Choses humaines, trop humaines

Choses humaines, trop humaines

Humain, trop humain

Humain, trop humain (ou Choses humaines, trop humaines). Un livre pour esprits libres (Menschliches, Allzumenschliches. Ein Buch für freie Geister) est une œuvre du philosophe Friedrich Nietzsche, publiée, pour le premier tome, en 1878. Un second tome fut publié par la suite, réunissant Vermischte Meinungen und Sprüche (Opinions et sentences mêlées) et Der Wanderer und sein Schatten (Le Voyageur et son ombre). Le livre est dédié à Voltaire.

Sommaire

Genèse de l'œuvre

Ce livre marque une rupture dans la vie de Nietzsche. Gravement atteint dans sa santé, et alors qu'il se croit à l'article de la mort, il envisageait d'écrire un livre intitulé Le Soc. Presque aveugle et subissant des crises de paralysie, il fut aidé par Paul Rée (dont il se sent alors proche intellectuellement) dans la rédaction de l'ouvrage.

Son état d'esprit était, selon ses proches, d'un cynisme effrayant, cynisme que sa sœur attribua à son état physique. Nietzsche considérait au contraire que la souffrance psychologique qu'il supportait lui avait donné la plus grande lucidité sur les problèmes les plus importants de la philosophie, et que cela l'avait délivré définitivement de ses égarements wagnériens.

Un schéma de la genèse du Voyageur et son ombre (avec les images des différents manuscrits) peut être consulté sur le site HyperNietzsche (consulter).

Projet d'une chimie des idées et des sentiments

Le premier aphorisme du livre en annonce le sujet, sujet qui donne une explication du titre : la philosophie historique conduit à revoir les prétentions des valeurs humaines, trop humaines.

Cette philosophie historique découle d'une réévaluation des problèmes philosophiques rendue possible par la réfutation de la métaphysique. En effet, la métaphysique explique l'origine et la nature de tous les concepts moraux, religieux, philosophiques, artistiques, en y introduisant une division temporelle caractéristique qui leur attribue une valeur supranaturelle. Par exemple, la vérité, la raison, le beau, etc. auront une origine surnaturelle : ils ne sont pas engendrés, autrement dit il s'agit de valeurs éternelles, par opposition au caractère éphémère ou vain de l'erreur, des passions, etc.

Toute explication métaphysique étant écartée par Nietzsche, la question se pose de savoir comment nous pouvons encore expliquer ces concepts, ces sentiments, etc. Par exemple, si la vérité n'est pas éternelle, quelle relation a-t-elle avec l'erreur ? La vérité, de ce point de vue, pourrait être une variété de l'erreur. Ce qui est ici écarté, ce sont les explications métaphysiques qui opposent par nature des concepts ou des comportements psychologiques : pour Nietzsche, tout est en réalité nuances, gradations, il n'y a pas d'opposition. D'une manière générale, il faut alors comprendre comment certaines réalités naissent les unes des autres, la vérité de l'erreur, l'altruisme de l'égoïsme, etc, ce que Nietzsche nomme une chimie de nos sentiments et de nos représentations.

Pour Nietzsche, cela suppose de faire l'histoire de ces réalités, et d'en faire une analyse comparable à l'analyse chimique. Ceci démontre en particulier l'importance de la psychologie pour comprendre la genèse des valeurs humaines (par exemple, plus tard, dans Par-delà bien et mal, première partie, Nietzsche fera une psychologie des philosophes). Il énonce ainsi dès le premier aphorisme ce que devrait être une méthode débarrassée de la perspective métaphysique :

  • l'observation morale scrupuleuse et fine ;
  • l'art de la nuance : la réalité est faite de degrés ;
  • la nécessité de formuler une théorie de la sublimation des instincts pour expliquer la nature de toutes les valeurs humaines.

Réception de l'œuvre

Les proches de Nietzsche n'approuvèrent pas ce livre, le rejetant (Wagner, Cosima), ou demeurant perplexe face à la « froideur stérile » des analyses (Erwin Rohde). Wagner, à qui Nietzsche avait envoyé le livre, ne fit aucune réponse, et publia plus tard un article prenant Nietzsche à partie, sans le nommer. Cosima Wagner soupçonna une corruption par « l'esprit juif » qu'elle attribua à Paul Rée. Cette accusation se retrouvera plus tard, à propos des dernières œuvres de Nietzsche, sous la plume de certains antisémites.

Anecdotes

Nietzsche, dans presque toutes ses œuvres, fait de nombreuses allusions à ses proches, allusions que le lecteur d'aujourd'hui ne peut immédiatement percevoir. Dans l'un de ses ouvrages de souvenirs, Elisabeth Nietzsche raconte qu'elle fut frappée, lors de sa première rencontre avec le couple Wagner, par la différence de taille entre Richard et Cosima : Wagner était en effet assez petit, et Cosima plutôt grande. Or, un aphorisme de Humain, trop humain compare les femmes d'hommes célèbres à des paratonnerres. Cosima comprit l'allusion, ce qui la mit en fureur, et elle exprima sa colère contre cet humour qu'elle jugeait de très mauvais goût, dans une lettre à Elisabeth.

Bibliographie

  • Nietzsche. Philosophie de l'esprit libre. Études sur la genèse de Choses humaines, trop humaines, sous la direction de Paolo D'Iorio et Olivier Ponton, Éditions Rue d'Ulm, Paris, 2004.

Voir également

Liens

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