Ergonomie

Ergonomie
Ergonomie du poste de travail informatique

On nomme ergonomie « l'étude scientifique de la relation entre l'homme et ses moyens, méthodes et milieux de travail[1] » et l'application de ces connaissances à la conception de systèmes « qui puissent être utilisés avec le maximum de confort, de sécurité et d'efficacité par le plus grand nombre[2]. »

Sommaire

Définitions

Le terme « ergonomie » vient du grec ancien ἔργον / érgon (« travail ») et νόμος / nόmos (« loi »). C'est en 1949, lors de la première réunion de l'Ergonomics Research Society, que Murrel l'employa pour la première fois.

Les systèmes concernés par cette adaptation peuvent être des espaces physiques de travail (par ex. postes de contrôle, chaînes de production), des éléments de ces espaces (par ex. synoptiques, contrôles-commandes), des processus de gestion de la production, des interfaces professionnelles ou grand public (on parle alors d' interface homme-machine), telles que des logiciels, des sites internet/intranet, ainsi que l'organisation du travail (rotation des horaires, organisation des services) ainsi que des modes de management.

L'ergonomie est multidisciplinaire. Elle se définit par l'objectif à atteindre et non par la méthode. Elle utilise des connaissances et des méthodes issues de la physiologie du travail, de la psychologie cognitive (mémoire, attention, perception, apprentissage…) et de la psycho-physiologie (vigilance, postures, conditions de travail…), de la sociologie des organisations (répartition des fonctions, organisations de la chaîne de commandement, de la chaîne fonctionnelle, de la psychologie sociale, de la linguistique, entre autres : en fait toutes les sciences relatives à l'homme).

Elle est fondée sur des modèles de la situation de travail (en particulier celui de Jacques Christol, Jacques Leplat et Gilbert de Terssac) qui mettent l'accent sur la différence de nature entre la tâche (projet, consigne, du domaine du virtuel, du futur) et l'activité (du corps - dont le cerveau bien sûr) qui prend des postures et fait des mouvements, actionne des commandes, gère (consciemment ou non) des processus de pensée, communique avec autrui, organise ses actions etc.

Le premier trait dominant de l'analyse de cette activité, c'est que l'opérateur "régule" son activité, en fonction de son environnement externe, de son état interne (fatigue par exemple) pour obtenir un maximum de régularité de la performance : accélération du rythme de travail pour rattraper du retard ou faire face à une urgence, modification du mode opératoire face à la mauvaise qualité des résultats obtenus...

Le second trait dominant, c'est la notion de compromis entre les exigences de la performance, (toujours explicitement ou implicitement présentes) et les exigences liées au respect des règles (de sécurité, de gestion, techniques, administratives...). L'observateur de l'activité du travail constate toujours que ce compromis existe, et qu'il n'est pas construit comme le voudraient les organisateurs, en privilégiant la règle prescrite avant tout. La réalité est plus complexe, comme dans la vie courante, où nous respectons tous les vitesses limitées sur la route...sauf si nous avons peur de rater notre train, ou d'arriver en retard à un rendez vous urgent...

Ce "compromis cognitif" pour reprendre le terme de René Amalberti (ouvrage cité) est aussi affecté par les aspects psychiques de l'activité, dans la mesure où les études des aspects psychiques du travail, de plus en plus nombreuses, montrent que la réalisation de la production nécessite de plus en plus non seulement de faire des compromis avec la sécurité (ce qui n'est jamais écrit) mais aussi avec sa peur, son stress, ses émotions etc. Ce compromis ne peut être étudié "en chambre", sans aller sur le terrain, auprès des opérateurs en activité, qu'il s'agisse de réaliser une machine, un poste de travail, ou une interface informatique : les normes et règles ne suffisent jamais.

Histoire

L'ergonomie ne se développe véritablement qu'à partir de la Seconde Guerre mondiale mais le mot a été employé par le biologiste Wojciech Jastrzebowski dès 1857. On peut cependant citer de nombreux précurseurs à l'approche ergonomique du travail comme le médecin Villermé (L’État physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures, 1840), les physiologistes Marey et Chauveau ou, de façon un peu provocatrice, l'organisation scientifique du travail promue par Taylor (le premier à penser le travail comme objet d'études "d'intention" scientifique). La première revue d'ergonomie, Le Travail humain, est créée en 1933 par Henri Laugier et Jean-Maurice Lahy.

Deux courants

À la suite de Maurice de Montmollin, les francophones distinguent généralement deux grands courants en ergonomie :

  • L'ergonomie centrée sur l'activité qui insiste sur la compréhension de la situation de travail dans son ensemble, l'analyse de la demande et du cadre de l'intervention et la distinction entre le travail prescrit et le travail réel. Cette école est principalement présente dans les pays francophones, au Brésil et sous une autre forme en Scandinavie.
  • L'ergonomie du facteur humain, tel que l'ergomotricité est centrée sur la recherche de résultats généraux (sur les postures, les cadences, les ambiances de travail…) et la définition de normes. Elle est dominante aux États-Unis et au Japon.

Il faut citer Jacques Christol qui a été le premier ergonome praticien vivant de son activité de conseil auprès des entreprises, à partir du début des années 1970, et a été le seul président ni universitaire ni d'un organisme public de la Société d'Ergonomie de Langue Française SELF de 1984 à 1987. Il a contribué à la mise en place de la méthodologie d'intervention utilisée aujourd'hui par la plupart des ergonomes praticiens[réf. nécessaire].

Il faudrait encore faire une distinction entre les ergonomes qui parlent du Facteur Humain et ceux qui parlent DES Facteurs Humains, et maintenant Facteurs Humains et Organisationnels, pour mieux marquer la dimension collective et sociale des problématiques actuelles sur la fiabilité des systèmes socio-techniques complexes (secteurs nucléaire, armement, chimie, trafic aérien...).

Le plus souvent en France, l'utilisation du terme Facteur(s) Humain(s) ne signifie pas un désaccord avec l'approche par l'analyse de l'activité, mais seulement le désir de se démarquer d'une ergonomie trop cantonnée, en tous cas dans la représentation commune, dans les aspects physiques de l'étude du travail : "la hauteur du plan de travail et la couleur des murs et des écrans"

Peu à peu, les visions se rapprochent, les uns découvrant les avantages de l'observation du réel, que rien ne remplace, les autres celui des standards, des normes que personne ne peut plus contester dans certains domaines, comme par exemple dans les fonctions informatiques, ou le calcul des ports de charge (équation du NIOSH) bien utiles pour une première approche de certaines questions.

Deux domaines moteurs

  • Beaucoup de règles ergonomiques se sont dégagées dans le domaine de l'aéronautique, où la lisibilité immédiate des instruments et l'accessibilité des commandes peuvent faire la différence entre une situation critique que l'on sauve et une qui se termine par des dommages coûteux en termes humains comme matériels. L'examen des boîtes noires après chaque accident d'avion informait sur toute erreur humaine commise, se reflétant dans les conceptions de cockpits futurs par des conceptions permettant de mieux les éviter.
  • Les enjeux unitaires étaient moins importants en informatique, mais se chiffraient cette fois-ci en millions d'utilisateurs. Un tel bras de levier avait des conséquences financières directes dans le domaine du e-commerce (« la concurrence est à un clic de souris »). On découvrit alors par essais et erreurs la loi de Fitts et la loi de similarité.
L'expansion des sites Internet et des services accessibles par ces moyens accroît le besoin de rendre un site facile à utiliser, et même facile à apprendre ; il faut donc bannir les fonctionnalités peu utiles ou difficilement accessibles aux handicapés moteurs ou visuels.

L'institutionnalisation de la profession

En France, la discipline se structure dans les années 1960 pour donner naissance au niveau français à la SELF (1963), même si le CNAM héberge dès 1913, un laboratoire de recherche sur le Travail Musculaire professionnel, puis Laboratoire de Psychologie du travail dans les années 1930. L'INRS voit le jour sur ces bases en 1970. En 1994, la SELF créée ARTEE pour participer à la démarche professionnelle de certification européenne au sein du CREE. La SELF est adhérente de FEES (fédération européenne) depuis 2008.

Côté formation, le CNAM (Paris mais aussi en région) sera jusque dans les années 1990 le principal vecteur de professionnalisation des ergonomes. Il est encore aujourd'hui un lieu très important de formation et de recherche pour les ergonomes français. Les principales formations et DESS d'ergonomie voient le jour dans les années 1980 - 1990. Parmi les précurseurs : MST Orsay (1977), Paris 5 (1978), Bordeaux(), Lyon 2 (1993); Paris 1, Paris 8... Aujourd'hui, on compte une petite quinzaine de formation reconnues par la profession (voir la page formation sur le site SELF).

Le CICF-SNCE (syndicat des cabinets conseil en ergonomie) voit le jour en 1998 après un essai avorté de syndicat généraliste (SPE). Il regroupe aujourd'hui les cabinets conseil en ergonomie employeurs d'ergonomes.

En 2004, le CE2 (collège des enseignants chercheurs en ergonomie) voit le jour. Il fédère les enseignants chercheurs en ergonomie.

L'ergonomie en Europe et dans le Monde

Le développement de l'ergonomie a été assez équivalent dans les autres pays européens, et a donné naissance à toutes les grandes sociétés d'ergonomie européenne, puis à l'IEA au niveau mondial (fondation en avril 1959, premier congrès 1961) .

En 1994, sous l'impulsion des sociétés européennes et avec la reconnaissance de l'IEA, la certification européenne des ergonomes vit le jour avec le CREE. En 2004, la FEES (Fédération des Sociétés européennes d'Ergonomie) est fondée. La France y adhère en 2008.

Le début du XXIe siècle, avec l'émergence des pays "low cost" et la délocalisation des activités industrielles sur lesquelles s'est en partie construite l'ergonomie (la chimie, la sidérurgie, par exemple) ont conduit les ergonomes à s'intéresser de plus près aux autres composantes de la vie économique : c'est en effet l'explosion des techniques de l'informatique à distance, l'internet, les ERP dans les entreprises (systèmes d'information intégrant théoriquement tous les besoins de l'entreprise, la gestion de la production, des stocks, des affaires, de la formation, le pointage des temps, la comptabilité ...). Ces logiciels, très importants pour l'alignement des entreprises sur les conditions concurrentielles actuelles, modifient profondément l'organisation du travail, au-delà même de ce qu'avaient accompli les politiques de qualité (ISO 9000, TQM...). Les ergonomes participent aux spécifications de ces ERP en apportant leur connaissance du travail réel, pour rendre le changement plus facile, et plus adapté aux situations de travail que rencontrent concrètement les opérationnels.

Des efforts sont actuellement entrepris pour réguler la profession sur une base volontaire autour d'un titre d'« Ergonome européen » protégé par une marque déposée. Ce processus est compliqué par la diversité des pratiques et des connaissances des ergonomes suivant les pays et les champs d'application, ainsi que par le peu d'ancienneté de la profession, qui fait que les demandeurs eux-mêmes, lorsqu'ils savent avoir des questions d'ergonomie à résoudre, ont quelquefois du mal à faire le tri entre les offres de service existant sur le marché.

Pratique de l'ergonomie

Suivant la définition de l'ANACT, l'ergonomie rassemble des connaissances sur le fonctionnement de l'homme en activité afin de l'appliquer à la conception des tâches, des machines, des outillages, des bâtiments et des systèmes de production.

Après avoir été créée par un collectif de chercheurs (un physiologiste, un psychologue et un ingénieur : Floyd, Murrel et Welford) qui ont été confrontés pendant la guerre aux difficultés de conception des interfaces Homme - Machine, l'ergonomie a été longtemps captée par des spécialistes autoproclamés, qu'il s'agisse d'ergonomes d'entreprises ou d'ergonomes de conception. Les principes de l'ergonomie sont la vue globale des conditions de travail, la pluri et l'inter disciplinarité et la participation de tous les acteurs (donc de l'opérateur, c’est-à-dire du salarié qui occupe ce poste de travail) et la productivité du système Homme-Machine, productivité sans laquelle il n'y a pas... de travail. La physiologie du travail, la psychologie du travail et l'ingénierie sont à l'origine de l'ergonomie, puis s'y sont rajoutées de la sociologie, de la biomécanique et de l'anthropométrie.

La majeure partie de la formation se fait par apport de connaissances sur le fonctionnement de l'homme et des organisations, par apprentissage de méthodes d'analyse du travail, et par des études de cas qui facilitent la mise en place de la méthodologie : analyse de la demande, recueil de données, premières hypothèses, analyse des tâches et analyse de l'activité par observation et entretien avec les opérateurs, élaboration d'un modèle de fonctionnement de l'opérateur, de l'atelier..., puis propositions d'aménagement (ou de conception), suivi de la réalisation, du démarrage, et enfin évaluation et suivi des conséquences du changement par analyse des indices socio-économiques et opinion des opérateurs. Des entreprises sont spécialisées dans la distribution de matériel adapté, par exemple pour l'amélioration des postes dans l'industrie : tables élévatrices, chariots manipulateurs, systèmes à ventouse, etc. Ces produits permettent de réduire le risque de Troubles musculosquelettiques.


L'intervention de l'ergonome peut se situer soit au stade de la conception (de l'objet, du poste de travail ou de l'installation, de l'atelier, du processus...) c'est de l'ergonomie de conception, soit en correction d'un poste suite à accident ou pathologie, ou encore plainte des tenants du poste. Il peut aussi s'agir d'aménager un poste de travail pour l'adapter à un handicap de l'opérateur, ou lorsque les objectifs visés par l'entreprise ne sont pas atteints (qualité ou productivité insuffisante, plaintes des opérateurs...) ou lorsque l'entreprise souhaite se lancer dans une réorganisation, mettre en place un nouveau système informatique...

Les techniques et les outils de simulation (d'interface de systèmes, d'architecture, d'objets...) qui permettent de visualiser en 3D et avant même le moindre début de réalisation la future interface, ou la future salle de contrôle, le futur poste de travail... ont beaucoup contribué à faire évoluer le métier de l'ergonome, et le regard que portent sur lui les industriels, qui doivent dans les projets industriels, identifier le plus tôt possible les problèmes liés aux futures situations pour les opérateurs.

Des postes d'ergonomes existent dans de grandes entreprises, quelquefois dans des services de médecine du travail avec la mise en place de l'inter disciplinarité, dans les cabinets de consultants en ergonomie.

Autres articles

Génériques

Les grands auteurs

A voir aussi

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :

Liens vers des associations d'ergonomie

Liens vers laboratoires de recherche et sites d'universités

Autres liens (revues qui publient des travaux francophones en ergonomie)

Bibliographie

  • Amalberti, R., (2005), (2e édition), La Conduite des systèmes à risque, PUF
  • Boucher, A., (2007), Ergonomie web : pour des sites web efficaces, Eyrolles.
  • Cazamian P., Hubault F., Noulin M. (1996). Traité d'ergonomie. Toulouse : Octarès.
  • Guerin F., [[Antoine Laville],François Daniellou, Jacques Duraffourg, , Kerguelen A., , "Comprendre le travail pour le transformer, la pratique de l'ergonomie, Lyon, ANACT, Coll. outils et méthodes, 1991, rééd. 1997
  • Falzon, P., sous la direction de,(2004), Ergonomie, PUF
  • Gendrier, M., Gestes et Mouvements Justes - Guide de l'Ergomotricité, EDP Sciences, rééd. 2004
  • Laville, A. (2005), L'ergonomie, (5e édition), Paris : PUF (collection Que sais-je ?)
  • Leplat, J. (2008). Repères pour l'analyse de l'activité en ergonomie Paris : PUF.
  • Maurice de Montmollin (1996), L’Ergonomie, (3e édition), Paris : La Découverte (collection Repères).
  • Molinier, P., (2006), Les Enjeux psychiques du travail : introduction à la psychodynamique du travail, Petite Bibliothèque PAYOT,
  • Montmollin, M. de, Vocabulaire de l'ergonomie, Toulouse, éditions Octarès
  • Jean-François Nogier, (2008), Ergonomie du logiciel et design web : Le manuel des interfaces utilisateur, 4ème édition, Dunod.
  • André Ombredane et Jean-Marie Faverge, L'Analyse du travail ; facteur d’économie humaine et de productivité, Paris, PUF, 1955.
  • Pierre Rabardel, Nicole Carlin, Marion Chesnais, Nathalie Lang, Martine Pascal (1998) Ergonomie, concepts et méthodes. Touloouse : Octarès.
  • Vicente, Kim J. (1999) Cognitive Work Analysis : Toward Safe, Productive, and Healthy computer-based
  • Wisner A., 1995. Réflexion sur l'ergonomie (1962-1995). Toulouse : OCTARES.

Notes et références

  1. Extrait de la définition adoptée par le IVe Congrès international d'ergonomie. Voir aussi la définition officielle sur le site de l'International Ergonomics Association (en anglais).
  2. Extrait de la définition de l'ergonomie retenue par la Société d'ergonomie de langue française

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ergonomie de Wikipédia en français (auteurs)

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