Julio Meinvielle

Julio Meinvielle

L'abbé Julio Meinvielle (1905-1973) était un théologien thomiste argentin, l'une des figures majeures, avec Hugo Wast, de l'antisémitisme catholique en Argentine au XXe siècle[1]. Il influença fortement l'armée argentine, et fut le conseiller du Mouvement nationaliste tacuara et de la Guardia Restauradora Nacionalista[1].

Sommaire

Parcours et idées

Après un doctorat de théologie et de philosophie à Rome, il fut ordonné prêtre en 1930, étant à la tête d'une paroisse dans le quartier de Versalles à Buenos Aires. Il enseigne à partir de 1932 aux Cursos de Cultura Católica, où il commence à entrer en contact avec les militaires; les Cours sont décrits par Rafael Pividal, un proche de Jacques Maritain, comme « un repaire de fascistes »[2]. En 1937, Meinvielle fonde l'Unión Scouts Católicos Argentinos (es) (USCA) afin de rivaliser avec le mouvement de scouts laïque, dont il devint le premier secrétaire.

Ecrivant dans la presse d'extrême-droite (Balcón, Cristal, Sol y Luna) quand il n'est pas chargé de la publier (Critero), il s'illustra en menant la campagne contre Jacques Maritain suite à son voyage en Argentine en 1936, l'accusant, lui et Lammenais, Marc Sangnier et Le Sillon, d'être des ennemis de la foi en raison de leur « libéralisme ». Il publia ainsi De Lammenais à Maritain (1945), qui fut amené au consistoire à Rome par le secrétaire du cardinal Caggiano[3] - l'ambassadeur de France parlant alors de « toute une propagande »[3]-, puis traduit en français par Jean Ousset et publié aux éditions de la Cité catholique en 1956[1],[4],[5]. C'est lors de cette polémique qu'il rencontre les pères Réginald Garrigou-Lagrange et Marcel De Corte[1], deux néo-thomistes fortement anti-modernistes.

Meinvielle applaudit à la montée des fascismes en Europe[6], tout comme il applaudit le coup d'État de 1930 dirigé par José Félix Uriburu[1], qui initia la « Décennie infâme ». Il considérait alors l'armée comme « sauveur de la nation »[1], thèses explicitées dans La Concepción católica de la política (1936), qui devint rapidement un classique de l'enseignement militaire, et demeure au programme des écoles militaires argentines en 2010[1]...

Il soutenait fortement le franquisme (Que saldra de la Espana que sangra, ed. Jovenes de la Acción Católica Argentina (es), 1937), considérant Maritain comme faisant le jeu des « rouges en Espagne », et fut influencé en retour par le national-catholicisme[1].

Meinvielle était un théoricien d'un antisémitisme radical[1], qui considérait capitalisme et communisme comme deux faces d'un même « complot juif », tandis qu'il perpétuait les accusations mythiques concernant les soi-disant rituels de sang perpétrés par les juifs[7]. S'inspirant, entre autres, de certaines thèses fortement colorées de Werner Sombart, il critiquait l'usure, attribuée, bien entendu, aux juifs, et voulait refonder le capitalisme sur des bases catholiques[7].

Après la Seconde Guerre mondiale, il accusa le péronisme de préparer la voie au communisme[1], en raison de sa politique sociale (« Las dos Argentinas » in Politica argentina, 1949-1956, Trafac, 1956). Il comparait ainsi le général Perón à Kerenski ou Alcalá-Zamora[1].

Il est mort d'un accident de circulation avenida 9 de julio.

Influence

Meinvielle est la figure centrale du national-catholicisme et de l'antisémitisme en Argentine, influençant générations après générations, et exerçant une attraction officielle dans les milieux militaires[1], qui explique en partie la teneur idéologique des dictatures successives (en particulier de la « Révolution argentine », 1966-73, et la dernière qui s'engagea dans la « guerre sale »)[1].

Il influença fortement les idées de Jordán Bruno Genta[8], ainsi que, dans une moindre mesure, Mario Amadeo (en), Alberto Baldrich (en) et Samuel Medrano[9].

Dans les années 1990, le colonel carapintada (extrême-droite putschiste) Mohamed Alí Seineldín (en) se revendiqua de Meinvielle[10].

Le diplomate Máximo Etchecopar (en) avait écrit dans son journal, Balcón, lors de sa formation[11].

Bibliographie

  • El comunismo en la revolución anticristiana
  • Prólogo y comentarios a la Carta Encíclica Pacem in Terris
  • Concepción católica de la economía
  • Concepción católica de la política, 1936
  • Discurso del Padre Julio Meinvielle en la Sociedad Rural
  • Entre la Iglesia y el Tercer Reich
  • Iglesia y Mundo Moderno
  • De Lamennais a Maritain, Buenos-Aires, Ediciones Nuestro Tiempo, 1945 (traduit en 1946 par la Cité catholique; rééd. De Lamennais à Maritain : du mythe du progrès à l'utopie de la « nouvelle chrétienté », Bouère, D. M. Morin, 2001)
  • Correspondance avec le R.P. Larrigou-Lagrange à propos de Lamennais et Maritain, Buenos Aires, 1947
  • Respuestas a dos cartas de Maritain al R.P. Larrigou-Lagrange, con el texto de las mismas, Buenos Aires, 1948
  • Crítica de la concepción de Maritain sobre la persona humana
  • El judío en el misterio de la historia, Buenos Aires, Ediciones Theoría, 1936 (Le Judaïsme dans le mystère de l'histoire, Villegenon, Éditions Sainte-Jeanne d'Arc, 1983)
  • Que Saldrá de la España que Sangra, ed. Jovenes de la Acción Católica Argentina, 1937
  • En torno al progresismo cristiano
  • Das Judentum im Geheimnis der Geschichte
  • La libertad religiosa

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l et m Mario Ranalletti (2010), « Aux origines du terrorisme d'Etat en Argentine », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, n°105, janvier-mars 2010, p.45-57
  2. Olivier Compagnon, « Avril 1947 : la « Déclaration de Montevideo ». Le projet démocrate-chrétien en Amérique latine », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, BAC - Biblioteca de Autores del Centro, 2005, mis en ligne le 14 février 2005.
  3. a et b Charles Andras, Bernard Hubert (1996), Jacques Maritain en Europe: la réception de sa pensée, p.44
  4. Darrell Jodock, Catholicism contending with modernity, 2000, p. 331
  5. William T. Cavanaugh, Torture and Eucharist, 1998, p. 155
  6. Sandra McGee Deutsch, Las Derechas, 1999, p. 226
  7. a et b Sandra McGee Deutsch, Las Derechas, 1999, p. 225
  8. Graciela Ben-Dror, The Catholic Church and the Jews, 2009, p. 57
  9. Graciela Ben-Dror, The Catholic Church and the Jews, 2009, p. 94
  10. Graciela Ben-Dror, The Catholic Church and the Jews, 2009, p. 58
  11. Philip Rees, Biographical Dictionary of the Extreme Right Since 1890, 1990, p. 118

Voir aussi

Articles connexes


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Julio Meinvielle de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужно сделать НИР?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Julio Meinvielle — Julio Ramón Meinvielle Nacimiento 31 de agosto de 1905 Buenos Aires …   Wikipedia Español

  • Julio Meinvielle — (* 31. August 1905 in Buenos Aires; † 2. August 1973) war ein nationalistisch katholischer Priester und argentinischer Schriftsteller. Als eine Leitfigur des katholischen Nationalismus verkörperte Pater Julio Meinvielle nach Uki Goñi eine… …   Deutsch Wikipedia

  • Meinvielle — Julio Meinvielle (* 31. August 1905 in Buenos Aires; † 2. August 1973) war ein nationalistisch katholischer Priester und argentinischer Schriftsteller. Als eine Leitfigur des katholischen Nationalismus verkörperte Pater Julio Meinvielle nach Uki… …   Deutsch Wikipedia

  • Unión Scouts Católicos Argentinos — Datos Organización Locación Argentina País Argentina Fundado …   Wikipedia Español

  • Escultismo Católico en Argentina — Saltar a navegación, búsqueda Escultismo Católico en Argentina Datos Organización Locación Argentina País Argentina Fundado 7 de abril de 1937 …   Wikipedia Español

  • Historia del catolicismo en Argentina — Este artículo se refiere a la historia de la Iglesia católica en Argentina. Contenido 1 La Iglesia en la Colonia 2 La Independencia 3 Rosas 4 La Confederación y Mitre …   Wikipedia Español

  • Juan Manuel Abal Medina (padre) — Juan Manuel Abal Medina Nombre Juan Manuel Abal Medina …   Wikipedia Español

  • Carlos Alberto Sacheri — Saltar a navegación, búsqueda Carlos Alberto Sacheri Nacimiento 22 de octubre de 1933 Buenos Aires …   Wikipedia Español

  • Argentinische Schriftsteller — A César Aira (* 1949) Juan Bautista Alberdi (1810–1884) Olegario Víctor Andrade (1839–1882) Abelardo Arias (1918–1991) Roberto Arlt (1900–1942) Hilario Ascasubi (1807–1875) B Enrique Banchs (1888–1968) Alfredo Bauer (* 1924) Leónidas Barletta… …   Deutsch Wikipedia

  • Argentinischer Schriftsteller — A César Aira (* 1949) Juan Bautista Alberdi (1810–1884) Olegario Víctor Andrade (1839–1882) Abelardo Arias (1918–1991) Roberto Arlt (1900–1942) Hilario Ascasubi (1807–1875) B Enrique Banchs (1888–1968) Alfredo Bauer (* 1924) Leónidas Barletta… …   Deutsch Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”