Combustible MOX

Combustible MOX

Le combustible MOX (ou MOx) est un combustible nucléaire constitué d'environ 7 % de plutonium et 93 % d'uranium appauvri. Le terme MOX est l'abréviation de « Mélange d'OXydes » (ou Mixed OXides en anglais) car le combustible MOX contient du dioxyde de plutonium (PuO2) et du dioxyde d'uranium appauvri (UO2).

Actuellement, le MOX n'est produit que par le groupe français Areva [1]. Cette production constitue un débouché technique pour le retraitement nucléaire du plutonium issu des combustibles usés[2]. Les États-Unis et la Russie ont aussi envisagé que leurs surplus militaires de plutonium puissent être éliminés sous forme de MOx dans le cadre de la politique internationale de désarmement nucléaire[3].

Sommaire

Histoire

Le MOX est apparu vers les années 1960 dans les centres de recherche (la première irradiation connue est celle du réacteur BR3 de Mol (Belgique) en 1964) et fut même testé par les États-Unis, qui le rejetèrent le considérant dangereux et peu rentable.

Dans les années 1980, le gouvernement français met en place un programme de combustible nucléaire utilisant le plutonium. EDF signa alors un accord avec la COGEMA pour utiliser du combustible MOX dans certains de ses réacteurs nucléaires, sous la condition que cela soit économiquement intéressant. Pourtant, en 1989, EDF a calculé que l'utilisation du MOX ne serait pas économiquement intéressante. Les coûts additionnels sur 10 ans de l'utilisation du combustible MOX à la place de l'uranium étaient estimés à 2,3 milliards de francs, soit environ 350 millions d'euros. Mais puisque le contrat de traitement était déjà signé avec la COGEMA, EDF décida de poursuivre le programme MOX afin de maintenir l'option de traitement ouverte pour les prochaines générations de réacteurs nucléaires.

L'explication du député français Christian Bataille sur l'origine de l'utilisation du MOX en France est la suivante : « l'échec [...] de la filière des surgénérateurs - en 1997 - posait le problème de la pertinence du traitement. Pourquoi, en effet, continuer des opérations compliquées et coûteuses s'il n'existe plus de débouché pour les produits issus du recyclage ? Face à cette situation, la France, qui disposait avec les installations de l'usine de retraitement de la Hague d'importantes capacités de traitement, a décidé de se tourner vers une solution alternative : la fabrication du combustible MOX. ».

Fabrication

Le combustible MOX est fabriqué à partir d'un mélange de :

Le MOX contient entre 7 à 8 % de plutonium, dont 4 à 5 % fissible, c'est à dire essentiellement du Plutonium 239 et à la marge du Pu-241 très instable (demi-vie de 14 ans), le reste étant essentiellement formé par les isotopes 240 (fertile) et 242 (non fissile et très peu fertile).

Le plutonium provient de la transmutation de l'uranium 238 dans un réacteur nucléaire, dont il constitue un sous-produit. La combustion de ce plutonium en réacteur permet une diminution globale de la quantité de plutonium à traiter en tant que déchet. Par séparation chimique, le plutonium est récupéré puis transformé en dioxyde de plutonium avant d'être mélangé avec du dioxyde d'uranium selon le procédé MIMAS [4] pour former le MOX.

C'est le plutonium fissile qui donne au combustible MOx sa réactivité nucléaire initiale ; par la suite, l'uranium 238 présent dans le mélange est progressivement transformé en plutonium et remplace en partie le plutonium consommé. De ce fait, il n'y a pas besoin d'enrichir l'uranium. Un intérêt du MOX réside dans la possibilité d'utiliser de l'uranium naturel, voire de l'uranium appauvri, en place du traditionnel uranium enrichi. L'uranium appauvri étant un déchet de la production de l'uranium enrichi ou le résidu des barres de combustible usagé, il est possible de fabriquer du nouveau combustible nucléaire sans nouvel apport en uranium naturel, donc uniquement à partir de déchets de l'industrie nucléaire.

Le plutonium est beaucoup plus radioactif que l'uranium. De ce fait, avant utilisation, les pastilles de MOX sont plusieurs milliers de fois plus radioactives que celles d'uranium[5]

Utilisation

En 2011, la majeure partie des réacteurs utilisant le MOX ont été initialement conçus pour ne brûler que de l'uranium. Seul un petit nombre de ces réacteurs peuvent actuellement utiliser ce combustible, et en quantité limitée. Aucune centrale dans le monde n'utilise actuellement plus de 30 à 50 % de combustible MOX, le reste du combustible étant de l'uranium enrichi[6]).

Par rapport à un combustible classique, du fait de la présence de plutonium fissile dans le combustible, un nombre de fissions plus important est provoqué par les neutrons rapides, avant qu'ils ne soient ralentis. La conséquence en est que les moyens de contrôle de la réactivité, qui agissent principalement sur les neutrons lents, sont moins efficaces ; il faut alors les renforcer[7]. Par ailleurs, les réacteurs " moxés " se caractérisent par une diminution des contre-réactions de vide[7]. En outre, un nombre plus réduit de neutrons retardés étant émis après une fission, le combustible est plus sensible à des variations rapides de réactivité[7].

Une fois effectués ces changements mineurs d'équipement et de modes de conduite, le réacteur présente des caractéristiques intéressantes pour l'exploitation, comme une perte de réactivité moindre qu'avec le combustible classique[7].

Certaines centrales ont été conçues pour fonctionner avec 100 % de MOX : le réacteur pressurisé européen (EPR) à la centrale nucléaire de Flamanville, en France, ou bien la centrale nucléaire de Palo Verde, aux États-Unis. L'EPR moxé permettrait une consommation nette de plutonium, avec toutefois comme conséquence un accroissement des quantités produites d'actinides mineurs (américium, neptunium et curium). En première approximation, on peut considérer qu'une tranche EPR moxé à 100 % serait susceptible de consommer environ 3 tonnes de plutonium par an[7].

Utilisation en France

En 2011, l'usine Mélox du site nucléaire de Marcoule dans le Gard produisait 140 tonnes de MOX par an.

Sur l'ensemble du parc français, EDF utilise le mélange MOX depuis les années 1990 pour 20[8] réacteurs nucléaires à eau pressurisée (REP, ou PWR en anglais) d'une puissance de 900 MW. Il s'agit de :

Utilisation au Japon

Une dizaine de compagnies électriques japonaises gérant des centrales atomiques ont des projets d'utilisation de MOX, à partir de mars 2011 pour la plupart. La compagnie française Areva a signé plusieurs contrats en 2006 puis 2008 avec quatre de ces sociétés pour la fabrication du MOX[9].

Depuis décembre 2010, Kyushu Electric Power Company a introduit du combustible MOX dans la 3e tranche de la centrale nucléaire de Genkai[10].

L'exploitant japonais TEPCO utilisait, depuis février 2011, du combustible MOX dans le 3e réacteur de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, utilisation qui a duré fort peu de temps en raison des accidents nucléaires entraînés par le tsunami du 11 mars 2011 et les pannes consécutives sur les systèmes de refroidissement de la centrale.

Deux autres réacteurs utilisent actuellement du MOX au Japon[11].

Utilisation en Suisse

Trois réacteurs sur 2 sites consomment du MOX en Suisse :

Mox usagé

Théoriquement le MOX usagé pourrait être encore retraité, mais il contient des traces importantes d'isotopes divers qui réduisent l'activité de la fission (la réactivité nucléaire du matériau).

  • La qualité du plutonium se dégrade pendant l'utilisation du combustible MOX : dans un réacteur nucléaire à neutrons lents, le plutonium 239 présent initialement et dans des proportions massives, isotope fissile, se transforme en partie (quand il ne fissionne pas) en Plutonium 240, puis (par une capture neutronique supplémentaire) en Plutonium 241, qui se transforme assez rapidement en américium 241, nucléide à la fois neutrophage et fortement irradiant.
  • Par la suite, du fait de la présence initiale de plutonium, qui (par capture neutronique en réacteur) génère des actinides mineurs, les assemblages de MOX irradiés contiennent plus de deux fois plus d'actinides mineurs que les assemblages classiques. Les proportions des américium-241 et 242 sont notamment multipliées par 4, et celle du curium-244 par près de 10.

De ce fait, le retraitement nucléaire de ce combustible est nettement plus problématique que celui issu d'uranium. C'est pourquoi il n'est pas envisagé de retraiter de nouveau le Mox usagé[12].

De plus, après utilisation en réacteur, le MOX dégage plus de radioactivité et de chaleur que le combustible classique : le refroidissement du MOX usagé prend environ 10 fois plus de temps (50 ans au lieu de 5 a 8 ans), ce qui demande des installations de refroidissement plus grandes[13]. Si l'on voulait enfouir ces combustibles usés, la durée du refroidissement nécessaire serait de 60 à 100 ans[14].

Le plutonium ayant été concentré dans le combustible MOX, le volume de stockage des déchets HAVL issus du combustible MOx est réduit d'un facteur 8 environ par rapport à un cycle ouvert (un assemblage MOX concentre le plutonium de 7 assemblages UO2 retraités et en économise 1 supplémentaire)[15].

Le projet de réacteur à neutrons rapides lancé en 2010 et dénommé ASTRID vise à multirecycler le plutonium - même de qualité dégradée. C'est pourquoi il pourrait permettre d'envisager de réemployer une partie du combustible MOX usé[16].

Points de vue sur la filière MOX

Avantages

Selon le CEA[17], le MOX permet d'économiser de l’uranium enrichi et de réduire la quantité de plutonium parmi les déchets ultimes. L'uranium enrichi à 4 % est remplacé par un mélange contenant 8 % de plutonium et 92 % d'uranium appauvri, qui produit en fin de vie un mélange comprenant 4 % de plutonium, ce qui entraîne donc une diminution nette du stock de plutonium.

De plus les déchets contenant du plutonium seraient moins volumineux[15].

Une porte d'entrée vers la filière Thorium

Il est possible d'utiliser des techniques de fabrication proche de celles employées pour le MOX pour convertir du thorium en uranium 233. La matrice d'uranium appauvri serait remplacée par une matrice de thorium, le combustible permettrait alors une meilleure utilisation du plutonium (20 % au lieu de 15 %)[18] [19] et de produire de l'uranium 233 ouvrant la voix à Cycle du combustible nucléaire au thorium 1000 fois moins polluant. Une dizaine de réacteurs classiques équipés en « TOX » pourraient produire assez d'uranium 233 pour démarrer un réacteur nucléaire à sels fondus ; en équipant la totalité du parc, il serait possible de basculer toute la filière électro-nucléaire en une à deux décennies.

Inconvénients

Le combustible MOX est beaucoup plus radioactif et radiotoxique que le combustible à base d'uranium enrichi, de l'ordre de dix à cent mille fois plus. De ce fait, la fabrication du combustible MOX, son transport à travers le monde et son utilisation dans un réacteur nucléaire nécessitent des précautions particulières en termes de radioprotection des travailleurs[20] et des populations des territoires traversés.

De plus, le caractère potentiellement proliférant de son contenu en plutonium impose des précautions supplémentaires en termes de sécurité nucléaire[21],[22]. De ce fait, certaines ONG telles que Greenpeace affirment que le développement du commerce international du combustible MOX et du retraitement nucléaire associé pourrait accroître (plutôt que réduire) le risque de prolifération nucléaire[23].

D'un point de vue économique, le retraitement des combustibles irradiés est plus coûteux que son stockage[24]. Les emplois de la filière ne sont pas menacés par l'arrêt du MOX car il y a un énorme travail sur le stockage et la gestion des déchets radioactifs ainsi que la mise au point des techniques de démantèlement des centrales et des usines nucléaires[24].

Risques d'accident

Les différences de comportement entre le plutonium et l’uranium peuvent atteindre la sécurité des réacteurs nucléaires moxés. En effet, les propriétés physiques du MOX affectent les performances thermiques et mécaniques des assemblages combustibles. En particulier, le MOX entre en fusion beaucoup plus rapidement que l’uranium enrichi, car son point de fusion est plus faible[25].

Certains réacteurs entrés en fusion lors de l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi carburaient avec du combustible MOX, et du combustible MOX était aussi présent dans les piscines de désactivation de cette centrale lors de l'Accident nucléaire de Fukushima[réf. nécessaire].

Notes et références

  1. AFP - 03 août 2011 : Fermeture de Sellafield : la France restera seule à produire du Mox !
  2. AREVA : Melox
  3. IEER - Energie et sécurité 02/1998 : L'utilisation du plutonium militaire comme combustible de réacteur
  4. Procédé MIMAS. Consulté le 17 mars 2011
  5. Le plutonium utilisé a une demi-vie de l'ordre de dix à cent mille ans (10^4), alors que l'uranium a une demi-vie de l'ordre du milliard d'années (10^9) : de ce fait, le plutonium est dix à cent mille fois plus radioactif que l'uranium (10^5), et le MOx (qui contient de l'ordre de 10% de plutonium) est de mille à dix mille fois plus radioactif. Le chiffre exact dépend de l'enrichissement de l'uranium et de la composition isotopique du plutonium.
  6. MOX program in USA, 2009. Consulté le 17 mars 2011
  7. a, b, c, d et e L'aval du cycle nucléaire, Christian Bataille et Robert Galley, Rapport de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques No 612 (1997 / 1998)
  8. Le combustible MOX, sur le site de l'Autorité de sûreté nucléaire.
  9. Communiqué de presse d'Areva sur la production de MOX pour le Japon
  10. Dépêche Reuters contenant la liste des projets japonais d'utilisation du MOX
  11. L'inquiétude de Melox, fournisseur de la centrale nucléaire japonaise, Midi Libre, 12/03/2011.
  12. laradioactivite.com : la radioactivité du MOX
  13. http://www.laradioactivite.com/fr/site/pages/laradioactivitedumox.htm
  14. Quelles énergies pour demain? Par Robert Dautray, Editions Odile Jacob
  15. a et b Louis Patarin Le cycle du combustible nucléaire EDP Sciences 2002. p. 174
  16. defis.cea.fr/defis/152/CEA%20152_p06-10.pdf
  17. Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, Énergie nucléaire : le parc actuel, daté de novembre 2005, consulté le 21 novembre 2011.
  18. http://cpdp.debatpublic.fr/cpdp-dechets-radioactifs/docs/pdf/cahiers-d-acteurs/sfpdefweb.pdf
  19. http://www.sfpnet.fr/fichiers_communs/commissions/Culture_scientifique/fichiers/152_DAVID.pdf
  20. Autorité de Sureté Nucléaire française (ASN) - 31/10/2011 : Le combustible MOX
  21. Is U.S. Reprocessing Worth The Risk?
  22. Plutonium proliferation and MOX fuel
  23. www.greenpeace.fr/stop-plutonium/dossiers/MOX_proliferation.pdf
  24. a et b Bernard Laponche - Le Journal du Dimanche - 20/11/2011 : Il n’y a aucun intérêt à conserver le MOX
  25. “The Importance of MOX Fuel Quality Control in Boiling-Water Reactors”, Dr Edwin S. Lyman, Scientific Director, Nuclear Control Institute, Washington DC, December 14th [

Annexes

Articles connexes

Liens externes



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