Envenimation

Envenimation

Une envenimation est l'absorption d'une substance venimeuse dans l'organisme par inoculation. On distingue deux types d'inoculations :

  • Par appareil inoculant - un dard, un crochet venimeux, une morsure sont des modes d'inoculation par appareil inoculant :
  • Par contact :
    • Certains arbres sont venimeux car le contact avec leur sève provoque des irritations.
    • Les amphibiens sont venimeux, un contact avec le venin délivré par leur glandes pariétales peut provoquer une envenimation. Pourtant, dans la pratique, même les dendrobates, qui sont les amphibiens les plus venimeux pour l'homme, ne provoquent que des envenimations bénignes par contact qui peuvent être évitées en se lavant les mains après une manipulation. Elles ne seront alors considérées vénéneuses pour l'homme qu'en cas d'ingestion de la batrachotoxine, qui peut provoquer des effets mortels.

Sommaire

Principaux symptômes rencontrés lors d'une envenimation

Le venin est un véritable cocktail de molécules actives, il serait illusoire de croire qu'une espèce venimeuse a un effet unique qui lui est propre. Le résultat d'une envenimation est le résultat de l'action de ce cocktail moléculaire aux effets parfois contradictoires (une molécule aura des propriétés anticoagulantes alors qu'une autre aura des propriétés coagulantes). Pour autant, il n'est pas rare de constater un effet prépondérant qui sera parfois le seul à mettre le diagnostic vital en jeu. C'est souvent le cas des neurotoxines qui, outre leur action plus rapide que les autres toxines, peuvent se trouver en quasi-exclusivité présentes dans le venin (comme par exemple chez le mamba). Le meilleur traitement contre une envenimation mettant en jeu le pronostic vital est, à n'en pas douter, l'immunothérapie (anciennement appelée sérothérapie)[1]. Cependant, un traitement symptomatique adapté à la pathologie permet aussi d'augmenter les chances de survie.

Symptôme neurotoxique

Ce symptôme est dû à l'absorption de protéines de poids moléculaire faible agissant directement sur le transfert de l'influx nerveux au niveau des synapses. Il peut être comparé à une intoxication au curare. Toutefois, il ne se traite pas de la même façon car, si les effets sont les mêmes, chaque toxine aura un mode de fonctionnement particulier. Il a pour résultat une paralysie flasque des muscles volontaires, les muscles que l'on peut contrôler (le biceps ou le diaphragme sont des muscles volontaires car on peut contrôler les mouvements de son bras de même que sa respiration, le cœur et les sphincters n'en sont pas car on ne peut pas les contrôler). Le symptôme neurotoxique apparait assez rapidement, parfois dans les minutes qui suivent l'envenimation. Il se manifeste par une lassitude, des difficultés à s'exprimer, puis à déglutir, des paupières lourdes, parfois des nausées et est rapidement suivi de difficultés respiratoires. La victime reste consciente jusqu'à l'arrêt respiratoire qui sera rapidement suivi d'un évanouissement par asphyxie, puis par la mort. Aucune fonction vitale autre que la respiration ne semble être touchée par les toxines responsables de ce genre de symptôme. C'est pourquoi, toute victime présentant ce genre de symptôme sera soumise à la respiration artificielle grâce à un respirateur qui ne devra être débranchée sous aucun prétexte. Des victimes de dendrosapis polylepis (mamba noir) présentant une allergie au sérum ont été sauvées après plus d'un mois dans le coma sous respiration artificielle, et ce, sans séquelles graves.

Selon les travaux effectués par l'IRD :

« Les envenimations par Elapidae africains n'altèrent aucune autre fonction que la respiration. Il n'a jamais été décrit de séquelles neurologiques, cardio-vasculaires ou rénales à la suite d'envenimation correctement traitée. Les complications sont le plus souvent liées à la mise en œuvre d'un traitement trop vigoureux ou inapproprié.[2],[3],[4] »

« Paralysie respiratoire : elle est le résultat d'une envenimation cobraïque sévère et impose une ventilation assistée. Celle-ci devra être maintenue tant que la respiration spontanée n'a pas repris, ce qui peut demander plusieurs jours, voire plusieurs semaines (Campbell, 1964 ; Visser & Chapman, 1982). La trachéotomie doit être évitée autant que possible. Certains auteurs administrent de la néostigmine qui semble potentialiser l'action du sérum antivenimeux. L'atropine s'est révélée expérimentalement très efficace contre le venin de mamba (Lee et al., 1982).[2],[3],[4] »

Symptôme hémotoxique

Ce symptôme est dû à l'absorption de protéines de poids moléculaire élevé et d'enzymes dites « hémolytiques », principalement des thrombases. Il est caractérisé par un dysfonctionnement des facteurs de coagulation. il est observé de manière plus ou moins prononcée dans toutes les envenimations, ce qui fait qu'une analyse de la sédimentation d'un échantillon sanguin dans un tube sec est un indicateur relativement fiable de la sévérité d'une envenimation, mais surtout de son évolution. Dans le cas des envenimations par vipéridés, pour lesquelles ce symptôme est plus problématique, on observe souvent des effets antagonistes. Généralement, il y a suractivation de la thrombose, ce qui se traduit par :

  • La création de thrombus (caillots) pouvant provoquer une embolie.
  • La consommation de tous les facteurs de coagulation entrainant une hémophilie.

L'hémophilie qui résulte de la consommation des facteurs de coagulation est un des effets antagonistes pouvant mettre à défaut un praticien non averti de ce phénomène. Nicole Viloteau a ainsi été sauvée d'une morsure de crotale grâce à de fortes doses d'héparine, un anticoagulant. Elle présentait déjà des symptômes d'hémophilie or les anticoagulants sont rigoureusement proscrits en cas d'hémophilie. Son médecin a pourtant persévéré dans cette voie, ce qui a permis d'éviter la formation de caillot et le risque d'embolie associé.

Symptôme myotoxique

Ce symptôme est dû à l'absorption de protéines de poids moléculaire élevé et d'enzymes dites « protéolytiques » favorisant la dégradation des protéines des tissus et appelées protéases. Ces toxines vont avoir des effets locaux pouvant aller de la simple irritation à la nécrose du membre, la nécrose pouvant atteindre l'os dans le cas de morsure par certains hydrophidés.

Les tissus en contact avec ces toxines vont se dégrader rapidement, ce qui fait que les envenimations entrainant ce symptôme peuvent gangréner facilement par surinfection. Cette intoxication entraine souvent des séquelles et, si elle ne met pas en jeu le pronostic vital immédiat, elle ne doit pas être négligée pour autant car elle peut entrainer ensuite un tableau clinique très délicat à traiter.

Autres

Outre ces effets, on peut aussi noter les symptômes suivants :

  • Réaction allergiques, certains venins contiennent de l'histamine ou des histamino-libérateurs. Cela se traduit par des œdèmes au niveau du siège de la morsure, voir des chocs anaphylactiques.
  • Symptôme cardiotoxique, déstabilisant le rythme cardiaque.
  • Symptôme néphrotoxique, conduisant à un blocage rénal, il peut être dû à la tentative du corps de se débarrasser des toxines grâce aux filtres que sont les reins. Ces derniers, trop sollicités et affaiblis par un état général médiocre peuvent alors être détruits définitivement, ou du moins ne plus assurer leur rôle de filtre au moment où le corps en a justement besoin.

Premiers secours

Les recommandations concernant les premiers soins en cas de morsure de serpent changent, en partie parce que les différents serpents ont différents types de venin.

Certains ont peu d'effet local, d'autres des effets systémiques représentant un danger vital. Dans ce dernier cas, contenir le venin dans la région de la morsure (par exemple, par immobilisation par une pression, par l'utilisation d'un point de compression, etc.) est fortement souhaitable. D'autres venins créent des dommages localisés aux tissus autour du secteur mordu, et l'immobilisation peut augmenter la sévérité des dommages dans ce secteur, bien qu'elle réduise également la surface totale affectée. Ces différents points restent sujets à polémique[réf. nécessaire]. Puisque les serpents changent d'un pays à l'autre, les méthodes de premiers soins changent également ; les méthodes de traitement adaptées aux morsures de serpents à sonnette aux États-Unis pourraient être mortelles si appliquées à une morsure de serpent-tigre en Australie.

Ce qu'il faut faire

  1. Immobiliser la victime, la mettre à l'aise, la rassurer. La position assise ou allongée semblent les meilleures.
  2. Protéger le patient (et d'autres, y compris vous-même) contre d'autres morsures. Tandis que l'identification des espèces est souhaitable, ne pas risquer d'autres morsures ou ne pas retarder le traitement médical approprié en essayant de capturer ou tuer le serpent. Si le serpent ne s'est pas déjà sauvé, il serait souhaitable de déplacer le patient, sans qu'il bouge par ses propres moyens, hors du secteur où se trouve le serpent.
  3. Calmer le patient et demander de l'aide, par exemple à l'aide du téléphone cellulaire ou satellite afin d'obtenir le transport, dans les plus brefs délais, du patient vers l'hôpital le plus proche, hôpital où l'antivenin pour les serpents communs au secteur sera souvent disponible.
  4. Veiller à garder le membre mordu dans une position fonctionnelle et au-dessous du niveau du cœur de la victime afin de réduire le flux de sang retournant au cœur et à d'autres organes du corps.[réf. nécessaire]
  5. Enlever tous les vêtements ou objets qui peuvent resserrer le membre mordu s'il gonfle (bracelet, montre, chaussure, etc.)
  6. Garder toujours le patient autant que possible immobile, à moitié allongé, la tête et le haut du corps (en particulier le cœur) au-dessus du reste du corps (le dos et la tête calés vers le haut, avec des vêtements, un sac à dos, des coussins).
  7. Nettoyer la plaie à l'eau ou au savon. Ne pas utiliser d'alcool, ni de désinfectant coloré.
  8. Les secouristes australiens recommandent de bander le membre atteint (souvent un bras ou une jambe) avec une bande élastique en partant de l'extrémité à la base du membre. Ce bandage ne doit jamais bloquer la circulation sanguine, mais uniquement la circulation lymphatique qui est très souvent le seul réseau atteint par la morsure (la morsure d'une veine ou d'une artère est très rare). Dans ce cas, il est impératif de ne pas retirer le bandage tant que la victime n'est pas prise en charge par une équipe médicale. Selon le docteur Xavier Maniguet, en plus d'une immobilisation totale du patient, pour éviter la diffusion du sang (voire diminuer l'effet toxique du venin), le corps de la victime peut être semi-immergé dans l'eau fraiche d'une rivière en attendant les secours.

Ce qu'il ne faut pas faire

  1. Ne pas inciser l'emplacement mordu. Beaucoup d'organismes, y compris l' Association médicale américaine et la Croix-rouge américaine, recommandent de laver la morsure avec de l'eau et du savon. Cependant, ne pas essayer de nettoyer le secteur avec un produit chimique, quel qu'en soit le type.
  2. Ne pas donner au patient quelque chose à manger ou boire. C'est particulièrement important avec l'alcool, un vaso-dilatateur connu qui accélère l'absorption du venin. Il a été prouvé que l'alcool fixe le venin sur le système nerveux[réf. nécessaire], rendant les neurotoxines beaucoup plus efficaces. Ne pas administrer des stimulants ou des antalgiques à la victime, à moins que cela ne soit prescrit par un médecin. On pourra éventuellement proposer de l'eau au patient, si ce dernier ne présente pas de troubles neurologiques qui pourraient le faire avaler de travers et compliquer une détresse respiratoire.
  3. Comme les protéines des toxines de venins sont en général détruites par la chaleur, certains préconisent, immédiatement après la morsure (dans les secondes qui suivent), l'application d'une chaleur soudaine et intense sur la morsure, obtenue par exemple par une décharge électrique créée, sur le lieu de la morsure, par l'application de deux câbles reliés aux pôles d'une batterie de voiture, par une cigarette, un fer rouge, etc. Ces pratiques ne présentent aucun intérêt médical[5],[6],[7],[8] et, en dehors du possible réconfort qu'elles pourront apporter à la victime stressée persuadée que ces pratiques aussi inutiles qu'héroïques représentent son seul salut, n'auront pour conséquences que des complications locales dues aux infections qui vont en résulter.
  4. L'administration de sérum anti-venimeux en dehors d'une structure de soin suffisante prête à polémique. En effet, 50 % des morsures de serpents venimeux sont « blanches », c'est-à-dire sans inoculation de venin. Malgré les progrès tant en termes de spectre d'espèces concernées par le même sérum qu'en termes de purification du sérum qui tend à réduire les risques de réaction, la meilleure voie d'administration d'un sérum est l'intraveineuse lente (ou perfusion), opération difficilement praticable en situation de survie. Dans tous les cas, il est indispensable de consulter un médecin habitué à ce genre de traitement (centre anti-poison, médecin local spécialisé) avant d'envisager d'en emporter avec soi.
  5. L'aspi-venin et autres pompes à venin sont d'une inefficacité technique notoire[réf. nécessaire]. Cependant, leurs effets secondaires sont moins dévastateurs que ceux décrits plus haut, liés à la chaleur ou au débridage de la plaie. Cet appareil peut être utilisé pour rassurer et calmer la victime.
  6. Les pierres à serpents, préparations parapharmaceutiques en tous genres et autres grigris sont à oublier, leur utilisation pouvant parfois entraîner des complications.

Notes et références

  1. IRD fiche scientifique n°122 - Un nouveau traitement contre les morsures de serpents en Afrique
  2. a et b site de l'IRD
  3. a et b Les serpents d'Afrique Occidentale et centrale, J-P Chippaux, IRD éditions, (ISBN 978-2709915991)
  4. a et b Venins de serpents et envenimations, J-P Chippaux, IRD éditions, (ISBN 978-2709915076)
  5. Ryan A (1987). Don't use electric shock for snakebite. Postgrad Med 82 (2) : 42. PMID 3497394
  6. Howe N, Meisenheimer J (1988). Electric shock does not save snakebitten rats. Ann Emerg Med 17 (3) : 254-6. PMID 3257850
  7. Russell F (1987). Another warning about electric shock for snakebite. Postgrad Med 82 (5) : 32. PMID 3671201
  8. Johnson E, Kardong K, Mackessy S (1987). Electric shocks are ineffective in treatment of lethal effects of rattlesnake envenomation in mice. Toxicon 25 (12) : 1347-9. PMID 3438923

Liens externes

Etude bibliographique des principaux animaux venimeux pour les carnivores domestiques en France métropolitaine : description, localisation, venin et envenimation; Thèse de médecine vétérinaire (2003).



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