Mona Heftre

Mona Heftre (née en 1953 à Condat, Gironde) est une comédienne et chanteuse française.

Biographie

Jeunesse

Mona Heftre passe son enfance dans la campagne bordelaise, à Condat. Son père est jardinier et sa mère s'occupe de la famille nombreuse. A l'adolescence, Mona a un caractère bien trempé, porte des minijupes, et apprécie Jacques Dutronc, Léo Ferré, Led Zeppelin, Frank Zappa, les Rolling Stones, Boris Vian, Laurent Terzieff, les Shadocks, Hara-Kiri ou Charlie Hebdo. Contrairement à ses frères et sœurs aînés, elle refuse d'entrer en apprentissage et décide seule de passer son baccalauréat.

A cette époque Mona organise des soirées poétiques à la salle des pompiers. Elle découvre le théâtre au lycée grâce à une surveillante, qui amène Mona à Bordeaux pour voir jouer Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Fernando Arrabal dans les cafés-théâtres.

En 1968, elle est marquée par le spectacle déjanté de Robinson Crusöé par le Grand Magic Circus^[1] : un spectacle déjanté avec de jolies filles qui dansent, chantent et s'amusent, un acteur qui passe nu au-dessus du public accroché à une liane, le tout accompagné par deux orchestres, un de chaque côté de la scène.

Mona passe son bac, obtient la bourse qu'elle avait demandée pour entrer à la fac, mais elle choisit finalement la vie d'artiste et part à Paris sans rien dire. Elle ne reviendra que des années plus tard.

Elle gagne d'abord sa vie comme modèle, pin-up de calendriers et couvertures de romans-polars. Elle rencontre Marcelle et sa baraque de foire, qui engage Mona comme vedette pour un striptease sur le titre L.A. Woman des Doors, et tourne durant tout un été avec les forains.

La comédienne

Le Grand Magic Circus (de 1973 à 1986)

Colette Godard, alors journaliste, fait un court portrait de Mona Heftre dans le magazine Elle et lui fait rencontrer le directeur de la troupe du Grand Magic Circus, Jérôme Savary, dans la roulotte de Mona. Celui-ci l'engage immédiatement pour jouer le rôle de sa fille dans un film qu'il vient d'écrire avec Roland Topor pour sa troupe, la Fille du garde-barrière (une dizaine de filles hilares se balancent à cheval sur un phallus géant en carton-pâte dessiné par Topor). Mona devient la concubine de Jérôme Savary pendant le tournage de ce film.

Elle joue ensuite Calamity Jane dans le film de Jacques Robiolles, puis le rôle de Mona Mour dans le film Change pas de main de Paul Vecchiali.

Mona Heftre rejoint alors le Grand Magic Circus lors de la création de la troupe, avec ses comédiens hétéroclites (un Brésilien, un Uruguayen, un Argentin, une Norvégienne, une Anglaise, une Ghanéenne et quelques Français) et les quelques musiciens, tout ce petit monde vivant la vie de bohème dans ambiance chaleureuse. Mona va dès lors enchaîner les représentations et participera à tous les spectacles de la troupe :

• Goodbye Mister Freud (1973) au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Gotlib écrit des chansons pour la pièce. Dracula, sourire éclatant (les dents passées au fluo!), en funambule très élégant se balance, une bouteille de champagne à la main^[2], sur un pont de lianes trois mètres au-dessus du public en chantant un tango chaloupé.

• De Moïse à Mao, 5000 ans d'aventures et d'amour (1974). La pièce est jouée à Hambourg. La troupe court pieds nus sous la neige autour du chapiteau pour faire les entrées et les changements au pas de course. Sur scène, il y a un brouillard épais dû à la condensation. Dans la brume, vision fantomatique de jeunes vierges (dont fait partie Mona) en robes de mariées traversant la salle en chantant dans la brume : "It’s nearly fool moon, Oh I wish it will come soon". Guillermo Gallardo, le baryton argentin de la troupe, chante "Je suis un vampire middle class, tout le monde me trouve dégueulasse" (paroles de Topor) et vampirise les vierges l’une après l’autre, qui se jettent alors dans le public, mordant au cou les spectateurs. L’ambiance est à la hauteur des grands films d’épouvante...

• Les grands sentiments (1975). Financièrement, cela devient de plus en plus difficile, et sans subventions, il leur faut se passer d'une partie de la troupe et réduire l'orchestre. Jérôme Savary étant interdit bancaire, le spectacle est produit avec 10 000 francs déposés sur le compte en banque de Mona. Le couple vit alors à l'hôtel Parisiana, leur maison ayant été saisie pour régler les dettes du Magic Circus.
  Chaque soir après les répétitions, Jérôme Savary écrit les scènes du lendemain sur sa Remington. On leur donne des costumes de l’ancien TNP. Mona y retrouve des chaussures de Maria Casarès et un pourpoint de Rodrigue de Michel Dussarat. Dans le train les conduisant à Villeneuve-sur-Lot pour la première représentation, Mona coud les dernières étoiles au rideau de scène. Patrick Grandperret accompagne et filme la troupe.
  Au deuxième tableau du spectacle, l'orchestre se déchaîne. Mona se déshabille comme une diablesse et descend entièrement nue dans la salle. Elle choisit un spectateur et l’amène sur scène où un lit les attend. Michel Dussarat déshabille alors un spectateur et quitte la scène avec ses vêtements. Mona le prend alors par la main et se couche avec lui dans le lit. Jérôme Savary, en Monsieur Loyal et magicien, les recouvre d’un drap en philosophant sur l'amour. Roulements de tambour : dans ce lit se trouvait un grand trou au fond duquel Mona disparait et glisse un lapin dans les bras du spectateur... Jérôme Savary enlève le drap : "Mesdames, Messieurs : Elle lui a posé un lapin!" Le malheureux se retrouve tout nu dans la poursuite, tenant un lapin dans ses bras. Jérôme Savary le conduit alors par la main à l'avant-scène et le réconforte, continuant à philosopher sur les femmes et l'amour. Il s'agit là d'un des chauds-froids dont Jérôme Savary a le secret.
  À Barcelone, la troupe doit jouer la pièce pour la censure franquiste, aucun système pileux ne doit être vu : le soir, Mona colle sur son pubis un autocollant-tête de chat. Un soir de mistral au Théâtre de la Mer à Sète, l'unique toile peinte du spectacle s’envole et coule à pic.
  La troupe a joué ce spectacle un peu partout et dans toutes les langues, rajoutant au fil des tournées des toiles peintes, des accessoires et des costumes, apprenant le texte dans les trains et les avions qui les menaient de villes en pays.

• les Mélodies du Malheur (1979). La pièce est créée à Venise. La nuit précédant la première, la troupe cherche une fin au spectacle. A l’aube, épuisés sur le chemin de l’hôtel, vision surréaliste pendant le carnaval, ils croisent dans la brume des gens masqués. Le lendemain, le spectacle n’en finit pas de finir, mais tout se termine bien, en musique. Le public danse et est ravi.
  À Rome, Federico Fellini et sa femme Giulietta Masina assistent au spectacle. Tous les soirs après le spectacle, la trattoria locale installe tables et chaises devant le chapiteau et tout le monde s'y retrouve jusque tard dans la nuit. Un soir, Dario Fo se joint à eux. Mona Heftre et Jérôme Savary ont leur première fille, Nina, qui dort dans la caravane, tandis que Vely, la petite sœur de Mona, fait la baby-sitter et vend les programmes en costume d'Alice au pays des merveilles.

• Le Bourgeois Gentilhomme (1980). La pièce est créée sous chapiteau place Jean-Jaurès à Paris. C'est la première fois que Jérôme Savary monte un texte classique avec sa troupe, qui met tout son savoir-faire de saltimbanque au service de Molière. La pièce a un énorme succès, et la presse les encense. Un soir, la caissière arrive affolée dans la loge car il n'y a plus de place à vendre, et le public menace de tout casser si on ne le laisse pas entrer : le Grand Magic Circus jouera donc les portes ouvertes, tous les soirs.

• L’Histoire du Soldat (1982). À La Scala de Milan, Mona danse sur ce plateau de légende avec sa fille Nina, en petit ange en robe d’organdi et bouclettes. Nina a 4 ans, et sa sœur Manon danse dans mon ventre - elle naîtra un mois plus tard.

Après la naissance de leur deuxième fille, Mona participe moins aux tournées. Jérôme Savary dirige son premier centre dramatique à Montpellier, et de nombreux théâtres allemands lui offrent des mises en scène.

• Bye Bye Show-Biz (1984). Le dernier spectacle du Magic Circus est joué à Mogador. C'est l'histoire de comédiens se rencontrant à l'ANPE et cherchant, en vain, à monter ensemble un spectacle (De Moïse à Mao, l'une de leurs premières pièces, était l'histoire d'une troupe de théâtre partie conquérir l'Amérique et bloquée au bord du désert du Nevada).

L'après Grand Magic Circus

Après ses adieux à la troupe du Grand Magic Circus, Mona poursuit ponctuellement mais fidèlement son travail avec Jérôme Savary en interprétant des rôles importants dans ses spectacles : la comédie musicale Cabaret (Fraulein Kost) en 1986, D'Artagan avec Christophe Malavoy (Constance Bonnacieux) en 1988, Le Songe d'une nuit d'été (Titiana) en 1990, Zazou la même année, Mère Courage de Bertold Brecht (Petit Courage) au Théâtre national de Chaillot avec une troupe franco-allemande en 1995, La Périchole de Jacques Offenbach (Magdalena) en 1999, Zazou à nouveau en 2003 (le rôle de la mère), auprès de Jérôme Savary et de leur fille Nina, Demain la belle de Bernard Thomas en 2005-2006.

Mona Heftre a également participé à la création de deux mises en scène de Hans-Peter Cloos : Chambres (de Philippe Myniana) en 1992, ainsi que Kabaret Karl Valentin avec Yann Collette en 1993.
Elle a également joué dans l'Opéra de quat'sous (Jenny des Lupanars), dans la mise en scène de Charles Tordjman en 1995. Elle a participé au spectacle Y'a d'la joie !... et d'l'amour (d'après le répertoire de Charles Trenet) en 1997, et a joué dans Scandalouse de Serge Valetti en 2008, dans une mise en scène de Patrice Bornand.

La chanteuse

En 1994, à l'occasion du centenaire du cinéma, Mona monte un récital de chansons de films au Théâtre national de Chaillot, Noir et Blanc.

En 1997 elle enregistre le disque Les Mille baisers.

Mais son travail musical est alors marqué par sa rencontre avec le répertoire de Serge Rezvani^[3]. Mona interprète ses chansons au cours de multiples récitals : au Sentier des Halles, à Chaillot, au Musée Calvet à Avignon^[4], à l'Opéra Comique, à la Cité de la Musique, ainsi qu'en tournée. En 2000, un premier disque sort de cette collaboration, Tantôt Rouge tantôt bleu, chez Actes Sud (Grand prix de l'Académie Charles-Cros). Séduit par ces nouvelles interprétations, l'écrivain Serge Rezvani, qui avait complètement délaissé ses chansons depuis de nombreuses années pour l'écriture, se remet à la composition et offre à Mona des titres inédits. On peut les entendre sur l'album en public Embrasse-Moi, sorti en 2005 chez Harmonia Mundi.

Filmographie

• 1974 : Change pas de main, de Paul Vecchiali (sous le nom de Mona Mour)

Voir aussi

Liens internes

• Jérôme Savary
• Serge Rezvani

Liens externes

• Site officiel
• Interview
• Mona Heftre sur l’Internet Movie Database - Version plus complète en anglais

Références

1. ↑ Pendant le festival Sygma.
2. ↑ La pièce est parrainée par le champagne Taittinger.
3. ↑ C'est en redécouvant la chanson Jamais je ne t'ai dit que je t'aimerais toujours, ô mon amour, dans le film Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, qu'elle en est venue à s'intéresser à l'auteur de cette chanson.
4. ↑ Pour France Culture.