné en littérature américaine sous le mot de « nature writing », en fait par conséquent le précurseur du genre[57] des romans naturalistes mais aussi des manuels d'art de vivre.

D'un point de vue stylistique, Thoreau maîtrise les ressorts de la langue américaine. Utilisant le contraste entre l'élément primitif propre à la nature (wilderness), et l' élément technique, propre à la société (tameness : domestiqué), il a souvent recours à l'étymologie[58] et aux métaphores organiques, les plus proches des phénomènes naturels.

Signature d'Henry David Thoreau

Les textes de Thoreau sont souvent parsemés de passages poétiques, soit de sa confection, soit emprunté à d'illustres poètes. Cette prose travaillée devient pour Thoreau « un instrument poétique supérieur »[59] qui lui permet de suggérer la diversité des phénomènes naturels, par la musicalité et parfois les onomatopées. La fonction des poèmes est aussi d'obliger le lecteur à faire une pause, afin d'ouvrir un temps nécessaire à la méditation[60]. En dépit de ce rythme poétique, la pensée de Thoreau est très vive, toujours en mouvement, didactique et érudite, faites d'accumulation d'expressions frappantes et de paradoxes surtout telle la citation très connue : « le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins »[61]. Les aphorismes que la conscience collective retient en effet sont souvent paradoxaux et percutants. Son souci est en effet d'établir les « fondements d'une expression vraie »[62].

Thèmes

Écologie

Bien qu'étant antérieur au mouvement écologique, Thoreau est conscient que l'environnement doit être préservé et que, bien plus, il peut permettre à l'humanité d'atteindre le véritable progrès. Il possède même une réelle érudition en la matière écologique naissante[note 13]. Ainsi, dans un essai, Le Paradis à (re)conquérir, Thoreau passe en revue les sources d'énergie possibles, telles l'énergie des vagues, celle provenant du soleil ou l'éolien[63]. Quand il découvre la théorie de l'évolution des espèces de Charles Darwin, par l'intermédiaire de Étienne Geoffroy Saint-Hilaire[64], Thoreau l'adopte immédiatement. Ses propositions, notamment lors de la conférence sur La Succession des arbres en font également un protecteur de l'environnement. En effet, déjà à cette époque l'homme réduit les espaces boisés. En 1880, il ne restait en effet plus que 40 % de terre boisée dans le Massachusetts. Thoreau avertit ses concitoyens de ce danger et milite en faveur d'une utilisation rationnelle des ressources et de la protection de la faune et de la flore[note 14].

La référence éthique à la nature traverse toutes ses œuvres, à tel point que Michel Granger parle, reliant cette adoration quelque peu naïve parfois aux éléments biographiques de l'écrivain, d'une « sublimation compensatrice » envers sa mère[65] qui en fait un précurseur des théories gaïa. L'apport à ce sujet de Thoreau est considérable : « les sentiments envers la nature exprimés par Thoreau dans ces volumes [son Journal] constituent son legs le plus important aux générations futures » explique Donald Worster dans Les Pionniers de l'écologie[36]. « Par son désir de retrouver la forêt primitive, Thoreau appartient sans conteste à la tradition arcadienne de la pensée écologique » explique ce dernier[66].

Solitude et émerveillement

Citation commémorative de Thoreau à la Library Way de New York.

Accusé souvent de misanthropie, Thoreau prône un art de vivre fondé sur l'écoute de soi, ce qu'il nomme le « matin intérieur », proche d'un état d'innocence[67]. Pour Michel Granger, il est possible que Thoreau soit devenu solitaire en raison de l'incident qu'il a commis à Concord, en provoquant un incendie qui lui a valu la critique des autres habitants. Il décide en effet de s'installer à Walden juste après cet événement et dès lors il fait de la solitude une « bonne compagnie »[68]. Demeurer seul permet non seulement d'étudier la nature mais aussi et surtout de s'émerveiller ; en effet pour Gilles Farcet « Thoreau est naïf en ceci qu'il n'a rien perdu de son aptitude à l'émerveillement »[69]. Célibataire toute sa vie durant, cet état d'ermite ne l'empêche pas d'avoir des sentiments philanthropiques puisqu'il défend, par exemple, avec empathie et sensibilité pour l'humanité souffrante, l'abolitionnisme et aide des esclaves à gagner leur liberté.

Critique de l'économie et de la société industrielle

Peu après l'expérience de Walden, Thoreau publie le texte d'une conférence, La vie gaspillée, intitulée lors de sa publication, La Vie sans principes, en 1854 dans laquelle il attaque vivement l'économie et la société industrielle. Il réaffirme les valeurs éthiques liées à l'individualisme contre celles véhiculées par l'État. Il dit ainsi dans La Désobéissance civile : « Je pense que nous devons être des hommes, des sujets ensuite »[70]. Il ne voit face à cet envahissement de la sphère privée que deux solutions : la désobéissance civile d'une part, et l'usage de la force d'autre part qu'il évoque timidement néanmoins[71]. En ce sens, Thoreau a été considéré, par toute une frange des penseurs modernes de cette pensée, comme un anarchiste. Cependant, comme le rappelle Guillaume Villeneuve « l'ambition de Thoreau est spirituelle, soucieuse de transformation intérieure : l'ennemi est en nous, non à l'extérieur. La violence doit d'abord s'exercer sur nous (...) »[72].

Réception de son œuvre et de son action

Influence et postérité

Un héritage classique

Thoreau a été largement influencé par ses lectures orientales sur le bouddhisme et l'hindouisme telles que le Bhagavad-Gîtâ, par exemple. Dans Walden, il fait, à de très nombreuses reprises, référence aux mythologies grecque, romaine ou nordique. Il cite aussi beaucoup les évangiles. Ses théories sont également proches du cynisme (on a ainsi souvent comparé Thoreau au philosophe Diogène[73]) et du stoïcisme.

La pensée de Thoreau est modelée par deux héritages principaux selon Michel Granger. L'humanisme européen d'une part car, « un peu comme les grands hommes de la Renaissance, Thoreau est à la fois philosophe, écrivain et naturaliste, chacune de ces facettes enrichissant les autres »[74] et le puritanisme d'autre part. La théologie calviniste l'a également imprégné, à Harvard, université fondée en effet par les puritains, et par le biais familial également. Pour Michel Granger, Thoreau fait preuve, envers l'héritage puritain, d'ambivalence, à la fois fasciné et rebuté[75].

Thoreau et le transcendantalisme

Article détaillé : Transcendantalisme.

D'origine purement américaine, le transcendantalisme est un mouvement philosophique et littéraire crée par Ralph Waldo Emerson. Initié par l'auteur de Nature, et dont la stature l'a longtemps éclipsé[76] Thoreau est toute sa vie un transcendantaliste, même si son esprit d'indépendance lui refuse de s'y reconnaître totalement. Il tire de ce courant d'inspiration romantique européenne l'idée qu'il existe des correspondances entre l'homme et la nature principalement. Le poète Kenneth White explique ainsi que « c'est en quelque sorte une conscience première, débarrassée de toutes les couches secondaires (morales, sociales, religieuses, etc.), que le transcendantalisme veut atteindre, car tout, virtuellement, commence là, et tout peut recommencer là »[77]. En exaltant l'individualisme et une certaine forme d'oisiveté dans la communion avec la nature, Thoreau invite à explorer les « provinces de l'imagination », thème transcendantaliste par excellence. Enfin, l'idée que l'écrivain peut être le moteur de la société et la source de son renouveau, via la figure du héros indépendant, a influencé la pensée de Thoreau. Néanmoins, conclut Michel Granger, Thoreau a su synthétiser cet héritage transcendantaliste, en apportant de sa propre réflexion.

Rayonnement de la pensée de Thoreau en politique et écologie

Dessin de Thoreau illustrant son essai Autumnal Tints (1862).

Les écrits de Thoreau ont eu un rayonnement important après sa mort, à tel point que Gilles Farcet parle de la « dimension prophétique » de son œuvre[78]. Des leaders politiques tels que le Mahatma Gandhi[note 15] (l'ascétisme pratiqué par Gandhi s'inspire beaucoup de la pensée du poète américain[79]), le président John F. Kennedy, le militant des droits civiques Martin Luther King, William O. Douglas, Thomas Merton et les continuateurs de Lanza del Vasto et des écrivains comme Léon Tolstoï, qui découvrit La Désobéissance civile en 1894 grâce à un journal anglais, ont évoqué l'influence de l'œuvre de Thoreau dans leur action.

Le rayonnement de Thoreau a également marqué l'écologie politique. L'expression de « désobéissance civile » est en effet reprise par la résistance des paysans du Larzac et de José Bové[80]. Des études modernes ont montré l'actualité de la pensée de Thoreau à ce propos, pensée qui nourrit jusqu'à l'écologie profonde et le monde libertaire[81]. Ainsi, dans L'écologie technophobe de Thoreau[82], 11e volume de Contre-histoire de la philosophie, le philosophe Michel Onfray dévoile en quoi les tenant de l'écologie peuvent se revendiquer de son héritage intellectuel. Les études menées par Thoreau, alors non scientifique, ont été réévaluées dans les années 1980 et ont été reconnues comme scientifiquement valables, en limnologie et en phénologie explique Michel Granger[83]. Thoreau marque également la pensée végétarienne[84], qu'il considère comme un idéal de purification à atteindre[85] même s'il ne semble pas avoir lui-même assidûment pratiqué ce régime.

Enfin, au sein de la pensée politique ou éthique, Thoreau a influencé nombre de personnalités telles Murray Rothbard, Albert Jay Nock[86] ou John Rawls[87]. L'anecdote du refus de payer l'impôt et le concept de désobéissance civile ont ainsi servi de base de réflexion à l'auteur de Théorie de la justice[88]. Il représente l'un des héros de l'« américanité » et « son nom fait partie du bagage culturel minimum de l'Américain moyen qui en connaît quelques expressions ou préceptes célèbres »[89].

Rayonnement de la pensée de Thoreau en littérature et musique

En littérature, Walden inspira également William Butler Yeats, le grand poète nationaliste irlandais, qui en fait référence dans son poème The Lake Isle of Innisfree dans le recueil The Countess Kathleen and Various Legends and Lyrics publié en 1893. Romain Rolland y fait référence dans sa Vie de Vivekananda[note 16]. Jean Giono s’inspire lui du concept de désobéissance civile dans Refus d’obéissance. Thoreau a inspiré d'autres personnalités du monde des Arts et des Lettres dont Henry Miller, Edward Abbey, Willa Cather, Marcel Proust, William Butler Yeats, Sinclair Lewis, Ernest Hemingway, E. B. White et Frank Lloyd Wright ou encore des naturalistes comme John Burroughs, John Muir, E.O. Wilson, Edwin Way Teale, Joseph Wood Krutch ou encore le poète Kenneth White[90]. La féministe anarchiste Emma Goldman appréciait également ses idées et le considérait comme le « plus grand anarchiste américain » alors que le psychologue behavioriste américain B. F. Skinner, ayant été impressionné par Walden dans sa jeunesse, a écrit en 1945 Walden Two, une fiction utopique qui raconte la vie de membres d'une petite communauté selon les principes de Thoreau.

Gandhi a lu, en prison, le livre La Désobéissance civile de Thoreau et en a tiré l'idée de résister par la non-violence ou « ahimsa » en hindi.

En musique, Charles Edward Ives a intitulé « Henry David Thoreau » le quatrième mouvement de sa sonate Concord qui est un en hommage aux écrivains transcendantalistes. Son essai, Essay before a Sonata témoigne par ailleurs en quoi Walden est une profonde source d'inspiration pour lui et explique en quoi Thoreau donne une importance fondamentale à la musique de la nature notamment lorsqu'il dit dans son Journal : « Il y a de la musique dans chaque son »[91]. Enfin, le compositeur John Cage considère Thoreau comme son maître[92] et, s'inspirant de son rythme poétique, a composé Empty words (1973 – 1974) et 40 drawings by Thoreau[93].

Filmographie

L'œuvre de Thoreau est évoquée dans de nombreux films tels que : Tout ce que le ciel permet (1955), Le Cercle des poètes disparus (1989) par lequel il a été redécouvert, Into the Wild (2007), The Great Debaters (2007), Madame croque-maris (1964) et aussi dans des séries à la télévision telles que : Dawson's creek (saison 4 épisode 10), Young Americans (saison 1 épisode 3), Les experts (saison 7 épisode 20), Numb3rs (saison 3 épisode 7).

Critiques

De son vivant, la religion établie[Laquelle ?] et les bien-pensants[Lesquels ?] considéraient Thoreau comme un arriéré. Mais la principale critique vient d'un autre écrivain, l'auteur écossais Robert Louis Stevenson, qui trouve Thoreau efféminé pour vouloir vivre simplement dans la nature, loin de la société moderne[94]. Il écrit un essai publié dans le Cornhill Magazine en juin 1880, intitulé Un roi barbare : essai sur Henry David Thoreau dans lequel il dit être irrité par le puritanisme : « On peut trouver une sorte de noblesse rustre, la noblesse d’un roi barbare, dans la confiance inébranlable que Thoreau a en lui-même et dans son indifférence aux désirs, aux pensées et aux souffrances d’autrui ».

L'écrivain anglaise George Eliot juge également les critiques de Thoreau à l'égard de la société industrielle sans imagination et étriquées. Tout au long du XIXe siècle, Thoreau sera souvent rejeté comme un « grincheux provincial » hostile au progrès matériel. Rééditée en France dans les années 1960, son œuvre connaît un regain d'intérêt lors du mouvement de mai 68. De même, l'épisode de Walden est perçu comme l'œuvre d'un idéaliste et d'un rêveur. Le poète John Greenleaf Whittier condamne ainsi Thoreau, le jugeant « très mauvais et païen » et expliquant que ce dernier cherche à renvoyer l'homme à une vie animale et dégradante[95].

Pendant la Seconde Guerre Mondiale et durant la Guerre Froide, Thoreau est mis au pilori aux États-Unis. Considéré comme un « un-American » (un « non-américain ») dans les années 1940 le public lui reproche son pacifisme. En juillet 1946, le centenaire de sa nuit passée en prison pour refus de payer l'impôt n'est pas célébré comme à l'habitude alors que, durant la période du maccarthysme, le livre La Désobéissance civile est interdit dans certaines bibliothèques du pays[96]. Dans les années 1960, la critique se veut davantage universitaire. On lui reproche en effet des propos rétrogrades et misogynes, critique émanant du milieu féministe américain.

Œuvres

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  • L'esprit commercial des temps modernes et son influence sur le caractère politique, moral et littéraire d'une nation (1837)[97]
  • Aulus Persius Flaccus (1840)
  • The Service (1840)
  • Natural History of Massachusetts (publié dans le Dial en juillet 1842)
  • Paradise (to be) Regained (1843)
  • The Landlord (1843)
  • Sir Walter Raleigh (1844)
  • Herald of Freedom (1844)
  • Wendell Phillips Before the Concord Lyceum (1845)
  • Reform and the Reformers (1846-8)
  • Thomas Carlyle and His Works (1847)
  • Une semaine sur les fleuves Concord et Merrimac (A Week on the Concord and Merrimack Rivers) (1849)
  • La Désobéissance civile (Civil Disobedience) (1849)
  • An Excursion to Canada (1853)
  • L'Esclavage dans le Massachusetts (Slavery in Massachusetts) (1854)
  • Walden, ou, La vie dans les bois (Walden or Life in the woods) (1854)
  • Remarks After the Hanging of John Brown (1859)
  • The Last Days of John Brown (1860)
  • Plaidoyer pour John Brown (A Plea for Captain John Brown) (1860)
  • De la marche (Walking) (écrit en 1851, publié en 1862)
  • Autumnal Tints (1862)
  • Wild Apples: The History of the Apple Tree (1862)
  • Excursions (1863)
  • La Vie sans principe (1863)
  • Night and Moonlight (1863)
  • The Highland Light (1864)
  • Les Forêts du Maine (The Maine Woods) (1864)
  • Cape Cod (Cape Cod) (1865)
  • Letters to Various Persons (1865)
  • Un Yankee au Canada (A Yankee in Canada, with Anti-Slavery and Reform Papers)(1866)
  • Early Spring in Massachusetts (1881)
  • Summer (1884)
  • Winter (1888)
  • Couleurs d'automne (Autumn) (1892)
  • Miscellanies (1894)
  • Familiar Letters of Henry David Thoreau (1894)
  • Poems of Nature (1895)
  • The First and Last Journeys of Thoreau (1905)
Découvert tardivement parmi ses journaux et manuscrits inédits
  • Thoreau, journal, 1837-1861[98]

Notes et références

Références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article en anglais intitulé « Henry David Thoreau ».

  1. Yvette Bailly, article « Henri David Thoreau et sa révolte solitaire », juin 2005, consultable en ligne.
  2. Michel Granger, p. 99.
  3. a  et b Michel Barrucand, p. 39.
  4. a  et b Michel Granger, p. 19.
  5. Thoreau et le transcendantalisme par Kathryn VanSpanckeren.
  6. (en) Biographie de Thoreau sur le site americanpoems.
  7. (en) History of the Fraternity System sur le site de la Alpha Delta Phi Society. Voir aussi : (en) First Student Protest in the United States et Michel Granger, p. 26.
  8. (en) Thoreau, Cape Cod: 10-A. Provincetown.
  9. (en) Nathaniel Hawthorne cité dans American Notebooks.
  10. Michel Granger, p. 29. Pour une étude plus précise du bagage intellectuel de Thoreau voir (en) Robert Sattelmeyer, Thoreau's Reading: A Study in Intellectual History, Princeton University Press, 1988.
  11. (en) Article « Thoreau's Diploma » dans le magazine American Literature, vol.  17, mai 1945, pp. 174-175.
  12. Michel Granger, p. 17.
  13. Michel Granger, p. 14.
  14. a  et b Michel Granger, p. 30.
  15. Michel Granger, p. 60.
  16. (en) Biographie de Henry David Thoreau.
  17. Michel Granger, p. 43.
  18. Noël Mamère, préface de La Désobéissance civile, le passager clandestin éditions, p. 12, consultable en ligne.
  19. Thoreau consacre plusieurs essais à des poètes, Anacréon, Geoffrey Chaucer, Goethe et Ossian. Il souhaite étudier et mettre en évidence le rôle du poète, qui symbolise pour lui « le créateur prophétique (seer), l'homme de génie à l'écoute des « lois encore inexplorées » » d'après Michel Granger, p. 41.
  20. Michel Granger, p. 32. Voir aussi l'article étudiant cette question de M. Gonnaud, « Emerson et Thoreau : où est le maître? Où est le disciple? », in Henry D. Thoreau, Cahier de l'Herne, no  65.
  21. Thoreau a en effet, en 1839, suivi les cours du poète américain Henry Longfellow. Voir l'étude de A. Suberchicot, « Thoreau poète », in Cahier de l'Herne, no  65.
  22. a  et b Selon Gilles Farcet, p. 20.
  23. (en) Bradley P. Dean, A Thoreau Chronology.
  24. Henry David Thoreau, p. 67, postface de Thierry Gillybœuf.
  25. Thoreau ne peut vraiment jamais s'émanciper de la tutelle de sa mère, dominatrice et décidée et « reste à l'intérieur d'un cercle de famille très féminisé » d'après Michel Granger, p. 27 ; de là ses opinions souvent misogynes.
  26. (en) Pour une étude plus précise sur l'oncle de Thoreau, Charles Dunbar, se reporter à l'article Uncle Charles Jones “j.c.” Dunbar par Austin Meredith, 2007.
  27. (en) Randall Conrad, The Machine in the Wetland: Re-imagining Thoreau's Plumbago-Grinder, in Thoreau Society Bulletin, automne 2005.
  28. (en) A Chronology of Thoreau's Life, with Events of the Times.
  29. Citation traduite par Michel Granger et tirée de : (en) Walden, The Writings of Henry D. Thoreau, Princeton University Press, 1971, p. 15.
  30. Michel Granger, p. 7.
  31. (en) Lawrence Rosenwald, The Theory, Practice & Influence of Thoreau's Civil Disobedience in A Historical Guide to Henry David Thoreau, Cambridge, Oxford University Press, 2006.
  32. Article « Henry David Thoreau » sur L'encyclopédie de l'Agora.
  33. (en) Amos Bronson Alcott, Journals, Boston, Little, Brown, 1938.
  34. Thoreau se rend en effet fréquemment à Boston pour se documenter à la Société d'Histoire Naturelle, d'après Donald Worster, p. 82.
  35. Gilles Farcet.
  36. a  et b Donald Worster, p. 81.
  37. (en) Page sur Daniel Ricketson.
  38. Gilles Farcet.
  39. (en) Lawrence Buell, « Whitman and Thoreau », in Calamus 8, 1973, pp. 18-28.
  40. Michel Granger, p. 84 explique : « Lors des reconduites d'esclaves dans le Sud, il descend dans l'arène politique, prononce des discours enflammés, publie des essais corrosifs et défend un abolitionniste fanatique qui avait pris les armes et tué au nom de sa cause », le capitaine John Brown auquel il s'identifie.
  41. a  et b Michel Granger, p. 85.
  42. (en) Henry David Thoreau, The Annotated Walden, Philip van Doren Stern, 1970, pp. 96 et 132.
  43. Introduction à Walden ou la vie dans les bois par Louis Fabulet, reproduit sur larevuedesressources.
  44. Michel Barrucand, p. 40.
  45. Kathryn VanSpanckeren, « Thoreau et le transcendantalisme », sur le site de l'Encyclopédie de l'Agora.
  46. (en) Lawrence Buell, dans The Environmental Imagination: Thoreau, Nature Writing and the Formation of American Culture, Cambridge, Garvard University Press, 1995, p. 313 signale en effet que la revue American Heritage place Walden parmi les dix livres qui ont façonné la culture américaine.
  47. D'après Michel Granger, p. 81 et sur L'encyclopédie de l'Agora.
  48. Article « Henry David Thoreau et la désobéissance civile » par Frédéric Brosseau, in Le passé composé, vol. .1, no  2, avril 2000, consultable en ligne.
  49. (en) Chapitre « Henry David Thoreau : philosopher of the wilderness », in Wilderness and the American Mind, New Haven, Yale University Press, 1982, pp. 133-171.
  50. Voir notamment la postface de François Specq dans Henry David Thoreau. Les forêts du Maine, Transatlantica, 1, 2005, édité par Michel Granger.
  51. Dans La Succession des arbres dans la forêt (conférence donnée à l'exposition bovine de la Middlesex Agricultural Society, Thoreau se passionne ainsi pour l'écologie de la graine. Il découvre que les écureuils, en transportant loin les graines, permettent de renouveler les espèces d'arbres, in Donald Worster, p. 89. L'ensemble de ces textes sont publiés dans : (en) Henry D. Thoreau. Wild Apples and Other Natural History Essays, William Rossi, éditions Athens, University of Georgia Press, 2002.
  52. (en) Pour une étude complète, voir « Cape Cod by Henry David Thoreau - 1865... an annotated edition » par Leila Hatch, consultable en ligne.
  53. Michel Granger, p. 88-89.
  54. Gilles Farcet, p. 31.
  55. Article « Se perdre de vue dans ce que l'on voit : le Journal de H. D. Thoreau et l'écriture de la nature » par François Specq (Université Lumière, Lyon 2), in Revue Française d'Études Américaines, no  106, décembre 2005, p. 8.
  56. Michel Granger, p. 117.
  57. Michel Granger, p. 94.
  58. Michel Granger, p. 48-50 prend l'exemple du verbe « coopérer ».
  59. Michel Granger, p. 33.
  60. Michel Granger, p. 35.
  61. Henry David Thoreau, p. 9.
  62. Henry David Thoreau, in Walden, cité par Michel Granger, p. 69.
  63. Henry David Thoreau, p. 27-32.
  64. Donald Worster, p. 83.
  65. Michel Granger, p. 27.
  66. Donald Worster, p. 95. Pour l'auteur la tradition arcadienne est celle qui considère la nature avec humilité et romantisme.
  67. Michel Granger, p. 50
  68. Michel Granger, p. 64 cite en effet Thoreau, dans Walden : « Je n'ai jamais trouvé de compagnon qui fût d'aussi bonne compagnie que la solitude ».
  69. Gilles Farcet, p. 11.
  70. Henry David Thoreau, p. 12.
  71. « Je ne souhaite pas tuer ni être tué, mais je prévois des circonstances dans lesquelles les deux me seront inévitables » dit-il, cité par Michel Granger, p. 84.
  72. Guillaume Villeneuve, in Henry David Thoreau, p. 53.
  73. Article « Diogène, Thoreau et des cabanes » par Gaëlle Treille, 7 mai 2004, sur le site de larevuedesressources.
  74. Michel Granger, p. 98.
  75. Michel Granger, p. 15-16.
  76. Gilles Farcet, p. 38.
  77. Propos de Kenneth White rapportés dans « Les sentiers d'un nouveau monde : Autour de Henry David Thoreau » [pdf] in La revue des ressources, 30 octobre 2006.
  78. Gilles Farcet, p. 10.
  79. François-Xavier Fauvelle-Aymar, Histoire de l'Afrique du Sud, Paris, Seuil, 2006, (ISBN 2020480034), p.355
  80. Donald Worster, p. 75 explique en effet : « Thoreau était à la fois un écologiste de terrain actif et un philosophe de la nature dont les idées étaient largement en avance sur leur temps. Sa biographie et son œuvre donnent un exemple parfait de l'attitude romantique envers la terre et de la philosophie de plus en plus complexe et sophistiquée de l'écologie. Thoreau constitue une remarquable source d'inspiration et de référence pour l'activisme subversif du mouvement écologique actuel ».
  81. Voir pour une étude complète du sujet l'ouvrage de Donald Worster.
  82. L'écologie technophobe de Thoreau, CD, in Contre-histoire de la philosophie, vol.  11 (2ème partie), 2009.
  83. Michel Granger, p. 113-115 qui signale également qu'à l'université Les Forêts du Maine ou le journal de 1851 sont au programme de cours d'écologie.
  84. Donald Worster, p. 122. Gilles Farcet, p. 33 explique lui que Thoreau ne fume pas, ne boit pas et qu'il a même renoncé au thé et au café.
  85. (en) Review of Walden, Albion, Emerson and Thoreau : The Contemporary Reviews, 9 septembre 1854, p. 387, (ISBN 0521383366).
  86. (en) Voir « Albert Jay Nock, Radical ».
  87. (en) Voir l'étude Rawls and Thoreau on Civil Disobedience de D. A. Dombrowski D. A. in Thoreau Journal, Quarterly Chapel Hill, 1979, vol.  11, no  3-4.
  88. Michel Granger, p. 81.
  89. (en) E. D. Hirsch Jr., Cultural Literacy: What Every American Needs to Know, New York, Vintage-Random, 1988, pp. 209-212, cité par Michel Granger, p. 110.
  90. (en) Ken Kifer, « Analysis and Notes on Walden : Henry Thoreau’s Text with Adjacent Thoreauvian Commentary ».
  91. (en) « There is Music in Every Sound: Thoreau's Modernist Understanding of Music » par Jannika Bock.
  92. Article « Le mésostiche de John Cage dans tous ses états » du 28 mars 2006 par Anne-Marie Amiot sur le site de la revue littéraire la Licorne.
  93. (en) « Something like a hidden glimmering : John Cage and recorded sound » par James Pritchett [pdf].
  94. (en) Robert Louis Stevenson,« Henry David Thoreau: His Character and Opinions », Cornhill Magazine, juin 1880.
  95. (en) Edward Wagenknecht, John Greenleaf Whittier: A Portrait in Paradox, New York, Oxford University Press, 1967, p. 112.
  96. Michel Granger, p. 111.
  97. L'esprit commercial des temps modernes et son influence sur le caractère politique, moral et littéraire d'une nation, traduction Didier Bazy et Sophie Fueyo. Postface de Michel Granger - Édition bilingue - Le Grand Souffle Éditions, 2007, (ISBN 978-2916492391).
  98. Thoreau, journal, 1837-1861, traduction de Régis Michaud et Simone David, Paris, Éditions Boivin et Cie, 1930. Réédition sous le titre Journal, 1837-1861 / Thoreau, illustré par Willy Cabourdin & Anne Sol, Paris : Terrail, 2005, (ISBN 2-87939-292-6).

Notes

  1. Un autre transcendantaliste américain, Amos Bronson Alcott, note dans son journal que Thoreau prononce son nom de famille [ˈθɔrəʊ], faisant porter l'accent tonique sur la première syllabe et non sur la seconde, prononciation qui est pourtant, aujourd'hui, celle la plus courante aux États-Unis. Une variante trouvée à Concord est ['θɜːrəʊ], proche de celle du mot « thorough » en anglais américain. Voir pour plus de détails : (en) THUR-oh or Thor-OH? And How Do We Know?.
  2. « His face, once seen, could not be forgotten. The features were quite marked: the nose aquiline or very Roman, like one of the portraits of Caesar (more like a beak, as was said); large overhanging brows above the deepest set blue eyes that could be seen, in certain lights, and in others gray, — eyes expressive of all shades of feeling, but never weak or near-sighted; the forehead not unusually broad or high, full of concentrated energy and purpose; the mouth with prominent lips, pursed up with meaning and thought when silent, and giving out when open with the most varied and unusual instructive sayings. », d'après William Ellery Channing, in Thoreau, the Poet-Naturalist.
  3. L'usage américain du mot « pond » signifiant un espace d'eau prête à confusion remarque Michel Granger. En effet, Walden Pond est davantage un lac qu'un étang, ayant une profondeur de 30 mètres.
  4. Selon Michel Granger, p. 19, et en simplifiant, « le transcendantalisme se présente comme la forme américaine tardive du romantisme, diffusé par des pasteurs, des professeurs de littérature allemande et de philosophie ».
  5. John Adolphus Etzler est un ingénieur allemand ayant immigré aux Étas-Unis en 1833 pour y fonder une colonie utopiste.
  6. D'après Donald Worster, p. 106 « quelques autres s'étant joints à lui, ils reçurent le nom de « secte de l'étang de Walden » et furent classés parmi les trois principaux groupements religieux de Concord (après les Unitariens et les Congrégationistes) ». Voir aussi Gilles Farcet, p. 22.
  7. Les dimensions de la cabane de Walden sont de : 3 x 4,5 m soit 13 m2.
  8. Le philosophe, invité par René de Girardin, passe en effet 6 semaines, à la fin de sa vie, dans la forêt d'Ermenonville afin de se ressourcer. Voir pour plus de détails le site du château d'Ermenonville.
  9. Pour plus de précisions sur la relation de Thoreau avec le guide indien Joe Polis, voir (en) Tom Lynch, The « Domestic Air of Wilderness »: Henry Thoreau and Joe Polis in the Maine Woods, University of Nebraska, Weber Studies, 14.3, 1997, consultable en ligne.
  10. Texte intégral, traduction de Christine Demorel et Laurence Vernet, Éditions J.J Pauvert, Libertés nouvelles 2, 1977, consultable en ligne.
  11. De gauche à droite : John Thoreau, père de Henry-David, Henry, Sophia, Cynthia sa mère.
  12. Il existe par ailleurs une association internationale dédiée à l'étude de ses œuvres, la Thoreau Society.
  13. Son premier livre de botanique est alors Plants of Boston and Vicinity de Bigelowe et, à Harvard, il lit le traité physico-théologique de William Smellie, The Philosophy of Natural History. Ses modèles sont Gilbert White et Carl von Linné puis Alexander von Humboldt d'après Donald Worster, p. 82.
  14. Thoreau est ainsi le premier à noter et déplorer la mort du dernier lynx dans une commune voisine de Concord, en 1860 selon Donald Worster, p. 87.
  15. Le mahatma Gandhi lut pour la première fois Walden en 1906 lorsqu'il luttait pour les droits civiques à Johannesburg en Afrique du Sud, alors en prison. Il confia au journaliste américain Webb Miller : « [Thoreau's] ideas influenced me greatly. I adopted some of them and recommended the study of Thoreau to all of my friends who were helping me in the cause of Indian Independence. Why I actually took the name of my movement from Thoreau's essay 'On the Duty of Civil Disobedience,' written about 80 years ago », in Miller, Webb, I Found No Peace, Garden City, 1938, p. 238-239.
  16. Romain Rolland prend connaissance de Thoreau par l'intermédiaire de Léon Bazalgette (1873-1928), spécialiste de Walt Whitman, qui présente sa biographie dans le Magazine international en 1894, puis en publie une traduction en 1921.

Annexes

Articles connexes

Concepts

Personnalités

Liens externes

Bibliographie

Ouvrages utilisés

  • (fr) Michel Granger, Henry-David Thoreau, Belin, Paris, 1999, 126 p. (ISBN 2-7011-2408-5) 
  • (fr) Michel Barrucand, Histoire de la littérature des Étas-Unis, Ellipses, Paris, 2006 (ISBN 2-7298-2755-2).
    M. Barrucand est Maître de conférence à l'université du Mirail (Toulouse)
     
  • (fr) Henry-David Thoreau, La Désobéissance civile, Mille et une Nuits, Paris, 2000 (ISBN 978-2-84205-062-7).
    Traduction et postface par Guillaume Villeneuve
     
  • (fr) Henry-David Thoreau, Le Paradis à (re)conquérir, Mille et une Nuits, Paris, 2005 (ISBN 2-84205-900-X).
    Traduction et postface de Thierry Gillbœuf
     
  • (fr) Donald Worster, Les pionniers de l'écologie : une histoire des idées écologiques, le sang de la terre, coll. « La pensée écologique », Paris, 1992 (ISBN 2-86985-054-9).
    Seconde partie : « Une Science subversive : Henry David Thoreau », pp. 74-131
     
  • (fr) Gilles Farcet, Henry Thoreau l'éveillé du Nouveau Monde, Albin Michel, coll. « Espaces libres », Paris, 1990 (ISBN 2-226-04847-2) 

Pour aller plus loin

  • (fr) Betty Schechter, Puissance de la non-violence : Thoreau, Gandhi et les Noirs américains (The Peaceable Revolution : The Story of Nonviolent Resistance. A Challenging Inheritance from Thoreau and Gandhi), Nouveaux Horizons, Paris, 1963.
  • (en) Daniel B. Botkin, No Man's Garden. Thoreau and a new vision for civilization and nature, Island Press, 2001, (ISBN 9781559634656), disponible en ligne.
  • (en) Laura Dassow Walls, Seeing New Worlds: Henry David Thoreau and 19th Century Science, University of Wisconsin Press, 1995, (ISBN 9780299147402)
  • (en) Bradley P. Dean, Letters to a Spiritual Seeker. A Nation's Struggle for Freedom, W. W. Norton & Company, New York, 2005, (ISBN 978-0393327564).
  • (en) Walter Harding, The Days of Henry Thoreau. A Biography, Dover Publications, 1982, (ISBN 978-0486242637).
  • (en) George Hendrix, The Influence of Thoreau's Civil Disobedience on Gandhi's Satyagraha, The New England Quarterly, 1956, (ISBN 9781434805522).
  • (en) William Howarth, The Book of Concord: Thoreau's Life as a Writer, Viking Press, 1982, (ISBN (0-14-006539-3).
  • (en) Joel Meyerson et al., The Cambridge Companion to Henry David Thoreau, Cambridge University Press, 1995, (ISBN 9780521445948), disponible en ligne.
  • (en) Roderick Nash, Wilderness and the American Mind,, chapitre 5 : « Henry David Thoreau, Philosopher », Yale University Press, 2001, (ISBN 978-0300091229).
  • (en) Vernon Parrington, Main Current in American Thought: The colonial mind, 1620-1800, University of Oklahoma Press, 1927, (ISBN 9780806120805), disponible en ligne.
  • (en) Henry Petroski, « H. D. Thoreau, Engineer », in American Heritage of Invention and Technology, vol.  5, no  2, pp. 8–16.
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