Brizard (acteur)

Brizard (acteur)
Jean-Baptiste Britard, dit Brizard

Jean-Baptiste Britard, dit Brizard, né à Orléans en 1721 et mort à Paris le 3 janvier 1791, est un comédien français.

De parents aisés, Brizard fut orphelin à l’âge de 10 ans. Il se décida d’abord pour la peinture, et travailla quelques années sous Carle Van Loo, premier peintre du roi, soutenu par Madame de Pompadour ; mais il se livra bientôt à son goût pour le théâtre et, après avoir joué en province avec succès, il vint à Paris remplir les premiers rôles dans le tragique. Brizard devint un célèbre acteur de la Comédie-Française et ce fut en 1759 qu’il succéda au fameux Sarrasin. Sa figure et sa taille avaient quelque chose de grand et fait pour le théâtre et pour le costume tragique. Sa voix mâle et sonore se prêtait parfaitement à la déclamation.

Ce fut lui qui couronna Voltaire en plein théâtre ; et ce grand poète en fut si ravi qu’il lui dit : « Monsieur, vous me faites regretter la vie ».

Brizard participa à la première représentation d’Agathocle, avant-dernière pièce de Voltaire, donnée pour l’anniversaire de sa mort en 1779. Irène fut la dernière pièce de Voltaire représentée du vivant de l’auteur. Il avait eu le temps, toutefois, de distribuer les rôles d’Agathocle : « Je crois que Larive et Molé joueront bien les rôles des enfants d’Agathocle, qu’Ydasan convient fort à Monvel, que les cheveux blancs et la voix de Brizard suffiront pour Agathocle, et que le rôle d’Ydace est beaucoup plus dans le caractère de Mme Vestris que celui d’Irène, pourvu qu’elle se défasse de l’énorme multitude de ses gestes » (20 avril 1778).

Voltaire mourut le 30 mai. Mme Denis fit à la Comédie une cession de tous les honoraires qui pourraient être dus pour les représentations de son oncle. C’était bien le moins que les Comédiens reçussent, à sa requête, la dernière tragédie du poète, et il fut convenu en effet qu’Agathocle serait représenté le 31 mai 1779 pour l’anniversaire de la mort de l’auteur. Agathocle fut affiché, comme Irène, avec Le Tuteur, de Dancourt, pour petite pièce. Avant le lever du rideau, Brizard lut le discours qu’on trouvera ci-après. La distribution des rôles n’était pas la même que celle à laquelle Voltaire avait songé, ainsi qu’on le verra par la note qui est au-dessous de la liste des personnages. Agathocle n’eut que quatre représentations. Le jour de la première représentation de cette pièce, Brizard prononça un discours où l’on a reconnu la manière d’un philosophe illustre, qu’une amitié tendre et constante unissait à Voltaire, et qui a longtemps fait cause commune avec lui contre les ennemis de l’Humanité. La Grèce a cultivé à la fois tous les arts et toutes les sciences ; mais la première représentation de l’Œdipe à Colone ne fut point annoncée par un discours de Platon.

Le tombeau de Brizard était au Musée des monuments français. L’épitaphe qu’on y lit est de Ducis.

Discours

« La perte irréparable que le théâtre, les lettres, et la France, ont faite l’année dernière, et dont le triste anniversaire vous rassemble aujourd’hui, a été, depuis cette fatale époque, l’objet continuel de vos regrets. Vous avez du moins eu la consolation de voir ce que l’Europe a de plus grand et de plus auguste partager un sentiment si digne de vous; et les honneurs que vous venez rendre à cette ombre illustre vont encore satisfaire et soulager tout à la fois votre juste douleur. Pour donner à cette cérémonie funèbre tout l’éclat qu’elle mérite et que vous désirez, nous avions pensé d’abord à remettre sous vos yeux quelqu’une de ces tragédies immortelles dont M. de Voltaire a si longtemps enrichi la scène, et que vous venez si louvent y admirer; mais dans ce jour de deuil, où le premier besoin de vos cœurs est de déplorer la perte de ce grand homme, nous croyons ajouter à l’intérêt qu’elle vous inspire, en vous présentant la pièce qu’il vous destinait quand la mort est venue terminer sa glorieuse carrière.

Vous verrez sans doute, messieurs, avec attendrissement l’auteur de Zaïre et de Mérope, accablé d’années, de travaux, et de souffrances, recueillant tout ce qui lui restait de force et de courage pour s’occuper encore de vos plaisirs, au moment où vous alliez le perdre pour jamais ; vous connaîtrez tout le prix qu’il mettait à vos suffrages, par les efforts qu’il faisait au bord même du tombeau pour les mériter, efforts qui peut-être ont abrégé une vie si précieuse.
Un peuple dont le goût éclairé pour les beaux-arts revit en vous, le peuple d’Athènes, entouré des chefs-d’oeuvre que lui laissaient en mourant les artistes célèbres, semblait, au moment de leurs obsèques, arrêter ses regards avec moins d’intérêt sur ces productions sublimes que sur les ouvrages auxquels ces hommes rares travaillaient encore lorsqu’ils avaient été enlevés à la patrie. Les yeux pénétrants de leurs concitoyens lisaient dans ces respectables restes toute la pensée du génie qui les avait conçus. Ils y voyaient encore attachée la main expirante qui n’avait pu les finir; et cette douloureuse image leur rendait plus cher l’illustre compatriote qu’ils ne possédaient plus, mais qui jusqu’à la fin de sa vie avait tout fait pour eux. Vous imiterez, messieurs, cette nation reconnaissante et sensible, en écoutant l’ouvrage auquel M. de Voltaire a consacré ses derniers instants ; vous apercevrez tout ce qu’il aurait fait pour le rendre plus digne de vous être offert; votre équité suppléera à ce que vos lumières pourraient y désirer ; vous croirez voir ce grand homme présent encore au milieu de vous, dans cette même salle qui fut soixante ans le théâtre de sa gloire, et où vous-mêmes l’avez couronné, par nos faibles mains, avec des transports sans exemple; enfin vous pardonnerez à notre zèle pour sa mémoire, ou plutôt vous le justifierez, en rendant à sa cendre les honneurs que vous avez tant de fois rendus à sa personne.
Quel ennemi des talents et des succès oserait, dans une circonstance si touchante, insulter à la reconnaissance de la nation, et en troubler les témoignages ? Ce sentiment vil et cruel ne peut être, messieurs, celui d’aucun Français, et serait d’ailleurs un nouveau tribut que l’envie payerait, sans le vouloir, aux mânes de celui que vous pleurez. »

— Discours prononcé le 31 mai 1779 par Jean-Baptiste Britard dit « Brizard  » avant la première représentation d’Agathocle de Voltaire.

Sources

  • Dictionnaire historique, critique et bibliographique, par une Société de Gens de Lettres, Paris, Mesnard et Desenne, Libraires, Rue Gît-le-Cœur, n° 8, 1821.
  • Cahiers Voltaire.

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