Comédie grecque antique

Comédie grecque antique
Esclave de comédie phlyaque, cratère à figures rouges du Groupe de Lentini-Manfria, v. 350-340 av. J.-C., musée du Louvre

La comédie (en grec ancien κωμῳδία / kōmōidía) est un genre littéraire et théâtral majeur de la Grèce antique, plus récent que la tragédie. Son origine est mal connue. Aristote[1] la rattache aux chants phalliques accompagnant les cortèges dionysiaques (κῶμοι / kỗmoi, voir komos), mais le passage de ces derniers à la comédie classique reste sujet à débat.

Si Épicharme est le premier auteur comique attesté, la comédie grecque est connue principalement par Aristophane, dont onze comédies ont été entièrement préservées — sans doute grâce à des anthologies scolaires d'époque romaine, recopiées ensuite au Moyen Âge. Une pièce entière de Ménandre, Le Dyscolos, a été retrouvée en 1956 par hasard dans un lot de papyrus acquis par un collectionneur genevois, Martin Bodmer. Par ailleurs, on dispose de fragments et/ou des titres d'environ 1500 comédies, préservées par des citations.

Sommaire

Genres

Comédie ancienne

Acteur jouant un esclave assis sur un autel, vidant la bourse qu'il vient de dérober, v. 400-375 av. J.-C., musée du Louvre

On appelle « comédie ancienne » la production comique athénienne du Ve siècle et du début du IVe siècle. Nous la connaissons essentiellement grâce à Aristophane. Les plus anciens auteurs connus sont Chionidès et Magnès, antérieurs de deux générations à Aristophane, puis Cratinos, Cratès, Eupolis, Phérécrate ou encore Phrynichos le Comique.

Elle se caractérise par des intrigues ayant toujours trait à la vie de la cité. Dans Les Acharniens, La Paix ou Lysistrata, Aristophane prend parti pour la paix pour mettre fin à la guerre du Péloponnèse ; dans Les Guêpes, il dénonce les effets pervers des institutions judiciaires athéniennes. On évoque (souvent pour les brocarder) des personnalités contemporaines, qui peuvent même apparaître sur scène. Ainsi, le démagogue Cléon est ridiculisé à longueur de pièce par Aristophane (Les Babyloniens, Les Cavaliers, etc.) tandis que Socrate apparaît « en personne » dans Les Nuées.

Elle se compose canoniquement comme suit :

  • prologue où le héros est présenté ;
  • εἴσοδος / eísodos ou πάροδος / párodos : entrée en fanfare du chœur, qui chante et danse ;
  • ἀγών / agṓn : lutte, au sens propre ou figuré, entre le héros et son ou ses adversaires, arbitrée par le coryphée (chef du chœur), qui s'achève par le triomphe du héros ;
  • παράϐασις / parábasis : intermède où le coryphée, rompant l'illusion théâtrale, s'adresse aux spectateurs pour délivrer un discours de politique générale ou plus prosaïquement faire la publicité de l'auteur, souvent aux dépens des concurrents :
  • divers épisodes où le héros célèbre sa victoire ;
  • ἔξοδος / éxodos, sortie du chœur et triomphe du héros, cloture de la pièce.

L'inventivité de l'auteur prime avant tout, et le public ne fait guère le délicat : plaisanteries obscènes ou scatologiques, caricatures grossières, accessoires phalliques, tout lui est bon. L'illusion comique reste faible, les protagonistes faisant souvent ouvertement allusion aux divers « trucs » de théâtre : Trygée, héros de la Paix, volant vers l'Olympe monté sur un bousier, supplie le machiniste manœuvrant la grue de faire attention. Dicéopolis, héros des Acharniens, suggère à Euripide d'emprunter l'eccyclème (sorte de plateau roulant destiné à introduire les acteurs sur scène) pour sortir de chez lui[2]. Le chœur, après le « combat de gueule[3] », introduit la parabase en annonçant qu'il est temps d'en venir aux anapestes, nom du vers employé[4].

Comédie moyenne

La transition entre comédie ancienne et nouvelle demeure mal connue. Suivant la tradition, on la qualifie de « comédie moyenne ». Les noms d'Antiphane et d'Alexis y demeurent attachés. Les Anciens attribuent à cette période plus de 600 pièces, toutes perdues. Cependant, on aperçoit déjà une évolution dans les deux dernières pièces conservées d'Aristophane, l'Assemblée des femmes et le Ploutos : la parabase disparaît, le chœur joue un rôle bien moindre, l'action progresse de manière plus logique. Apparemment, ces évolutions sont encore plus marquées dans des pièces désormais perdues, comme la Cuisine d'Éole — apparaissent des coups de théâtre promis à un bel avenir : enlèvement, viol et retrouvailles.

Nouvelle comédie

Masque de théâtre appartenant au type du Premier esclave de la Nouvelle Comédie, IIe siècle av. J.‑C., Musée national archéologique d'Athènes

La comédie nouvelle commence dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.‑C. Elle prend pour cadre celui de la maison. L'intrigue occupe une place beaucoup plus importante que dans la comédie ancienne où les épisodes de parades, après la parabase, étaient souvent sans lien marqué avec le début de la pièce. Elle devient plus cohérente, et les épisodes s'enchaînent de manière logique. Plutarque relate ainsi la réponse de Ménandre, à qui l'on demandait où en était sa pièce : « Ma comédie est faite, car l'intrigue est bâtie, il faut juste ajouter les vers[5]. » Le rôle du chœur s'efface : il n'assure plus que de brefs intermèdes entre les cinq « parties » (équivalents des actes du théâtre occidental) qui composent la pièce. Les échanges entre les acteurs sont généralement parlés.

Le grand thème est l'amour contrarié qui finit par triompher après bien des rebondissements : apparition d'un jumeau inconnu, reconnaissance d'enfants déposés, retour d'un personnage qui était cru mort, bâtards s'avérant légitimes, etc. Plus encore que dans la comédie ancienne, les personnages sont stéréotypés : le jeune premier est destiné à épouser la jeune première, l'esclave peut être filou ou au contraire malin, le soldat est immanquablement fanfaron, à l'instar du cuisinier. Ces grands types sont liés à des noms particuliers : un Moschion est toujours un jeune premier et un Gorgias un esclave.

Le style de la comédie nouvelle s'assagit : il est intermédiaire entre le registre courant et le soutenu. Les grossièretés sont généralement bannies et les lois de la bienséance sont respectées. Plutarque note qu'« il n'y a pas d'amour pédérastique et que la séduction des vierges y tourne, très convenablement, au mariage[6]. »

La comédie nouvelle est représentée pour nous par Ménandre, boudé par son époque (8 victoires pour 108 pièces) mais adulé par la période hellénistique[précision nécessaire]. Il faudra attendre le début de l'ère chrétienne pour qu'Aristophane reprenne le dessus. De fait, la comédie nouvelle est beaucoup plus facile à comprendre pour un non-Athénien : plus d'allusions à tel ou tel personnage, plus d'intrigues liées à l'histoire de la cité. La comédie nouvelle s'exporte donc à Rome, où elle sera adaptée au IIIe siècle sous le nom de comedia palliata et abondamment reprise par Plaute et Térence. Il semble même que certaines pièces grecques étaient simplement traduites : ainsi du Collier de Cæcilius Statius, traduite selon Aulu-Gelle[7] du Plòkion de Ménandre.

Note

  1. Aristote, Poétique, 1449b.
  2. Acharniens, vers 407.
  3. Expression employée par Victor-Henry Debidour dans sa préface au Théâtre complet d'Aristophane, traduit par ses soins pour les éditions Gallimard, 1965. Coll. « Folio », t. 1, p. 10.
  4. « Ἀλλ’ ἀποδύντες τοῖς ἀναπαίστοις ἐπίωμεν. » Acharniens, vers 627.
  5. Ménandre, la Gloire des Athéniens, 4 [347e-f].
  6. Plutarque, Propos de table, VII, 8, 3.
  7. Aulu-Gelle, Nuits attiques, II, 23, 22.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Jean-Claude Carrière, Le Carnaval et la politique. Une introduction à la comédie grecque suivie d'un choix de fragments, Belles Lettres, Paris, 1979 (ISBN 2-251-60212-7) ;
  • Paul Demont et Anne Lebeau, Introduction au théâtre grec antique, Livre de Poche, coll. « Références », 1996 (ISBN 2-253-90525-9) ;
  • Jean-Charles Moretti, Théâtre et société dans la Grèce antique, Livre de Poche, coll. « Références », 2001 (ISBN 2-253-90585-2) ;
  • Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », 1997 (ISBN 2-13-053916-5)  ;
  • (en) Francis H. Sandbach, The Comic Theatre of Greece and Rome, Chatto & Windus, Londres, 1977.

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