Accident ferroviaire d'Eschede

Accident ferroviaire d'Eschede
Photo de l'accident

Le 3 juin 1998 le bandage d'une roue d'un ICE 1 reliant Munich à Hambourg se brise à côté d'Eschede[1]. Le train se disloque sur une pile de pont, faisant 101 morts et une centaine de blessés (sur un total de 287 personnes présentes dans le train) : c'est le pire accident de train de l'histoire allemande depuis 1971, et le pire accident d'un train à grande vitesse au monde.

Quatre ans plus tard, 25 millions d'euros sont versés en compensation aux familles ainsi qu'aux rescapés.

Sommaire

Chronologie

Le train à grande vitesse ICE « Wilhelm Conrad Röntgen » roule de Munich vers Hambourg.

Après un arrêt à Hanovre à 10 h 30, le train poursuit son trajet vers le nord. À six kilomètres au sud d'Eschede, près de la ville de Celle, la jante d'une roue sur le troisième essieu de la première voiture, casse et part en morceaux. Certains de ces morceaux viennent percuter la caisse de la voiture voyageurs, où ils restent encastrés. La chaine d'évènement qui se succède alors en moins d'une minute prend des mois par la suite pour être reconstituée par les enquêteurs.

Alors que le train passe sur le premier d'une série de deux aiguillages, la jante métallique de la roue avariée heurte le rail guide (contre-rail) de l'appareil de voie, désolidarisant ce dernier. Celui-ci vient également transpercer le plancher de la voiture, et y reste planté, soulevant l'essieu en dehors des rails. À 10 h 59, une des roues maintenant déraillée frappe le système de commande du second aiguillage, changeant sa direction. Les essieux arrière de la troisième voiture sont dirigés vers la voie parallèle, et la voiture entière est ainsi projetée dans les piles du pont routier de 300 tonnes, les détruisant.

La quatrième voiture déraille également, suite à la déviation de la troisième, et se déplaçant toujours à 200 km/h, passe intacte sous le pont et roule sur le bas-côté, immédiatement après le pont. Trois agents d'entretien de la Deutsche Bahn qui travaillaient près du pont sont écrasés par cette voiture et tués sur le coup. La déchirure de la troisième voiture provoque l'arrêt automatique de la partie avant du train, de sorte que la locomotive et les deux premiers wagons, ainsi qu'un partie du troisième, s'arrêtent en gare d'Eschede, presque 3 km plus loin. Comme la deuxième partie de la cinquième voiture passe sous le pont, celui-ci s'effondre, détruisant complètement les véhicules qui se trouvaient dessous à ce moment. Les voitures restantes s'encastrent les unes dans les autres, en accordéon, le pont effondré ayant totalement obstrué la voie. Les voitures 6 et 7, la voiture de service, la voiture restaurant, les trois voitures de première classe numérotées 10 à 12 et la locomotive de queue déraillèrent toutes et viennent s'empiler violemment. Le chaos résultant a l'apparence d'une règle cassée en zigzag.

Une automobile a également été trouvée parmi les débris. Elle appartenait aux trois agents de l'équipement et se trouvait certainement sur le pont avant l'accident.

Le choc fait un bruit que les témoins décrivent plus tard comme « terrorisant », « horriblement fort », et « semblable à un crash aérien ». Les plus proches résidents, alertés par le bruit, arrivent les premiers à l'endroit du drame. À 11 h 02, la police locale déclare une situation d'urgence ; à 11 h 07, comme l'importance du drame apparait bientôt évidente, le niveau d'urgence est porté à celui « d'urgence majeure ». Plus de mille sauveteurs des services d'urgence régionaux, pompiers, services de secours, police et de l'armée sont mobilisés ; 37 spécialistes des situations d'urgence, qui participaient à une conférence près de Hanovre, portent également assistance dans les toutes premières heures du secours.

Bien que de nombreux passagers et le conducteur aient survécu dans la partie avant du train, il n'y a eu quasiment aucune chance de survie dans la partie arrière. En incluant les trois agents travaillant sur les voies, 101 personnes sont décédées dans l'accident.

Facteurs causals

Le type de roues

La première génération de train ICE (ICE1) est équipée de roues faites d'une pièce, connues sous le nom de roues « monobloc ». Une fois en service, il apparait rapidement que la fatigue et la déformation du métal provoquent des vibrations et une résonance importante à la vitesse de croisière. Des passagers notent ceci particulièrement dans la voiture-bar, où d'importantes vibrations sont rapportées dans la vaisselle : on peut même voir des verres se déplacer seuls sur les tables.

En tentant de résoudre le problème, les ingénieurs décident que la suspension des voitures de l'ICE peut être améliorée en utilisant un tampon de caoutchouc entre la roue et un bandage métallique. Un dispositif similaire est utilisé sur des tramways mais à des vitesses bien inférieures. Ce nouveau bandage, en forme de pneu plat, consiste en une armature métallique, entourée par un anneau de caoutchouc de 20 mm d'épaisseur, puis un anneau métallique relativement fin venant entourer le tout. Le nouveau dispositif n'est pas testé à grande vitesse avant d'être validé et mis en service mais il résout avec succès la gêne due aux vibrations à la vitesse de croisière.

À cette période, aucun système n'existe en Allemagne pour tester physiquement les limites de rupture d'une roue : aussi aucun prototype complet n'a été testé en conditions réelles. La forme et les spécifications reposent avant tout sur la connaissance en résistance des matériaux et sur la théorie. Très peu d'expérimentations ont été conduites en laboratoire et sur rail et celles qui ont eu lieu n'ont pas testé pas le comportement de la roue dans tout l'éventail des conditions possibles ni au-delà de la vitesse de croisière. Malgré tout, sur une période de plusieurs années, la nouvelle roue semble fiable et, jusqu'au moment de l'accident, n'a provoqué aucun souci majeur.

L'Institut IIS de la Fraunhofer-Gesellschaft est chargé d'une étude sur les causes de l'accident. Il est révélé plus tard que l'Institut a averti la Deutsche Bahn, dès 1992, sur les risques de rupture de bandage. Dans les mois qui ont précédé l'accident, l'autorité de transport de Hanovre rapporte que les bandages métalliques employés sur ses trains s'usent plus vite que prévu par les estimations ; elle décident unilatéralement de remplacer les roues plus tôt que ce qui est prescrit par les spécifications légales. En faisant cela, elle transmet son rapport et ses découvertes à tous les autres utilisateurs de roues fabriquées sur le même modèle, y compris les chemins de fer fédéraux allemands.

Il apparait rapidement que les forces dynamiques répétitives n'ont pas été prises en compte dans le modèle statistique utilisé lors de la conception ; le résultat est une marge de sécurité insuffisante. Les facteurs suivants, non pris en compte lors de la conception, sont notés :

  1. Le bandage métallique devient un peu plus elliptique à chaque tour de roue (approximativement 500 000 tours pour une journée normale d'exploitation), avec les effets de fatigue que cela induit.
  2. Contrairement à la roue monobloc, des fissures peuvent apparaître sur la face intérieure du bandage.
  3. Comme le bandage devient de plus en plus fin suite à l'usure, les effets des forces dynamiques et des micro-fissures s'aggravent.
  4. Les méplats et défauts sur la surface du bandage augmentent considérablement l'effet des forces dynamiques et accélèrent grandement l'usure.

La technique des « bandages » de roue a une longue histoire de problèmes et d'accidents qui remonte aux origines du chemin de fer. Inutile de préciser qu'ils ne sont plus utilisés en Allemagne.

Défaut d'arrêt du train

En n'arrêtant pas le train, le personnel du train et les passagers ont permis que s'enclenche la longue chaine d'événements qui a conduit au drame. En effet, si le train avait été stoppé immédiatement, les événements catastrophiques ne se seraient jamais produits. Conventionnellement, les chemins de fer appliquent la politique « arrêter et examiner », en cas de comportement anormal du train ou de bruit suspect à bord d'un train. Cependant, cela n'a pas été le cas à bord de l'ICE. Un temps important a été perdu lorsqu'un passager a essayé d'avertir le contrôleur à propos d'une grosse pièce de métal traversant le plancher, au lieu de tirer le signal d'alarme lui-même. Le contrôleur a refusé d'arrêter le train avant d'avoir étudié le problème lui-même, prétextant que c'était la politique de la compagnie. Cette décision a été confirmée par la justice et le contrôleur a été exonéré de sa responsabilité.

Autres facteurs

La forme du pont a aussi contribué à aggraver l'accident car il était soutenu par deux piliers fins à chaque extrémité, au lieu d'un tablier courant d'un accotement solide à un autre. Le désastre de Granville (Australie) en 1977 présentait une faiblesse similaire d'un pont. Le pont reconstruit est de type cantilever et ne souffre plus de ce genre de faiblesse.

Un autre facteur aggravant fut l'utilisation de soudures dans le corps du bogie qui se sont ouvertes pendant le crash[2].

Conséquences

Légales

En août 2002, deux responsables de la Deutsche Bahn et un ingénieur sont poursuivis pour homicide. Le procès dure 53 jours et voit défiler des experts du monde entier, critiquant mutuellement leurs approches et leurs conclusions. Le cas est réglé en avril 2003 par la prononciation d'une amende.

Techniques

En quelques semaines, toutes les roues de type similaires sont remplacées par des roues monobloc. Le parc allemand dans son intégralité est vérifié et les endroits où des appareils de voie jouxtaient des ouvrages d'art ou d'autres obstacles potentiels sont listés et vérifiés.

Les sauveteurs, sur le site du crash, rencontrent des difficultés considérables pour accéder aux victimes. La forme et l'épaisseur de l'aluminium et les vitres prévues pour résister à la pression opposent une résistance inattendue aux équipements de secours lourds. Tous les trains sont modifiés et munis de fenêtres prévues pour être cassées en cas de besoin.

Notes et références

  1. Dans le district de Celle, en Basse-Saxe (coordonnées : 52°44′04″N 10°13′13″E / 52.73444, 10.22028).
  2. Modern Railways, décembre 2004, p. 16.

Voir aussi

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