Expedition de Saint-Domingue

Expedition de Saint-Domingue

Expédition de Saint-Domingue

Expédition de Saint-Domingue
Toussaint L'Ouverture.jpg
François-Dominique Toussaint Louverture
Informations générales
Date Décembre 1801 - Décembre 1802
Lieu Saint-Domingue
Issue Défaite de l'armée française
Indépendance d'Haïti
Belligérants
Flag of France.svg Français Flag of Haiti 1803.svg Rebelles Haïtiens
Commandants
Leclerc
Rochambeau
Boudet
Louverture
Christophe
Dessalines
Forces en présence
27 000 soldats
4 000 hommes de l'artillerie de marine
16 000 soldats
Pertes
23 000 morts
Guerres napoléoniennes
Batailles
Révolution haïtienne
Expédition de Saint-Domingue - Bataille de Vertières

L'expédition de Saint-Domingue a lieu de décembre 1801 à décembre 1803, quand Napoléon Bonaparte, alors Consul, charge Charles Victor Emmanuel Leclerc, son beau-frère, de se rendre à la colonie de Saint-Domingue pour y rétablir l'ordre et l'autorité de la France.

Sommaire

Contexte

La Révolution française entraîne de graves bouleversements sociaux, dont le plus important est la révolte des esclaves qui aboutit à l'abolition de l'esclavage en 1793 par les commissaires civils Sonthonax et Polverel, (décision avalisée et généralisée à l'ensemble des colonies françaises par la Convention six mois plus tard). Le noir Toussaint Louverture, nommé Gouverneur par la France, après avoir rétabli la paix et chassé les Espagnols et les Anglais qui menacent la colonie, rétablit la prospérité par des mesures audacieuses. Mais il va trop loin en chassant le gouverneur Don Joaquino Garcia (27 janvier 1801) qui avait été maintenu dans l'ex-partie espagnole de l'île à la suite du traité de paix de Bâle, et en promulguant une constitution autonomiste (12 juillet 1801).

Le 9 février 1801, les Autrichiens se séparent de la seconde coalition et signent avec la France le Traité de Lunéville. Naples signe ensuite la paix à Florence, et la Russie de Paul Ier prend ses distances jusqu'à ce que son successeur Alexandre Ier conclue une convention de paix secrète avec Bonaparte le 10 octobre 1801. Au Royaume-Uni, William Pitt est renversé le 13 mars 1801. Les Britanniques isolés envisagent la paix.

Bonaparte peut alors se consacrer à ses problèmes de politique intérieure. Les troupes sont oisives, les officiers rêvent d'en découdre. Sous l'influence des créoles et des négociants, le Premier Consul décide d'envoyer son beau-frère le général Leclerc, avec pour instructions de ménager Toussaint Louverture, de lui offrir le rôle de lieutenant de la France, la confirmation des grades [militaires] et des biens acquis par ses officiers, la garantie de la liberté des Noirs, mais avec l'autorité positive de la métropole, représentée par le capitaine général[1]. Afin de prouver à Toussaint la bienveillance du gouvernement, on lui envoie ses deux fils élevés en France, accompagnés de leur précepteur.

Bonaparte prévoit quand même une probable résistance de la part de Toussaint, et toutes les mesures sont prises pour la vaincre: Louverture ne dispose tout au plus que de 16 000 hommes[2], Leclerc recevra donc le commandement de 30 000 hommes, provenant d'à peu près toutes les armées françaises, ainsi que de corps disciplinaires[3].

L'expédition

L'île d'Hispaniola

La paix n'étant pas encore définitivement signée avec l'Angleterre[4], que le 14 décembre 1801, une flotte, commandée par Villaret de Joyeuse, et composée de 21 frégates et de 35 navires de ligne, dont l'un est armé de 120 canons[5], quitte Brest, Lorient, Rochefort emportant 7 à 8 000 hommes.

Cette flotte est suivie de l'escadre du contre-amiral Ganteaume, qui quitte Toulon le 14 février, avec 4 200 hommes, puis par l'escadre du contre-amiral Linois, qui quitte Cadix le 17 février, avec 2 400 hommes. Dans les mois qui suivirent, plusieurs navires quitteront la France, emportant des troupes fraîches, dont une division hollandaise et une légion polonaise. Il convient d'y ajouter encore les 4 000 hommes de l'artillerie de marine.

Au total, 31 131 hommes débarqueront à Saint-Domingue. Parmi eux se trouvent des hommes de couleur, comme André Rigaud[6] qui en 1779 s'est engagé dans une brigade de volontaires pour participer à la Guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique, et Alexandre Pétion qui dirige une révolte de gens de couleur libres, à Jacmel en 1799.

Les navires ont rendez-vous dans la baie de Samaná. L'amiral Villaret de Joyeuse y parvient le 29 janvier suivi de peu par Latouche-Tréville. Sans attendre Ganteaume et Linois, les navires présents se répartissent dans différents ports, afin de surprendre Toussaint. Le général Kerverseau doit se rendre à San-Dominguo dans la partie espagnole de l'île. Le général Boudet, conduit par Latouche-Tréville, doit s'emparer de Port-au-Prince. Le chef de l'expédition, conduit par Villaret de Joyeuse fait voile vers le Cap.

Lorsque Toussaint découvre les navires dans la baie de Samaná, il donne l'ordre à Christophe, chef du département du nord, à Dessalines du département de l'ouest et à Laplume du sud, de répondre aux sommations de l'escadre, qu'ils n'ont pas ordre de la recevoir, puis si elle insiste et en cas de débarquement de menacer de détruire les villes et massacrer les Blancs avant de se retirer dans les montagnes.

La reconquête

La partie française de l'île

Villaret arrive le 3 février 1802 devant le Cap. L'attaque se fait par terre et par mer, le 5 février. Christophe exécute les ordres, la ville est en flammes, une partie de la population blanche égorgée.

Le 6 février, Rochambeau débarque dans la baie de Mancenille et s'empare de Fort-Dauphin. Après avoir éteint les incendies et procédé à quelques travaux, Leclerc établit son quartier général au Cap, et envoie quelques navires faire du ravitaillement vers le continent américain.

Pendant ce temps Latouche-Tréville et Boudet s'emparent de Port-au-Prince et de Léogâne et obtiennent la reddition du général Laplume. Débarqué à San-Dominguo avec 2 000 hommes, le général Kerverseau prend possession d'une bonne moitié de la partie espagnole, dirigée par Paul Louverture, frère de Toussaint.

Dans les dix premiers jours, les Français occupent les ports, les villes et une grande partie des terres cultivées. Réfugié dans le massif de l'Artibonite, Toussaint Louverture n'a plus que quelques brigades sous les ordres des généraux Maurepas, Christophe, Dessalines. Mais il détient aussi une grande quantité de Blancs qui ont été emmenés en otage. Pour le déloger il faut franchir des gorges encaissées et rendues impénétrables par la végétation tropicale, où les Noirs tendent embuscades sur embuscades.

Mais les soldats reçoivent les renforts de Ganteaume et Linois qui viennent de débarquer. Leclerc a gardé son joker : les deux enfants de Toussaint qu'il a amenés de France. Tous deux sont porteurs d'une lettre du Premier Consul promettant la seconde autorité de l'île à l'ancien esclave qui ne cède pourtant pas.

Le 17 février Leclerc lance l'attaque simultanée des divisions qu'il a constituées. Rochambeau à sa gauche part de Fort-Dauphin pour se rendre à Saint-Michel, Hardy marche sur Marmelade et Desfourneaux marche sur Plaisance, pendant que Humbert doit débarquer à Port-de-Paix et remonter la gorge de Trois-Rivières et que Boudet doit remonter du sud au nord. Le but est de surprendre l'ennemi, de le forcer à se replier sur Les Gonaïves et de l'encercler.

Malgré les difficultés du terrain et la résistance de Maurepas qui finit par se rendre au général Humbert, le plan a dans l'ensemble bien fonctionné. Le 23 février, la division Desfourneaux entre aux Gonaïves qui est en flammes. Le général Boudet occupe Saint-Marc également incendié, et inondé du sang des colons égorgés par Dessalines qui parvient à s'échapper du piège. Maurepas résiste encore, mais finit par se rendre avec 2 000 valeureux guerriers.

Un siège en règle est nécessaire pour prendre le fort de la Crête-à-Pierrot. Les assiégeants sont attaqués à revers par des attaques successives de Dessalines et de Toussaint qui tentent de porter secours aux assiégés. Mais le fort doit finalement se rendre. À l'intérieur on trouve des quantité d'armes et de munitions mais aussi beaucoup de Blancs assassinés.

Aux Verrettes, l'armée découvre un horrible spectacle. A bout de force, ne parvenant plus à suivre la marche effrénée des révoltés, 800 hommes, femmes, enfants et vieillards ont été égorgés[7]. Les assassins sont poursuivis à outrance, aucun quartier n'est fait à ceux qui sont rattrapés.

À bout de ressources, leur espace de liberté de plus en plus restreint, les rebelles sont de plus en plus découragés. Christophe songe à déposer les armes en échange du même traitement que celui qui a été réservé à Laplume et Maurepas. La reddition de Christophe entraîne celle de Dessalines et finalement celle de Toussaint. Assigné à résidence, il se voit restituer par Leclerc grade et propriétés.

Fin avril, début mai, l'ordre se rétablit peu à peu dans l'île. Le commerce reprend dans les ports. Les insurgés ont conservé leurs biens et leur grade et semblent s'accommoder de leur condition.

La défaite

Alexandre Sabès, dit Pétion
Henri Ier, roi d'Haïti

Dans sa retraite d'Ennery, où il est assigné à résidence, Toussaint songe à sa revanche, et guette les progrès de sa meilleure alliée, la fièvre jaune, qui fait des ravages dans les rangs des Français et frappe particulièrement les derniers arrivés sur l'île. 15 000 hommes environ périssent ainsi en deux mois. Toussaint ne cesse de correspondre avec ses affidés, les incitant à se tenir prêts. Certains, cependant, n'ayant aucune envie de recommencer la guerre, avertissent le général en chef. En juin, sentant le danger, Leclerc convoque le rebelle à une entrevue et le fait arrêter. Emmené à bord d'un bateau, il est envoyé en Europe et gardé prisonnier au Fort de Joux.

La Martinique retourne à la France avec le traité d’Amiens et la Loi du 20 mai 1802 qui y consacre le maintien de l'esclavage. La nouvelle du rétablissement de l'esclavage en Guadeloupe, parvient à Saint-Domingue. La révolte gronde. La maladie fait de nombreuses victimes dans le corps expéditionnaire. Leclerc juge plus prudent de faire désarmer les Noirs, mais cela excite encore plus leur colère.

À Basse-Terre, en Guadeloupe, la fièvre jaune frappe aussi. Le 3 septembre Richepanse vient de succomber. Boudet le remplace. Rochambeau, qui lui succède, déteste les mulâtres plus encore que les Noirs. Rigaud, cet ancien ennemi et rival de Toussaint Louverture, est prié d'embarquer pour les États-Unis. Dans le sud où ils sont plus nombreux, les mulâtres ainsi offensés s'unissent aux Noirs. Le vent de révolte, qui soufflait particulièrement dans le nord, se répand dans le sud.

L'armée française, qui ne compte plus que 8 à 10 000 hommes, à peine en état de servir, est débordée. Réfugié sur l'île de la Tortue, pour tenter d'échapper à la maladie, Leclerc succombe à son tour, le 1er novembre 1802[8].

Étant le plus ancien, Rochambeau prend le commandement et tente de réprimer l'insurrection, avec l'aide d'une partie des réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique mais il ne peut faire face. Le Cap-Français semble être le dernier bastion des Français. Quand il y parvient, Christophe à déjà enlevé l'un des forts. Rochambeau le reprend. Au bruit de la bataille, dans la rade, à bord du bateau qui leur sert de prison, quelques 1 200 Noirs, jettent l'équipage par dessus bord.

Le 18 novembre 1803, près du Cap-Français, les Français sont vaincus à la bataille de Vertières par le général rebelle Jean-Jacques Dessalines.

Fin décembre, les derniers soldats français quittent l’île. Lors de la traversée, Rochambeau est capturé par les Britanniques et, en tant que prisonnier sur parole, est envoyé au Royaume-Uni où il est interné pendant presque neuf années.

Conséquences

L'ammiral Louis-René Levassor de Latouche-Tréville
L'amiral Louis Villaret-Joyeuse

Des quelque 31 000 soldats envoyés à Saint-Domingue, il n'en reste guère plus de 7 à 8 000. Plus de vingt généraux ont également péri.

Le 1er janvier 1804 Dessalines proclame l'indépendance d'Haïti. la colonie devient le deuxième état indépendant d'Amérique.

Dessalines se fait d'abord nommer gouverneur général à vie, puis le 6 octobre 1804, il se fait couronner empereur sous le nom de Jacques Ier. Il fait massacrer les derniers colons français présents en Haïti et poursuit une politique de caporalisme agraire, sans esclavage proprement dit, destinée à maintenir les profits de l'industrie sucrière par la force. Il périt assassiné le 17 octobre 1806.

Le pays se partage alors entre un royaume au nord, dirigé par Henri Christophe et une république au sud, dirigée par Alexandre Pétion.

La communauté des planteurs blancs, exilés par milliers aux États-Unis, principalement en Louisiane, en Alabama et dans la capitale Philadelphie, conserve des liens étroits avec des journaux comme L'Abeille Américaine de Jean-Simon Chaudron, et fait jouer ses réseaux pour obtenir une indemnité. En mars 1817, ils créent la Vine and Olive Colony, vaste compagnie coloniale cultivant en fait du coton et s'étendant sur 370 kilomètres carrés de terres vierges aux confins des États-Unis, dans ce qui n'était pas encore l'état d'Alabama mais le vaste territoire de Louisiane, racheté à la France napoléonienne en 1803, et qui devient un haut-lieu de l'histoire de la culture du coton jusqu'en 1930.

En 1826, Charles X réclame une indemnité de 150 millions de francs or à la jeune république pour que la France reconnaisse l'indépendance d'Haïti. Allégée en 1838 à 90 millions de francs, cette dette sera réglée à la France. Des réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique en récupèrent une partie.

Annexes

Notes et références

Jean-Jacques Dessalines, empereur d'Haïti
  1. Histoire du consulat et de l'empire, faisant suite à l'Histoire de la révolution française Page 185
  2. 5 000 dans le nord, 4 000 dans l'ouest, le même nombre dans le sud, et 3 000 dans la province espagnole - Histoire de l'expédition des Français à Saint-Domingue sous le consulat de Napoléon Bonaparte, page 33.
  3. Histoire du Consulat et du Premier Empire
  4. Les Anglais signent la Paix d'Amiens le 25 mars 1802
  5. Histoire de l'expédition des Français à Saint-Domingue sous le consulat de Napoléon Bonaparte, page 30.
  6. Après l'échec de cette expédition, il fut emprisonné par Napoléon au fort de Joux, à quelques cellules de distance de Toussaint Louverture.
  7. Histoire du consulat et de l'empire, faisant suite à l'Histoire de la révolution française page 206
  8. Pauline Bonaparte, qui accompagnait son mari et n'avait pourtant jusque là pas été un modèle de fidélité, est désespérée. Elle se coupe les cheveux qu'elle place dans le cercueil de son mari, fait mettre le cœur dans une urne et rapatrie la dépouille en France.

Articles connexes

Bibliographie

  • Histoire de l'expédition des Français à Saint-Domingue sous le consulat de Napoléon Bonaparte, Isaac Toussaint Louverture, 1825
  • Mémoires du général Toussaint L'Ouverture, écrits par lui-même ... précédés d'une étude... , Toussaint Louverture, Joseph Saint-Rémy, 1853
  • Histoire du consulat et de l'empire, faisant suite à l'Histoire de la révolution française, Adolphe Thiers, 1845
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