Gender studies

Gender studies

Les gender studies (ou parfois gender, cultural & queer studies[1]) sont un domaine d'étude, de débat, de controverses portant sur les relations et les corrélations entre le sexe physiologique et le sexe « social » (le genre), à la lumière des disciplines des sciences sociales et humaines (sociologie, science politique, anthropologie, histoire, philosophie…)[2].

Aucune traduction française ne s'est imposée pour l'instant pour l'expression gender studies. On trouve parfois des traductions comme « études de genre », « études sur le genre », « théorie Queer » ou « théorie du genre »[3], mais les personnes qui écrivent dans ce champ de recherche reprennent le terme gender studies[réf. souhaitée]. À l'université de Genève, il existe une Unité interdisciplinaire d'études genre[4].

Détail d'un dessin de la sonde Pioneer 11

Sommaire

Problèmes induits par la traduction

La complexité du problème de la traduction doit s'appréhender en tenant compte de plusieurs termes : sex, gender, sexualité.

Le mot anglais sex se traduit généralement en français par « sexe ». Le sexe semble renvoyer alors aussi bien à l'organe sexuel qu'au genre masculin ou féminin selon l'organe sexuel dont est porteur le sujet. Cependant, dès 1968, un auteur comme Robert Stoller dans Sex and Gender. On the Development of Masculinity and Feminity avait montré les problèmes que pose cette équivalence. En faisant du seul organe sexuel le support de l'identité sexuelle, on néglige les difficultés ou simplement la part d'élaboration que présuppose cet accès à l'identité sexuelle.

Cette réflexion a été totalement reprise par les féministes américaines dès 1972 avec l'ouvrage d'Ann Oakley : Sex, Gender and Society. En effet, poser une équivalence entre le sexe et le genre a l'inconvénient de présupposer que le genre est naturel et de sous-estimer la dimension sociale de l'accès à l'identité sexuelle.

Le titre du livre de Stoller fut finalement traduit par Recherches sur l'identité sexuelle à partir du transsexualisme. En effet, pour la langue française, la notion de sexualité recouvre un domaine plus vaste que celui du comportement sexuel : reprenant les apports de la psychanalyse, les chercheurs et les philosophes font de la sexualité un ensemble complexe qui comporte au moins trois dimensions :

  • la pulsion générale qui nous pousse, comme tous les êtres vivants, à nous reproduire en tant qu'espèce et donc à subordonner l'individu à la survie de l'espèce ; et il est d'ailleurs intéressant de constater que s'il est indéniable que les auteurs de la théorie du gender ont beaucoup apporté à la réflexion en complexifiant le rapport à la vérité de l'homosexualité, ils ont également drastiquement simplifié l'hétérosexualité, considérant qu'elle n'est qu'une pulsion de reproduction, ce qui est extrêmement limité.
  • le rapport que chacun entretient avec ses organes génitaux et l'emploi que l'on en fait ;
  • la question de la représentation sociale induite pour chaque porteur d'un organe sexuel par les règles sociales qui régissent les rapports entre les êtres sexués.

Si les féministes américaines ont adhéré aux théories gender, c'est parce qu'elles rejoignent les théories féministes originelles sur l'attribution arbitraire des "rôles sociaux". D'autres expliquent cette adhésion par la volonté de remettre en question la notion de sex, qui semblait tellement massive dans la langue anglaise. En français, le genre renvoie avant tout au genre grammatical, ce qui a d'ailleurs conduit par exemple à toute une série de malentendus sur la féminisation des noms, les uns croyant se cantonner (*) dans la stricte application des règles de grammaire alors que les autres souhaitent se saisir, comme les féministes américaines mais dans un autre contexte, des problèmes de représentation sociale induits par ces signifiants. Le débat américain a cependant l'intérêt de nous rappeler avec force que la sexualité est aussi un rapport au langage puisque la dimension de la représentation y est impliquée, dimension que le français permet d'occulter en jouant sur certaines ambiguïtés qui lui sont propres comme le recours au masculin en guise de neutre.

Cette question du passage de certains concepts d'une langue à une autre a fait l'objet d'une étude plus vaste qui expliquait comment certains concepts transposés d'une langue à une autre gagnaient une force d'impact en s'inscrivant dans un contexte socio-culturel différent.

Concernant spécifiquement la traduction « théorie du genre », le sociologue Éric Fassin recommande plutôt l'emploi du mot paradigme [du genre], car ce terme est moins sujet à interprétation que le mot théorie qui lui peut laisser entendre une absence avérée de caution scientifique. Il préfère la traduction « études de genre »[5].

Histoire

Au sein des Universités, l'étude des rapports sociaux de sexe s'est institutionnalisée progressivement au cours du temps à travers trois dénominations différentes: Études femmes, Études féministes et Études genre. Ces appellations présentent des différences et des points communs mais sont toutes sujettes à controverses. Ces trois approches ne sont en aucun cas indépendantes les unes des autres malgré une manière différente de considérer l'objet d'étude : le rapport homme-femme dans la société.

Études sur les femmes

Les études sur les femmes ciblent leurs analyses sur la condition féminine et mettent en valeur le rôle des femmes dans la société. Elles sont critiquées pour se focaliser sur l'étude unique du sexe féminin. Dans un contexte social majoritairement patriarcal, leur but est de combler les lacunes académiques concernant l'étude du rôle des femmes dans différents domaines et espaces. Dans un second temps ces travaux servent d'appui aux mouvements sociaux féministes pour dénoncer les inégalités homme-femme et formuler leurs revendications. Elles sont par conséquent indirectement féministes.

Études féministes

Les études féministes voient leur essor dans les années 1970 lors de la deuxième vague des mouvements sociaux féministes. Leur but est d'expliquer les modalités de ces discriminations, leurs causes, leurs effets sur les femmes et la société en général de façon à pouvoir les surmonter. Plusieurs critiques sont émises à leur encontre. La première est la politisation des perspectives scientifiques issues de ces recherches provoquant une méfiance et un ralentissement de leur institutionnalisation. La seconde est l'utilisation du "point de vue des femmes" pour réorienter l'analyse des recherches centrées jusqu'alors sur l'universalisme et la vision masculine. La troisième est la crainte que les travaux académiques transforment un savoir universel en un savoir particulier. D'après les féministes cette universalité serait toute relative car ces vérités uniques seraient en fait situées dans le temps, l'espace et par les personnes qui les produisent. Selon Jackson et Jones[6], "le féminisme refuse de voir les inégalités entre les femmes et les hommes comme naturelles et inévitables et entend les questionner" (Jackson et Jones, 98 dans Lorena Parini). Ainsi les féministes souhaitent questionner le savoir historiquement dominé par le système patriarcal. Les études femmes et féministes sont liées à la réorientation des travaux du "point de vue des femmes", la dénonciation des inégalités homme-femme, le questionnement de l'universalité et du biais patriarcal au sein des sociétés et l'analyse de la répartition des espaces en fonction des sexes (les espaces ouverts plutôt dédiés aux hommes et les espaces clos plutôt dédiés aux femmes).

Études de genre

Les études de genre naissent dans les années 1980 et le début des années 1990 de l'évolution des études féministes. Cette approche liée au courant post-moderniste souhaite questionner le rapport entre les sexes au sein de la société sans se focaliser spécifiquement sur les femmes. Ces études vont effectuer une distinction entre le sexe et le genre pour s'interroger sur la construction des rôles sociaux attribués « naturellement ». Elles vont aussi permettre de questionner le rôle du sexe lié à des paramètres biologiques et naturels et celui du genre lié à une construction sociale. Comme le mentionne Rubin Gayle[7] le rapport entre le sexe et le genre est une représentation "porte-manteau" du sexe sur le corps dépendant des représentations culturelles de la société. Les études genres sont de nature constructiviste et vont permettre de déconstruire les catégories de représentations du féminin et du masculin en les situant dans le temps et l'espace par rapport aux relations de pouvoir[8]. Egalia, une école maternelle en Suède est un des hauts lieux de la recherche sur l'étude des genres sexués. Cette école novatrice ouverte en 2010 applique des mesures radicales afin de supprimer toute influence sociétale sur les genres des éleves[9].

La toile de fond de la French Theory

François Cusset a rappelé en 2003 comment le débat théorique américain s'était nourri depuis les années 1970 d'un certain nombre d'auteurs français, notamment Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Michel Foucault, Jacques Lacan, Jean-Francois Lyotard et bien d'autres auteurs importants. Le débat théorique international contemporain s'est nourri et reste influencé par les travaux poétiques et artistiques ainsi que les réflexions psychanalytiques et philosophiques de Luce Irigaray, Helene Cixous et Julia Kristeva. Les questions nouvelles que produisent ces déplacements de textes produisent un effet de réplique sur notre continent européen et conduisent à de nouvelles interrogations et formulations.

Il serait inexact et injuste de réduire le champ des gender studies à n'être qu'un avatar de la French Theory car il s'agit avant tout d'une évolution des questions induites par les mouvements féministes mais certaines questions, certains instruments intellectuels mis en avant par les gender studies ne peuvent se comprendre qu'en gardant à l'esprit le contexte général de ces déplacements de textes entre l'Europe et les États-Unis.

Quelques concepts et quelques figures des gender Studies

Les quelques notions données ci-dessous ne visent qu'à éclairer les thématiques les plus fortes d'un mouvement très vivant et donc toujours très mobile.

L'écriture comme « machine de guerre »

L'une des figures historiques des gender Studies est française, il s'agit de Monique Wittig dont le parcours intellectuel apparaît tout à fait illustratif des thèses de French Theory. Son premier roman L'Opoponax (prix Médicis en 1964) est salué par la critique internationale et les écrivains du Nouveau Roman. Elle est également considérée dès cette époque comme une figure marquante du féminisme français. Très rapidement ses livres apparaissent comme une volonté de travailler la langue en traduisant dans celle-ci les problèmes de la sexuation. Elle s'oppose en cela radicalement à un autre courant du féminisme qui voulait plutôt valoriser une « écriture féminine ». Pour Monique Wittig la seule vraie question est celle de la littérature : « En littérature, je ne sépare pas les femmes des hommes. On est écrivain ou pas.»

Elle apparaît également comme une grande figure du mouvement lesbien en France. Estimant que le mouvement féministe français ne prenait pas suffisamment en compte les thèses lesbiennes, elle part pour les États-Unis en 1976. Elle enseigne alors à l'Université de Berkeley en Californie puis dans d'autres universités américaines. Elle a fortement influencé et inspiré une tendance des gender Studies que l'on appelle le mouvement Queer ou Queer Theory.

Pour Monique Wittig l'œuvre littéraire peut transformer le monde en devenant une « machine de guerre » qui va modifier notre vision du monde et les représentations qui sous-tendent notre compréhension du monde. Pour elle « toute œuvre littéraire importante est, au moment de sa production, comme le cheval de Troie » car « son intention et son but sont de démolir les vieilles formes et les règles conventionnelles. Une telle œuvre se produit toujours en territoire hostile. Et plus ce cheval de Troie apparaît étrange, non-conformiste, inassimilable, plus il lui faut de temps pour être accepté.» (Communication orale reproduite dans Vlasta n° 4)

Instiller le trouble dans le « genre »

Judith Butler est une philosophe américaine qui enseigne la rhétorique et la littérature comparée à Berkeley. Dans son ouvrage majeur qui la fit connaître au monde entier (gender Trouble) elle présentait ainsi les intentions de son livre : « Pour démontrer que les catégories fondamentales de sexe, de genre et de désir sont les effets d'une certaine formation du pouvoir, il faut recourir à une forme d'analyse critique que Foucault, à la suite de Nietzsche, a nommée généalogie.» Il s'agit pour cela « de chercher à comprendre les enjeux politiques qu'il y a à désigner ces catégories de l'identité comme si elles étaient leurs propres origine et cause alors qu'elles sont en fait les effets d'institutions, de pratiques, de discours provenant de lieux multiples et diffus.» Le but à atteindre étant défini par une volonté de déstabiliser « le phallogocentrisme et l'hétérosexualité obligatoire.» (introduction à l'édition française). Il s'agit aussi de repenser l'organisation sociale selon des modèles homosexuels ou transsexuels.

Dans l'un de ses derniers ouvrages (traduit en langue française par Le pouvoir des mots) elle veut montrer comment la violence verbale qui s'exerce contre les minorités (sexuelles ou raciales) constitue un discours profondément ambivalent. Ces discours peuvent être analysés et du même coup retournés. Elle pense donc qu'il ne faut pas confier à l'État seul le soin de décider ce qui est dicible ou pas. Dans cet ouvrage elle reprend notamment la catégorie du discours performatif qu'un auteur comme John Langshaw Austin avait conceptualisée.

Ce que l'érotique grecque peut nous apprendre

David Halperin est professeur au département de langue et de littérature anglaise de l'Université du Michigan à Ann Arbor. Dans Cent ans d'homosexualité il explore les différentes catégories de l'amour grec en s'inscrivant dans le fil des questions analysées par Michel Foucault dans son Histoire de la sexualité. Il veut montrer, entre autres, combien « l'hétérosexualité exclusive et "compulsive" (…) apparaît désormais comme une production spécifique de l'Occident moderne et même bourgeois » ce qui a contribué à réifier notre modèle actuel de « l'homosexuel ». Reconstruire la généalogie de ces catégories nous permet d'« introduire du neuf dans notre conscience culturelle, politique et personnelle ; c'est découvrir une nouvelle façon de nous voir et c'est créer, peut-être, de nouvelles façons d'être dans notre peau.» (Deux points de vue sur l'Amour grec)

L'un de ses ouvrages, Saint Foucault, « analyse la manière dont Foucault a anticipé le tournant queer de la politique gay », et peut être considéré comme une bonne introduction à la compréhension des liens tissés entre ce mouvement et les thèses du philosophe français.

Le mouvement transgenre

Pat Califia est, comme il se désigne lui-même, « transgenre », de type « FTM », c’est-à-dire female to male (femme vers homme), quelqu'un qui est né de sexe féminin et qui se vit à vocation masculine. Les transgenres refusent l'appellation « transsexuel » qu'ils considèrent comme une catégorie médicale qui réduit leur aspiration intime à un « problème » médical ou psychique.

Certains transgenres (ils se nomment aussi « trans ») refusent les catégories du genre en général. Certains se sont fait opérer, d'autres non. Certains se vivent comme « FTM », d'autres comme « MTF » (homme vers femme). Dans tous les cas leur vie est difficile. Pat Califia décrit bien à quel point l'intégration des règles sociales concernant le genre continue à œuvrer chez chacun, y compris chez ceux qui luttent contre les catégories du genre. Les interrogations portées par les transgenres apparaissent souvent les plus dérangeantes, y compris pour les gays ou les lesbiennes, car elles peuvent remettre en question l'intégrité physique des individus.

Le seul ouvrage actuellement traduit de Pat Califia est un mélange de textes autobiographiques, de textes théoriques et de récits cliniques. Pour lui : « Si vous pouviez changer de sexe aussi facilement dans la réalité que dans le monde virtuel, et reprendre votre sexe ensuite, n'aimeriez-vous pas essayer au moins une fois ? (…) Qu'est-ce qui changerait dans vos idées politiques, vos vêtements, vos préférences alimentaires, vos désirs sexuels, vos mœurs sociales, votre style de conduite, de travail, de langage corporel, de comportement dans la rue ? »

Le mouvement Queer

Le queer c'est ce qui s'oppose au straight. Dans le contexte du gender le queer c'est le travers, le tordu, le « pédé » qui s'oppose au normé, à l'hétérosexualité. En s'appropriant les insultes qui leur sont adressées, les transgenres, les lesbiennes les plus radicales veulent obliger le discours social à remettre en cause « l'essentialisme » de notre vision sur le sexuel et les catégories sexuelles.

Ce mouvement adresse des critiques sévères à la psychanalyse, et particulièrement à certains psychanalystes qui se sont posés publiquement comme les gardiens de « l'ordre symbolique ». À la suite de Judith Butler, et contrairement à la vision straight des normes sexuelles, le mouvement queer propose une conception « performative » (qui s'inspire de la catégorie du performatif dégagée par Austin) des divisions sexuelles en explorant ce qui se déploie dans la figure du drag queen, du théâtre porno lesbien, dans tout ce qui provoque et dérange le discours normé hétérosexuel. La pornographie devient ainsi le pilier central de toute sexualité non occidentale.

En France, deux des figures les plus connues de cette tendance sont Marie-Hélène Bourcier, sociologue et maître de conférence à l'Université de Lille III qui anime les séminaires du « zoo », et Beatriz Preciado qui enseigne à l'Université de Princeton, dans le New Jersey.

Les apports du concept genre dans le monde académique

Le concept de genre présente deux avantages principaux. D'un point de vue épistémologique[10], les rapports sociaux entre les hommes et les femmes sont considérés comme centraux dans la construction des pratiques et des représentations. Cette prise de position va permettre une distanciation de l'universalité considérée comme masculine ainsi que l'étude des faits sociaux considérés comme naturels (le sexe) ou culturel (le genre). D'un point de vue stratégique[11], ce concept permet de dépolitiser les recherches académiques. Par conséquent il permet d'amoindrir le militantisme féministe et favorise l'acceptation de ces études par le monde universitaire.

Auteurs associés aux gender studies

Ann Oakley: est la première chercheuse à utiliser le concept "gender" (72) en incluant une dimension sociale et culturelle au terme sexe. Au Canada, il est dénommé sous le terme de "sexo-spécificité" alors qu'en France, il est dénommé sous le terme de "catégorie sociale de sexe". Rubin Gayle: est une des premières chercheuses à nommer le "sex/gender system" (75) qu'elle définit comme la représentation sociale du sexe biologique. Sa vision du rapport entre le sexe et le genre serait à l'image d'un "porte-manteau" corporel. Linda Nicholson (94)[12]: comprend le rapport entre le sexe et le genrecomme dépendant. Sa conception considère la variable biologique comme intégrée à la variable culturelle. D'après les travaux de Larqueur (92) sur lesquels elle s'appuie, les différences sexuelles sont porteuses de significations genrées et situées dans une société particulière à une période donnée.

Gender studies et organisations internationales

Les gender studies ont aujourd'hui une influence certaine sur l'élaboration des politiques relatives à la famille, que ce soit au niveau national ou à l'échelle mondiale.

Le terme de « genre », dont l’acception actuelle est d’origine anglo-saxonne (gender), a ainsi fait l'objet d'une définition lors de la Conférence de Pékin sur la famille, en 2005, explicitement inspiré des gender studies : « Le genre se réfère aux relations entre hommes et femmes basées sur des rôles socia­lement définis que l’on assigne à l’un ou l’autre sexe ». Cette définition, clairement inspirée du vocabulaire du genre, entend substituer, comme concept pertinent, le genre au sexe. Cette influence a été d'autant plus prégnante que l'anglais est la langue principale des instances internationales, rendant plus aisée la promotion du terme de gender. La langue allemande est par exemple un vecteur bien moins appropriée pour les gender Studies puisqu'elle n’a qu’un seul mot (Geschlecht) pour désigner le genre et le sexe.

L'opposition à la théorie des genres

À l'opposé du gender, on trouve deux principes : l'hylémorphisme et la réalité dynamique des personnes agissantes.

L'hylémorphisme affirme que l'âme est "l'agir" du corps et que la personne est une unité d'âme et de corps. C'est Aristote qui a le mieux défini l'hylémorphisme : "C'est en vertu de la communauté [du corps et de l'âme] que l'une agit et l'autre pâtit, que l'un est mû et l'autre meut ; et aucun de ces rapports réciproques n'appartient à des choses prises au hasard"[13]. Cet hylémorphisme est notamment très présent dans l'anthropologie hébraïque ou dans l'anthropologie chrétienne (grâce notamment à la lecture d'Aristote par Thomas d'Aquin). Ainsi, pour le pape Jean-Paul II, « l'âme elle-même ne peut être qualifiée de féminine, ou appartenant au genre féminin, mais plutôt l'âme d'une femme qui est un être humain féminin[14] ». L'anthropologie issue de l'hylémorphisme repose donc sur le postulat inverse de la théorie du gender. Elle rejette en cela l'explication unisexe de la personne et le dualisme entre corps et âme, que l'on trouve chez Platon, puis Descartes. Cette anthropologie considère, au contraire, que les hommes et les femmes sont fondamentalement des modes différents d'être des personnes.

Aujourd'hui, issus de la tradition hylémorphiste, de nombreux scientifiques récusent la théorie des genres, arguant sur les liens entre biologie et psychologie. L'anthropologue Françoise Héritier, professeur honoraire au Collège de France, lors de l'université européenne d'été 2006, qui s'est tenue à l'université Paris VII, a ainsi soutenu que « la différence des sexes – à la fois anatomique, physiologique et fonctionnelle – est à la base de la création de l’opposition fondamentale qui permet de penser ». Lors de ces mêmes universités, Jutta Burggraf, théologienne proche de l'Opus Dei a estimé que « les hommes et les femmes ressentent et réagissent différemment au monde qui les entoure, et cette réalité a un solide fondement dans leur constitution biologique propre ».

Dans un registre socio-politique la parution de thèses de la théorie des genres dans des manuels scolaires de sciences de la vie et de la Terre en France en 2011 a fait l'objet de polémiques[15] venant notamment des franges catholiques et conservatrices[réf. nécessaire] de la société.

Suite à cette parution, le Conseil pontifical pour la famille a publié un livre intitulé Gender, la controverse rassemblant les analyses de 7 experts sur la théorie des genres[16].

Bibliographie

La bibliographie est considérable. On ne donnera ici que les textes les plus importants ou qui peuvent servir d'introduction à ce domaine en privilégiant plutôt les traductions françaises.

En langue française

  • Nicole Albert, dossier « Mythes et genre », Diogène, n° 208, PUF, 2004
    • Nouvelles perspectives dans les gender studies, Diogène, n° 225, PUF, 2009
  • Leo Bersani, Le rectum est-il une tombe ?, EPEL, Paris, 1998
    • Homos. Repenser l'identité, Paris, Odile Jacob, 1998.
  • Marie-Hélène Bourcier, Queer zones, Balland, Paris, 2001
    • Sexpolitiques. Queer Zones 2, La fabrique, Paris, 2005
  • Rosi Braidotti, Vers une subjectivité viable, in M.G. Pinsart (éd.), Genre et bioéthique, Annales de l'Institut de philosophie de l'Université de Bruxelles, 2003
  • Judith Butler, La vie psychique du pouvoir, éd. Léo Scheer, Paris, 2002
    • Antigone : la parenté entre vie et mort, EPEL, Paris, 2003
    • Le Pouvoir des mots. Politique du performatif, Éditions Amsterdam, Paris, 2004.
    • Humain, Inhumain. Le Travail critique des normes. Entretiens, Éditions Amsterdam, Paris, 2005.
    • Trouble dans le genre, La Découverte, Paris, 2005.
    • Défaire le genre, Éditions Amsterdam, Paris, 2006.
    • Bodies that Matter, Leo Scheer, Paris, 2006.
  • Pat Califia, Le mouvement transgenre. Changer de sexe, EPEL, Paris, 2003
  • Barbara Cassin (sous la direction de), Vocabulaire européen des philosophies, Seuil-Le Robert, Paris, 2004
  • George Chauncey, Gay New York. 1890-1940, Paris, Fayard, 2003.
  • François Cusset; French Theory, La découverte, Paris, 2003
  • Christine Delphy, L’Ennemi principal 2, Penser le genre, Paris, Syllepse, 2001.
  • Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait, Anne Revillard, Introduction aux gender studies, Bruxelles-Paris, De Boeck, "Ouvertures politiques", 2008.
  • Elsa Dorlin, Sexe, Genre et Sexualités, Paris, PUF "Philosophies", 2008.
  • Elisabeth Dufourcq Histoire des Chrétiennes. Bayard. sept 2008. 2e edition revue et augmentee fevr 2009
  • Didier Eribon, Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard, 1999.
    • Une morale du minoritaire. Variations sur un thème de Jean Genet, Paris, Fayard, 2001.
    • Hérésies. Essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Fayard, 2003.
    • Sur cet instant fragile... Carnets, janvier-août 2004, Paris, Fayard, 2004.
    • Echapper à la psychanalyse, Paris, Leo Scheer, 2005.
    • (dir.), Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Paris, Larousse, 2003.
    • Cent ans d'homosexualité, EPEL, Paris, 2000
    • Saint Foucault, EPEL, Paris, 2000
  • Donna Haraway
  • Guy Hocquenghem, Le Désir homosexuel, Fayard, 2000 (1e éd., 1972)
  • Marie-Claude Hurtig, Michèle Kail et Hélène Rouch (dir.), Sexe et genre, de la hiérarchie entre les sexes, Paris, CNRS, 1991 ; réédition 2002.
  • Thomas Laqueur, La Fabrique du sexe. Éssai sur le genre en Occident, Paris, Gallimard, 1992.
  • Virginie Martin, "Pour une approche critique de la diversité au regard du genre", Revue Française de Gestion, 2010
  • Nicole-Claude Mathieu, L’Anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe, Paris, Côté-femmes, 1991.
  • Laure Murat, La Loi du genre, une histoire culturelle du 'troisième sexe', Paris, Fayard, 2006.
  • Lorena Parini, Le système de genre. Introduction aux concepts et théories, Zürich, Ed. Seismo, 2006.
  • Roland Pfefferkorn, Inégalités et rapports sociaux. Rapports de classes, rapports de sexes, Paris, La Dispute, 2007.
  • Joan W. Scott, La citoyenne paradoxale, Albin Michel, 1998.
    • Parité ! L'universel et la différence des sexes, Albin Michel, 2005.
  • Robert Stoller, Faits et hypothèses : un examen du concept freudien de bisexualité in collectif : Bisexualité et différence des sexes , Gallimard - Folio, N°359, 2000 (ISBN 2070411869)
  • Louis-Georges Tin, (dir.) Homosexualités : expression/répression, Stock, 2000.
    • (dir.) Dictionnaire de l'homophobie, PUF, 2003.
    • L'invention de la culture hétérosexuelle, Autrement, 2008.
  • Monique Wittig, Les Guérillères, Éditions de Minuit, Paris, 1969
  • Zoo, Q comme Queer, QuestionDeGenre/GKC, 1998
  • Alexandre Jaunait, Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Anne Revillard, Introduction aux gender studies. Manuel des études sur le genre, De Boeck, 2008, 246 p.

En langue anglaise

  • Penny Florence & Nicola Foster (eds.), Differential Aesthetics. London: Ashgate, 2000.
  • Margaret Grebowicz, Gender After Lyotard. NY: Suny Press, 2007.
  • Teresa de Lauretis, Technologies of Gender, Indiana University Press, 1984
  • Donna Haraway, Primate Visions, Routledge, 1989
    • Simians, Cyborgs, and Women : The Reinvention of Nature, Routledge, 1991
    • Modest_Witness @ Second_Millenium, Routledge, 1995
  • Phyllis Burke, Gender Shock : Exploding the Myths of Male and Female, New York, Doubleday, 1996.
  • Rosi Braidotti, Patterns of Dissonance, Polity Press, 1991
  • Scott Gunther, The Elastic Closet: A History of Homosexuality in France, 1942-present. New York: Palgrave-Macmillan, 2009.
    • Alors, are we 'queer' yet?, The Gay & Lesbian Review, Volume XII, n° 3, mai-juin, 2005, pages 23–25.* Stevi Jackson et Sue Scott (dir.), Gender: A Sociological Reader, Londres, Routledge, 2001.
  • Jean-Francois Lyotard, "Scriptures: Diffracted Traces" and "Anamnesis: Of the Visible." Theory, Culture and Society, Vol. 21(1), 2004.
  • Diana Tietjens Meyers, Gender in the Mirror. Oxford University Press, 2002.
  • Griselda Pollock, Differencing the Canon. Routledge, London & N.Y., 1999.
    • Encounters in the Virtual Feminist Museum: Time, Space and the Archive. Routledge, 2007.
  • Elisabeth Povinelli, The Empire of Love : Toward a Theory of Intimacy, Genealogy, and Carnality, Duck University Press, 2006
  • Todd W. Reeser, Masculinities in Theory. Wiley-Blackwell, 2010.
  • Chantal Nadeau, Beastly Politics: Queers and Nationalisms (en préparation)
  • Vanda Zajko & Miriam Leonard (eds.), Laughing with Medusa, Oxford University Press, 2006.
  • Catherine de Zegher (ed.), Inside the Visible, MIT Press, Boston, 1996.
  • Ann Oakley, Sex, Gender and Society, Temple Smith, 1972.

Études et revues

Voir également

Articles connexes

Liens externes

Notes

  1. Cf. M. Akrich, D. Chabaud-Rychter, D. Gardey (2005).
  2. Alexandre Jaunait Introduction aux Gender Studies : Manuel des études sur le genre De Boeck (2008)
  3. http://www.pasaj.ch/la-theorie-du-genre-une-nouvelle-antropologie-article892.html
  4. Unité interdisciplinaire d'études genre de l'université de Genève
  5. Eric Fassin: «Les députés confondent genre et sexualité», Interview par Marie Kirschen, Têtu.com, jeudi 01 septembre 2011.
  6. S. Jackson et J. Jones, Thinking for Ourselves: An Introduction to Feminist Theorising, 1998, p1-11.
  7. G. Rubin, The traffic in women:Notes on the "Political Economy" of sex in Towardsan anthropology of women, 1975, p157-210.
  8. L. Parini et M-J Manidi, Constructivisme et études de genre, p79-89.
  9. http://nouvelles.sympatico.ca/monde/nouvelles%20:%20monde%20:%20presse%20canadienne/egalia_veut_faire_voler_en_eclats_les_stereotypes_de_genre/417d8b54
  10. L. Parini, Le système de genre,2006, p16.
  11. L. Parini, Le système de genre, 2006, p17.
  12. L. Nicholson, "Interpreting Gender" in Journal of Women in Culture and Society, p79-105.
  13. Aristote, De l'âme, I,3,407b,15
  14. Jean-Paul II, Evangilium vitae.
  15. L'UMP se mobilise contre la théorie du genre au lycée - Le Monde 31/08/2011
  16. http://www.genethique.org/parus/lettres/2011/Septembre.asp

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