Enseignement du breton

Enseignement du breton

Le breton, comme les autres langues, s'est toujours majoritairement transmis directement de parents à enfants, mais quelques enseignants ont suivi ou suivent la voie d'une transmission de type scolaire. Cet article évoque l'histoire de cette transmission.

Sommaire

Avant le XIXe siècle

Jusqu'aux XIXe siècle, la France était multilingue ; le français n'était parlée que par une minorité de la population, la majorité parlant soit d'autres langues gallo-romanes (langues d'oïl ou langue d'oc) soit des langues non romanes (pour l'essentiel, celtique : breton, germanique : alsacien, italique : corse, non indo-européenne : basque, ...).

L'enseignement est alors assuré par l'Église, qui enseigne le catéchisme dans la langue vernaculaire, le breton en Basse-Bretagne.

À la fin du XVIIIe siècle commence à apparaître en France l'idée selon laquelle la France doit être unifiée, notamment par l'emploi d'une langue unique ("un pays, une nation, une langue"). Pour Antoine Rivarol, toutes les langues ne sont pas égales et le français est la langue universelle qui est censée s'imposer (cf. son Discours sur l'Universalité de la Langue Française). Pour Barère, les langues autres que le français sont la marque de la contre-révolution et des envahisseurs étrangers.

Au XIXe siècle

À partir du milieu du XIXe siècle, le pouvoir central commence à réprimer les langues dites régionales qui sont peu à peu méprisées.

À partir de la fin du XIXe siècle, l'État prend progressivement en charge l'enseignement (expulsion des congrégations et remplacement par des enseignants laïcs, refus d'agréments pour la plupart des écoles confessionnelles). Il s'ensuivra une longue querelle entre l'enseignement confessionnel et les écoles laïques (« écoles du diable »).

L'époque étant à l'essor du nationalisme français, l'État met en place une politique de fusion des différentes composantes de la nation française afin de pouvoir prendre sa revanche sur l'Allemagne (Guerre franco-prussienne de 1870).

De facto, les langues dites régionales sont interdites dans l'enseignement, au grand dam d'une partie du corps enseignant qui se demande comment enseigner dans de telles conditions à des élèves non francophones. L'apogée est atteint en 1902 quand le ministère Combes promulgue par décret l'interdiction de « l'usage abusif du breton ». L'Église suit le mouvement et les écoles catholiques cessent rapidement d'enseigner le breton.

Celui-ci n'est définitivement plus enseigné à partir du début du XXe siècle mais continue à être transmis de génération en génération par voie orale.

Début du XXe siècle

Régulièrement, des voix s'élèveront en faveur d'un multi-culturalisme et d'un respect des autres cultures mais elles resteront minoritaires. En particulier, de grandes pétitions (Ar Brezhoneg er skol dans les années 1930, la grande pétition populaire d'Emgleo Breiz en 1967) et des manifestations régulières demanderont l'enseignement du breton.

Ar Falz

Inspiré par l'exemple de l'URSS qui reconnaît à ses peuples le droit de pratiquer leur langue, Yann Sohier, instituteur à l'école publique, fonde Ar Falz ("La Faucille"), association d'"instituteurs laïcs partisans de l'enseignement du breton". Leur programme comporte la revendication du breton comme langue principale de l'enseignement et le rejet d'un système bilingue qui aurait, pour eux, la conséquence d' "isoler le peuple breton dans une langue de culture réduite". Après la mort de Yann Sohier, son travail est poursuivi par Yann Kerlann et A. Keravel.

A l'école publique de Plestin, grâce au décret Carcopino (1942-1944)

Dans les années 1940-1944, l'administration vichyste prend des mesures présentées comme symboliques (« autorisation » d'enseigner le breton 1 h 30 par semaine dans le primaire) ; elles seront suivies de peu d'effets. En 1942, Kerlann tente une expérience plus poussée. Dans son ouvrage consacré aux écoles Diwan[1], Jean-Charles Perazzi, résume cette expérience :

« Pendant la dernière guerre mondiale, Yann Kerlann (Jean Delalande), ami et successeur de Yann Sohier à la tête d'Ar Falz, mensuel des instituteurs laïques partisans de l'enseignement du breton, a ouvert ainsi à Plestin-les-Grèves "Skol Blistin". Mais son existence sera éphémère : un an. Et son initiateur, la guerre terminée, se verra condamné à "l'indignité nationale à vie". La République n'est pas toujours tendre pour les pionniers de l'Éducation nationale. »

Plus précisément, Yann Kerlann organise cet enseignement du breton à l'école publique de Plestin-les-Grèves en novembre 1942, non loin de Lannion, qu'il peut mener grâce au décret Carcopino qui autorise ce type d'enseignement. Il organise une classe de douze élèves, probablement en majorité des enfants de membres du Parti national breton. Françoise Morvan, page 253 de son ouvrage Le Monde comme si, cite un extrait du journal du PNB L'Heure bretonne paru le 8 novembre 1941, où Kerlann présente ce qu'il veut réaliser dans un article titré "Une Bretagne nouvelle qui ne sentira pas le moisi" :

«  Vous avez à apprendre l'Histoire de vos Ancêtres, vous avez à apprendre le breton, oui, à le lire et à l'écrire correctement. Vous avez à retrouver l'Esprit de la Race en parlant, en lisant, en écrivant, en chantant en breton !... Alors se lèvera de nouveau une Bretagne bretonne où les Bretons seront honorés, auront retrouvé leur fierté, où l'on parlera breton, un breton correct, nettoyé de ses gallicismes, qui sera enseigné dans nos écoles...  »

Cette expérience est définitivement interrompue en 1944.

Deuxième moitié du XXe siècle

En 1951, le parlement français vote la loi Deixonne, suivie de peu d'effets. Cependant au début des années 1960, l'école publique de Glomel, sous la direction d'André Lemercier, essaye de tirer bénéfice de cette loi qui se révélera difficilement praticable, puisqu'elle ne débouchera sur aucun enseignement organisé avant la création de Diwan en 1976.

Dans les années 1970, l'association Skol An Emsav propose des cours de breton aux adultes.

En 1976, les écoles associatives Diwan sont créées afin de pallier l'absence d'enseignement du breton à l'école depuis le début du XXe siècle.

Le 4 octobre 1977, l'État français signe la charte culturelle bretonne, destinée à améliorer la situation de l'enseignement du breton, mais sans grand effet.

En 1979, des parents d'élèves créent l'association Div yezh (en breton : « deux langues ») afin de favoriser l’enseignement du breton dans l’école publique.

En 1981, les socialistes sont élus au pouvoir sur un programme prévoyant de favoriser l'enseignement des langues régionales. Quelques efforts timides auront lieu durant les premières tentatives de décentralisation.

En 1990, Dihun est créée pour l'enseignement du breton dans les écoles catholiques.

En 2001, l'office de la langue bretonne lance l'opération Ya d'ar brezhoneg (« Oui au breton ») afin de favoriser son enseignement et son emploi dans la vie courante.

De même, les élus et notamment le conseil régional de Bretagne votent-ils régulièrement en faveur de l'enseignement du breton :

  • en décembre 2004, reconnaissance à l’unanimité du breton et du gallo comme « langues de la Bretagne » par le conseil régional
  • Plan de sauvegarde de la langue bretonne, voté à l'unanimité en décembre 2004 également.

La région Bretagne favorise la formation d'enseignants et espère atteindre l'objectif de 20 000 élèves dans les filières bilingues à l'horizon 2010, « un objectif ambitieux mais réaliste » selon le président du Conseil Régional Jean-Yves Le Drian (PS).

À la rentrée scolaire 2011, malgré une hausse constante, seulement 14 174 élèves reçoivent un enseignement en breton (Div Yezh : 5 995 élèves, Dihun : 4 651 élèves, Diwan : 3 528 élèves, dont 47 à Paris).

Voir aussi

Liens externes

Notes et références

  1. Jean-Charles Perazzi, Diwan, vingt ans d'enthousiasme, de doute et d'espoir

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Enseignement du breton de Wikipédia en français (auteurs)

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