Course a la bombe (Seconde Guerre mondiale)

Course a la bombe (Seconde Guerre mondiale)

Course à la bombe (Seconde Guerre mondiale)

Cet article de synthèse traite des évènements en Europe antérieurs à l'ère de l'atome concrétisée par le projet Manhattan.

Attestant des échanges scientifiques entre physiciens européens, le septième et dernier Congrès Solvay avant le début des hostilités a lieu en 1933 ; Niels Bohr et Marie Curie sont présents, ainsi que Werner Heisenberg. Après ce septième congrès, leurs travaux deviennent des affaires intéressant la sécurité des États.

Lorsque les troubles des années 1930 atteignent l'Europe sur les plans politiques et sociaux, la communauté scientifique européenne a atteint le niveau d'avancée nécessaire pour amorcer la phase concrète de la fission du noyau de l'atome.

Les travaux de chimistes et de physiciens qui ont marqué la première moitié du XXe siècle, tels Niels Bohr et les époux Pierre et Marie Curie marquent des avancées d'importance.

Les savants fonctionnent dans un climat d'émulation concernant leurs avancées, ce qui est le principe d'une communauté scientifique.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale est déclarée, cette question devint l'affaire de tous : ce fut la course à la bombe.

Sommaire

Veille de la guerre

Réaction en chaîne dans le cadre de la fission par bombardement des isotopes.

Une première filière en Allemagne est en place à Berlin lors des années 1920 dans l'« institut de chimie de l'empereur Guillaume II », où Lise Meitner et Otto Hahn poursuivent les travaux de Max Planck. Parmi eux, se trouvait Walther Bothe, qui par la suite, mettrait en place le cyclotron allemand. À la fin de l'année 1938, le principe de la réaction en chaîne y est finalisé par Fritz Strassmann (voir Fission nucléaire)

Conscients à la fois de la portée de leurs travaux et de la dangerosité révélée de l'appareil nazi dont la prise de pouvoir devient totalitaire, les cerveaux s'exilent. Otto Frisch avait déjà suivi en 1933 ce chemin vers l'Angleterre. Il reste de leurs travaux à Berlin l'identification de l'eau lourde comme composant nécessaire aux tests.

Le projet concurrent en France a lieu au début de l'année 1939 dans les locaux du collège de France, où Frédéric Joliot-Curie, Irène Joliot-Curie et leur équipe (Lew Kowarski, Hans von Halban et Francis Perrin) réalisent une expérience aboutie[1].

Le programme britannique, sur lequel travaille alors Rudolf Peierls auprès d'Otto Frisch, était alors resté sur le plan théorique (résultats en 1940, mais c'était la guerre alors). Il deviendra le projet Tube Alloys.

Pendant la guerre

Institut de chimie Kaiser-Wilheim (aujourd'hui bâtiment Otto-Hahn de l'université libre de Berlin), l’endroit où fut découverte la fission nucléaire.

La perspective des hostilités met fin au climat d'émulation, remplacé par une logique de sécurité nationale sur le plan des États impliqués.

Le seul traitement industriel permettant de synthétiser de l'eau lourde en Europe, à ce moment, est situé à Vemork en Norvège, dans l'usine de Norsk Hydro (voir Eau lourde). Ce détail ne manque pas de s'ajouter à la route du fer dans la prise de décision menant à la campagne de Norvège. Car une fois la guerre déclarée, la portée stratégique décisive de ces travaux devient un champ secondaire de confrontation entre les puissances belligérantes d'Europe.

Le ministère de l'armement français, mandaté de fournir de l'eau lourde pour les besoins du collège de France, découvre que les Allemands ont proposé le rachat de l'ensemble des réserves d'eau lourde de Norsk Hydro, ce qui atteste d'un projet réactivé de leur côté. La diplomatie française alerte le gouvernement norvégien des usages militaires potentiels de ce produit, et procède à l'escamotage du stock via l'île de Grande-Bretagne par les services secrets.

La filière française est évacuée en avril 1940 vers Cambridge, stock d'eau lourde compris, juste avant que la percée de Sedan ne ruine les perspectives de l'état-major interallié.

Le gouvernement britannique instaure la commission MAUD pour coordonner les efforts du projet Tube Alloys ; en 1943, tout est arrêté et les éléments utiles sont transférés dans le Nevada aux États-Unis en vertu de l'accord de Québec dans le cadre du projet Manhattan.

Les nazis relancent une seconde filière, par le biais de deux équipes de scientifiques dans la course à la bombe :

  • l'une dirigée vraisemblablement par Werner Heisenberg, prenant la succession à l'Institut Kaiser-Wilhelm [2]. Cette seconde équipe côtoyait alors des collègues « scientifiques » dont les travaux étaient marqués par l'infamie[3].
  • l'autre sous la houlette de Kurt Diebner, codé Forschungsstelle E sous le commandement de Karl Erich Schumann ((en) Erich Schumann) projet intégré à la SS en 1944. Associé à des ingénieurs ayant élaboré la charge creuse, leurs travaux dirigés par le Dr Walter Trinks portaient sur la nucléosynthèse et visaient à l'élaboration de la première bombe thermonucléaire.

Ni l'une ni l'autre de ces équipes n'aboutirent.

En juin 1942, un accident se produit à Leipzig sur une pile atomique à l'essai mais non fonctionnelle. Voir Liste des accidents nucléaires

Selon l'étude de Rainer Karlsch publiée en 2005 sous le titre (de) Hitlers Bombe (La Bombe de Hitler, 2007), les Allemands effectuèrent 2 essais de bombes d'une puissance explosive sensiblement équivalente à celle d'armes tactiques. Le procédé utilisé n'est pas bien établi, il pourrait s'agir de l'application des recherches sur les charges creuses. Certains témoignages laissent penser que des cobayes humains venant du camp de concentration d'Ohrdruf (Thuringe) ont été sacrifiés lors de la seconde expérience. Des analyses de la radioactivité ont montré des produits issus de réactions nucléaires.

Conscients du caractère décisif de ces projets, l'aviation alliée, à quatre reprises, mit fin à la production de l'eau lourde en Norvège occupée (voir Bataille de l'eau lourde).

Exfiltration

Jusque la veille de la chute du régime nazi, les hauts dirigeants et leurs supporters du complexe militaro-industriel (tel Hans Kammler, responsable de la production du missile V2 à Dora) plaçaient leur credo en l'aboutissement de ces projets de « machine infernale » pour le sort de la guerre. Adolf Hitler tenait des discours véhéments à cette époque : il évoquait fréquemment des « armes de représailles » sans autres précisions, ce qui donnait à penser aux autorités des Alliés, menant de leur coté le projet Manhattan, que les Allemands étaient près d'aboutir à la réaction nucléaire maîtrisée et que c'était donc la bombe atomique que Hitler sous-entendait.

C'est dans ce contexte que les Américains lancèrent l'opération Alsos. Il s'agissait d'une unité chargée de suivre l'avancée des Alliés en Europe et de mettre la main sur tout ce qui avait trait à la recherche allemande dans le domaine. Alsos arrêta plusieurs scientifiques allemands, dont Heisenberg. Il est significatif que ce dernier fut surpris de découvrir après sa capture à quel point les Alliés étaient avancés en juillet 1945, alors que ceux-ci en revanche furent surpris d'apprendre les échecs et retards de la science allemande en ce domaine.

En avril 1945, les forces alliées démantèlent le réacteur expérimental de la seconde équipe, situé à Haigerloch.

Les savants atomistes de l'Allemagne nazie furent exfiltrés en Angleterre et passèrent aux aveux (voir liste dans Operation Epsilon(en)). Après avoir consigné le résultat de leurs recherches, ils vinrent grossir le contingent scientifique de l'opération Paperclip.

L'URSS mit la main sur une autre partie de ces filières allemandes afin de rattraper son retard en la matière après les bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki.

Sensibilisés sur l'usage militaire des résultats de leur champ d'expérience par l'explosion des bombes sur le Japon, les plus importants scientifiques ayant vécu ces épisodes prirent part à des mouvements pacifistes dans l'après-guerre, notamment pour prôner la non-prolifération.

Voir aussi

Notes

  1. H. von Halban, F. Joliot et L. Kowarski, Nature, 143 (1939) 470 et 680.
  2. Lire la controverse dans Werner Heisenberg concernant sa rencontre confessionnelle avec Niels Bohr en Suède
  3. Eugénisme, anthropologie et hérédité : les théories nazies sur la race concrétisées par des prélèvements de cerveaux.

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