Ferrofluide

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Ferrofluide

Les ferrofluides sont des solutions colloïdales de nanoparticules ferromagnétiques, ferrimagnétiques ou superparamagnétiques d'une taille de l'ordre de 10 nanomètres dans un solvant ou de l'eau. Ces liquides deviennent magnétiques lors de l'application d'un champ magnétique extérieur. Dans certains cas, et si le champ magnétique est suffisant, ils se hérissent de pointes dont la topologie varie selon les paramètres du champ. Ces pointes sont peu rigides puisqu'elles se déforment si on les touche : la force exercée par le doigt l'emporte sur la cohésion du fluide. Ils ont des applications dans des domaines extrêmement variés.

Les ferrofluides sont le plus souvent composés de nanoparticules de magnétite ou de maghémite, qui sont tous deux des oxydes de fer.

Sommaire

Généralités

Historique

Les ferrofluides sont apparus dans la deuxième moitié du XXe siècle. Ils n'existent pas à l'état naturel, il a donc fallu les synthétiser.

La première approche des fluides magnétiques (ou ferrofluides) a été réalisée par Wilson[1] en 1779 qui a préparé un fluide constitué de fines particules de fer dans de l'eau. Cependant, on ne peut parler d'une réelle synthèse de ferrofluide qu'à partir de 1963. C'est Stephen Papell[2] qui a effectué cette synthèse en mélangeant de la poudre de magnétite à du kérosène (essence) en présence d'acide oléique (huile). Il a ensuite, dans le but d'obtenir des nanoparticules, broyé pendant 10 mois le liquide. Pour la première fois, un ferrofluide stable était crée.

Les travaux de Rosenweig amenèrent à une amélioration du procédé, permettant l'obtention d'un ferrofluide plus concentré et magnétique. Il en découla une production industrielle et une commercialisation des ferrofluides, dans un premier temps essentiellement par l'entreprise Ferrofluidics. Depuis, la recherche scientifique apporte quotidiennement des avancées dans la synthèse des ferrofluides[3].

Composition

Deux constituants entrent dans la composition d’un ferrofluide : des particules magnétiques solides et un liquide porteur dans lequel elles baignent.

Les particules solides
Les oxydes magnétiques, principalement des particules de ferrite constituent une grande proportion des particules utilisées dans les ferrofluides. Pour les obtenir, on procède soit à un broyage, soit à une alcalinisation d’un mélange aqueux.
Les particules peuvent être aussi de type métallique, par exemple le nickel, le cobalt, le fer, etc. L'avantage de ces particules est leur forte aimantation. Toutefois, leur rapide oxydation entraine la diminution ou la perte de cette aimantation.
Le liquide porteur
On en distingue deux types :
  • Les solvants organiques : essentiellement utilisés dans les applications commerciales, ils doivent avoir une grande stabilité à la température. Comme exemple, on peut citer : hydrocarbure aliphatique, diester carboxylique, huile de silicone, polyphéniléther… .
  • Les solvants polaires : principalement employés dans les applications médicales. L’eau et les alcools sont les exemples essentiels.

Un autre exemple de liquide porteur est le mercure, qui est un fluide métallique présentant des conductivités thermiques et électriques élevées. Cependant le mercure est visqueux[4].

Stabilité

Généralités sur la stabilité

Pour pouvoir utiliser les propriétés spécifiques du ferrofluide, il doit être stable (il ne doit pas décanter, et doit rester homogène) même sous l'action d'un champ magnétique. Cette stabilité va dépendre de plusieurs paramètres tels que la taille des particules et certaines forces. Les forces auxquelles sont soumises les particules du ferrofluide sont :

  • l'énergie de Van der Waals, une force attractive à courte distance et de valeur proportionnelle à la dimension des particules.
  • l'énergie magnétique, qui correspond à une interaction entre les pôles des nanoparticules. Elle est attractive lorsqu'un champ magnétique est appliqué.
  • la répulsion interparticulaire.
  • le terme entropique, correspondant à l'énergie d'agitation thermique.
  • la gravité

Dans le cas où les forces attractives l'emportent sur les forces répulsives, le ferrofluide n'est plus stable. Cela entraine une séparation du liquide en plusieurs phases et/ou une précipitation des nanoparticules.

Comment rendre le ferrofluide stable ?

Afin d'éviter ce phénomène la taille des nanoparticules doit être de l'ordre du nanomètre (de 5 à 15 nm) et doivent se repousser à courte distance. La répulsion interparticulaire est liée au choix du solvant et à la présence de surfactants (agents dispersants) à la surface des nanoparticules. Ces surfactants permettent de plus de solubiliser la nanoparticule.

Le rôle du surfactant dans la solubilisation de la particule
Dans les milieux non polaires
Les surfactants sont constitués d’une partie hydrophile (forte affinité avec la particule), et d’une partie hydrophobe (soluble dans le solvant).
La partie hydrophile se fixe à la particule, la partie hydrophobe au solvant, ce qui permet de former l’interface liquide-solide, et donc de lier les deux composants.
Dans les milieux polaires
Dans ce cas là, la particule doit être chargée. On met une première couche de surfactant qui rend la particule hydrophobe. La deuxième couche permet à la particule de présenter des groupements polaires vers le solvant et donc d’être facilement solubilisée[4],[3].

Propriétés physiques

Propriétés magnétiques

Ferrofluide sur une plaque de verre soumis à un champ magnétique fort, entrainant la formation de pointes.

Les ferrofluides possèdent de très fortes propriétés magnétiques :

  • lorsque le fluide magnétique n'est soumis à aucun champ magnétique, les moments magnétiques portés par les nanoparticules sont orientés aléatoirement. L'aimantation totale du fluide est donc nulle.
  • lorsque le ferrofluide est soumis à un champ magnétique, on observe une aimantation. Les moments des particules ont tendance à s'aligner avec le champ auquel elles sont soumises.

Les nanoparticules peuvent être ferromagnétiques, ferrimagnétiques ou superparamagnétiques. Néanmoins, la stabilité du ferrofluide est facilité si les particules sont superparamagnétiques, puisque leur aimantation change spontanément de sens avec l'agitation thermique, réduisant ainsi les interactions magnétiques entre particules. L'aimantation d'un ferrofluide à saturation est égale, à la dilution près, à celle des matériaux qui le compose. Par exemple, un ferrofluide à base de magnétite, concentré à 15%, possède une aimantation de 52,5 kA/m (kilo-ampère par mètre, 10³ A/m) à saturation[4],[3].

Propriété optique

Les particules des ferrofluides ont des caractéristiques optiques particulières. Effectivement, ils sont biréfringents et dichroïques (propriété, lorsqu'il est éclairé par une lumière non polarisée, d'apparaitre bicolore lorsqu'on l'observe sous un certain angle par transparence) sous l'influence d'un champ magnétique. Ces caractéristiques sont beaucoup utilisées dans les applications des ferrofluides[4],[3].

Applications des ferrofluides

Les ferrofluides peuvent être utilisés dans certains vérins hydrauliques afin de retirer un maximum de fluide, le ferrofluide étant attiré par un aimant ou un électroaimant.

Certaines déjà appliquées

Impression des billets
Les ferrofluides limitent les contrefaçons en étant employés dans l'impression des billets de 1$. Ces billets sont alors aisément attirés par un aimant[5]!
Joints des disques durs
Les ferrofluides sont commercialisés depuis les années 60, notamment en tant que joints isolants destinés à protéger les disques durs d’éventuels éléments extérieurs et éviter les frottements. Ainsi, ils sont utilisés pour la lubrification et l’étanchéité des axes de moteur de disques durs en étant introduits entre l'enroulement et l'aimant assurant la lubrification et empêchant les poussières de se glisser dans l'interstice.
Enceintes audio
D’autre part, ils permettent également d’améliorer le transfert thermique au sein des enceintes audio de haute qualité, afin d’obtenir de hautes performances au niveau du son sans surchauffe. L'air autour de la bobine de ces haut-parleurs conduit très mal la chaleur, il est donc avantageusement remplacé par du ferrofluide. Les particules chauffées au delà de la température de Curie perdent leur aimantation et sont donc remplacées par des particules froides, formant ainsi une « pompe à chaleur[5] ».
Médecine
Dans le domaine de la médecine et de la recherche en biologie, les ferrofluides sont utilisés pour trier des groupes biologiques. Ainsi, dans la détection de la tuberculose, des ferrofluides se fixent sur les cellules malades, ce qui permet de les détecter et de les isoler par centrifugation ou application de champ magnétique.
En IRM, les ferrofluides sont utilisés comme agent de contraste, en modifiant les temps de relaxation du proton[6].
Une autre application récente est l’utilisation des ferrofluides en cancérologie, par hyperthermie magnétique : les nanoparticules sont injectées dans des tissus cancéreux, puis on soumet ces tissus à un champ magnétique alternatif. Ceci entraine une élévation de température de la tumeur.
Amortisseurs de voitures
Il est aujourd’hui envisageable de modifier les caractéristiques des amortisseurs de voitures haut de gamme selon les conditions de route telles que la vitesse sous l'action d'un champ magnétique, ou plus utile, de créer des amortisseurs antisismiques réglés sur la fréquence de résonance d'un bâtiment (la viscosité d'un ferrofluide dépend du champ magnétique qu'il subit)[5].

Quelques-unes encore au stade de la recherche

Dépollution
En associant des ferrofluides, du charbon actif et un liant, on obtient des billes permettant la dépollution, qu’il est alors possible de récupérer à l'aide d'un électroaimant (toutefois cette potentielle utilisation est encore au stade de la recherche)[5].
Médecine à nouveau...
Dans les cas d’anévrisme artériel, une faible quantité de ferrofluide, fixée par des aimants, est utilisée en tant que renforcement des parois affaiblies.
A l’université de Stanford, des scientifiques étudient les possibilités qu’offrent les ferrofluides dans la création de cœurs artificiels. Ces ferrofluides seraient utilisés pour la détection du flux et de la circulation du sang, évitant toute utilisation de moteurs électriques ou de pompes hydrauliques[7].
Enregistrement magnétique
Un autre domaine différent où les ferrofluides sont utilisés est le domaine des sciences de l’information : on essaye de faire de l’enregistrement magnétique haute densité, avec le codage de bits d’information par le biais de l’orientation d’un dipôle magnétique (10 nm × 10 nm à comparer aux 800 × 800 nm actuels de la taille de bits magnétiques)[6].
Optique
Les propriétés des ferrofluides ont de nombreuses applications en optique dans la mesure où chaque grain aimanté réfléchit la lumière. Nous savons que le pouvoir de résolution des télescopes dépend des dimensions de leur miroir principal. Toutefois ces derniers sont de plus en plus difficiles à réaliser au-delà d'un mètre de diamètre. Ils ont alors tendance à se déformer sous leur propre poids, de sorte que l’écart à la forme paraboloïdale idéale ne permet pas d’atteindre les performances théoriques des miroirs géants. La technologie des miroirs liquides ne cesse de progresser et permettrait à terme de construire des miroirs géants capables de brillantes découvertes.
L’idée avait déjà été proposée en 1994 avec du mercure, et avait fini par être abandonnée, le mercure s’étant révélé trop lourd. Dans cette approche, sous l’action d'une force centrifuge, du mercure, placé dans un récipient en rotation, voit sa surface devenir paraboloïde. La dernière avancée technique, reposant sur l’emploi des ferrofluides, vient d’être réalisée. Dans ce cas, une de séries de bobines générant un champ magnétique déforme la surface d’un ferrofluide pour lui donner la même figure. Dans les deux cas des miroirs liquides dont les dimensions peuvent être très grandes sont obtenus, miroirs qui ont été proposés pour construire des télescopes lunaires.
Un prototype a été réalisé avec des particules nanométriques de magnétite comme composant magnétisable du ferrofluide, lequel a été versé dans un récipient comportant 37 bobines de 5 mm de diamètre formant un réseau. L’ensemble était contrôlé par ordinateur. Pour tester le dispositif, des rayons lumineux formant une image ont été déformés par leur passage à travers des lentilles mal alignées et des boîtes de Petri, de manière à produire des aberrations optiques. Ces défauts ont été facilement éliminés par le miroir à ferrofluide, dont la forme pouvait être modifiée près de cent fois par seconde. Ce rythme élevé est important pour réaliser une bonne optique adaptative à différentes longueurs d’onde[8].


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Bibliographie et références

  1. E.P.Wolhfarh. Ferromagnetic Materials Vol.2. North Holland Publishing Co., Amsterdam, 1982.
  2. S.Papell, Low viscosity magnetic fluid obtained by the colloïdal suspention of magnetic particules. Brevet US 3.215.572. 1963.
  3. a, b, c et d Julien BROWAEYS. Les ferrofluides: ondes de surface, résistance de vague et simulation de la convection dans le manteau terrestre. Physique des liquides. Université de Paris 7, 2000, 145 p. Disponible sur: <http://hal.archives-ouvertes.fr>.
  4. a, b, c et d BACRI, Jean-Claude., PERZYNSKI, Régine., MASSART, René. Liquides magnétiques ou ferrofluides. Techniques de l'Ingénieur. RD2180, 10 juillet 1995, Université Pierre et Marie Curie.
  5. a, b, c et d Magnétisme. Site pédagogique du LFM (Mis à jour le 04/2010).
  6. a et b BOURDIN, Elise., CHARMASSON, Julie., BAGLIO, Julien. Mesure de viscosité par relaxation d'anisotropie dans un ferrofluide.. D'après un projet d'études de l'École Normale Supérieure de Cachan et de l'Université Pierre et Marie Curie, février 2007.
  7. R.FREE, John. Liquids. Popular Science, février 1972, vol 200, n°2, p 97-98.
  8. SACCO, Laurent. Bientôt des télescopes à miroir liquide en ferrofluides? D'après Futura-Sciences (Publié le 01/08/2008).

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ferrofluide de Wikipédia en français (auteurs)

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