Croissant (Occitanie)

Croissant (Occitanie)
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Carte des dialectes occitans : le Croissant est à l'extrême nord des domaines du limousin et de l'auvergnat.

Le Croissant (lo Creissent en occitan) est une zone dans l'extrême nord de l'Occitanie, en forme de croissant, où l'on parle des variétés de limousin et d'auvergnat (occitan) qui ont des traits de transition vers le français (langue d'oïl); cependant les traits linguistiques occitans y restent dominants.

Le premier auteur qui a utilisé le terme de Croissant fut le linguiste occitan Jules Ronjat, dans sa thèse de 1913.

Parfois, les parlers du Croissant du côté limousin, à l'ouest, sont aussi appelés marchois mais ils ne correspondent pas exactement à l'extension de la province de la Marche.

Sommaire

Le territoire

Carte de Tourtoulon et Bringuier, 1875. Les zones A et B sont des sous-dialectes du marchois.

Le territoire du Croissant a approximativement la forme d'un croissant effilé qui rejoint la vallée de la Tardoire en Charente à l'ouest, aux Monts de la Madeleine dans l'Allier à l'est. Ce croissant est très fin entre sa pointe occidentale et Le Dorat (entre 10 et 15 km de large), et s'élargit ensuite jusqu'à l'est : entre 30 km (au niveau de Guéret) et 45 km (au niveau de Culan).

Les villes occitanes les plus importantes du Croissant sont Guéret, Montluçon et Vichy.

L'attribution du Croissant à l'occitan

La grande majorité des linguistes spécialistes du Croissant affirment le caractère majoritairement occitan de cette zone linguistique (Tourtoulon & Bringuier, Dahmen, Escoffier, Chambon & Olivier, Quint). Seul Jules Ronjat exprime un avis plus prudent en refusant de dire explicitement si le Croissant relève plus de l'occitan ou du français. Suite à la prudence de Ronjat, quelques livres de vulgarisation occitaniste (Pierre Bec, Robert Lafont) ont hésité à présenter le Croissant comme une zone intégralement occitane. Néanmoins, les expériences culturelles menées dans le Croissant à partir des années 1970 (Quint, Merle) prouvent que la prise de conscience occitane, sur les plans linguistique et culturel, s'y fait sans difficulté. Actuellement, donc, et depuis les années 1970, les cartes éditées de l'Occitanie incluent presque toutes le Croissant dans le Pays d'Oc.

De même, l'écrivain occitan d'expression française Valery Larbaud (1881-1957), qui était originaire de Vichy, dans le Croissant, a exprimé dans Jaune bleu blanc (1927) son affection pour l'idée d'une grande Occitanie qu'il voulait voir se développer dans le futur.

Évolution historique, territoriale et linguistique

Les influences du français sont anciennes dans le Croissant: dès la seconde moitié du XIIIe siècle, les documents administratifs et juridiques y ont été écrits en français et non en occitan, aussi bien dans la Marche (domaine limousin) qu'en Bourbonnais (domaine auvergnat). Cela venait de la présence d'administrateurs et de seigneurs francophones. Dans le Bourbonnais, même, les premiers documents écrits connus en langue vulgaire sont des actes en français avec quelques formes occitanes insérées, à partir de 1245. Donc le Croissant a connu une situation de diglossie franco-occitane dès cette époque, bien longtemps avant la pénétration du français dans le reste de l'Occitanie.

Il est certain que la limite entre occitan et français a reculé au fil des siècles et qu'elle se trouvait plus au nord autrefois. Les parlers français situés au nord du Croissant (sud du Berry, nord du Bourbonnais) gardent encore les traces d'un substrat occitan (Dahmen).

L'avancée du français vers le Croissant est un phénomène long et progressif, il est différent de la désoccitanisation assez rapide du Poitou, de la Saintonge et de l'Angoumois qui se fit entre les XIIe/XIIIe et XVe siècles.

Dans les parlers du Croissant, la progression des gallicismes avance et fragilise l'occitan. Durant les derniers siècles, il semble que cette progression ait avancé plus vite dans la Marche (domaine limousin) qu'en Bourbonnais (domaine auvergnat). Mais depuis le XXe siècle, dans tous les cas de figure, la généralisation du français a abouti à une situation de diglossie et de substitution linguistique similaire dans l'ensemble de l'Occitanie. Cela relativise, aujourd'hui, l'aspect « francisé » de l'occitan du Croissant, puisque presque tous les parlers occitans se francisent.

Subdivisions dialectologiques

Il n'existe pas de subdivision dialectologique nette dans le Croissant et l'impression générale est celle d'une grande fragmentation. Il n'y a pas de limite claire entre auvergnat et limousin, étant donné que la « limite » entre ces deux dialectes est une vaste zone de transition dans tout l'est de la région Limousin (bien au-delà du Croissant).

En tout cas, d'un point de vue culturel, et éventuellement dialectologique, l'ouest du Croissant se rattache plutôt au Limousin ou à la Marche (on parle de marchois, en tant que sous-dialecte du limousin), tandis que l'est du Croissant se rattache au Bourbonnais (et au domaine dialectologique auvergnat).

Dans le domaine auvergnat, on distingue une zone d'influence du francoprovençal dans le sud-est du Bourbonnais (sud-est de l'Allier), vers la Montagne bourbonnaise. Le d intervocalique y est tombé depuis une époque très ancienne, en particulier dans la terminaison -aa (pour -ada), comme en vivaro-alpin (où la chute de d s'explique également par la proximité avec le francoprovençal).

Les traits des parlers du Croissant

Les parlers du Croissant sont assez hétérogènes (selon Ronjat) mais on y trouve souvent les caractéristiques suivantes:

  • D'après les témoignages des occitanophones du Croissant, l'intercompréhension est un peu difficile mais souvent possible avec les autres parlers occitans situés plus au sud. Elle est beaucoup plus difficile avec les parlers français situés plus au nord.
  • Les voyelles finales -a et -e sont souvent complètement amuïes en occitan du Croissant, alors qu'elles se prononcent très nettement dans le reste des parlers d'oc. Par contre il est possible de faire entendre les terminaisons -as [a(:)] et -es [ej/ij] qui peuvent éventuellement attirer l'accent tonique. Malgré ce phénomène, il y a encore des traces de l'accent tonique mobile, qui peut tomber sur l'avant-dernière syllabe d'un mot (mot paroxyton) ou bien sur la dernière syllabe (mot oxyton), contrairement à ce qui se passe en français où l'accent tonique est toujours sur la dernière syllabe.
  • Les recours expressifs, malgré l'invasion de formes françaises (par ex. était fait concurrence à èra), gardent un grand nombre de traits occitans authentiques et même une grande créativité lexicale et idiomatique (Escoffier).

Voir aussi

Bibliographie

  • BEC Pierre (1995) La langue occitane, coll. Que sais-je? n° 1059, Paris: Presses Universitaires de France [1re éd.1963]
  • BONIN Marcel (1981) Le patois de Langy et de la Forterre (région de Varennes-sur-Allier), Cagnes sur Mer: Cahiers Bourbonnais
  • BONIN Marcel (1984) Dictionnaire général des patois bourbonnais, Moulins: impr. Pottier
  • BRUN-TRIGAUD Guylaine (1990) Le Croissant: le concept et le mot. Contribution à l’histoire de la dialectologie française au XIXe siècle [thèse], coll. Série dialectologie, Lyon: Centre d’Études Linguistiques Jacques Goudet
  • CHAMBON Jean-Pierre, & OLIVIER Philippe (2000) “L’histoire linguistique de l’Auvergne et du Velay: notes pour une synthèse provisoire”, Travaux de linguistique et de philologie 38: 83-153
  • DAHMEN Wolfgang (1985) Étude de la situation dialectale dans le Centre de la France: un exposé basé sur l’‘Atlas linguistique et ethnographique du Centre’, Paris: CNRS [1re éd. en allemand, 1983, Studien zur dialektalen Situation Zentralfrankreichs: eine Darstellung anhand des ‘Atlas linguistique et ethnographique du Centre’, coll. Romania Occidentalis vol. 11, Gerbrunn bei Würzburg: Wissenschaftlicher Verlag A. Lehmann]
  • ESCOFFIER Simone (1958a) La rencontre de la langue d’oïl, de la langue d’oc et du franco-provençal entre Loire et Allier: limites phonétiques et morphologiques [thèse], Mâcon: impr. Protat [éd. identique de la même année: coll. Publications de l’Institut de Linguistique Romane de Lyon-vol. 11, Paris: Les Belles Lettres]
  • ESCOFFIER Simone (1958b) Remarques sur le lexique d’une zone marginale aux confins de la langue d’oïl, de la langue d’oc et du francoprovençal, coll. Publications de l’Institut de Linguistique Romane de Lyon-vol. 12, Paris: Les Belles Lettres
  • JAGUENEAU Liliane (1987) Structuration de l’espace linguistique entre Loire et Gironde: analyse dialectométrique des données phonétiques de l’‘Atlas linguistique et ethnographique de l’Ouest’ [thèse], Toulouse: Université de Toulouse-Le Mirail
  • LAFONT Robert (1987) Clefs pour l’Occitanie, coll. Clefs, Paris: Seghers [1re éd. 1971b]
  • MERLE René (1977) Culture occitane per avançar, Paris: Éditions Sociales
  • QUINT Nicolas (1991) Le parler marchois de Saint-Priest-la-Feuille (Creuse), Limoges: La Clau Lemosina
  • QUINT Nicolas (1996) Grammaire du parler occitan nord-limousin marchois de Gartempe et de Saint-Sylvain-Montaigut (Creuse), Limoges: La Clau Lemosina
  • QUINT Nicolas (2002) “Le marchois: problèmes de norme aux confins occitans” [CAUBET Dominique, & CHAKER Salem, & SIBILLE Jean (2002) (dir.) Codification des langues de France, Paris: L’Harmattan, actes du colloque “Les langues de France et leur codification”, Paris, Inalco, 29-31 mai 2000: 63-76]
  • RONJAT Jules (1930-1941) Grammaire istorique [sic] des parlers provençaux modernes, 4 vol. [rééd. 1980, Marseille: Laffitte Reprints, 2 vol.]
  • TOURTOULON Charles de, & BRINGUIER Octavien (1876) Étude sur la limite géographique de la langue d’oc et de la langue d’oïl (avec une carte), Paris: Imprimerie Nationale [rééd. 2004, Masseret-Meuzac: Institut d’Estudis Occitans de Lemosin/Lo Chamin de Sent Jaume]

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